Elevage, distances d’éloignement: des précisions sur les possibilités de dérogation par arrêté préfectoral

Un arrêt de la CAA de Nancy (CAA Nancy, 1ère chambre, 1er août 2013 n°12NC01066) illustre ce qui est entendu par les notions de « bâtiment existant » et d’ « annexe destinée à la mise en conformité des élevages » soumis aux distances d’éloignement fixées par l’arrêté ministériel du 7 février 2005. En l’espèce, le Préfet avait accordé par arrêté une dérogation aux distances d’éloignement pour un bâtiment de stockage fourrager et d’une fosse à lisier pour un élevage de vaches laitières et autorisait une implantation à une distance inférieure à trente cinq mètres du cours d’eau intermittent présent sur le site. L’arrêté préfectoral disposait cependant en son article 3 que « Les ouvrages seront construits, aménagés et exploités conformément aux plans et notices jointes à l’appui de la demande. En dehors de l’objet de la présente dérogation, les règles d’implantation, d’aménagement et d’exploitation du bâtiment seront conformes aux prescriptions fixées par l’arrêté du 7 février 2005 ». On apprend à la lecture de l’arrêt que les travaux étaient menés dans le but, d’une part, de réaménager un bâtiment de stockage existant B1 pour le logement de 50 vaches en logettes, le bloc de traite et la nurserie, d’autre part, de procéder à l’extension et à la couverture B2 d’une surface de stockage bétonnée existante S1 pour le stockage de fourrage et, enfin, de créer une fosse couverte enterrée pour le stockage des effluents, localisée sous une plate forme bétonnée existante S2. Contesté par des tiers, l’arrêté du Préfet a été validé par le Tribunal administratif de Strasbourg en première instance. En appel, la Cour administrative d’appel de Nancy a toutefois considéré que l’un des bâtiments n’était ni un bâtiment existant, ni une annexe destinée à se mettre en conformité, de sorte que les règles d’éloignement prévues par l’arrêté ministériel de 2005 devaient s’appliquer. L’article 3 du Préfet est alors annulé. Autrement dit, le Préfet devait imposer des règles d’éloignement au nouveau bâtiment de stockage qui ne bénéficie pas des possibilités de dérogation en tant que bâtiment existant ou d’annexe nécessaire à la mise en conformité : « il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement du rapport de l’inspection des installations classées et des écrits du préfet, que l’arrêté litigieux a pour seul objet de permettre une dérogation à la règle de distance par rapport au cours d’eau, et ne contient aucune dérogation de distance par rapport aux zones destinées à l’habitation fixées par des documents d’urbanisme opposables aux tiers ; que si le ministre soutient qu’une telle dérogation n’était pas nécessaire en application de l’article 2.1.4 de l’arrêté de 2005 précité, dès lors qu’il s’agirait d’un élevage existant, il ressort des pièces du dossier que la fosse à lisier, qui constitue une annexe au sens des dispositions précitées, est destinée à mettre l’exploitation en conformité avec les normes en vigueur et que les règles de distance ne lui sont ainsi effectivement pas applicables ; que la réalisation d’un logement d’accueil de bovins aux lieu et place d’un bâtiment de stockage préexistant doit être considérée comme un bâtiment existant et non un nouveau bâtiment ; qu’en revanche, la réalisation d’un nouveau bâtiment de stockage, qui trouve son emprise en partie sur une surface existante bétonnée, destinée au stockage de fourrage, doit être considérée comme un nouveau bâtiment, auquel les règles de distance sont opposables ; que le préfet a ainsi commis un erreur d’appréciation en estimant que les règles de distance par rapport à la zone NAc n’étaient pas applicables ; qu’il s’ensuit que c’est à tort que, par l’article 3 de l’arrêté litigieux, le préfet a implicitement admis que le projet était conforme aux règles de distance par rapport aux zones habitées fixées par l’arrêté du 7 février 2005 » ; C’est là une application assez classique des règles applicables aux arrêtés de dérogations aux distances d’éloignement. En effet, l’article L 512-1 du code de l’environnement prévoit que la délivrance d’une autorisation d’exploiter une installation classée peut être subordonnée notamment à son éloignement des habitations, des immeubles habituellement occupés par des tiers, des établissements recevant du public, des cours d’eau, des voies de communication, des captages d’eau ou des zones destinées à l’habitation par des documents d’urbanisme opposables aux tiers. Certaines activités donnent lieu à des arrêtés ministériels, tel que l’arrêté du 7 février 2005 (modifié à plusieurs reprises depuis) pour certains élevages, qui prescrivent des règles d’éloignement et les conditions dans lesquelles le Préfet peut y déroger. L’objectif premier des dispositions en la matière sont destinées à prévenir toutes nuisances pour les tiers. La jurisprudence administrative rendue dans ce domaine est abondante et a permis de définir de manière plus précise ce qu’il faut entendre par exemple par les notions de « tiers » et de « locaux habités » destinés à être protégés par l’éloignement de l’installation. De fait, il est loisible de constater que la jurisprudence administrative n’hésite pas à interpréter restrictivement les dispositions applicables en jugeant par exemple que l’inoccupation d’une maison d’habitation située à 30 mètres d’une porcherie n’interdit pas l’usage des prérogatives précitées (TA Rennes, 30 avr. 1992, n° 872220, Pascal Ruault). Surtout, le Conseil d’Etat a précisé par un arrêt du 1er mars 2013 que des règles de distance inférieures à celles prescrites par l’arrêté ministériel du 7 février 2005 peuvent être accordées par arrêté préfectoral, alors même que ne sont pas applicables les dispositions dérogatoires du paragraphe 2.1.1 de l’annexe 1 de l’arrêté du 7 février 2005, dès lors que les intérêts garantis par l’article L. 511-1 du code de l’environnement sont protégés. L’arrêt de la CAA de Nancy du 1er août 2013 applique quant à lui les règles d’éloignement prévues par l’arrêté ministériel du 7 février 2005 (arrêté qui fixe les règles techniques pour les élevages de bovins, de volailles et/ou gibier à plumes et de porcs soumis à déclaration ICPE), et qui prévoit en son annexe I : « Article 2.1.1. : Règles générales : Les bâtiments d’élevage et leurs annexes sont implantés à au moins 100m des habitations des tiers (…) ou des locaux habituellement occupés par des tiers, des stades ou des terrains…

Taxe sur les boues d’épuration: la Loi déclarée conforme à la Constitution sous une réserve d’interprétation (Conseil Constitutionnel, 8 juin 2012)

Voici une décision qui intéressera tous les producteurs de boues dont une partie au moins est destinée à être épandue.   Saisi le 26 mars 2012 par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité  (en application de l’ art. 61-1 de la Constitution) posée par une Confédération professionnelle,  et par cinq autres sociétés,  le conseil constitutionnel s’est prononcé sur la constitutionnalité de l’article L. 425-1 du code des assurances (décision n° 2012-251 QPC du 08 juin 2012).   Aux termes de cet article, introduit par l’article 45  de la loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, « un fonds de garantie des risques liés à l’épandage agricole des boues d’épuration urbaines ou industrielles est chargé d’indemniser les préjudices subis par les exploitants agricoles et les propriétaires des terres agricoles et forestières dans les cas où ces terres, ayant reçu des épandages de boues d’épuration urbaines ou industrielles, deviendraient totalement ou partiellement impropres à la culture en raison de la réalisation d’un risque sanitaire ou de la survenance d’un dommage écologique lié à l’épandage, dès lors que, du fait de l’état des connaissances scientifiques et techniques, ce risque ou ce dommage ne pouvait être connu au moment de l’épandage et dans la mesure où ce risque ou ce dommage n’est pas assurable par les contrats d’assurance de responsabilité civile du maître d’ouvrage des systèmes de traitement collectif des eaux usées domestiques ou, le cas échéant, de son ou ses délégataires, de l’entreprise de vidange, ou du maître d’ouvrage des systèmes de traitement des eaux usées industrielles ».   Ce fonds est financé par une taxe annuelle due par les producteurs de boues et dont l’assiette est la quantité de matière sèche de boue produite sachant que le montant de la taxe est fixé par décret en Conseil d’État dans la limite d’un plafond de 0,5 euros par tonne de matière sèche de boue produite.   Critiquant l’assiette de la taxe portant sur la quantité de boue produite et non sur la quantité de boue épandue, les requérants invoquaient la violation du principe d’égalité devant les charges publiques (art. 13 de la DDHC de 1789).   Le Conseil constitutionnel rejette la partie de la contestation tendant à remettre en cause le choix du législateur de favoriser l’élimination des boues d’épuration au moyen de l’épandage quand bien même ce mode d’élimination des boues n’est peut être pas le plus approprié pour les boues papetières (voir le commentaire  sur le site du CC de la décision n°2012-251 QPC du 8 juin 2012) au motif classique qu’il ne dispose pas d’un pouvoir d’appréciation de même nature que celui du Parlement.   Ensuite, les juges de la rue de Montpensier puisent dans l’exégèse du texte de loi pour vérifier l’absence de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques : selon la jurisprudence constitutionnelle, toute différence de traitement procédant d’une rupture d’égalité doit être en rapport direct avec l’objet de la loi (Décision n°2000-441 DC du 28 décembre 2000, loi de finances rectificative pour 2000). De ce point de vue, l’on peut rappeler que le Conseil constitutionnel procède à un contrôle approfondi de la fiscalité incitative. Or, la lecture des débats parlementaires permet de mesurer l’intention du législateur : l’institution de la taxe  assise sur la quantité de boue produite (et non pas épandue) a eu pour objet d’éviter que la taxe ne dissuade les producteurs de boues de recourir à l’épandage. Le Conseil en déduit que « la différence instituée entre les boues susceptibles d’être épandues que le producteur a l’autorisation d’épandre et les autres déchets qu’il produit et qui ne peuvent être éliminés que par stockage ou par incinération est en rapport direct avec l’objet de la taxe ».   En même temps,  le juge constitutionnel émet une réserve d’interprétation (comme il a déjà pu le faire dans la décision n°2010-57 QPC du 18 octobre 2010, “Taxe générale sur les activités polluantes”)  puisqu’il précise que les boues susceptibles d’être épandues mais  que le producteur n’a pas eu l’autorisation d’épandre ne sauraient être assujetties à la taxe. Concrètement, « le producteur de 20000 tonnes de boues « épandables », mais qui n’a été autorisé par arrêté du préfet à n’en épandre que 10000 ne peut être taxé que sur ces 1000 tonnes ( qu’il soit parvenu, ou non, à trouver les surfaces d’épandage nécessaires » (Commentaire de la décision n° 2012-251 QPC du 8 juin 2012, Taxe sur les boues d’épuration, http://www.conseil-constitutionnel.fr).   Les sociétés pourront dès lors se prévaloir de cette réserve d’interprétation devant les juridictions…..     Patricia Demaye-Simoni Maître de conférences en droit public

Directive Nitrates : des mesures réglementaires contestées !

Face à la pression exercée par la Commission européenne fustigeant l’inefficacité de la réglementation applicable en France pour lutter contre la pollution par nitrates dans les zones vulnérables (cf. récemment l’annonce du 27 octobre 201 sur  l’envoi d’un avis motivé de la commission adressé à la France suivie d’un communiqué de presse en date du 28 octobre 2011 des  ministres de l’Ecologie et de l’Agriculture sur le durcissement de la réglementation française), les pouvoirs publics français  ont engagé, en 2010,  un programme de réforme visant à renforcer et améliorer la mise en oeuvre de la directive 91/676/CEE  dite directive « nitrates ». A la suite de la publication du décret n°2011-1257 du 10 octobre 2011 (cf. sur ce blog, notre brève du 14/10/2011, « Le décret « nitrates » est publié ») dont l’abrogation a été demandée par les associations  France Nature Environnement (FNE) et Eau et Rivières de Bretagne (ERB), deux arrêtés ont été publiés au journal officiel du 21 décembre 2011 : – le premier, en date du 19 décembre 2011, est relatif au programmes d’actions national à mettre en oeuvre dans les zones vulnérables afin de réduire la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole ; – le second, en date du 20 décembre 2011, est relatif à la composition, l’organisation et le fonctionnement du groupe régional d’expertise « nitrates » pour le programme d’actions à mettre en oeuvre dans les zones vulnérables afin de réduire la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole. Notamment, le premier de ces arrêtés décline les mesures du programme d’action national visant à lutter contre la pollution par les nitrates d’origine agricole. Les nouvelles mesures adoptées seront applicables au 1er septembre 2012 (sauf en ce qui concerne les capacités de stockage des effluents  d’élevage pour lesquels le délai d’application butoir est fixé au 1er juillet 2016). Prévoyant une extension des périodes d’interdiction d’épandage des fertilisants, l’arrêté révise également les modalités de dimensionnement et de contrôle des capacités de stockage des effluents d’élevage. Il prévoit encore un relèvement d’environ 20 % des quantités d’azote émises par les vaches laitières, sachant que les normes d’excrétion d’azote par espèce d’animal (herbivores, volailles, lapins, porcins) sont détaillées. En outre, les modalités d’établissement du plan prévisionnel de fumure et du cahier d’enregistrement des pratiques dont l’objet est d’aider l’agriculteur à mieux gérer sa fertilisation azotée sont présentées. Un second arrêté devant intervenir à l’automne 2012 (pour réviser le cadre réglementaire de dimensionnement des ouvrages de stockage des effluents d’élevage, préciser les modalités d’épandage selon les conditions de sols ou encore les règles relatives à la couverture des sols pendant les périodes pluvieuses), l’arrêté du 19 décembre  se présente comme le texte déclinant les principales mesures du programme d’action national qui sera ultérieurement complété. En outre, deux nouveaux textes sont actuellement  soumis à la consultation du public jusqu’au 14 janvier 2012 :  – Un projet de décret relatif aux programmes d’actions régionaux devant succéder aux actuels  programmes départementaux en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole précise le contenu de ces programmes et les mesures que le préfet de région peut être appelé à prendre ; – Un projet d’arrêté, dont l’entrée en vigueur est prévue au 30 juin 2013,  porte sur les actions renforcées à mettre en oeuvre dans certaines zones ou parties de zones vulnérables en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole (la déclaration annuelle des quantités d’azote épandues, les déclarants, l’obligation de traiter ou d’exporter l’azote issu des animaux d’élevage…). Ces différents textes ont été publiés ou soumis à la consultation du public au mois de décembre 2011 alors qu’un vent de fronde souffle sur le contenu des textes « nitrate » pour lesquels les avis des associations et des représentants d’élus n’auraient pas été suffisamment pris en compte. Patricia Demaye-Simoni Maître de conférences en droit public Arrêté_du_20_décembre_2011_version_initiale[1] 111209_Arrete_DirN_ActionsRenforcees_ConsPub111209_ 111209_Decret_DirNit_ActionsRenforcees_Projet_ConsPub Arrêté_du_19_décembre_2011_version_initiale[1]

Elevage/distance d’éloignement: sur l’étendue du pouvoir de dérogation du Préfet

Pour des raisons sanitaires, l’implantation des bâtiments d’élevage est soumise à des distances d’éloignement par rapport aux habitations ; ces prescriptions se retrouvent en matière d’urbanisme et en matière d’installation classée. La décision du Conseil d’Etat du 10 janvier 2011 n°317994 “EARL CHAMPAGNE”, mentionnée aux tables du Recueil Lebon,  donne l’occasion de préciser l’étendue du pouvoir du Préfet pour accorder une dérogation aux distances d’implantation des bâtiments d’élevage de porcs soumis à déclaration ICPE. La règle d’éloignement et le pouvoir de dérogation du Préfet Les règles d’implantation de ces bâtiments d’élevage sont prévues, en matière d’installation classée,  par l’arrêté du 7 février 2005 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire les élevages de bovins, de volailles et/ou de gibier à plumes et de porcs soumis à déclaration au titre du livre V du code de l’environnement. Cet arrêté fixe une distance minimale de 100 mètres entre le bâtiment d’élevage et les habitations. Des distances réduites sont prévues pour des installations de nature spécifique (bâtiments d’élevage de bovins sur litière, bâtiments mobiles, situés en zone de montagne etc..). L’article 4 de l’arrêté du 7 février 2005 prévoit la possibilité pour le Préfet d’accorder une dérogation aux distances d’implantation : « Le préfet peut, pour une installation donnée, adapter par arrêté les dispositions de l’annexe I dans les conditions prévues par l’article L. 512-12 du code de l’environnement et l’article 30 du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 susvisés. » L’article 2-1-4 de l’annexe I de l’arrêté précise : « Les dispositions du 2.1.1, 2.1.2 et du 2.1.3 ne s’appliquent, dans le cas des extensions des élevages en fonctionnement régulier, qu’aux nouveaux bâtiments d’élevage ou à leurs annexes nouvelles. Elles ne s’appliquent pas lorsque l’exploitant doit, pour mettre en conformité son installation avec les dispositions du présent arrêté, réaliser des annexes ou aménager ou reconstruire sur le même site un bâtiment de même capacité. Sans préjudice de l’article L. 512-15 du code de l’environnement, dans le cas de modifications, notamment pour se conformer à de nouvelles normes en matière de bien-être animal, d’extensions ou de regroupement d’élevages en fonctionnement régulier ou fonctionnant au bénéfice des droits acquis conformément aux dispositions de l’article L. 513-1 du code de l’environnement, des dérogations aux dispositions du 2.1.1, 2.1.2 et du 2.1.3 peuvent être accordées par le préfet sous réserve de la préservation des intérêts visés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement. (…) » L’interprétation donnée par le juge administratif Pour la Cour administrative d’appel, la liste des dérogations pouvant être accordée par le Préfet était limitée aux cas prévus à l’article 2-1-4 de l’annexe I. La Cour a donc jugé qu’étant donné que la demande présentée par l’EARL DE LA CHAMPAGNE ne portait ni sur l’extension d’un élevage existant, ni sur la mise en conformité de son installation au sens de ces dispositions, l’EARL ne pouvait bénéficier d’une dérogation de distance d’implantation. Le Conseil d’Etat retient une autre interprétation en considérant que l’ensemble des cas et exceptions permettant de recevoir dérogation n’est pas limité aux cas prévus à l’article 2-1-4 dès lors que l’article 4 de l’arrêté du 7 février 2005 prévoit que le Préfet dispose d’un pouvoir général d’adaptation des distances d’implantation et que l’article L. 521-12 du code de l’environnement lui donne la prérogative d’établir des prescriptions spéciales supplémentaires. L’arrêt de la Cour est censuré sur le motif pris de l’erreur de droit : « Considérant, d’autre part, que la cour administrative d’appel a relevé que les dispositions de l’arrêté ministériel du 7 février 2005 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire, notamment, les élevages de porcs soumis à déclaration, dont il lui incombait de faire application s’agissant d’un contentieux de pleine juridiction, ne permettaient aucune possibilité de dérogation à la règle de la distance de 100 mètres séparant les élevages porcins des habitations de tiers, hormis les cas et exceptions prévus par les dispositions du 2-I-4 de l’annexe I de ce même arrêté ministériel aux termes desquelles, pour les élevages existants, « dans le cas de modifications, notamment pour se conformer à de nouvelles normes en matière de bien-être animal, d’extensions ou de regroupement d’élevages en fonctionnement régulier ou fonctionnant au bénéfice des droits acquis conformément aux dispositions de l’article L. 513-1 du code de l’environnement, des dérogations aux disposition du 2.1.1 … peuvent être accordées par le préfet (…) » ; (…) ; que la cour administrative d’appel qui, pour annuler l’arrêté préfectoral contesté en tant qu’il autorisait la société à déroger à la règle de distance de 100 mètres, a fait application des dispositions de l’annexe I de l’arrêté du 7 février 2005 sans rechercher si l’article 4 de l’arrêté ministériel ne permettait pas d’accorder une dérogation aux règles de distance des élevages vis-à-vis des bâtiments d’habitation, a commis une erreur de droit ; » En conséquence, le Préfet dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour accorder une dérogation aux distances d’implantation des bâtiments d’élevage de porcs lors d’une déclaration ICPE. Le déclarant devra toutefois veiller, lors du dépôt du permis de construire, à ce que la distance d’implantation retenue ne méconnaisse pas les distances prescrites par le règlement sanitaire départemental. Anaïs De Bouteiller Avocat au Barreau de Lille Green Law Avocat Conseil_d_État_10_01_2011_317994 EARLCHAMPAGNE

Le décret “nitrates” est publié au JORF

Suite à la consultation du public qui s’est déroulée jusqu’au 23 juin 2011 et pour  rendre le droit français enfin compatible avec les dispositions de la  directive n° 91/676/CEE du Conseil des Communautés européennes du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles, le  décret n° 2011-1257 du 10 octobre 2011 relatif aux programmes d’actions à mettre en oeuvre en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole a été publié au JORF du 11 octobre 2011. Un objectif de clarification Ce décret entend remplacer les programmes départementaux très hétéroclites (dont le contenu est parfois insuffisant) par un programme  d’actions national et des programmes d’action régionaux établis par l’autorité préfectorale de région dont l’efficacité est évaluée tous les 4 ans par les ministres de l’Environnement et de l’agriculture. Ces programmes d’actions – qui visent les exploitants agricoles et toute personne morale épandant des fertilisants azotés sur des terres agricoles – participent de la  lutte contre la pollution par les nitrates et comportent des mesures destinées à une bonne maîtrise des fertilisants azotés et à une gestion adaptée des terres agricoles, dans l’objectif de restaurer et de préserver la qualité des eaux. Ils s’articulent entre eux puisque les programmes régionaux doivent être rendus compatibles dans le délai d’un an avec le programme d’actions national à compter de la publication de l’arrêté le présentant. Peu d’évolution par rapport au projet de décret En dépit des critiques formulées sur les conséquences emportées par  la révision des textes, la mouture définitive du décret « Nitrates » n’est guère différente du projet déjà commenté sur ce blog  (cf. notre brève en date du 4 août 2008, « Pollution par les nitrates d’origine agricole et algues vertes : vers une prise de conscience réglementaire…. »). Toutefois, l’on observe quelques rectificatifs : ainsi, les numéros d’article du code de l’environnement modifiés ou ajoutés (par exemple, l’art. R 211-81-1 relatif aux programmes d’actions régionaux) sont redéfinis. De plus,  une appellation est donnée au groupe régional assistant l’autorité préfectorale dans la définition des programmes d’actions : dans ses fonctions, ce « groupe régional d’expertise  dit « Nitrates » (art. R 211-81-2 du CE ) épaule le préfet sur les références techniques nécessaires à la mise en oeuvre opérationnelle de certaines mesures des programmes d’actions, et particulièrement sur les modalités de limitation de l’épandage des fertilisants azotés fondée sur un équilibre, pour chaque parcelle, entre les besoins prévisibles en azote des cultures et les apports en azote de toute nature, y compris l’azote de l’eau d’irrigation (art. R 211-81 du CE). La substitution par un programme national et régional d’actions La mouture définitive du texte confirme que la substitution du programme national d’actions et des programmes régionaux d’actions aux programmes départementaux existants interviendra à compter du 1er juillet 2013 (article 3 du décret), ce qui signifie que les dispositions en vigueur  antérieurement à la publication du décret continueront de s’appliquer, sachant cependant que les dispositions plus contraignantes du programme d’actions national s’appliqueront dès la publication de l’arrêté relatif au programme d’actions national) ! Patricia Demaye-Simoni Maître de conférences en droit public