Conditions suspensives dans une promesse de vente: la Cour de cassation rappelle le caractère strict des clauses (Cass, 20 nov.2013)

Par un arrêt en date du 20 novembre 2013 (C.cass, 20 novembre 2013, pourvoi n°12-29021), la Cour de cassation rappelle la stricte interprétation qu’il convient d’avoir de la condition suspensive contenue dans une promesse de vente et tenant à l’obtention d’un prêt. En l’espèce, des particuliers avaient signé une promesse de vente sous condition suspensive de l’obtention d’un prêt. Par la suite, le bénéficiaire de cette condition suspensive avait fait valoir la non obtention du prêt pour justifier de sa renonciation à la vente. Néanmoins, il ressortait des pièces que le bénéficiaire de la promesse avait en réalité sollicité auprès de la banque un prêt à un taux inférieur à celui prévu par la promsse de vente Toute la problématique résidait alors en l’espèce dans le fait que le particulier justifiait de la non obtention du prêt mais à un taux qui était  inférieur à celui contractuellement prévu dans la promesse de vente. S’estimant dans son bon droit, la partie adverse avait sollicité de la juridiction civile l’application de la clause pénale, sans succès jusqu’en appel. Dans son arrêt en date du 20 novembre 2013, la Cour de cassation casse néanmoins l’arrêt de Cour d’appel et rappelle la stricte interprétation qu’il convient de faire des dispositions contractuelles et notamment des conditions suspensives d’un contrat : « Vu l’article 1178 du code civil ; Attendu que pour débouter M. X… de sa demande au titre de la clause pénale, l’arrêt retient qu’il est reproché à Mme Y… d’avoir demandé à la BNP un prêt à un taux inférieur au taux prévu à la promesse de vente, qu’il est vrai qu’elle a demandé une simulation sur la base d’un taux de 4, 20 % dont il n’est pas démontré cependant qu’il soit fantaisiste, que le seul fait de demander un taux légèrement inférieur au taux prévu par la promesse ne constitue pas une faute justifiant la mise en jeu de la clause pénale et qu’il n’y a pas là une ” instrumentalisation ” de la condition suspensive ainsi que le prétend M. X… ; Qu’en statuant ainsi, tout en constatant, d’une part, que Mme Y… avait sollicité de la banque BNP Paribas un prêt à un taux ne correspondant pas aux caractéristiques de la promesse, d’autre part, qu’elle se contentait de produire une lettre de Cetelem indiquant que son dossier avait été détruit, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé » ; Cet arrêt de Cour de cassation rappelle l’importance des dispositions contractuelles prévues entre les parties. Dès lors que la promesse prévoyait une condition suspensive liée à un prêt à un certain taux, il appartenait au bénéficiaire de solliciter ledit prêt au taux contractuellement prévu. A défaut, il s’expose à l’application de la clause pénale. Cette décision confirme l’interprétation littérale qu’il convient d’avoir de l’article 1134 du Code civil, lequel dispose que « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Nul doute que la solution dégagée par la Cour de cassation dans cette espèce doit être étendue à l’ensemble du domaine contractuel. Il semble alors acquis par exemple que la clause pénale viendrait également s’appliquer dans la cas où une promesse de vente prévoyait l’obligation pour l’une des parties d’obtenir une autorisation d’urbanisme à une date déterminée. Aurélien Boudeweel Green Law Avocat  

Têtes de bois et pieds dans le bêton !

Par une décision DC n°2013-317 QPC du 24 mai 2013, le Conseil Constitutionnel a déclaré la disposition législative permettant au pouvoir réglementaire de fixer la quantité minimale de matériaux en bois que doivent contenir les nouvelles constructions, contraire à la constitution.   En effet, par l’article 21, paragraphe V de la loi n°96-1236 sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie, aujourd’hui codifié à l’article L. 224-1, V du code de l’environnement, le législateur a introduit en droit français la disposition selon laquelle :   « Pour répondre aux objectifs du présent titre, un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions dans lesquelles certaines constructions nouvelles doivent comporter une quantité minimale de matériaux en bois ».   Pour autant, il faut attendre près de dix ans pour voir le pouvoir réglementaire faire usage de cette disposition. C’est le décret n°2005-1647 du 26 décembre 2005 qui fixe le premier cette quantité minimale de matériaux en bois devant être utilisés pour l’édification des constructions neuves. Depuis lors, le décret a été remplacé par celui du 15 mars 2010 (D. n°2010-273) afin de relever considérablement cette quantité minimale, tout en la faisant varier en fonction de la destination des constructions.   Complétant le dispositif, l’arrêté du 13 septembre 2010 remplace celui du 26 décembre 2005 et fixe des règles pour calculer cette quantité minimale du volume de bois devant être incorporé dans les nouvelles constructions.   En imposant une part obligatoire de matériaux en bois dans les constructions, le législateur a nécessairement entendu réduire celle du béton (dont on oublie souvent qu’elle constitue le premier matériau mis en œuvre dans le monde).   C’est donc tout naturellement que le Syndicat français de l’industrie cimentière et la Fédération de l’industrie du béton, se sentant lésés par ce dispositif, ont introduit devant le Conseil d’Etat un recours en annulation du décret du 15 mars 2010 pour excès de pouvoir.   A l’occasion de ce recours, les requérants ont demandé au Conseil d’Etat de renvoyer au Conseil Constitutionnel la question de savoir si la disposition législative permettant au pouvoir réglementaire de fixer la quantité minimale de matériaux en bois à contenir pour les nouvelles constructions est conforme ou non à l’article 7 de la charte de l’environnement et à l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.   Le Conseil d’Etat  accepté de transmettre cette QPC.       –         Concernant l’article 7 de la charte de l’environnement   L’article 7 de la charte de l’environnement prévoit que « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».   Ainsi, pour être conformes aux droits et libertés que la constitution garantit,  les dispositions d’une loi renvoyant à des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement doivent nécessairement prévoir que l’élaboration de ces décisions est soumise à une procédure  permettant la participation du public.   Cependant, en l’espèce, le Conseil Constitutionnel décide que la décision à laquelle renvoie l’article L. 224-1, V du code de l’environnement est seulement susceptible d’avoir une incidence indirecte sur l’environnement et qu’elle ne figure donc pas au nombre des décisions devant être soumises au principe de participation du public :   « Considérant que, par les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre l’adoption de normes techniques dans le bâtiment destinées à imposer l’utilisation de bois dans les constructions nouvelles, afin de favoriser une augmentation de la production de bois dont il est attendu une amélioration de la lutte contre la pollution atmosphérique ; que l’exigence de telles normes techniques n’est, en elle-même, susceptible de n’avoir qu’une incidence indirecte sur l’environnement ; que, par suite, le législateur n’était pas tenu de soumettre la décision de fixation de ces normes au principe de participation du public ;   Cette position est pour le moins critiquable. Si la disposition  a effectivement pour but de favoriser une augmentation de la production de bois, elle a également nécessairement pour effet la diminution de la consommation du béton et du ciment dans les constructions réduisant par là-même l’emprunte carbone très forte de ces dernières. Or, cette disposition a pour but de répondre aux objectifs du titre II du livre II du code de l’environnement, lesquels objectifs se trouvent être définis à l’article L. 220-1 du même code :   « L’Etat et ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ainsi que les personnes privées concourent, chacun dans le domaine de sa compétence et dans les limites de sa responsabilité, à une politique dont l’objectif est la mise en œuvre du droit reconnu à chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé. Cette action d’intérêt général consiste à prévenir, à surveiller, à réduire ou à supprimer les pollutions atmosphériques, à préserver la qualité de l’air et, à ces fins, à économiser et à utiliser rationnellement l’énergie ».   Ainsi, se retrouve parmi ces objectifs la lutte contre les pollutions atmosphériques, ce qui inclut nécessairement la lutte contre les émissions de carbone. D’ailleurs, cela a été récemment précisé par le législateur qui a ajouté en 2010 à l’article L. 220-1, la phrase suivante : « La protection de l’atmosphère intègre la prévention de la pollution de l’air et la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre ».   La lettre de ces objectifs relègue la production du ciment ou du béton à la médiocrité de son bilan carbone, évidemment bien plus négatif que la production de bois. La disposition querellée avait donc bien une incidence directe et certaine sur la lutte contre la pollution atmosphérique en ce qu’elle permettait de réduire l’emprunte carbone des constructions.  Est-ce à dire que nos sages et les rédacteurs de la décision commentée ne connaissent que la complexité de l’environnement que la doctrine a pu qualifier de « caméléon » ou plus dramatiquement de « poulpe » ? Rue de Montpensier, nos « sages » n’auraient-ils jamais entendu parler de l’approche intégrée de l’environnement qui implique une perception globale des…

Humidité et vice caché : précisions quant au caractère caché du vice

Un récent arrêt de la Cour de cassation vient nous rappeler ce que la Haute juridiction entend par vice caché, particulièrement en cas d’humidité  (Cass. 3ème civ., 14 mars 2012, pourvoi n°11-10.861).   Une distinction vice caché/vice apparent malaisée Les ventes immobilières donnent fréquemment lieu, même en présence de clause d’exonération de garantie, à des actions en responsabilité contre les vendeurs fondées sur la garantie des vices cachés lorsque, après avoir pris possession du bien, les acheteurs s’aperçoivent de désordres ou défauts affectant l’immeuble. Outre la sempiternelle question de la connaissance ou non par le vendeur du vice préalablement à la vente, seul moyen d’écarter le jeu de la clause exonératoire stipulée, peut également se poser la problématique de la connaissance éventuelle par l’acheteur du vice lors de la vente. En effet, l’article 1642 du Code civil dispose : « le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et donc l’acheteur a pu se convaincre lui-même ». Si, de prime abord, cette distinction entre vice caché et vice apparent apparaît limpide, il n’en est cependant pas toujours ainsi.   Des infiltrations observées et mentionnées lors de la vente… En l’espèce (Cass. 3ème civ., 14 mars 2012, pourvoi n°11-10.861), l’acquéreur d’un studio dans un immeuble en copropriété avait, lors de la visite du bien, pu constater l’existence d’infiltrations au sein de celui-ci. Lors de la signature de l’acte authentique de vente par devant notaire, un diagnostic relatif à l’état parasitaire attestant de l’absence de mérule lui avait été remis. Ce rapport mentionnait l’existence d’ « un dégât des eaux très actif dans la salle de bain, sur le mur gauche qui semble provenir de l’étage supérieur et dont la cause doit être déterminée et traitée rapidement ». Postérieurement à la vente, l’acquéreur découvre que l’origine des infiltrations observées réside dans des désordres en toiture et implique d’importants travaux de réfection dont, en tant que copropriétaire, il aura à supporter une partie. L’acquéreur assigne alors le vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés en sollicitant le remboursement du coût des travaux de réparation susvisés. Débouté par la Cour d’appel de Caen, l’acheteur se pourvoit en cassation et obtient la censure de la décision de la juridiction du fond.    …ne signifient pas pour autant vice apparent Les juges d’appel avaient rejeté les demandes de l’acquéreur au motif que celui-ci connaissait l’existence des infiltrations affectant le bien vendu puisqu’il avait acheté l’immeuble après visite et qu’il ne pouvait donc se prévaloir du caractère caché du vice, peu important qu’il en ait peut être sous estimé l’ampleur. Aux termes d’un attendu parfaitement concis et clair, la Cour de cassation, dans sa décision du 14 mars 2012, casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Caen, estimant « qu’en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser la connaissance par (…) [l’acquéreur] du vice dans son ampleur et ses conséquences, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».   Une telle solution se comprend aisément. En effet, lorsque l’acheteur a pleinement conscience du vice, il conclut en connaissance de cause et à ses risques et périls. Tel n’était pas le cas en l’espèce et et ce d’autant plus que l’acheteur avait visiblement été induit en erreur par les vendeurs. Ces derniers ne semblaient pas l’avoir informé que le vice durait depuis déjà plusieurs années, qu’un procès-verbal d’assemblée générale de copropriété mentionnait la nécessité de solliciter un devis de réfection de la toiture… En l’absence de communication de ces éléments, l’acquéreur pouvait légitimement croire qu’il ne s’agit que d’infiltrations ponctuelles, facilement réparables et ne nécessitant pas d’intervention coûteuse.   Une position constante de la Cour de cassation Ainsi, la Haute juridiction, dans sa volonté de protéger les acquéreurs contre les mauvaises surprises, a adopté une appréhension extensive de la notion de vice caché. Un vice sera considéré comme caché pour l’acquéreur lorsque celui-ci n’aura pas connaissance non seulement de son existence mais également de son ampleur et de ses conséquences. La Cour de cassation va particulièrement loin puisqu’elle a déjà jugé à cet égard qu’un vice apparent doit être considéré comme caché lorsque l’on ne pouvait déterminer les conséquences dommageables lors du contrat (Cass. 3ème civ., 2 déc. 1980, Juris-Data n°1980-035304). On notera que la même exigence de connaissance du vice dans sa globalité est appliquée pour apprécier la prescription de l’action en garantie des vices cachés. L’article 1648 dispose en effet qu’une telle action doit être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. Or, la jurisprudence de la Cour de cassation retient comme point de départ de ce délai la date à laquelle l’acquéreur a connu le vice tout en ayant pu l’apprécier dans ses conséquences (Cass. 1ère civ. , 11 janv. 1989 : Bull.civ. I, n°12 : la connaissance certaine du vice par l’acheteur, marquant le point de départ du bref délai, peut se situer au jour de la notification du rapport d’expertise ). Si de telles précisions ne sont pas empreintes de nouveauté, elles s’avèrent toutefois utiles comme le démontre encore l’arrêt d’appel présentement censuré.     Marie LETOURMY Avocat au Barreau de Lille Green Law Avocat