Nucléaire : une installation nucléaire de base (INB) peut fonctionner jusqu’à l’intervention d’un décret de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement (Conseil d’État, 6ème / 1ère SSR, 22 février 2016, n°373516, mentionné aux tables du recueil Lebon)

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Dans une décision du 22 février 2016, le Conseil d’Etat s’est prononcé, à la demande de nos voisins helvètes, sur plusieurs actes administratifs concernant la centrale électronucléaire de Bugey exploitée par Electricité de France (EDF). Les requêtes, jointes par le Conseil d’Etat, tendaient à demander l’annulation de plusieurs décisions de l’autorité administratives et, plus précisément, à demander : l’annulation de l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) rendu lors d’un réexamen de la sûreté du site électronucléaire de Bugey ; l’annulation des prescriptions techniques nouvelles prises à l’issue du troisième réexamen de sûreté de la centrale ; l’annulation des décisions implicites ou révélées d’autoriser la poursuite de l’exploitation de la centrale nucléaire pour dix ans résultant de l’éduction de ces prescriptions techniques nouvelles. Après avoir déclaré irrecevables les conclusions portant sur les décisions implicites ou révélées d’autoriser la poursuite de l’exploitation de la centrale pour dix ans (I), à l’instar de celles sur l’avis de l’ASN (II), le Conseil d’Etat a refusé d’annuler les prescriptions techniques nouvelles imposées à la centrale (III). L’absence de décision de poursuite de l’exploitation pour dix ans La République et Canton de Genève soutenait que l’édiction de nouvelles prescriptions techniques par l’ASN, à la suite de la transmission, par l’exploitant de l’installation, du rapport de réexamen de sûreté, constituait une décision implicite d’autoriser l’exploitation de cette dernière pour dix années supplémentaires. Dans sa décision, le Conseil d’Etat a commencé par exposer les dispositions applicables aux INB. Il a notamment a rappelé que la création d’une INB était soumise à autorisation (article L. 593-7 du code de l’environnement). Il a également précisé qu’un réexamen par l’exploitant de la sûreté de son installation était prévu tous les dix ans (article L. 593-18 du code de l’environnement). Le Conseil d’Etat a ensuite présenté la procédure suivie à l’issue de ce réexamen de sûreté : l’exploitant adresse à l’ASN et au ministre chargé de la sûreté nucléaire un rapport rendant compte de cet examen de sûreté ainsi que les dispositions envisagées pour remédier aux anomalies constatées ou améliorer la sûreté de l’installation. L’ASN, au vu de ce rapport, peut imposer de nouvelles prescriptions techniques et communique au ministre chargé de la sûreté son analyse du rapport (article L. 593-19 du code de l’environnement). La Haute juridiction était donc invitée à se prononcer sur la durée de vie des autorisations d’exploiter une INB et sur l’éventuel renouvellement de cette durée de vie à chaque contrôle périodique de sûreté. Au regard des textes précités, le Conseil d’Etat a estimé « qu’aussi longtemps qu’aucun décret de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement n’est intervenu, après la mise en œuvre de la procédure prévue à l’article L. 593-25 du code de l’environnement, une installation nucléaire de base est autorisée à fonctionner, dans des conditions de sûreté auxquelles il appartient à l’Autorité de sûreté nucléaire de veiller en vertu de l’article L. 592-1 du même code ». Il en a déduit que « par suite, la République et Canton de Genève n’est pas fondée à soutenir que l’édiction de nouvelles prescriptions techniques par l’Autorité de sûreté nucléaire, à la suite de la transmission, par l’exploitant de l’installation, du rapport de réexamen de sûreté, constituerait une décision implicite d’autoriser l’exploitation de cette dernière pour dix années supplémentaires ; qu’ainsi, les conclusions de la requête tendant à l’annulation des décisions ” implicites ou révélées ” de l’Autorité de sûreté nucléaire et du ministre chargé de la sûreté nucléaire autorisant de nouveau, pour dix ans, l’exploitation de la centrale nucléaire du Bugey sont irrecevables ; ». Le Conseil d’Etat considère donc qu’il n’existe pas de durée de vie des INB et que celles-ci peuvent fonctionner tant qu’aucun décret de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement n’est intervenu, dans des conditions de sûreté auxquelles l’ASN doit veiller. Plus encore, il précise que l’édiction de nouvelles prescriptions techniques à la suite d’un réexamen de sûreté de l’installation ne constitue pas une décision autorisant l’exploitation de la centrale pour dix nouvelles années. Il écarte donc comme irrecevable les conclusions tendant à l’annulation de décisions autorisant l’exploitation de la centrale pour dix ans.   L’avis de l’ASN, un acte non susceptible de recours   La République et Canton demandait également l’annulation de l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire rendu après le troisième réexamen de sûreté du réacteur n° 2 de la centrale nucléaire du Bugey. Rappelons qu’aux termes de l’article L. 593-19 du code de l’environnement dans sa version alors en vigueur : « L’exploitant adresse à l’Autorité de sûreté nucléaire et au ministre chargé de la sûreté nucléaire un rapport comportant les conclusions de l’examen prévu à l’article L. 593-18 et, le cas échéant, les dispositions qu’il envisage de prendre pour remédier aux anomalies constatées ou pour améliorer la sûreté de son installation. / Après analyse du rapport, l’Autorité de sûreté nucléaire peut imposer de nouvelles prescriptions techniques. Elle communique au ministre chargé de la sûreté nucléaire son analyse du rapport. (…) »   Le Conseil d’Etat devait se prononcer sur le statut des analyses de l’ASN.   Le Conseil d’Etat a considéré que « l’analyse par l’Autorité de sûreté nucléaire du rapport de réexamen de sûreté adressée au ministre chargé de la sûreté nucléaire constitue un simple avis qui ne présente pas le caractère d’une décision faisant grief ; qu’ainsi, les conclusions tendant à l’annulation de l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire du 10 juillet 2012 sur la poursuite de l’exploitation du réacteur n° 2 de la centrale nucléaire du Bugey après son troisième réexamen de sûreté ne peuvent qu’être rejetées comme irrecevables ; ».   Le Conseil d’Etat estime donc que l’avis de l’ASN ne constitue qu’un simple avis ne faisant pas grief et qu’il est, dès lors, insusceptible de recours.   On peut toutefois se demander si cette position du Conseil d’Etat sera maintenue eu égard à la nouvelle rédaction de l’article L. 593-19 du code de l’environnement. La nouvelle rédaction de cet article précise que « Après analyse du rapport, l’Autorité de sûreté nucléaire peut imposer de nouvelles prescriptions techniques. Elle communique au ministre…

Eolien: annulation du refus de PC fondé sur un risque non avéré de perturbation du faisceau hertzien du réseau “Rubis”

Dans un arrêt récent, la Cour administrative d’appel de Douai a confirmé l’annulation prononcée en première instance d’un refus de permis de construire fondé sur un risque de perturbation du faisceau hertzien du réseau « rubis » (réseau radio de la gendarmerie) par les éoliennes (Cour administrative d’appel de Douai, 1re chambre – formation à 3, 28/11/2012, 11DA01138, Inédit au recueil Lebon).   Confirmant le jugement rendu par le Tribunal administratif de Rouen en première instance, la Cour a considéré que le risque de perturbation du réseau invoqué par le Préfet n’était pas avéré compte tenu des caractéristiques propres aux éoliennes et de leur implantation, et des conditions techniques d’exploitation du réseau Rubis à la date du refus :    « 3. Considérant que, pour refuser la délivrance du permis de construire sollicité par la société E., le préfet de l’Eure s’est fondé sur la circonstance que la présence des éoliennes E6 et E7 ” dans le faisceau hertzien du réseau ” Rubis ” (Réseau unifié basé sur l’intégration des services) de la gendarmerie nationale porte atteinte à l’exercice de prérogatives de sécurité publique ” ; qu’en appel, le ministre soutient qu’il ressort d’un rapport de l’Agence nationale des fréquences établi en 2002 que les éoliennes sont, compte tenu de leur implantation et de leurs caractéristiques propres, de nature à perturber sensiblement la réception des ondes radioélectriques ; que, selon lui, ces facteurs de perturbation sur le dispositif opérationnel de la gendarmerie à travers le réseau Rubis, ont été reconnus en l’espèce par le ministère de la défense qui a émis un avis défavorable sur le projet le 25 janvier 2008 ; qu’il en a déduit que l’altération du système de télécommunication par l’implantation d’éoliennes constitue un risque réel pour la sécurité publique compte tenu de la finalité du réseau Rubis ; qu’il ressort toutefois de ce rapport, produit par les sociétés pétitionnaires, que si le risque d’interférences ainsi invoqué existe, il n’a été établi que de manière générale et à partir de mesures essentiellement théoriques ; qu’en outre, à la suite des investigations menées par l’Agence nationale des fréquences sur deux parcs éoliens, il apparaît que les perturbations de la réception radioélectrique étaient essentiellement télévisuelles ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le risque retenu par l’administration serait en l’espèce avéré compte tenu des caractéristiques propres aux éoliennes et à leur implantation et compte tenu des conditions techniques d’exploitation du réseau Rubis à la date de la décision attaquée ; que, par suite, le MINISTRE DE L’ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a estimé que le préfet de l’Eure avait, pour refuser de délivrer le permis de construire attaqué, commis une erreur d’appréciation en se fondant sur une méconnaissance des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme ; »   En définitive, et on peut s’en féliciter, la Cour conditionne la légalité d’un refus de permis au titre de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme à la caractérisation en l’espèce d’un risque pour la sécurité publique.  Ici, le seul rapport général de l’Agence nationale des fréquences établi en 2002 ainsi que l’avis favorable du Ministre de la Défense sur le projet sont insuffisants pour justifier d’un risque avéré de perturbation par les éoliennes.   L’arrêté se trouve ainsi dans la lignée de la jurisprudence actuelle qui censure l’invocation d’un seul risque présumé ou minime au titre de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme (Cour administrative d’appel de Douai, 1re chambre – formation à 3, 27/09/2012, 11DA00546, Inédit au recueil Lebon ; COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON, 1ère chambre – formation à 3, 30/08/2011, 09LY01220, Inédit au recueil Lebon ; Cour administrative d’appel de Douai, 1re chambre – formation à 3 (bis), 21/01/2010, 09DA00038 ; Cour administrative d’appel de Douai, 1re chambre – formation à 3, 16/10/2008, 07DA00318, Inédit au recueil Lebon).     L’arrêt est également intéressant d’un autre point de vue. La Cour a censuré le second motif de refus de permis tiré de la protection des paysages et des sites (article R. 111-21 du code de l’urbanisme).  La Cour s’est d’abord attachée à procéder à la caractérisation du site comme l’exige le Conseil d’Etat en la matière (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 13/07/2012, 345970). En cela, la Cour a estimé que l’environnement du projet ne constituait pas un paysage naturel remarquable. Ensuite, elle a considéré que la co-visibilité avec un monument historique situé dans un village à 4 kilomètres du projet n’aurait qu’un impact très réduit sur le patrimoine architectural dès lors qu’aucune rupture d’échelle visuelle ne serait créée et que celle-ci sera en tout état de cause atténuée par la présence de boisements : « 5. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les projets de parcs éoliens en litige se situent sur le plateau à dominante agricole du Vexin, lequel, selon les termes de l’avis de la direction régionale de l’environnement, ne constitue pas un paysage naturel remarquable ; que, par ailleurs, si les éoliennes projetées seront en situation de co-visibilité avec le village d’Ecouis distant d’environ quatre kilomètres, qui comprend une collégiale classée monument historique, cette co-visibilité n’existera que par un angle de vue horizontal ne créant aucune rupture d’échelle visuelle et sera, en outre, limitée par la présence de boisements ; qu’elle n’aura, dès lors, qu’un impact très réduit sur le patrimoine architectural et culturel que représente cette collégiale ; que, par suite, le MINISTRE DE L’ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT n’est pas davantage fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a estimé que le préfet de l’Eure avait, pour refuser de délivrer les permis de construire attaqués, commis une erreur d’appréciation en se fondant sur une méconnaissance des dispositions de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme ; » Cour administrative d’appel de Douai, 1re chambre – formation à 3, 28/11/2012, 11DA01138, Inédit au recueil Lebon   Les exigences dont fait preuve la Cour dans l’appréciation de la…

IMPORTANT – Eoliennes / Expertise Radar Météo: l’expert récusé en raison du doute quant à son impartialité!

Il est des décisions courageuses…et le jugement rendu par le Tribunal administratif d’Amiens le 10 avril 2012  en est assurément une!    TA-Amiens-10.04.12-jugement-récusation-expert Les faits: Un Préfet a refusé des permis de construire éoliens en se fondant sur un risque prétendu pour la sécurité publique (article R 111-2 Code de l’urbanisme), tiré d’une “perturbation” par les éoliennes du radar météorologique à proximité. A l’occasion du recours en annulation contre ces refus de permis devant le Tribunal administratif, l’opérateur éolien a sollicité une expertise judiciaire. L’expert désigné fut le même que celui à l’origine du rapport d’expertise présenté devant la Cour administrative d’appel de Douai, et qui a conduit à cette décision dorénavant brandie par l’Etat (et bien connue des opérateurs éoliens), confirmant les refus de PC fondés sur l’impact des éoliennes à l’égard des radars météo (CAA Douai, 30 juin 2011, “Nuevas Energias de Occidente Galia”, n°09DA01149). La procédure D’emblée, le TA d’Amiens a fait preuve de courage en faisant droit à la demande d’expertise, dont l’étendue dépasse celle diligentée devant la Cour administrative d’appel de Douai. En effet, non seulement l’expert devait “analyser la validité, d’un point de vue scientifique, du modèle utilisé par l’Agence nationale des fréquences, sur lequel se fonde Météo France, pour déterminer les risques de perturbation d’un radar, notamment météorologique, par référence en particulier à la SER, et la pertinence des zones d’exclusions et de toutes les sujétions  qui en découlent ainsi que de préciser les conséquences de l’atteinte au mode Doppler sur le fonctionnement global d’un radar“; Mais surtout, il lui a été demandé de “décrire les missions de sécurité civile opérationnelles assurées par le radar Météo France d’Avesnes ainsi que les risques naturels et technologiques effectivement identifiés ou suivis par ce radar dans le cadre de ses mission de sécurité civile ; – De déterminer si et dans quelles mesures les éoliennes du projet de la SOCIETE X seraient susceptibles de perturber le radar météorologique d’Avesnes en précisant  la SER et la zone de perturbation de mesures Doppler attendues ; – De caractériser les enjeux localement pertinents pour la sécurité des biens et des personnes d’une éventuelle perte de détection du radar d’Avesnes engendrée par le fonctionnement  des éoliennes en projet ;” L’impartialité de l’expert mise en doute compte tenu des propos anti éoliens tenus Néanmoins, il s’est avéré en cours d’expertise que l’impartialité de l’expert désigné à la fois par la Cour et par le Tribunal pouvait être sérieusement mise en doute. L’expert tient en effet des propos hostiles aux opérateurs éoliens et à la production d’électricité à partir de l’énergie éolienne en général, et ce, de façon nommément revendiquée sur le page internet librement accessible de la Ville de Sèvres “vert de rage”, laissant clairement transparaître ses opinions personnelles. Dès qu’il a eu connaissance des propos de l’expert, l’opérateur n’a pu alors que solliciter sa récusation en usant de l’article R621-6 du Code de justice administrative. Rappelons que la récusation peut être demandée “s’il existe une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité” (article L721-1 du Code de justice administrative), ce qui est indubitablement le cas s’agissant d’une expertise conditionnant plusieurs milliers de mégawatts de développement éolien selon les chiffres du SER. Alors que tout s’opposait à ce que l’opérateur ait gain de cause (l’Etat demandant le rejet de la requête, l’expert s’y opposant également et le rapporteur public ayant proposé au Tribunal de rejeter la requête en récusation) le Tribunal administratif vient courageusement de récuser l’expert M. XXXXXX, en considérant que le “commentaire litigieux du 30 décembre 2009 doit être regardé, compte tenu des termes dans lesquels il est rédigé, comme une raison sérieuse de mettre en doute l’impartialité objective de M. XXXXXX pour la réalisation de l’expertise diligentée“. En conséquence de quoi, les opérations d’expertises, irrégulières, sont annulées. Gageons, comme l’a fait le Rapporteur Public M. Larue au sujet de l’arrêt de la CAA de Douai précité (M. Xavier Larue, Conseiller à la cour administrative d’appel de Douai, commentant l’arrêt : AJDA 2011 p. 1497, « L’impact des éoliennes sur le fonctionnement des radars météorologiques »), que la portée du jugement du Tribunal administratif excèdera le seul cas d’espèce, et conditionnera l’avenir du développement éolien terrestre!  David DEHARBE Avocat associé

Radar et éoliennes : les enjeux de sécurité civile sont à apprécier in concreto ! (CAA Bordeaux, 1er mars 2012, n°11BX00737)

[dropcap]L[/dropcap]’on sait que la cohabitation des éoliennes et des radars météorologiques est vue comme problématique, au point que le nouveau régime d’autorisation ICPE soumet les parcs qui en sont  éloignés de moins de 20 kilomètres à une autorisation du Ministre de l’Ecologie (art. 4 des prescriptions ministérielles afférentes à l’autorisation ; art. 2.2 de l’annexe des prescriptions déclaratives). Entre temps, le juge administratif a eu à juger des refus de permis de construire qui se réclameraient de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme et plus ou moins explicitement de la circulaire du 3 mars 2008. A l’initiative d’annulations prononcées par le Tribunal administratif d’Amiens qui a annulé des refus en zone dite de coordination et enjoint (ce qui est exceptionnel) la délivrance des permis en cause, le Conseil d’Etat a été amené à confirmer que : « que la cour administrative d’appel de Douai, après avoir relevé que le parc éolien de Vron devrait se situer à environ 19,4 kilomètres au nord-ouest du radar météorologique d’Abbeville dépendant de l’établissement public Météo France, soit au-delà du périmètre de 1000 mètres correspondant à la servitude d’utilité publique actuellement définie pour ce type d’installation en application du code des postes et des communications électroniques, a considéré qu’eu égard aux données scientifiques disponibles, et compte tenu de la hauteur des machines et de leur position géographique, il ne ressortait pas des pièces du dossier qui lui était soumis que l’implantation de deux éoliennes et d’un poste de livraison sur le territoire de la commune d’Allery, d’une part, et l’implantation de huit éoliennes sur le territoire de la commune de Vron, d’autre part, seraient de nature à nuire à la qualité de la veille météorologique dans le secteur d’Abbeville, notamment du point de vue de la sécurité au sens de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme et que, par suite, le préfet de la Somme avait commis une erreur d’appréciation en refusant les permis de construire litigieux ; que, ce faisant, la cour a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine, qui est exempte de dénaturation » (CE 1er décembre 2010, n° 323498 et 323499, Ministre de l’Ecologie / Société InnoVent).   Reste qu’une expertise judiciaire a conduit la Cour administrative d’appel de Douai à juger qu’il y avait une perturbation de la veille météorologique  (CAA, 30 juin 2011, n° 09DA01149). Le Tribunal administratif d’Amiens a décidé pour sa part qu’il fallait encore apprécier concrètement la portée de cette perturbation sur les missions de sécurité civile auxquelles contribue Météo-France et ordonner une nouvelle expertise (TA Amiens, 18 octobre 2011, n°0903355). Celle ci est toujours en cours.   C’est à une telle analyse in concreto que vient de se livrer la Cour administrative d’appel de Bordeaux dans l’arrêt CAA Bordeaux_01_03_2012_11BX00737_Inédit_au_recueil_Lebon[1] et dont la motivation démontre que les enjeux de sécurité civile de la perturbation radar sont abordés in concreto par le juge : « qu’il ressort des pièces du dossier que le radar de Montclar participe au système d’observation mis en place par Météo-France, garantissant la détection et la mesure de précipitations sur les bassins versants sensibles surveillés par le service de prévisions de crues Tarn-Lot ; qu’il permet notamment d’identifier et de suivre le développement des lignes de convergence, souvent générateur de crues rapides et de vents violents pouvant provoquer d’importants dégâts, et de prévoir les phénomènes extrêmes tels que les pluies cévenoles débordant dans l’Aveyron ; que par suite, la dégradation des performances du radar de Montclar résultant de l’implantation des aérogénérateurs projetés par la société à l’intérieur de la zone dite de coordination dans son champ de covisibilité est de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens que Météo-France a pour mission d’assurer » (CAA Bordeaux 1er mars 2012, n° 11BX00737).   Il est bien évident qu’un telle motivation relance le débat sur la légalité des refus de permis éoliens mais aussi des futures prises de position du Ministre dans le cadre ICPE : les bassins versants et les risques d’inondation ne se ressemblent pas sur tout le territoire … affaires à suivre.