Neutralité du service public : la maire n’a pas le droit de hisser le drapeau palestinien sur la façade de la mairie
Par Frank ZERDOUMI, juriste (Green Law Avocats)
En droit administratif, le principe de neutralité des services publics, considéré le plus souvent comme le négatif du principe d’égalité, a été affirmé par la doctrine plus que par la jurisprudence qui n’en a fait guère mention directement, avec l’exception notable de la décision du Conseil constitutionnel du 18 septembre 1986 qui, à propos du service public de l’audiovisuel, l’a qualifié de corollaire du principe d’égalité (Conseil constitutionnel, 18 septembre 1986, Loi relative à la liberté de communication, décision n° 86-217 DC ).
Le 18 septembre 2025, la maire de Bezons a produit un communiqué sur un réseau social révélant sa décision d’apposer un drapeau palestinien sur le fronton de l’hôtel de ville.
Le 19 septembre 2025, le Préfet du Val d’Oise a, par déféré, demandé au juge des référés de suspendre la décision de la maire d’apposer un drapeau palestinien sur le fronton de l’hôtel de ville et, dans l’hypothèse où ce drapeau aurait déjà été installé, de procéder à son retrait. Les arguments mis en exergue par le Préfet étaient au nombre de quatre.
D’abord, la requête est recevable, dans la mesure où elle est dirigée contre un acte décisoire révélé notamment par un communiqué du 18 septembre 2025, susceptible de donner lieu à la suspension de son exécution. Ensuite, la maire de Bezons est incompétente pour prendre cette décision, car elle a méconnu les articles L. 2121-29, L. 2122-18 et L. 2122-21 du Code général des collectivités territoriales.
Également, cette décision a été prise en dehors de tout cadre légal et a porté une atteinte grave et manifeste au principe constitutionnel de neutralité des services publics. Enfin, elle ne répond à aucun intérêt public local identifié, et est de nature à porter atteinte à l’ordre public.
La maire de la commune de Bezons peut-elle apposer un drapeau palestinien sur le fronton de l’hôtel de ville ?
Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a répondu à cette question par la négative, enjoignant à la mairie de Bezons de retirer le drapeau palestinien de sa façade (décision commentée : TA Cergy-Pontoise, 20 septembre 2025, n° 2516938 ).
D’une part, l’article L. 2131-6 alinéa 1er du Code général des collectivités territoriales dispose que :
« Le représentant de l’État dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l’article L. 2131-2 qu’il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. ».
D’autre part, l’alinéa 5 de ce même article dispose que :
« Lorsque l’acte attaqué est de nature à compromettre l’exercice d’une liberté publique ou individuelle, ou à porter gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics, le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué à cet effet en prononce la suspension dans les quarante-huit heures. La décision relative à la suspension est susceptible d’appel devant le Conseil d’État dans la quinzaine de la notification. En ce cas, le président de la section du contentieux du Conseil d’État ou un conseiller d’État délégué à cet effet statue dans un délai de quarante-huit heures. ».
Fort de ces dispositions, le Tribunal administratif a d’abord mis en perspective le principe de neutralité avec l’apposition du drapeau sur l’édifice public :
« Le principe de neutralité des services publics s’oppose à ce que soient apposés sur les édifices publics des signes symbolisant la revendication d’opinions politiques, religieuses ou philosophiques » (décision commentée : TA Cergy-Pontoise, 20 septembre 2025, n° 2516938, point 4 ).
La question était donc de savoir si la maire de Bezons a exprimé une position politique. Réponse affirmative du juge :
« Ainsi qu’il a été dit, la maire de la commune de Bezons a décidé le 18 septembre 2025 de pavoiser le fronton de l’hôtel de ville d’un drapeau palestinien. À cet égard, et contrairement aux allégations de la commune de Bezons, le préfet du Val d’Oise est fondé à soutenir que la maire de la commune de Bezons a ainsi entendu exprimer une position de nature politique, contraire au principe de neutralité, lequel s’oppose à ce qu’une telle prise de position puisse s’exprimer de la sorte sur un bâtiment public » (décision commentée : TA Cergy-Pontoise, 20 septembre 2025, n° 2516938, point 5 ).
La conclusion du Tribunal a donc été la suivante :
« Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu, d’une part, de suspendre la décision du 18 septembre 2025 de la maire de la commune de Bezons de pavoiser le parvis de l’hôtel de ville d’un drapeau palestinien et, d’autre part, d’enjoindre à la commune de Bezons, dans l’hypothèse où ce drapeau aurait déjà été installé sur le fronton de l’hôtel de ville ou tout autre bâtiment de la commune, de procéder sans délai au retrait de ce drapeau, sans qu’il y ait lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte » (décision commentée : TA Cergy-Pontoise, 20 septembre 2025, n° 2516938, point 6 ).
Malgré l’interdiction du ministère de l’Intérieur, 52 mairies ont hissé le drapeau palestinien pour marquer la future reconnaissance officielle de la Palestine.
À partir de l’étude du régime britannique, Montesquieu est parti du postulat selon lequel tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser pour aboutir à un Gouvernement modéré.
Cette ordonnance, d’un point de vue strictement juridique, soulève aussi des problématiques liées à l’autonomie des collectivités et à la décentralisation.
Besoin d’un avocat sur le sujet, contactez :


