Le cumul d’activités, la manière de servir et les devoirs du fonctionnaire

Le cumul d’activités, la manière de servir et les devoirs du fonctionnaire

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Par Frank ZERDOUMI, juriste (Green Law Avocats)

Comme l’a précisé le Conseil d’État dans son arrêt n°78190 du 28 octobre 1970, Delalande, les agents publics doivent consacrer personnellement l’intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur ont été confiées.

À titre professionnel, en principe, ils ne peuvent exercer une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, conformément à l’article L. 123-1 du Code général de la fonction publique, qui dispose que :

« L’agent public ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit sous réserve des dispositions des articles L. 123-2 à L. 123-8.

Il est interdit à l’agent public :

1° De créer ou de reprendre une entreprise immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou au registre national des entreprises en tant qu’entreprise du secteur des métiers et de l’artisanat ou affiliée au régime prévu à l’article L. 613-7 du code de la sécurité sociale ;

2° De participer aux organes de direction de sociétés ou d’associations à but lucratif ;

3° De donner des consultations, de procéder à des expertises ou de plaider en justice dans les litiges intéressant toute personne publique, le cas échéant devant une juridiction étrangère ou internationale, sauf si cette prestation s’exerce au profit d’une personne publique ne relevant pas du secteur concurrentiel ;

4° De prendre ou de détenir, directement ou par personnes interposées, dans une entreprise soumise au contrôle de l’administration à laquelle il appartient ou en relation avec cette dernière, des intérêts de nature à compromettre son indépendance ;

5° De cumuler un emploi permanent à temps complet avec un ou plusieurs autres emplois permanents à temps complet. »

À la lecture de cet article, on comprend heureusement qu’il y a des exceptions, et que les règles en matière de cumul ont été assouplies.

Le 7 novembre 2019, M. C a été recruté par contrat comme adjoint administratif occupant des fonctions de coordinateur des maisons du bel âge au sein de la Direction des personnes handicapées et des personnes du bel âge au Département des Bouches-du-Rhône.

Le 7 novembre 2021, M. C a été titularisé.

Le 22 septembre 2022, le Président du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône lui a, par arrêté, infligé une sanction d’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans à compter du 10 octobre 2022.

Le 6 octobre 2022, M. C a saisi le Tribunal administratif de Marseille afin d’obtenir l’annulation de cet arrêté, ainsi que sa réintégration dans ses fonctions.

Le 22 novembre 2022, l’Administration a retiré sa décision, remplacée par un arrêté d’exclusion temporaire de fonctions pour une durée d’un an à compter du 12 décembre 2022, mais M. C a maintenu ses conclusions à fin d’annulation de la décision du 22 septembre 2022.

Le 1er décembre 2022, M. C a, de nouveau, saisi le Tribunal administratif de Marseille, afin d’obtenir l’annulation de l’arrêté du 22 novembre 2022, ainsi que, toujours, sa réintégration dans ses fonctions.

M. C demandait donc l’annulation de ces deux arrêtés, qui lui infligeaient des sanctions d’exclusion temporaire de fonctions.

Les arrêtés du 22 septembre 2022 et du 22 novembre 2022 étaient-ils légaux ? Les sanctions étaient-elles proportionnées ?

En ce qui concerne l’arrêté du 22 septembre 2022, dans la mesure où cette décision a été retirée par l’Administration, il n’y a pas lieu de statuer.

Quant à l’arrêté du 22 novembre 2022, il est, selon le Tribunal, justifié, et la sanction est proportionnée (décision commentée disponible sur Doctrine :TA Marseille, 28 novembre 2024, n° 2208356).

Après avoir rappelé les termes de l’article L. 123-1 du Code général de la fonction publique, le Tribunal expose les raisons de la sanction :

« Pour fonder la sanction d’exclusion temporaire de fonction d’un an, la présidente du conseil départemental a retenu que le requérant a commis un manquement aux devoirs d’obéissance, de loyauté et de probité pour avoir continué à exercer une activité lucrative privée d’animation de soirées et d’organisation d’événements sous couvert d’une société commerciale dont il est l’unique associé dénommée « A Événement » en cumul avec son emploi public au-delà du 8 novembre 2021, date à laquelle il n’était plus autorisé à l’exercer par le département, de ne pas avoir régularisé sa situation au 21 avril 2022 par le seul transfert de la présidence de la société à son épouse alors qu’il restait le principal organisateur des événements proposés par la société et d’avoir proposé au département d’acheter des places pour le gala organisé le 21 mai 2022 en hommage à Charles Aznavour » (décision commentée et disponible sur Doctrine : TA Marseille, 28 novembre 2024, n° 2208356, point 11).

Le requérant n’a pas contesté le premier grief retenu, mais il a allégué que le cumul illégal d’activités dont il s’est rendu coupable, n’avait eu aucune conséquence sur sa manière de servir dans l’Administration.

C’est possible, mais pour le Tribunal cela n’a aucune incidence sur les manquements déontologiques aux devoirs de loyauté et de probité :

« Si M. C soutient avoir été de bonne foi, avoir eu une activité limitée entre le 8 novembre 2021 et le 21 avril 2022 et avoir poursuivi son activité pour rembourser un prêt et honorer des engagements pris avant la période d’état d’urgence sanitaire, ces circonstances sont sans incidence, pas plus que l’absence de conséquence de son activité privée sur sa manière de servir dans l’administration, sur les manquements que M. C ne pouvait ignorer avoir commis » (décision commentée et disponible sur Doctrine : TA Marseille, 28 novembre 2024, n° 2208356, point 13).

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