Electricité / TURPE 5 : Annulation a minima, partielle, et reportée dans le temps par le Conseil d’Etat

Par Thomas RICHET – Green Law Avocats Par un arrêt rendu le 9 mars 2018, le Conseil d’Etat a annulé partiellement les délibérations de la Commission de Régulation de l’énergie (CRE) à l’origine du nouveau Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics de distribution d’Electricité (TURPE) dit « TURPE 5 ». (Conseil d’Etat, 9ème et 10ème chambres réunies, 9 mars 2018, n°407516). L’élaboration des TURPE est prévue aux articles L. 341-3 et suivants du code de l’énergie. La CRE a pour mission de fixer la méthode de calcul de ces tarifs qui doivent couvrir les coûts d’exploitation, d’entretien et de développement supportés par les gestionnaires de réseaux publics de distribution d’électricité, en ce compris les coûts liés au capital investi pour permettre le financement du développement des réseaux de distribution (article L. 341-2 du code de l’énergie). C’est dans ce cadre juridique que la CRE a, par deux délibérations en date du 17 novembre 2016 et du 19 janvier 2017, fixé la méthode de calcul du nouveau TURPE 5. La société ENEDIS, la société EDF, la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer et la fédération CFE-CGC ENERGIES ont demandé au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir ces deux délibérations. Les requérants avaient soulevé cinq moyens relatifs : A la régularité de la procédure à l’issue de laquelle les délibérations attaquées ont été adoptées ; A la prise en compte des orientations politique énergétique définies par le gouvernement ;  Au mécanisme de régulation incitative mis en place par la CRE ;  aux coûts pris en compte pour la détermination des tarifs d’utilisation réseau public d’électricité ;  et enfin à la structure du tarif. Le Conseil d’Etat n’a retenu que le seul moyen tenant à l’illégalité de la méthode de calcul permettant de déterminer le coût du capital investi par le gestionnaire de réseau pris en compte dans le calcul du TURPE. En effet, le juge administratif a considéré que : « les requérants sont seulement fondés à demander l’annulation de la délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 17 novembre 2016 qu’ils attaquent en tant qu’elle n’a pas fait application, pour la détermination du coût du capital investi, en plus de la « prime de risque » du taux « sans risque » aux actifs correspondant, d’une part, aux immobilisations ayant été financées par la reprise, au moment du renouvellement effectif des ouvrages, de provisions constituées lors de la période tarifaire couverte par les tarifs dits « TURPE 2 », pour leur fraction non encore amortie, et d’autre part, aux ouvrages remis par les autorités concédantes au gestionnaire de réseau au cours de cette même période tarifaire, pour cette même fraction. Ils sont par suite également fondés à demander l’annulation de la délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 19 janvier 2017 en tant qu’elle a décidé qu’il n’y avait pas lieu de modifier sa première délibération sur ces points » (paragraphe 56 de l’arrêt). Cependant, le Conseil d’Etat a décidé de faire application de sa jurisprudence AC ! (Conseil d’Etat, Assemblée, 11 mai 2014, n°255886, Association AC !, Publié au recueil Lebon) et de moduler dans le temps les effets de sa décision au motif que : « le tarif fixé par la délibération attaquée de la Commission de régulation de l’énergie s’est appliqué à compter du 1er août 2017 et pendant une durée qui, à la date de la présente décision, est inférieure à huit mois. Par ailleurs, l’annulation de cette délibération, telle que définie au point 56 ci-dessus, aurait pour conséquence, s’agissant des effets qu’elle a produits depuis le 1er août 2017, de contraindre le gestionnaire de réseau à adresser à l’ensemble des utilisateurs du réseau public de distribution d’électricité, qui acquittent les tarifs d’utilisation, des factures rectificatives. Ces circonstances justifient que le juge fasse usage de son pouvoir de modulation dans le temps des effets de cette annulation et il y a lieu de prévoir que les effets produits, dans la seule mesure de cette annulation, par la délibération attaquée, seront regardés comme définitifs. Il y a également lieu de ne prononcer cette annulation qu’à compter du 1er août 2018. » (Paragraphe 58 de l’arrêt). En synthèse, le Conseil d’État rejette l’essentiel des critiques dirigées contre ces délibérations mais prononce toutefois une annulation très partielle, s’agissant des modalités de prise en compte, dans le calcul des tarifs, des charges afférentes au capital investi pour permettre le financement du développement de ces réseaux.

Publication définitive du régime afférent aux réseaux intérieurs des bâtiments (Loi du 30 déc.2017)

Par Me Jérémy TAUPIN- Green Law Avocats L’article 16 de la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement est venu fixer le régime afférent aux réseaux intérieurs des bâtiments. Un nouveau chapitre V est ainsi inséré au titre IV du livre III du code de l’énergie, qui distingue les réseaux publics de distribution et les réseaux fermés des réseaux intérieurs. Pour rappel, dans l’attente du cadre réglementaire définitif relatif aux réseaux fermés de distribution (voir notre précédent article sur le cadre législatif via ce lien), et suite à l’arrêt de la Cour d’appel de Paris dit « Valsophia » (n°2015-15157 du 12 janvier 2017) la rapporteur de ce qui n’était encore que projet de loi avait entendu sécuriser et pérenniser le schéma de raccordement à emploi unique des bâtiments tertiaires. Nous en faisions déjà état au sein d’un autre article. La rédaction des articles n’a pas été modifiée depuis leur dernière version. Ainsi, la définition posée par le nouvel article L. 345-1 énonce : « Les réseaux intérieurs sont les installations intérieures d’électricité à haute ou basse tension des bâtiments définis à l’article L. 345‑2 lorsqu’elles ne constituent pas un réseau public de distribution d’électricité tel que défini au dernier alinéa du IV de l’article L. 2224‑31 du code général des collectivités territoriales ni un réseau fermé de distribution d’électricité tel que défini à l’article L. 344‑1 du présent code. » L’article L. 345-2 circonscrit ce type de réseau aux immeubles de bureaux, en énonçant que : « Les réseaux intérieurs peuvent être installés dans les immeubles de bureaux qui appartiennent à un propriétaire unique.  Ne peuvent être qualifiées de réseaux intérieurs les installations électriques alimentant : 1° Un ou plusieurs logements ; 2° Plusieurs bâtiments non contigus ou parties distinctes non contiguës d’un même bâtiment ; 3° Un bâtiment appartenant à plusieurs propriétaires. » Ce nouveau chapitre ne crée donc pas de statut spécifique pour les gestionnaires de ces réseaux intérieurs (à l’inverse des réseaux fermés de distribution) mais permet de réduir les risques de contentieux futurs pour ces réseaux spécifiques. Il existe donc une distinction claire entre les trois types distincts de réseaux que sont désormais : les réseaux intérieurs des bâtiments; les réseaux fermés de distribution d’électricité ; les réseaux publics de distribution et de transport d’électricité; Les conditions encadrant la mise en œuvre d’un réseau intérieur de bâtiment sont ensuite précisées par les articles L. 245-3 à L.345-7 du code de l’énergie. Ainsi, le raccordement d’un utilisateur à un réseau intérieur d’un bâtiment : ne peut faire obstacle à l’exercice par un consommateur des droits relatifs au libre choix de son fournisseur prévus à l’article L. 331-1 ; ne peut pas non plus faire obstacle au droit de participation au mécanisme d’effacements de consommation mentionné à l’article L. 321-15-1 ; (article L. 345-3 du code de l’énergie) ne peut pas porter atteinte au droit pour un producteur de bénéficier de l’obligation d’achat, des garanties d’origine ou du complément de rémunération (article L. 345-4 du code de l’énergie) Pour l’application de ces articles, un dispositif de décompte de la consommation ou de la production d’électricité est installé par le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité. Les réseaux intérieurs des bâtiments doivent également satisfaire aux conditions techniques et de sécurité fixées dans les normes applicables aux installations électriques intérieures (Art. L. 345-6 du code de l’énergie) Enfin, la possibilité d’un abandon du réseau intérieur, qui devient une obligation en cas de division ou d’une vente partielle de l’immeuble de bureaux, est envisagée par l’article L.345-7 du code de l’énergie: « Le propriétaire d’un réseau intérieur tel que défini à l’article L. 345-1 peut abandonner ses droits sur ledit réseau en vue de son intégration au réseau public de distribution auquel il est raccordé, après remise en état à ses frais, pour satisfaire aux conditions techniques et de sécurité prises en application de l’article L. 323-12. À l’occasion d’une division ou d’une vente partielle de l’immeuble mentionné au premier alinéa de l’article L. 345-2, il y est obligé, sous la même condition de remise en état à ses frais, et le gestionnaire du réseau auquel il est raccordé est tenu de l’accepter. » L’ensemble de ces dispositions législatives doivent, à l’instar de celles ayant trait aux réseaux fermés de distribution, encore faire l’objet d’un décret d’application.

Energie: le Ministère annonce des réfactions tarifaires des raccordements aux réseaux de gaz et d’électricité pour certaines installations de production d’énergie renouvelable

Suite au Plan Climat lancé en juillet 2017 par le Ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot, il a été annoncé une baisse des coûts de raccordement aux réseaux gaz et électricité de certaines installations de production d’électricité renouvelable. L’objectif annoncé par le Ministère est de soutenir le développement des énergies renouvelables en France en favorisant leur développement local. Jusqu’ici, les coûts de raccordement des installations de production de biogaz au réseau de gaz étaient entièrement à la charge des producteurs. Cela pouvait être un frein pour le développement de projets de production de biogaz, notamment en zone rurale, où l’éloignement avec les réseaux peut être important. De plus, depuis la loi NOME de décembre 2010, seuls les consommateurs et les gestionnaires de réseaux bénéficiaient d’une réduction sur le prix du raccordement aux réseaux d’électricité, appelée « réfaction tarifaire » (les installations EnR en bénéficiaient auparavant). Désormais, les coûts de raccordement des installations de production de biogaz au réseau de biogaz seront pris en charge jusqu’à 40% du prix total du raccordement. 60% maximum du coût de raccordement resteront à la charge du porteur du projet. En outre, le coût du raccordement au réseau d’électricité sera diminué pour les « petits et moyens producteurs » d’énergie renouvelable. Il sera désormais possible pour les petites et moyennes installations de bénéficier également d’une réduction du prix du raccordement allant jusqu’à 40 %. Le niveau de réfaction diminuera, selon le communiqué, avec l’augmentation de la puissance de l’installation. Les opérateurs seront donc vigilants quant à l’entrée en vigueur de ces nouvelles règles, qui peuvent peser substantiellement sur l’équilibre économique des projets. Il s’agira en particulier de vérifier les conditions de seuils à respecter.

Electricité: la Ministre invalide le projet de tarif TURPE proposé par la CRE

De façon inédite, la Ministre de l’Energie a refusé de valider les tarifs d’utilisation du réseau public de transport et de distribution de l’électricité qui avaient été proposés par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE). On rappellera que ces tarifs sont fixés par la CRE, sur la base des éléments comptables et financiers transmis par les gestionnaires des réseaux. En application de l’article L 341-3 du code de l’énergie, la Ministre (autorité administrative) peut, si elle le juge nécessaire, demander une nouvelle délibération de la CRE. C’est le cas, prévoit le texte, lorsque les tarifs TURPE proposés ne tiennent pas compte des orientations de politique énergétique. Extrait de l’article L 341-3 du code de l’énergie: “La Commission de régulation de l’énergie transmet à l’autorité administrative pour publication au Journal officiel de la République française, ses décisions motivées relatives aux évolutions, en niveau et en structure, des tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité, aux évolutions des tarifs des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux et aux dates d’entrée en vigueur de ces tarifs. Dans un délai de deux mois à compter de cette transmission, l’autorité administrative peut, si elle estime que la délibération de la Commission de régulation de l’énergie ne tient pas compte des orientations de politique énergétique, demander une nouvelle délibération par décision motivée publiée au Journal officiel de la République française’. La Ministre a publié le 17 janvier au Journal officiel sa décision prise en considérant que les projets de tarifs ne tenaient pas suffisamment compte des orientations de politique énergétique, notamment en matière de nouvelles utilisations du réseau (l’autoconsommation y est visée) et en matière d’ENR. Cela fait suite à un avis défavorable du Conseil Supérieur de l’Energie du 10 novembre 2016 et à des critiques de la part d’organisations syndicales du gestionnaire de réseau de distribution. La prochaine étape est en principe la prise d’une nouvelle délibération par le régulateur de l’énergie. “Paris, le 12 janvier 2017. Monsieur le Président, Le réseau public de distribution d’électricité joue un rôle essentiel dans la mise en œuvre de la transition énergétique et le développement de nos territoires. Tout en restant attentive aux enjeux de pouvoir d’achat des consommateurs, j’estime essentiel que les tarifs d’utilisation des réseaux publics puissent accompagner de façon appropriée la nécessaire mutation des réseaux afin de réussir la transition énergétique et d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Ils doivent permettre le développement des énergies renouvelables, de l’autoconsommation, des nouveaux usages de l’électricité, en particulier la mobilité électrique. Ils doivent faciliter le développement des territoires à énergie positive pour la croissance verte. La Commission de régulation de l’énergie est en charge de fixer les méthodes utilisées pour établir les tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité. Dans ce but, conformément à l’article L. 341-3 du code de l’énergie, je vous ai communiqué, par courriers du 22 février 2016 et du 24 juin 2016, mes orientations de politique énergétiques. Celles-ci s’inscrivent dans le prolongement de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte votée en 2015 et de l’accord de Paris adopté dans le cadre de la COP21. Vous m’avez communiqué votre projet de décision relative aux tarifs des réseaux publics de distribution de l’électricité le 18 novembre 2016, sur laquelle le Conseil supérieur de l’énergie a exprimé un avis défavorable le 10 novembre 2016. Il me paraît nécessaire que le cadre d’élaboration de ces tarifs prenne mieux en compte les enjeux liés à la transition énergétique exprimés dans mes orientations de politique énergétique. Je souhaite donc que vous puissiez poursuivre vos travaux sur ces tarifs en vue de me proposer un nouveau projet qui s’inscrive pleinement dans la transition énergétique, en cohérence avec les orientations que je vous ai adressées. Dans mon courrier du 22 février 2016, j’attirais l’attention sur les nouveaux types de profils de courbe de charge, correspondant aux nouveaux usages du réseau qui accompagnent la transition énergétique (autoproduction, stockage, véhicules électriques…). Le projet de décision tarifaire propose de renvoyer le sujet au plus tôt en 2019, uniquement dans le cas de changements importants des modes d’utilisation des réseaux de distribution de l’électricité. Or, j’estime qu’il est nécessaire d’anticiper ces évolutions et leurs conséquences sur la structure tarifaire de ces réseaux afin de les intégrer de manière progressive et non brutale, à la fois pour les utilisateurs de ces réseaux et pour les fournisseurs d’énergie. Je vous invitais également à une attention particulière à la maîtrise des pointes électriques. La situation actuelle du système électrique renforce encore cette demande. Le projet de décision tarifaire intègre partiellement cet enjeu, mais doit être renforcé. Il est, par exemple, nécessaire d’y intégrer des évolutions concernant la pointe mobile basse tension, au moins de manière expérimentale, sans attendre la période tarifaire suivante. Par ailleurs, le cadre de régulation des gestionnaires du réseau public de distribution doit être favorable à l’investissement dans les réseaux, afin que ceux-ci puissent faire face aux enjeux liés à la transition énergétique et garantir la qualité de l’électricité. L’investissement dans les réseaux de distribution de l’électricité est un élément essentiel à la réussite de la transition énergétique, pour accompagner le développement des énergies renouvelables comme pour les nouveaux usages de l’électricité. L’augmentation du risque de l’activité de distribution de l’électricité, liée au développement des énergies renouvelables et aux nouveaux modes d’utilisation des réseaux, doit être prise en compte dans les tarifs d’utilisation du réseau public de distribution. Par exemple, le coefficient de prise en compte du risque de l’opérateur dans l’exploitation des actifs proposé dans le projet de décision tarifaire diffère de façon significative de celui d’autres activités régulées dans le domaine de l’énergie, présentant un niveau de risque comparable, en France et en Europe, et ne permet pas aux gestionnaires des réseaux publics de distribution de répondre pleinement aux enjeux de la transition énergétique. Enfin, le projet de décision tarifaire doit être mis en conformité avec les dispositions de la loi relative à…

Urbanisme / Montagne : la servitude parfois imposée  sur les chalets d’alpage et sur les bâtiments d’estive est-elle constitutionnelle ?

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat)   Un arrêt récent du Conseil d’Etat vient d’apporter d’intéressantes précisions au sujet de la constitutionnalité des règles légales donnant le pouvoir au Maire, en zone de montagne, d’imposer des servitudes interdisant l’utilisation de chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive en période hivernale ou limitant leur usage pour tenir compte de l’absence de réseaux (Conseil d’Etat, 10 février 2016, n°394839). Il vient en effet de transmettre au Conseil constitutionnel une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) relative à la conformité à plusieurs principes constitutionnels de cette servitude. Devant le Conseil d’Etat, il était soutenu que les dispositions précitées de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme méconnaissaient « la liberté d’aller et venir, le principe d’égalité devant les charges publiques, ainsi que, par l’incompétence négative dont elles seraient entachées, le droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, au motif qu’elles prévoient la possibilité pour l’autorité compétente d’instituer une ” servitude administrative ” sur certains bâtiments durant la période hivernale sans prévoir aucune information préalable ni aucune procédure contradictoire permettant d’écarter tout risque d’arbitraire dans la détermination des propriétés concernées et sans instituer aucune indemnisation des propriétaires ». (Conseil d’Etat, 10 février 2016, n°394839). Le Conseil d’Etat a estimé que « le moyen tiré de ce qu’il méconnaîtrait les droits et libertés garantis par la Constitution, notamment, par l’incompétence négative dont il serait entaché, le droit de propriété garanti en particulier par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, soulève une question présentant un caractère sérieux » et a transmis la question au Conseil constitutionnel. En zone de montagne, il existe des principes d’aménagement et de protection particuliers. Ces principes résultent notamment de l’application des dispositions de l’ancien article L. 145-3 du code de l’urbanisme, désormais codifiées à l’article L. 122-10 du code de l’urbanisme, qui exigent la préservation des « terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières ». Certaines activités sont toutefois autorisées en zone de montagne telles que les constructions nécessaires aux activités agricoles, pastorales et forestières ou les équipements sportifs liés notamment à la pratique du ski et de la randonnée (ancien article L. 145-3 du code de l’urbanisme désormais codifié à l’article L. 122-11 du code de l’urbanisme). De même, sont admises la restauration ou la reconstruction d’anciens chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive, ainsi que les extensions limitées de chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive existants lorsque la destination est liée à une activité professionnelle saisonnière (ancien article L. 145-3 du code de l’urbanisme désormais codifié à l’article L. 122-11 du code de l’urbanisme). Par ailleurs, les dispositions de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, désormais codifiées à l’article L. 122-11 du code de l’urbanisme, précisent que : « Lorsque des chalets d’alpage ou des bâtiments d’estive, existants ou anciens, ne sont pas desservis par les voies et réseaux, ou lorsqu’ils sont desservis par des voies qui ne sont pas utilisables en période hivernale, l’autorité compétente peut subordonner la réalisation des travaux faisant l’objet d’un permis de construire ou d’une déclaration de travaux à l’institution d’une servitude administrative, publiée au fichier immobilier, interdisant l’utilisation du bâtiment en période hivernale ou limitant son usage pour tenir compte de l’absence de réseaux. Cette servitude précise que la commune est libérée de l’obligation d’assurer la desserte du bâtiment par les réseaux et équipements publics. Lorsque le terrain n’est pas desservi par une voie carrossable, la servitude rappelle l’interdiction de circulation des véhicules à moteur édictée par l’article L. 362-1 du code de l’environnement. » Cet alinéa vise à prévenir les difficultés liées à l’absence de réseaux et d’équipements publics lorsque les constructions sont destinées à être utilisées de façon temporaire. Il prévoit une dérogation permettant aux personnes ayant déposées une demande de permis de construire ou une déclaration de travaux concernant des chalets d’alpage ou des bâtiments d’estive de réaliser les travaux sans disposer des équipements et réseaux requis. Pour permettre ces constructions, l’autorité compétente peut instituer une servitude tendant à ne pas utiliser les constructions en période hivernale ou à limiter leur usage. De plus, cette servitude  libère la commune de l’obligation d’assurer la desserte du bâtiment par les réseaux et équipements publics. La servitude rappelle enfin l’interdiction de circulation des véhicules à moteur en dehors des voies classées dans le domaine public routier de l’Etat, des départements et des communes, des chemins ruraux et des voies privées ouvertes à la circulation publique des véhicules à moteur. Cette servitude, de nature réglementaire, constitue une décision distincte de l’autorisation individuelle de construire. Par suite, son entrée en vigueur dépend, non de la notification et de l’affichage spécifique de l’autorisation de construire mais de son inscription au fichier immobilier et, comme toute décision réglementaire, de sa publication. (CAA Lyon, 19 mai 2011, n° 09LY01441). Très contraignante pour les personnes souhaitant réaliser des travaux faisant l’objet d’un permis de construire ou d’une déclaration de travaux, elle soulève un certain nombre de difficultés (I) qui permettent de s’interroger sur sa constitutionnalité (II). Les difficultés liées à l’institution de cette servitude En premier lieu, cette servitude, une fois publiée, reste en vigueur même si d’autres autorisations d’urbanisme sont délivrées sur le même bâtiment. Elle peut toutefois être amenée à évoluer si les conditions de desserte du chalet ou du bâtiment d’estive évoluent.  (CAA Lyon, 19 mai 2011, n° 09LY01441). Attachée au bien, cette servitude est durable, ce qui présente un premier inconvénient pour les personnes tenues de la respecter. En deuxième lieu, l’institution de la servitude est bien moins contrôlée lors de son édiction que la restauration ou la reconstruction d’anciens chalets d’alpage ou d’estive. Il convient à cet égard de préciser que la restauration ou la reconstruction d’anciens chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive, ainsi que les extensions limitées de chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive existants lorsque la destination est liée à une activité professionnelle saisonnière est autorisée par arrêté préfectoral, après avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers et…

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