Le casino, bien de retour : le rouge perd encore !

Le casino, bien de retour : le rouge perd encore !

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Par Maître David DEHARBE, avocat gérant et Frank ZERDOUMI, juriste (Green Law Avocats) 

Afin de déterminer si les biens utilisés dans le cadre d’un contrat de concession appartiennent au domaine public, il convient de déterminer qui est leur propriétaire. Pour les biens propres du concessionnaire, il n’y a pas de difficulté : ces biens demeurent sa propriété en fin de contrat. En revanche, des hésitations sont permises pour ce qu’on appelle les biens de retour et les biens de reprise : les biens de retour sont les biens qui résultent d’investissements du concessionnaire et sont nécessaires au fonctionnement du service public. Quant aux biens de reprise, ce sont les biens qui ne sont pas remis au concessionnaire par l’Autorité concédante de droit public et qui ne sont pas indispensables au fonctionnement du service public.

En 1997, la commune de Berck-sur-Mer a cédé son ancienne gare routière à la société Groupe Partouche afin qu’elle soit transformée en un bâtiment ayant vocation à accueillir un casino.

C’est la société Jean Metz qui s’est alors vue attribuer par la commune la concession relative à l’exploitation de son casino et des services associés, étant précisé que la société Groupe Partouche détenait alors 99 % des parts avant d’en devenir l’unique actionnaire en 2004.

À l’époque, la société Jean Metz a conclu avec la société Groupe Partouche un bail commercial tacitement reconduit, dont les stipulations prévoient expressément que l’activité exercée dans le bâtiment est l’exploitation d’un casino et des services associés : la société Groupe Partouche est donc propriétaire du bâtiment abritant le casino et le loue à la société Jean Metz, dont elle détient l’intégralité du capital.

Le 30 septembre 2005, la concession a, par contrat, été renouvelée au profit de la société Jean Metz.

Le 9 décembre 2024, par un avis d’appel public à la concurrence, la commune de Berck-sur-Mer a lancé une consultation en vue du renouvellement de cette concession.

Le 3 mars 2025, dans le cadre d’un référé précontractuel, la société du Grand Casino de Dinant a saisi le Tribunal administratif de Lille afin d’obtenir l’annulation de cette procédure.

Le 25 mars 2025, le juge du référé précontractuel a fait droit à cette demande et a annulé la procédure de passation de concession de service public engagée par la commune de Berck-sur-Mer pour la gestion et l’exploitation de son casino.

Le 9 avril 2025, la commune de Berck-sur-Mer s’est pourvue en cassation contre cette ordonnance devant le Conseil d’État, afin d’obtenir son annulation.

Les propriétés d’un tiers peuvent-elles constituer des biens de retour ?

Le Conseil d’État a répondu à cette question par l’affirmative, admettant ainsi des exceptions au principe selon lequel les règles relatives aux biens de retour ne trouvaient pas à s’appliquer aux biens qui étaient la propriété d’un tiers au contrat de concession, quand bien même ils étaient affectés au fonctionnement du service public et nécessaires à celui-ci (décision commentée : CE, 17 juillet 2025, n° 503317 ).

L’article L. 551-1 du Code de justice administrative prévoit que :

« Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, la délégation d’un service public ou la sélection d’un actionnaire opérateur économique d’une société d’économie mixte à opération unique.

Il peut également être saisi en cas de manquement aux mêmes obligations auxquelles sont soumises, en application de l’article L. 521-20 du code de l’énergie, la sélection de l’actionnaire opérateur d’une société d’économie mixte hydroélectrique et la désignation de l’attributaire de la concession.

Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ».

Dans cette décision, le Conseil d’État a, dans un premier temps, énoncé les règles applicables en la matière, avant d’admettre des exceptions :

« Si les règles énoncées ci-dessus ne trouvent pas à s’appliquer aux biens qui sont la propriété d’un tiers au contrat de concession, quand bien même ils seraient affectés au fonctionnement du service public et nécessaires à celui-ci, il en va différemment dans le cas où, d’une part, il existe des liens étroits entre les actionnaires ou les dirigeants du propriétaire du bien et du concessionnaire, lesquels permettent de regarder l’un comme exerçant une influence décisive à la fois sur les objectifs stratégiques et sur les décisions importantes de l’autre ou de regarder l’un et l’autre comme étant placé sous le contrôle d’une même entreprise tierce et, d’autre part, le bien, exclusivement destiné à l’exécution du contrat de concession, a été mis par son propriétaire à la disposition du concessionnaire pour cette exécution. Dans un tel cas, le propriétaire du bien doit être regardé comme ayant consenti à ce que l’affectation du bien au fonctionnement du service public emporte son transfert dans le patrimoine de la personne publique, dans les conditions précédemment énoncées » (décision commentée : CE, 17 juillet 2025, n° 503317, point 9 ).

Dans un second temps, il a confirmé la bonne application des principes par le juge des référés :

« Il ressort des énonciations, non contestées sur ce point, de l’ordonnance attaquée que le bâtiment abritant actuellement le casino est la propriété de la société Groupe Partouche, qui l’a acquis auprès de la commune en vue de l’aménager pour pouvoir exploiter le futur casino et qui le loue à la société Jean Metz, dont elle détient l’intégralité du capital, par l’effet d’un bail commercial dont les stipulations prévoient expressément que l’activité exercée dans le bâtiment est l’exploitation d’un casino et des services associés. Dans ces conditions, en retenant que la circonstance que le bâtiment du casino n’était pas la propriété du concessionnaire ne faisait pas obstacle à ce qu’il fasse retour à la commune au terme de la convention, le juge des référés n’a pas méconnu les principes énoncés aux points précédents » (CE, 17 juillet 2025, n° 503317, point 10 ).

Ainsi, le Conseil d’État a étendu, dans certaines conditions, la notion de biens de retour aux propriétés d’un tiers au contrat de concession.

Pour mémoire la Cour administrative d’appel de Douai avait déjà que les casinos constituent des biens de retour quand bien même une convention d’occupation du domaine public a été en conclue en parallèle de la délégation de service publique (voir notre commentaire sur CAA Douai, 2 avril 2025, n° 21DA02161 ).

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