LES ZNIEFFs DEMEURENT UN INVENTAIRE SCIENTIFIQUE

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) La juridicité des ZNIEFF éclairée par l’affaire de Capo Rosso à Piana en Corse sont à l’image des méandres que l’on peut observer sur l’île de beauté. Par un arrêt du 3 juin dernier (Conseil d’État, 6ème – 5ème chambres réunies, 03/06/2020, 422182)  les juges du Palais Royal ont précisé le régime juridique de la Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF). Pour un petit rappel historique, les ZNIEFF sont issues d’un programme qui a vu le jour en 1982 grâce au ministère de l’environnement et gérées par le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN). Il existe deux types de zones : Les ZNIEFF de type I : espaces homogènes écologiquement, définis par la présence d’espèces, d’associations d’espèces ou d’habitats rares, remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel régional. Ce sont les zones les plus remarquables du territoire ; Les ZNIEFF de type II : espaces qui intègrent des ensembles naturels fonctionnels et paysagers, possédant une cohésion élevée et plus riches que les milieux alentours. En l’espèce, le maire de Piana avait demandé au Préfet de la Corse-du-Sud de déclasser 13 ha de cette ZNIEFF (de type I), demande qui fut rejetée. Après rejet du recours gracieux contre cette décision par le ministre de l’environnement, le Tribunal administratif de Bastia a annulé ces deux décisions et enjoint le réexamen de la demande de la commune dans un délai de six mois. Puis, la Cour administrative d’appel a annulé ce jugement. Portée devant le Conseil d’Etat, l’affaire a été tranchée par la Haute juridiction. Le Conseil d’Etat, de façon très pédagogique, a d’abord rappelé les dispositions relatives aux ZNIEFF applicables au litige, soit l’article L. 411-5 du code de l’environnement (aujourd’hui l’article L. 411-1 A du même code) : « L’inventaire du patrimoine naturel est institué pour l’ensemble du territoire national terrestre, fluvial et marin. On entend par inventaire du patrimoine naturel l’inventaire des richesses écologiques, faunistiques, floristiques, géologiques, minéralogiques et paléontologiques. / L’Etat en assure la conception, l’animation et l’évaluation. Les régions peuvent être associées à la conduite de cet inventaire dans le cadre de leurs compétences. En outre, les collectivités territoriales peuvent contribuer à la connaissance du patrimoine naturel par la réalisation d’inventaires locaux, ayant notamment pour objet de réunir les connaissances nécessaires à l’élaboration du schéma régional de cohérence écologique mentionné à l’article L. 371-3. / Le préfet de région, les préfets de départements et les autres collectivités territoriales concernées sont informés de ces élaborations. / Ces inventaires sont conduits sous la responsabilité scientifique du Muséum national d’histoire naturelle. / Lors de l’élaboration d’un plan, programme ou projet, le préfet communique à la commune ou à l’établissement public de coopération intercommunale compétent toutes informations contenues dans ces inventaires utiles à cette élaboration ».  Ensuite, le Conseil d’Etat a rappelé, conformément à sa jurisprudence, que les ZNIEFF « constituent un outil d’inventaire scientifique du patrimoine naturel permettant d’apprécier l’intérêt environnemental d’un secteur pour l’application de législations environnementales et urbanistiques mais sont, par eux-mêmes, dépourvus de portée juridique et d’effets » et « la constitution d’un inventaire en une zone n’est pas un acte faisant grief », tout comme son refus. Néanmoins cela n’empêche pas les ZNIEFF « d‘être contestées à l’occasion du recours formé contre une décision prise au titre de ces législations ». Les ZNIEFF ne restent donc, selon une jurisprudence constante (CE, 16 janvier 2008, Ministre d’Etat, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables c/ Association Manche Nature, n°292489 ; CE, 3 septembre 2009, Commune de Canet-en-Roussillon et Seran, n° 306298 et 306468 ; Conseil d’Etat, 20 mai 2011, Communauté d’agglomération du Bourget, n° 325552 ; CE, 22 mai 2012, Association de défense des propriétaires privés fonciers et autres et Association des habitants de Pibrac et des communes voisines pour la sauvegarde de l’environnement, n°333654 et 334103 aux Tables sur un autre point ; CE, 24 avril 2013, Comité de sauvegarde de Clarency-Valensole, n°352592, inédit), qu’un outil de connaissance scientifique dépourvu de portée juridique tel qu’il l’a été pensé à l’origine, qui pourtant doit être pris en compte lors des projets d’aménagement…

Biogaz: aperçu de jurisprudences intéressantes (recevabilité opposants, étude d’impact, avis de l’AE)

L’année 2018 et le début d’année 2019 ont donné lieu à plusieurs jurisprudences relatives aux unités de méthanisation. Une sélection des décisions obtenues par le cabinet ces derniers mois permet de constater l’importance de la qualité des dossiers initiaux, des réponses techniques apportées par le demandeur et illustrent un pragmatisme de la juridiction administrative. La connaissance des moyens de régularisation d’éventuelles vices participe à favoriser les chances de succès pour les projets de plus en plus souvent contestés. Le Tribunal administratif de Rennes a ainsi porté plusieurs appréciations intéressantes: Selon ses caractéristiques, une installation de méthanisation peut constituer une « installation agricole » et un « équipement collectif compatible avec l’exercice d’une activité agricole » (TA Rennes, 8 juin 2018, n°1602011, 1700566 – jurisprudence cabinet) La seule référence aux critères du code rural (intrants majoritairement d’origine agricole et détention majoritaire de la structure par un exploitant agricole) ne peut suffire à fonder le caractère agricole d’une installation de méthanisation (CE, 14 fév. 2007, n°282398 ; CAA Douai, 30 nov. 2017, n°15DA01317), mais constitue certes un sérieux indice, quoique non déterminant. Une analyse au cas par cas des caractéristiques de l’installation s’impose, dans le respect de l’indépendance des législations. Pour en savoir plus, le cabinet en détaille la portée ici. Comme les éoliennes ou les centrales solaires (CE, 13 juillet 2012, n°343306), les installations de méthanisation, dès lors que l’électricité ou le gaz qu’elles produisent est renouvelable et destiné à alimenter le réseau public de distribution, sont susceptibles d’être qualifiées d’équipements collectifs. Là encore, selon la rédaction des documents d’urbanisme, il reste à procéder à une analyse au cas par cas des caractéristiques de l’installation pour justifier de la compatibilité de l’installation avec l’exercice de l’activité agricole. ****************************** D’autres décisions rendues par les juges du fond et le Conseil en matière de méthanisation, se sont prononcées sur : l’indépendance de l’autorité environnementale, après une analyse pragmatique du juge administratif. l’appréciation du risque hydraulique, en particulier des eaux pluviales chargées. la recevabilité de tiers riverains à 400 mètres, qui a été refusée au regard de la configuration des lieux et des dispositions prises en process; la recevabilité d’une entreprise exerçant une activité sur la parcelle voisine et alléguant de risques. Sa recevabilité a été rejetée par le Tribunal, les risques allégués n’étant pas constitués au regard de la nature des activités exercées et la configuration des lieux; L’absence de nécessité automatique de mener une analyse de la pollution atmosphérique sur les particules de taille 2.5PM pour les installations de cogénération. Le Conseil d’Etat a ainsi  rappelé la règle importante de proportionnalité de l’étude d’impact.