Fonction publique : les autorisations d’absence ne sont pas un droit

Fonction publique : les autorisations d’absence ne sont pas un droit

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Par Frank ZERDOUMI, juriste (Green Law Avocats)

À l’occasion de certains événements familiaux, des autorisations spéciales d’absence peuvent être accordées aux agents publics sans entrer en compte dans le calcul des congés annuels. Les mêmes autorisations sont accordées aux représentants dûment mandatés des syndicats pour assister aux congrès professionnels syndicaux, aux membres des commissions administratives paritaires, aux fonctionnaires en lien avec la parentalité, sous réserve des nécessités de service.

Ainsi, l’article L. 622-1 du Code général de la fonction publique dispose que :

« Les agents publics bénéficient d’autorisations spéciales d’absence liées à la parentalité, notamment les autorisations d’absence prévues à l’article L. 1225-16 du code du travail, et à l’occasion de certains événements familiaux. Ces autorisations spéciales d’absence sont sans effet sur la constitution des droits à congés annuels et ne diminuent pas le nombre des jours de congés annuels. ».

Le 2 avril 2013, la dame A, Adjointe administrative, a intégré les services de la commune du Lauzet-Ubaye, située dans le Département des Alpes de Haute Provence en Région Provence Alpes Côte d’Azur.

Le 19 et le 22 juillet 2021, elle s’est absentée afin de passer des examens médicaux.

Le 20 juillet 2021, la maire de la commune lui a demandé par courriel de lui transmettre les demandes d’autorisations correspondant à ces absences (passée et à venir).

La requérante a répondu à ce courriel en écrivant qu’elle n’avait pas à faire signer des demandes d’autorisation d’absence.

Le 16 août 2021, la maire du Lauzet-Ubaye lui a infligé la sanction disciplinaire d’avertissement. Pour ce faire, elle a reproché à l’agente de ne pas lui avoir transmis, comme elle le lui avait expressément demandé, lesdites demandes, manquant ainsi à son obligation d’obéissance hiérarchique.

L’agente a saisi le Tribunal administratif de Marseille afin d’obtenir l’annulation de la sanction.

Le 8 février 2024, la magistrate désignée par le Président du Tribunal a, par jugement, rejeté sa demande.

Le 6 mars 2024, Madame A saisit la Cour administrative d’appel de Marseille afin d’obtenir l’annulation de ce jugement, ainsi que l’annulation de la décision de la maire.

La décision de sanction de la maire est-elle légale ?

La Cour administrative d’appel de Marseille a répondu à cette question par l’affirmative, rappelant ainsi l’obligation d’obéissance hiérarchique et ses conséquences (décision commentée : CAA Marseille, 11 juin 2025, n° 24MA00550 ).

S’appuyant sur une jurisprudence constante de la Haute juridiction (CE, 13 novembre 2013, n° 347704, considérant 5 ), la Cour rappelle que le juge de l’excès de pouvoir exerce un contrôle entier sur la proportion entre la gravité de la sanction disciplinaire et celle de la faute :

« Il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. » (décision commentée : CAA Marseille, 11 juin 2025, n° 24MA00550, point 2 ).

« Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public.

Il n’est dégagé d’aucune des responsabilités qui lui incombent par la responsabilité propre de ses subordonnés. ».

Conformément à cet article, la Cour a mis en perspective les circonstances du conflit avec l’obligation de l’agente :

« En l’espèce, pour infliger à Mme A, par sa décision contestée du 16 août 2021, la sanction disciplinaire d’avertissement, la maire du Lauzet-Ubaye lui a reproché de ne pas lui avoir transmis, comme elle le lui avait pourtant expressément demandé par un courriel daté du 20 juillet 2021, des demandes d’autorisations d’absence pour le lundi 19 juillet 2021 et le jeudi 22 juillet 2021, journées au cours desquelles elle s’était absentée afin de passer des examens médicaux, et d’avoir ainsi manqué à son obligation hiérarchique résultant des dispositions précitées de l’article 28 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Il ressort effectivement des pièces du dossier que l’appelante a répondu à ce courriel de la maire en écrivant qu’elle n’avait pas à faire signer des demandes d’autorisation d’absence. Nonobstant la circonstance qu’elle a transmis des justificatifs pour ses deux journées d’absence, le refus d’obéissance de Mme A est ainsi matériellement établi. Alors que les autorisations d’absence, y compris pour se rendre à une consultation médicale, ne constituent pas un droit pour les agents publics, Mme A, qui, au demeurant, ne pouvait pas s’exonérer de l’ordre direct qui lui avait ainsi été donné par la maire en se bornant à se prévaloir d’un avis du centre de gestion n’établit, ni même n’allègue que cet ordre était manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. Par suite, l’appelante n’est pas fondée à soutenir que la maire du Lauzet-Ubaye aurait commis une erreur dans la qualification juridique des faits en retenant à son encontre la faute disciplinaire résultant de la méconnaissance des dispositions rappelées ci-dessus au point 4 du présent arrêt, de nature à justifier une sanction disciplinaire, en l’occurrence, un avertissement, lequel est la plus faible des sanctions prévues par les dispositions de l’article 89 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 et dont l’infliction n’est au demeurant pas entachée de disproportion. Par conséquent, ce moyen doit être écarté » (décision commentée : CAA Marseille, 11 juin 2025, n° 24MA00550, point 5 ).

Tout en soulignant que  les autorisations d’absence ne constituent pas un droit pour les agents publics, les juges du fond considèrent que la sanction est proportionnée en ce qu’elles n’ont pas été transmises au maire et que la requérante s’est prévalue d’un avis du centre de gestion et de simples justificatifs.

Au-delà de la volonté de l’agente d’aller au contentieux et en appel pour un simple avertissement, force est de constater qu’il eut été préférable de maîtriser les droits et obligations des fonctionnaires avant de refuser d’obéir à un ordre, somme toute assez légitime.

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