Sites et sols pollués: le décret sur les secteurs d’information sur les sols (SIS) est sorti des tuyaux (décret 26 oct.2015)

Par Sébastien BECUE Green Law Avocat Le 27 mars 2014 entrait en vigueur la loi dite « ALUR » (L. n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme). Cette loi visant à favoriser l’accès au logement disposait d’un volet relatif aux sites et sols pollués destiné à encourager la reconversion des friches industrielles (voir notre article de l’époque sur ce thème). Parmi ces dispositions environnementales (article 173 de la loi ALUR) figurait notamment la création des « secteurs d’information sur les sols » (les « SIS »), dispositif qui doit permettre, comme l’indique le Président du CSPRT lors de la présentation du projet de décret, que tout aménageur soit en mesure de « disposer d’informations lorsque son projet est localisé sur un site pollué ». Les préfets sont ainsi chargés de déterminer quels terrains sont soumis à un SIS et les propriétaires des terrains désignés sont soumis à une nouveau type d’obligation d’information précontractuelle s’ils souhaitent les louer ou les vendre. Le décret n° 2015-1353 du 26 octobre 2015  vient préciser les conditions de mise en œuvre de ce nouveau dispositif. C’est l’occasion de remarquer que sont précisées les modalités de définition des SIS par le préfet et de souligner les obligations attachées à ce nouvel outil. Les modalités de définition des SIS par le préfet   Les terrains concernés par les SIS Pour rappel, l’article L. 125-6 du code de l’environnement prévoit que « L’Etat élabore, au regard des informations dont il dispose, des secteurs d’information sur les sols qui comprennent les terrains où la connaissance de la pollution des sols justifie, notamment en cas de changement d’usage, la réalisation d’études de sols et de mesures de gestion de la pollution pour préserver la sécurité, la santé ou la salubrité publiques et l’environnement. » Il s’agit donc des terrains, comme l’explique le rapporteur du projet de décret au CSPRT, pour lesquels « des preuves de pollution doivent ainsi être en possession de l’Etat ». Le décret précise que la liste des SIS sera établie « sur la base des données dont l’Etat a connaissance entre le 1er janvier 2016 et le 1er janvier 2019 » (R. 125-41-I C.env.). Pour déterminer quels terrains feront l’objet d’un SIS, le préfet pourra très certainement s’appuyer sur la base de données BASOL, gérée par le ministère en charge de l’environnement et qui répertorie les sols présentant une pollution avérée ou en cours de diagnostic, ainsi que sur les informations que lui fera remonter l’inspection des installations classées. Le décret exclut certains terrains du dispositif (R. 125-43 C.env.) : les terrains d’emprise des ICPE et INB en exploitation (qui ne sont par ailleurs pas non plus couverts par l’obligation d’information précontractuelle environnementale prévue par l’article L. 514-20 du code de l’environnement) ; les terrains ayant fait l’objet d’une servitude d’utilité publique en application de l’article L. 515-12 du code de l’environnement ; les terrains soumis à des pollutions pyrotechniques (liées aux poudres et composés explosifs ou aux munitions). La procédure d’élaboration des SIS En pratique c’est au préfet de département qu’incombe la charge d’élaborer, pour chaque commune et avant le 1er janvier 2019, un ou plusieurs projets de SIS (R. 125-41 C.env.). Les projets prendront la forme d’un dossier composé des deux éléments suivants (R. 125-42 C.env.) : une note présentant les informations détenues par l’Etat sur la pollution des sols ; un ou plusieurs documents graphiques à l’échelle cadastrale, délimitant le SIS. Une fois le dossier constitué, le préfet le transmet (R. 125-44 C.env.) : pour avis aux maires des communes (ou présidents d’EPCI) sur lesquels sont situés les projets de SIS. Ceux-ci disposent alors d’un délai de six mois pour transmettre leurs observations et joindre à leur éventuelle demande de modification du projet tout document la justifiant ; pour information, par lettre simple, aux propriétaires des terrains concernés par les SIS en leur indiquant les modalités de participation retenues (a priori le site internet où seront publiés les projets). Au vu des résultats de la consultation le préfet arrête la liste des SIS, publie l’arrêté au recueil des actes administratifs et intègre les SIS dans une base de données dédiée (dont le compte-rendu du CSPRT indique qu’il constituera « un outil informatique de saisie des parcelles cadastrales ») (R. 125-45 C.env.). On note qu’alors que le projet de décret soumis au CSPRT prévoyait la consultation individuelle des propriétaires dont les terrains font l’objet d’un SIS, cette disposition a été abandonnée au profit d’une simple information des propriétaires. Enfin, le préfet informe les intéressés en (R. 125-46 C.env.) : adressant l’arrêté aux maires (ou présidents d’EPCI) et aux propriétaires concernés ; affichant l’arrêté pendant un mois dans chaque mairie (ou siège d’EPCI) concernée ; annexant l’arrêté aux documents d’urbanisme des communes (ou EPCI) concernées. Chaque année, la liste des SIS est révisée par le préfet, notamment sur la base d’informations relatives à l’état des sols communiquées par le maire (ou président d’EPCI) ou par les propriétaires concernés par le SIS, ce qui leur permettra éventuellement de prévenir le préfet des évolutions de leur terrain et d’obtenir la suppression du SIS dont il fait l’objet (R. 125-47 C. env.). Il est à noter que plusieurs documents d’aide à l’élaboration des SIS sont actuellement en préparation : une note d’instruction, un guide pour accompagner les DREAL dans l’élaboration des SIS ainsi qu’un guide à l’intention des collectivités. L’intégration des SIS aux documents d’urbanisme D’une part, les SIS feront l’objet d’une annexe spécifique du plan local d’urbanisme des communes où sont situées les terrains concernés (R. 123-13 C.urb.). Il en va de même pour les plans de sauvegarde et de mise en valeur (R*313-6 C.urb.). D’autre part, les communes, lorsqu’elles délivreront des certificats d’urbanisme, seront tenues de mentionner si le terrain fait l’objet d’un SIS et s’il est répertorié sur l’outil CASIAS (R. 410-15-1 C.urb.), clairement définie par le décret comme le pendant cartographique de la base de données BASIAS (R. 125-48 C.env.). Les obligations attachées aux SIS   L’obligation de réalisation d’une étude des sols et de prendre des mesures de gestion pesant sur le constructeur et l’aménageur Lorsqu’un terrain soumis à un SIS fait l’objet d’un projet…

Trouble anormal de voisinage causé par la pompe à chaleur d’une piscine : de l’intérêt des bonnes relations de voisinage… (CA Paris, 2 juill.2014)

Par Aurélien Boudeweel (Green Law Avocat) Il est intéressant de noter au travers de la jurisprudence judiciaire que l’appréciation d’un trouble anormal de voisinage peut trouver à s’appliquer à des activités n’étant pas industrielles et que de simples habitudes de voisinage peuvent, selon les circonstances, dépasser un seuil de “normalité. C’est par exemple le cas dans le litige tranché par la Cour d’appel de PARIS dans un arrêt en date du 2 juillet 2014 (C.A PARIS, Pôle 4, Chambre 2, 2 juillet 2014, n°12/09745), qui estime que les bruits émis par une pompe à chaleur d’une piscine peuvent être constitutifs d’un trouble anormal de voisinage. En l’espèce, des particuliers avaient assigné leurs voisins pour trouble anormal de voisinage consécutivement au bruit provoqué par la pompe à chaleur de la piscine. N’ayant pas obtenu satisfaction en première instance, un appel a été interjeté. La Cour d’appel infirme alors le jugement de première instance et relève :  « Le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par la loi ou les règlements, est limité par l’obligation qu’il a de ne causer à la propriété d’autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux de voisinage (…) Il appert de l’examen des témoignages précités et d’autres attestations concordantes de 2007 et 2011 versées aux débats que les installations de la piscine des époux D…fonctionnent de mars à octobre, soit pendant huit mois de l’année, en journée et soirée ainsi que les dimanches et jours fériés, et que ce fonctionnement occasionne un bruit permanent de moteur électrique audible du jardin et de la terrasse des époux T…, que les témoins décrivent comme un ronronnement continu et lancinant ;  Il appert du rapport d’expertise de M.C…., que l’expert a constaté que la piscine des époux D…est située à environ 4 mètres du mur séparatif des deux propriétés et que le local technique ne se trouve qu’à environ 2 mètres dudit mur séparatif (…) L’expert indique également : « compte tenu de la qualité acoustique du lieu, il est dommageable de constater une émergence dans la propriété de M. et Mme T… due à des matériels de piscine appartenant à M. et Mme D…implantés à proximité de la limite de propriété de leur habitation. Dans le cas d’une location ou d’une vente de l’habitation de M. et Mme T…, une diminution du prix de location ou une diminution du prix de cette habitation est à prévoir compte tenu de ce trouble de voisinage » ; Il résulte de ce qui précède que les bruits causés par les installations de piscine des époux D…constituent, du fait de leur durée et répétition dans le temps ainsi que de leur intensité, un trouble qui dépasse les inconvénients normaux de voisinage (…) »  On voit ici que la Cour se fonde sur des critères de “répétition”, de “durée”, d”intensité” mais aussi de proximité avec le voisinage (ici, le local technique de la piscine avec la pompe à chaleur se situait à deux mètres de la limite de propriété). Rappelons que la théorie des troubles anormaux de voisinage est purement prétorienne. Il s’agit d’une responsabilité particulière en ce qu’elle est autonome, c’est-à-dire détachée de toute faute de la part du voisin trublion et donc du fondement des articles 1382 et suivants du Code civil (Cass. 1re civ., 18 sept. 2002 : Bull. civ. 2002, I, n° 200. – Cass. 3e civ., 24 sept. 2003 : Juris-Data n° 2003-020379 ; Bull. civ. 2003, III, n° 160 ; Gaz. Pal. 24-25 mars 2004,). Il suffit à la victime d’un trouble de voisinage de démontrer que celui-ci est « anormal » afin d’obtenir une réparation en nature ou par équivalent. Mais c’est bien sur le seuil d’anormalité qu’un véritable travail juridique et de preuve doit être réalisé afin de faire reconnaitre ses droits. En effet, il revient aux juges du fond d’apprécier souverainement (Cass. 3e civ., 3 nov. 1977 : D. 1978, p. 434, note Caballero. – Cass. 2e civ., 19 mars 1997 : D. 1998, somm. p. 60, obs. Robert. – Cass. 3e civ., 27 mai 1999 : Bull. civ. 1999, II, n° 100. – Cass. 3e civ., 5 févr. 2004 : Bull. civ. 2004, II, n° 49 ; Resp. civ. et assur. 2004, comm. 137, note Groutel) si tel ou tel agissement constitue ou non, en fonction des circonstances de temps et de lieu, un trouble anormal de voisinage. Il est ainsi acquis en jurisprudence que le bruit généré par un compresseur ou pompe à chaleur peut être considéré comme excédant ce que l’on peut normalement attendre d’un voisin diligent et civil (voir le cas d’une installation de chauffage-climatisation d’un restaurant : CA Lyon, 1re ch. B, 2 mars 2010, n° 09-00.062 : JurisData n°2010-019260 ; d’une épicerie : CA Nancy, 2e ch., 16 nov. 2006, n° 05-01.668 : JurisData n° 2006-329843 ; de trois coffres de ventilation-climatisation : CA Nîmes, 1re ch. B, 3 nov. 2009, n° 07/05537 : JurisData n° 2009-022114 ; à propos d’une installation en toiture donnant sur la fenêtre d’un copropriétaire : CA Paris, 23e ch. A, 13 mars 2002, n° 1999/14971 : JurisData n° 2002-174974). Surtout, il est acquis juridiquement que l’anormalité dépend de l’environnement réel de l’installation considérée (pour une prise en compte du caractère bruyant et passant de l’appartement du voisin, CA Rouen, 6 avr. 2004, n° 03/04753 : JurisData n°2004-240918). L’arrêt de la Cour d’appel de PARIS du 2 juillet 2014 est intéressant puisqu’il confirme deux principes en la matière  :  Qu’il n’est pas nécessaire, pour la victime, de démontrer la faute du voisin pour obtenir la reconnaissance du trouble anormal de voisinage.  Que l’existence du trouble peut être établie par la production de témoignages et attestations. La responsabilité est engagée de manière objective dès que le trouble présente un caractère anormal. Notons que l’appréciation portée par la Cour d’appel de PARIS va dans la droite lignée d’une réponse ministérielle en date du 30 octobre 2014 (Rép.min. n°11177, JO Sénat du 30.10.14) qui confirme que le bruit émis par des pompes à chaleur « dès lors qu’il cause aux particuliers un trouble de jouissance du fait de sa fréquence, de son émergence et de ses caractéristiques spectrales, constitue un trouble ». Si l’on peut se…

Responsabilité du notaire : contrairement aux idées reçues… elle n’est pas automatique au stade de la promesse de vente! (Cass, 26 nov.2014)

Par un arrêt en date du 26 novembre 2014 (C.cass, civ.1ère, 26 novembre 2014, n°13-27.965, F-P+B, juris-data 2014-028858) la Cour de cassation rappelle que lorsque l’annulation judiciaire d’un acte de vente n’est due qu’à la défaillance des vendeurs dans leurs déclarations au notaire, ce dernier ne peut être vu comme responsable. En l’espèce, par un acte sous seing privé rédigé par un notaire, des particuliers promettent de vendre à des acquéreurs un bien immobilier à usage d’habitation. Par suite l’acte est annulé pour erreur sur les qualités substantielles du bien vendu et les vendeurs sont condamnés à restituer aux acquéreurs le montant du dépôt de garantie et à les indemniser. Les vendeurs, estimant ne pas être responsables, ont alors décidé d’assigner le notaire en responsabilité en lui reprochant des manquements professionnels lors de la rédaction de la promesse de vente. La Cour d’appel de Lyon rejette la demande d’indemnisation. Un pourvoi a alors été formé à l’encontre de l’arrêt rendu. Saisie du litige, la Haute juridiction confirme l’arrête rendu par la Cour d’appel en ces termes :  « Mais attendu qu’ayant relevé que l’annulation judiciaire de l’acte valant promesse de vente n’était due qu’à la défaillance de M. et Mme D… dans leur obligation d’information à l’égard des acquéreurs, la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à la recherche prétendument omise dès lors que cet avant-contrat était destiné à arrêter la volonté des parties sans attendre l’expiration des délais utiles à l’obtention des renseignements complémentaires et documents administratifs nécessaires à la perfection de la vente, a pu en déduire l’absence de toute faute du notaire, lequel n’avait aucun motif de suspecter l’inexactitude des déclarations de M. et Mme D… ; […] ». Cet arrêt est intéressant puisqu’il rappelle l’étendue du devoir de conseil du notaire et les diligences qu’on peut juridiquement attendre de lui. Ce dernier doit rechercher la volonté exacte des parties et la traduire fidèlement dans son acte. Toutefois l’arrêt rendu par la Cour de cassation souligne que la responsabilité du notaire présente des limites. La jurisprudence est fournie en la matière : ainsi le notaire qui n’intervient que pour authentifier les conventions des parties n’est pas tenu de s’assurer au moyen d’une enquête personnelle ou en se déplaçant sur les lieux, si l’immeuble dont il rédige l’acte de vente est libre de toute occupation ou de toute location civile ou commerciale. Il se fie soit aux titres de propriété soit aux déclarations des parties et sa responsabilité n’est pas engagée si ces vérifications n’ont pas permis de déceler la présence d’une location commerciale ou civile (CA Paris, 1ère civ, 28 septembre 2005). Dans le même ordre d’idée, un notaire qui intervient seulement en sa qualité d’officier du ministère public pour rédiger un acte de vente ne répond pas de l’insolvabilité de l’acquéreur (C.cass, 1ère civ, 23 mars 2004, juris-data n°2003-240056 ; CA Toulouse, 4 avril 2005, juris-data n°2005-281213). Il est utile de souligner que dans le cas d’espèce la responsabilité du notaire est écartée au regard de la nature de l’acte sur la base duquel l’action était engagée : en l’espèce il s’agissait d’une promesse de vente qui était, selon la Cour de cassation, « destiné[e] à arrêter la volonté des parties sans attendre l’expiration des délais utiles à l’obtention des renseignements complémentaires et documents administratifs nécessaires à la perfection de le vente ». Selon la Cour de cassation, le notaire à ce stade n’avait donc aucune raison d’aller au-delà des déclarations des vendeurs. La solution dégagée une nouvelle fois par la Cour de cassation met en relief que la responsabilité du notaire ne saurait être automatiquement engagée et qu’en toute hypothèse les vendeurs restent en première ligne dans le cadre d’une action en responsabilité notamment lorsque des manœuvres tendant à vicier le consentement des acquéreurs potentiels sont mises en évidence. L’appréciation de la responsabilité du notaire s’apprécie donc au cas par cas mais ne peut être systématiquement exclue.   Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat  

Le juge, les sites pollués et leur propriétaire : la technique des petits pas

La technique des petits pas « est au fond à la jurisprudence ce que l’expérimentation est à la loi » (Guy Canivet, « La politique jurisprudentielle », Mélanges en l’honneur de Jacques Boré, La création du droit jurisprudentiel, Dalloz, 2007, p. 79 à 97). Prétorien et fruit de l’interprétation des polices administratives, le droit de l’environnement connaît bien cette technique : « Trois pas en avant, trois pas en arrière…» comme dirait la comptine pour enfants sur la fermière qui allait au marché. Le Conseil d’Etat, grand amateur des petits pas, a utilisé ce moyen pour faire évoluer la responsabilité en matière de gestion des déchets comme nous le confirme cette espèce récente : CE du 24 octobre 2014, n°361231. En effet, la réglementation en matière de gestion des déchets désigne le producteur des déchets ou leur détenteur mais non le propriétaire des terrains sur lesquels des déchets sont entreposés. A titre d’exemple, l’article L. 541-2 du code de l’environnement relatif à la responsabilité en matière de gestion des déchets dispose :  « Tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d’en assurer ou d’en faire assurer la gestion, conformément aux dispositions du présent chapitre. Tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu’à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers. Tout producteur ou détenteur de déchets s’assure que la personne à qui il les remet est autorisée à les prendre en charge. » Il ne ressort nullement de cet article que le propriétaire du terrain sur lequel sont entreposés les déchets pourrait voir sa responsabilité recherchée sur son fondement. Pourtant, la jurisprudence a étendu les dispositions de cet article au propriétaire d’un terrain sur lequel sont entreposés des déchets. Le propriétaire a alors été assimilé au détenteur des déchets. Cela a permis d’allonger la liste des responsables potentiels lors d’une défaillance dans la gestion des déchets et de s’assurer ainsi de la prise en charge financière de leur élimination. A cet égard, le Conseil d’Etat a posé le principe selon lequel  « le propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés des déchets peut, en l’absence de détenteur connu de ces déchets, être regardé comme leur détenteur au sens de l’article L. 541-2 du code de l’environnement, notamment s’il a fait preuve de négligence à l’égard d’abandons sur son terrain ; » (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 26 juillet 2011, n° 328651, mentionné dans les tables du recueil Lebon) Neil Armstrong aurait sans doute affirmé que « C’était un petit pas pour l’Homme mais un grand pas pour la gestion des déchets ». L’utilisation de l’adverbe « notamment » sous-entendait clairement que la négligence à l’égard d’abandons sur son terrain était une des hypothèses permettant de regarder le propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés des déchets comme leur détenteur mais que d’autres hypothèses pourraient ultérieurement être identifiées. Le Conseil d’Etat a mis plusieurs années avant d’identifier de telles hypothèses et, après ce premier pas de géant, a préféré y aller à pas de fourmi. Dans un premier temps, le Conseil d’Etat a attendu que la Cour de cassation se prononce. Celle-ci a adopté une solution de principe presque identique à la sienne mais a fait un petit pas supplémentaire en identifiant une nouvelle hypothèse de responsabilité du propriétaire du terrain sur lequel sont entreposés des déchets : la complaisance. (Peut-être que ce petit pas devrait plutôt s’analyser en un refus de la Cour de cassation de s’aligner mot pour mot sur la jurisprudence du Conseil d’Etat… Je vous laisse le soin de faire votre propre analyse sur cette question. Pour ma part, je préfère considérer qu’il s’agit d’un petit pas). La Cour de cassation a ainsi estimé : « qu’en l’absence de tout autre responsable, le propriétaire d’un terrain où des déchets ont été entreposés en est, à ce seul titre, le détenteur au sens des articles L. 541-1 et suivants du code de l’environnement dans leur rédaction applicable, tels qu’éclairés par les dispositions de la directive CEE n° 75-442 du 15 juillet 1975, applicable, à moins qu’il ne démontre être étranger au fait de leur abandon et ne l’avoir pas permis ou facilité par négligence ou complaisance » (Cour de cassation, Chambre civile 3, 11 juillet 2012, n° 11-10.478, Publié au bulletin) Dans un deuxième temps, après ce petit pas en avant de la Cour de cassation, le Conseil d’Etat a fait un petit pas en arrière pour restreindre la responsabilité du propriétaire ayant fait preuve de négligence à l’égard d’abandons de déchets sur son terrain. Aux termes de deux décisions du 1er mars 2013, il a affirmé que cette responsabilité du propriétaire du terrain était subsidiaire par rapport à la responsabilité encourue par le producteur ou les autres détenteurs des déchets. Aussi, la responsabilité du propriétaire du déchet ne pouvait être recherchée que s’il apparaissait que tout autre détenteur des déchets était inconnu ou avait disparu. Il a ainsi considéré que : « si, en l’absence de tout producteur ou tout autre détenteur connu de déchets, le propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés ces déchets peut être regardé comme leur détenteur au sens de l’article L. 541-2 du code de l’environnement, notamment s’il a fait preuve de négligence à l’égard d’abandons sur son terrain, et être de ce fait assujetti à l’obligation d’éliminer ces déchets, la responsabilité du propriétaire du terrain au titre de la police des déchets ne revêt qu’un caractère subsidiaire par rapport à celle encourue par le producteur ou les autres détenteurs de ces déchets et peut être recherchée s’il apparaît que tout autre détenteur de ces déchets est inconnu ou a disparu » (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 1er mars 2013, n° 354188, mentionné dans les tables du recueil Lebon ; voir également en ce sens : Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 1er mars 2013, n° 348912). Cette solution a été confirmée quelques mois plus tard par une autre décision du Conseil d’Etat (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 25 septembre 2013, n° 358923). Dans un troisième temps, le Conseil d’Etat a fait un…

L’article L 514-20 du Code de l’environnement : une obligation objective d’information

Dans un arrêt du 11 mars 2014 (C.cass, 3ème civ, n°12-29556), la Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel d’Amiens qui reconnait la responsabilité d’une société au titre de l’article L514-20 du Code de l’environnement qui, lors d’une vente omet de déclarer à l’acheteur que l’immeuble vendu avait supporté une exploitation ICPE soumise à autorisation.   Rappelons que le Code de l’environnement en son article L 514-20 prévoit une obligation d’information en matière de cession d’immeuble ayant abrité une installation classée soumise à autorisation :   « Lorsqu’une installation soumise à autorisation ou à enregistrement a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d’en informer par écrit l’acheteur ; il l’informe également, pour autant qu’il les connaisse, des dangers ou inconvénients importants qui résultent de l’exploitation. Si le vendeur est l’exploitant de l’installation, il indique également par écrit à l’acheteur si son activité a entraîné la manipulation ou le stockage de substances chimiques ou radioactives. L’acte de vente atteste de l’accomplissement de cette formalité. A défaut, l’acheteur a le choix de poursuivre la résolution de la vente ou de se faire restituer une partie du prix ; il peut aussi demander la remise en état du site aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette remise en état ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente ».   Conformément à cette disposition, le vendeur est tenu :   A une information écrite de l’acquéreur, d’une part, sur l’existence passée de l’exploitation d’une installation classée soumise à autorisation ou à enregistrement et, d’autre part, sur les dangers ou inconvénients importants liés à l’exploitation, pour autant qu’il les connaisse ;  Dans le cas où il a la qualité d’exploitant, d’indiquer à l’acquéreur si son activité a entraîné la manipulation ou le stockage de substances chimiques ou radioactives.   Une jurisprudence abondante reconnaît le caractère impératif et absolu de cette obligation d’information par écrit (Cf en ce sens : Cass. 3e civ., 12 janv. 2005, n° 03-18.055, Commune de Dardilly contre Sté des Anciennes briqueteries de Limonest ; Cass. 3ème civ., 12 janv. 2005, n° 03-18.055, Commune DARDILLY ; Cass. 3ème civ., 7 mars 1990, n° 88-18.714).   La sanction de la violation de cette information est grave :   résolution de la vente, restitution du prix, remise en état aux frais du vendeur lorsque ce coût ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente   Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation confirme la jurisprudence précitée et relève:   « Mais attendu qu’ayant constaté que la société Prodeco n’avait pas informé la société Perspective avenir lors de la vente de la parcelle de terrain cadastrée BV n° 83 qu’une installation soumise à autorisation y avait été exploitée, relevé que la parcelle BV n° 83 était issue de la division de la parcelle cadastrée BV n° 49 sur laquelle la société Etablissement Lefèvre frères avait exploité sur l’intégralité du terrain une installation soumise à autorisation, que les éléments fournis étaient suffisants pour situer topographiquement la partie de parcelle concernée, que le rapport d’investigation établi par la société Ginger environnement confortait cette position puisqu’il mettait en évidence une pollution sur la parcelle BV n° 83 et que seuls les bâtiments situés sur cette parcelle étaient à même de répondre aux conditions posées par l’arrêté préfectoral pour le stockage des produits inflammables, la cour d’appel, qui a retenu, à bon droit, qu’il importait peu que les dirigeants de la société Prodeco en aient eu connaissance dès lors que l’article L. 514-20 du code de l’environnement crée une obligation d’information, et qui n’était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a pu déduire de ces seuls motifs que la parcelle vendue était bien le siège de l’installation, qu’elle était soumise aux dispositions de l’article L. 514-20 du code de l’environnement et que la société Prodeco avait manqué à son obligation d’information; ».   La Cour de cassation tire les conséquences de son analyse et condamne la venderesse à payer à l’acheteur les opérations de dépollution :   « Mais attendu que la cour d’appel, devant laquelle la société Prodeco n’avait pas sollicité le rejet de la demande d’indemnisation de la SCI Le Clos des artistes au motif d’une disproportion entre le coût de la remise en état et le prix de vente de la parcelle a pu, sans dénaturation, condamner la société Prodeco à payer à la SCI Le Clos des artistes la somme de 292 659, 01 euros à titre de dommages-intérêts ».   Relevons que la Cour de cassation entérine en l’espèce l’interprétation stricte de l’obligation d’information du vendeur : peu importe que ce dernier avait ou non connaissance de l’existence d’une exploitation ICPE antérieurement sur les parcelles litigieuses (comme en l’espèce) et peu importe que l’acheteur n’ignorait pas les risques encourus (Cass. 3e civ., 12 janv. 2005, n° 03-18.055,précitée)   A noter que la jurisprudence de la Cour de cassation dispose d’une résonnance  particulière puisque les nouvelles dispositions applicables en matière de déclaration d’intention d’aliéner lui imposent impérativement de contenir l’obligation d’information au sens de l’article L514-20 du Code de l’environnement (Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, JORF n°0072 du 26 mars 2014 page 5809).   L’article L. 213-2 est ainsi modifié : « a) La seconde phrase du premier alinéa est remplacée par quatre phrases ainsi rédigées : « Cette déclaration comporte obligatoirement l’indication du prix et des conditions de l’aliénation projetée ou, en cas d’adjudication, l’estimation du bien ou sa mise à prix, ainsi que les informations dues au titre de l’article L. 514-20 du code de l’environnement. Le titulaire du droit de préemption peut, dans le délai de deux mois prévu au troisième alinéa du présent article, adresser au propriétaire une demande unique de communication des documents permettant d’apprécier la consistance et l’état de l’immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière. La liste des documents susceptibles d’être demandés est fixée limitativement par décret en Conseil d’État. La déclaration d’intention d’aliéner peut être dématérialisée. »   …