Refus de titularisation : insuffisance professionnelle d’un policier municipal stagiaire

Refus de titularisation : insuffisance professionnelle d’un policier municipal stagiaire

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Par Frank ZERDOUMI, juriste (Green Law Avocats)

« Les personnes recrutées au sein de la fonction publique à la suite de l’une des procédures de recrutement par concours, de recrutement sans concours ou de changement de corps ou de cadres d’emplois accomplissent une période probatoire dénommée stage comprenant, le cas échéant, une période de formation lorsque le statut particulier du corps ou du cadre d’emplois le prévoit. ».

Pour refuser de titulariser un agent public stagiaire, l’administration se fonde sur son aptitude à exercer les fonctions, sur sa manière de servir et cette décision est prise  en considération de sa personne :

« Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l’appréciation portée par l’autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne. » (CE, 24 février 2020, n° 421291, point 4 ).

A l’occasion d’un contentieux de refus de titularisation d’un gardien brigadier stagiaire de la police municipale, le tribunal administratif de Lille a eu l’occasion de contrôler l’appréciation des aptitudes de l’agent à exercer ses fonctions (décision commentée : TA Lille, 3 juin 2025, n° 2304491 ).

À compter du 1er janvier 2022, le sieur A est nommé gardien brigadier stagiaire de police municipale pour une durée d’un an, par arrêté du maire de Lys-lez-Lannoy du 31 décembre 2021. Durant son stage, il rencontre de nombreuses difficultés à l’occasion de l’utilisation du matériel informatique mis à sa disposition, notamment le logiciel de gestion du temps de travail et le logiciel mis en service à l’automne 2022 et utilisé pour la rédaction des mains courantes ou des rapports de mission journaliers, malgré la formation complémentaire dont il a bénéficié de la part de son agent référent.

Le 28 mars 2023, après presque six mois d’utilisation de ce logiciel, l’adjoint au chef de poste faisait encore état des difficultés du requérant en la matière.

De plus, malgré les instructions rappelant la nécessité de communiquer par messagerie électronique, l’intéressé a toujours privilégié les échanges oraux ou par SMS.

Également, Monsieur A n’a pas rendu compte à sa hiérarchie ou à son tuteur du suivi de sa formation juridique, notamment de la validation de ce module, alors qu’il a disposé pour ce faire d’un délai raisonnable. Il s’est aussi abstenu de transmettre le rapport de la formation initiale d’application qui lui était demandé, en fournissant pour chacun de ces oublis des prétextes peu convaincants.

Par ailleurs, le brigadier stagiaire a, de façon réitérée, pris ses fonctions avec un retard pouvant aller jusqu’à cinquante minutes.

En outre, à son arrivée au poste de police, le temps de préparation de Monsieur A retardait régulièrement le départ de la patrouille : de tels retards ont été la source de dysfonctionnements au sein du service et de tensions avec ses collègues.

Plus de trois mois après le début de ses fonctions, le requérant a fait l’objet de trois rappels à l’ordre : d’abord, il n’a pas porté son gilet pare-balles, ensuite, il a adopté un ton et une attitude inadaptés à l’égard de son tuteur en vue d’obtenir la signature de conventions de stage, enfin, dans le cadre d’une patrouille dans un contexte urbain sensible, il a pris une initiative inappropriée à l’égard d’un groupe de personnes défavorablement connues des services de police en ne rejoignant pas le véhicule de patrouille, alors que son binôme le lui demandait.

Enfin et surtout, le 19 octobre 2022, l’intéressé a perturbé le début d’une formation sur la prévention de la radicalisation par une plaisanterie manifestement discutable, en arrivant dix minutes en retard, revêtu d’une djellaba blanche et en s’exprimant avec un accent arabe prononcé pour faire rire ses camarades.

Le 1er avril 2023, le maire de Lys-lez-Lannoy a donc pris un arrêté mettant fin à son stage et le radiant des cadres à compter du 1er mai 2023.

Le 17 mai 2023, Monsieur A saisit le juge des référés du Tribunal administratif de Lille d’un référé suspension afin d’obtenir la suspension de cet arrêté et le réexamen de sa situation par le maire, en lui accordant une prolongation de stage.

Le 27 juin 2023, le juge des référés a rendu une ordonnance par laquelle il a suspendu l’exécution de l’arrêté contesté et a enjoint au maire de réexaminer la situation du requérant.

Le 7 juillet 2023, après avoir réexaminé la situation comme exigé par l’ordonnance, le maire a pris un nouvel arrêté, identique au premier, décalant la date de radiation au 8 juillet 2023.

Le 28 juillet 2023, Monsieur A saisit donc à nouveau le Tribunal administratif de Lille, afin d’obtenir l’annulation de ce nouvel arrêté et le réexamen de sa situation par le maire.

La décision de mettre fin au stage de Monsieur A et de le radier des cadres est-elle légale ?

Le Tribunal administratif de Lille a répondu à cette question par l’affirmative, en considérant notamment que son comportement dans le cadre d’une formation sur la prévention de la radicalisation révélait un défaut de positionnement caractérisé dans son milieu professionnel au regard des fonctions qu’il avait vocation à occuper.

En premier lieu, le tribunal rappelle son office dans le contrôle de la légalité du refus de titularisation :

« Pour apprécier la légalité d’une décision de refus de titularisation, il incombe au juge de vérifier qu’elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu’elle n’est entachée ni d’erreur de droit, ni d’erreur manifeste dans l’appréciation de l’insuffisance professionnelle de l’intéressé, qu’elle ne revêt pas le caractère d’une sanction disciplinaire et n’est entachée d’aucun détournement de pouvoir. » (décision commentée : TA Lille, 3 juin 2025, n° 2304491, point 14 ).

Tout en contrôlant de manière classique l’erreur de droit et de fait ainsi que le détournement, le juge vérifie si la décision se fonde sur une insuffisance professionnelle de l’agent et si elle ne constitue pas une sanction disciplinaire déguisée (CE, 12 février 2025, n° 494075, point 5 ).

En l’occurrence, le tribunal a retenu l’absence d’erreur manifeste d’appréciation du maire au vu de l’insuffisance professionnelle de l’agent :

« Si, en revanche, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’au vu des rapports qu’il a produits, de sa lettre de motivation ou compte tenu de sa réussite aux épreuves écrites du concours, il pouvait être également retenu dans l’appréciation défavorable de son stage, un motif tiré de ses faibles qualités rédactionnelles, il résulte néanmoins de tout ce qui précède qu’en estimant que les insuffisances techniques de M. A, son positionnement inadapté adopté tant à l’égard de ses collègues que de sa hiérarchie, et ses nombreux écarts constatés par rapport aux instructions reçues et règlements, révélaient une insuffisance professionnelle dans l’exercice des fonctions de policier municipal faisant obstacle à sa titularisation, le maire de Lys-lez-Lannoy n’a pas, en décidant de radier l’intéressé des effectifs de la commune par son arrêté du 1er avril 2023, commis d’erreur manifeste d’appréciation » (décision commentée : TA Lille, 3 juin 2025, n° 2304491, point 14 ).

Plus précisément, les juges du fonds se sont fondés sur son positionnement inadaptée envers ses collègues et sa hiérarchies, sur ses insuffisances techniques ainsi que sur ses écarts par rapport aux instructions et règlements  (décision commentée : TA Lille, 3 juin 2025, n° 2304491, points 9 à 13 ).

Le savoir-être est, depuis quelques années, très important au sein de la fonction publique territoriale, et ce d’autant plus quand l’agent fait preuve d’insuffisance professionnelle.

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