Gaz de schiste: la loi interdisant la technique de fracturation est jugée conforme à la Constitution

Le Conseil constitutionnel a rejeté l’ensemble des griefs d’une société spécialisée dans l’exploration de gaz de schiste à l’encontre des articles 1er et 3 de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 (Décision n°2013-346 du 11 octobre 2013) Rappelons que cette loi vise à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique. La société avait soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à l’encontre de cette loi, et le Conseil d’Etat avait transmis le 12 juillet dernier la QPC au Conseil constitutionnel. Différents arguments étaient soulevés: la violation du principe d’égalité devant la loi (la technique de fracturation n’était pas interdite pour la géothermie); la violation du principe de la liberté d’entreprendre la violation du principe de précaution consacré par l’article 5 de la Charte de l’environnement ; la violation du droit de propriété ; la violation du principe de conciliation des politiques publiques avec la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social consacré par l’article 6 de la Charte de l’environnement. Dans sa décision du 11 octobre 2013, le Conseil constitutionnel rejette la question prioritaire en considérant que Premièrement, “que la différence de traitement entre les deux procédés de fracturation hydraulique de la roche qui résulte de l’article 1er est en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ;”, et que par conséquent, le principe d’égalité n’était pas méconnu. Deuxièmement, s’agissant de la liberté d’entreprise, le Conseil considère “que l’interdiction de recourir à des forages suivis de la fracturation hydraulique de la roche pour rechercher ou exploiter des hydrocarbures sur le territoire national est générale et absolue ; qu’elle a pour effet de faire obstacle non seulement au développement de la recherche d’hydrocarbures « non conventionnels » mais également à la poursuite de l’exploitation d’hydrocarbures « conventionnels » au moyen de ce procédé ; qu’en interdisant le recours à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche pour l’ensemble des recherches et exploitations d’hydrocarbures, lesquelles sont soumises à un régime d’autorisation administrative, le législateur a poursuivi un but d’intérêt général de protection de l’environnement ; que la restriction ainsi apportée tant à la recherche qu’à l’exploitation des hydrocarbures, qui résulte de l’article 1er de la loi du 13 juillet 2011, ne revêt pas, en l’état des connaissances et des techniques, un caractère disproportionné au regard de l’objectif poursuivi.” Troisièmement, s’agissant du droit de propriété, il est jugé que l’article 3 de la loi ne porte pas atteinte à une situation légalement acquise et que “les autorisations de recherche minière accordées dans des périmètres définis et pour une durée limitée par l’autorité administrative ne sauraient être assimilées à des biens objets pour leurs titulaires d’un droit de propriété ; que, par suite, les dispositions contestées n’entraînent ni une privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 ni une atteinte contraire à l’article 2 de la Déclaration de 1789.” Quatrièmement, au sujet de l’article 6 de la Charte de l’environnement qui prévoit que « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social », le Conseil considère que “cette disposition n’institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; que sa méconnaissance ne peut, en elle-même, être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution ;” Enfin, que le grief tiré de la violation du principe de précaution est “en tout état de cause inopérant” car le législateur s’est fondé sur le principe de prévention.

Gaz de schiste: le Conseil constitutionnel se prononcera le 18 octobre

Une question prioritaire de constitutionnalité avait été transmise par le Conseil d’Etat au Conseil constitutionnel au sujet de la conformité à la Constitution des articles 1 et 3 de la loi n°2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique. L’audience au Conseil constitutionnel a eu lieu la semaine dernière, et le débat s’est cristallisé autour du respect du principe d’égalité et du principe de précaution constitutionnalisé à l’article 5 de la Charte de l’environnement. Le Conseil constitutionnel se prononcera aux alentours du 18 octobre sur la conformité des dispositions législatives à la Constitution.

Mise en conformité du code de l’environnement avec le principe de participation : le projet de loi adopté au Sénat

Dans le cadre de la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a déclaré, au cours de ces deux dernières années, plusieurs dispositions législatives du code de l’environnement non conformes à l’article 7 de la Charte de l’environnement, lequel prévoit notamment, le droit de participation du public à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. Ces décisions sont les suivantes : –        Décision n° 2011-183/184 QPC du 14 octobre 2011 déclarant non conforme à la Constitution  le second alinéa de l’article L. 511-2 du code de l’environnement et le paragraphe III de l’article L. 512-7 du même code (dispositions relatives aux projets de nomenclature et de prescriptions générales relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement) ; –        Décision n° 2012-262 QPC du 13 juillet 2012 déclarant non conforme à la Constitution le premier alinéa de l’article L. 512-5 du code de l’environnement (disposition relative aux projets de règles et prescriptions techniques applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation) ; –        Décision n°2012-269 QPC du 27 juillet 2012 déclarant non conforme à la Constitution le 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement (disposition relative à la dérogation aux mesures de préservation du patrimoine biologique) ; –        Décision n°2012-270 QPC du 27 juillet 2012 déclarant non conforme à la Constitution le 5° du II de l’article L. 211-3 du code de l’environnement (disposition relative à la délimitation des zones de protection d’aires d’alimentation des captages d’eau potable).   Pour donner un effet utile à ses décisions et laisser le temps au législateur de procéder aux rectifications nécessaires, le Conseil constitutionnel a fixé une prise d’effet différée des déclarations d’inconstitutionnalité : au 1er  janvier 2013 pour les décisions n° 2011-183/184 QPC, n° 2012-262 QPC, n°2012-270 QPC et au 1er septembre 2013 pour la décision n°2012-269 QPC.   Le projet de loi adopté par le Sénat le 6 novembre 2012 vient tirer les conséquences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et a donc pour objectif de donner à l’article 7 de la Charte de l’environnement toute sa portée.   Ce projet de loi prévoit notamment : –        Une réécriture intégrale de l’article L. 120-1 du code de l’environnement ; Cette disposition phare, destiné à transposer les principes de l’article 7 de la Charte dans le code de l’environnement, donne désormais une définition du principe de participation du public ainsi que ses conditions d’application. Elle exclut de son champ d’application les décisions individuelles. L’article L. 120-1 du code de l’environnement serait désormais rédigé ainsi: « Art. L. 120-1. – I. – La participation du public permet d’associer toute personne, de façon transparente et utile, à la préparation des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement, en l’informant des projets de décisions concernées afin qu’elle puisse formuler ses observations, qui sont prises en considération par l’autorité compétente. « Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles ce principe est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités de l’État, y compris les autorités administratives indépendantes, et de ses établissements publics ayant une incidence sur l’environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. « II. – Sous réserve des dispositions de l’article L. 120-2, le projet d’une décision mentionnée au I, accompagné d’une note de présentation non technique précisant notamment le contexte de ce projet, est rendu accessible au public par voie électronique. Lorsque le volume ou les caractéristiques du projet de décision ne permettent pas sa publication intégrale par voie électronique, la note de présentation précise les lieux et heures où l’intégralité du projet peut être consultée. « Au plus tard à la date de la publication prévue au premier alinéa du présent II, le public est informé, par voie électronique, des modalités de consultation retenues. « Les observations du public, formulées par voie électronique ou postale, doivent parvenir à l’autorité administrative concernée dans un délai qui ne peut être inférieur à vingt et un jours. « Les observations déposées sur un projet de décision sont accessibles par voie électronique dans les mêmes conditions que le projet de décision. « Le projet ne peut être définitivement adopté avant l’expiration d’un délai permettant la prise en considération des observations formulées par le public et la rédaction d’une synthèse de ces observations. Sauf en cas d’absence d’observations, ce délai ne peut être inférieur à quatre jours à compter de la date de clôture de la consultation. « Dans le cas où la consultation d’un organisme consultatif comportant des représentants des catégories de personnes concernées par la décision en cause est obligatoire et lorsque celle-ci intervient après la consultation du public, la synthèse des observations du public lui est transmise préalablement à son avis. « Au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l’autorité administrative qui a pris la décision rend publique, par voie électronique, une synthèse des observations du public. La synthèse des observations indique les observations du public dont il a été tenu compte. « III. – Le II ne s’applique pas lorsque l’urgence justifiée par la protection de l’environnement, de la santé publique ou de l’ordre public ne permet pas l’organisation d’une procédure de consultation du public. Les délais prévus au II peuvent être réduits lorsque cette urgence, sans rendre impossible la participation du public, le justifie. « IV. – Les modalités de la participation du public peuvent être adaptées en vue de protéger les intérêts mentionnés au I de l’article L. 124-4. »     –        Une réécriture du paragraphe III de l’article L. 512-7 du code de l’environnement ; La nouvelle rédaction supprime la publication des projets de prescriptions générales en matière d’installations soumises à enregistrement.   –        Une réécriture de l’article L. 211-3 du code de l’environnement ; L’article L. 211-3 du code de l’environnement relatif à la délimitation des zones de protection d’aires d’alimentation des captages d’eau et de la détermination du programme d’actions rentrera désormais dans le champ d’application de l’article L. 120-1 du code de l’environnement et soumis à une procédure de participation de public.   –        L’habilitation donnée…

Opérateurs éoliens : obtenez et participez à la prochaine consultation annoncée !

Nouvelle censure constitutionnelle de la non-conformité du processus d’élaboration des prescriptions techniques applicables aux ICPE sur la base de l’article 7 de la Charte de l’environnement (décision  n° 2012-262 QPC du 13 juillet 2012 « Association France Nature Environnement »)   Saisi le 17 avril 2012 par le Conseil d’Etat de la question prioritaire de constitutionnalité (« QPC »- art. 61-1 de la Constitution) soulevée par France nature environnement (FNE) relative à la conformité avec l’article 7 de la Charte de l’environnement des dispositions de l’article L. 512-5 du code de l’environnement – tel que modifié par l’article 97 de la loi Warsmann de simplification et d’amélioration de la qualité du droit en date du 17 mai 2011-, 2, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de l’article L. 512-5 du code de l’environnement qui prévoient que « les projets de règles et prescriptions techniques font l’objet d’une publication, éventuellement par voie électronique, avant leur transmission au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques » en raison de l’absence de participation du public à l’élaboration des décisions publiques (décision n° 2012-262 QPC en date du 13 juillet 2012). Cependant, comme les y autorise l’article 62 de la Constitution, les juges de la rue de Montpensier  ont reporté la date d’abrogation de ces dispositions au 1er janvier 2013. Ce faisant, le législateur  devrait disposer du temps nécessaire pour adapter les dispositions juridiques afférentes aux installations classées à l’obligation de participation du public posée dans l’article 7 de la charte de l’environnement (dont les dispositions ont valeur constitutionnelle – cf. décision n°2008-564 DC du 19 juin 2008 «  Loi relative aux organismes génétiquement modifiés »).                         Cette décision s’inscrit dans le sillage de la décision n°2011-183/184 du 14 octobre 2011 « association France Nature Environnement » par laquelle il a invalidé – également à compter du 1er janvier 2013 –  les dispositions de l’article L. 511-2 du code de l’environnement ne prévoyant pas la publication du projet de décret de nomenclature pour les installations autorisées ou déclarées ainsi que les dispositions de l’ordonnance du 11 juin 2009 codifiées à l’article 512-7 III   suivant lesquelles « les projets de prescriptions générales font l’objet d’une publication, éventuellement par voie électronique, avant transmission pour avis au Conseil supérieur des installations classées. Après avis du Conseil supérieur des installations classées et consultation des ministres intéressés, ces prescriptions générales sont fixées par arrêté du ministre chargé des installations classées » :  le Conseil constitutionnel affirme qu’aucune disposition législative n’assure la mise en œuvre du principe de participation du public à l’élaboration des règles générales et prescriptions techniques applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement  (ICPE). Effectivement, les dispositions de l’article L. 120-1 du code de l’environnement  qui prévoient que « les décisions ayant une incidence directe et significative sur l’environnement font l’objet soit d’une publication préalable du projet de décision par la voie électronique dans des conditions permettant au public de formuler des observations, soit d’une publication du projet de décision avant la saisine d’un organisme comportant des représentants des catégories de personnes concernées par la décision  en cause et dont la consultation est obligatoire »  s’appliquent sauf disposition particulière relative à la participation du public (décision n° 2012-262 QPC).  Ces dispositions ne pouvaient être qu’écartées par le Conseil constitutionnel dès lors que le législateur, avec les dispositions de l’article 97 de la loi du 17 mai 2011 (codifiées à l’article L. 512-5, al.1er, dernière phrase), a introduit dans le code de l’environnement une disposition particulière applicable aux installations classées soumises à autorisation. Or, avec la rédaction de l’article L. 512-5 du code de l’environnement  le législateur n’a pas permis  d’assurer la mise en œuvre effective du principe de participation.   Néanmoins, considérant que l’abrogation immédiate des dispositions litigieuses de l’article L. 512-5 du code de l’environnement « aurait pour seul effet de faire disparaître les dispositions permettant l’information du public sans satisfaire aux exigences de participation de ce dernier », le Conseil constitutionnel aligne la date d’abrogation des dispositions en cause sur celle choisie dans la décision n° 2011-183/184 QPC ( soit le 1er janvier 2013), ce qui devrait permettre au législateur de préciser dans un seul et même texte les conditions et les limites dans lesquelles doit être opérée la participation du public à l’élaboration des décisions du public conformément aux dispositions de l’article  7 de la charte de l’environnement  aux termes desquelles  « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».             On pourrait se féliciter de ces deux abrogations constitutionnelles de la loi pour méconnaissance du principe de participation, si elles ne réduisaient pas la constitutionnalisation de l’environnement à pas grand-chose au final. Deux critiques nous semblent ici essentielles. D’abord on aura compris que le juge constitutionnel n’assume pas les conséquences des abrogations qu’il prononce et désavantage de façon inadmissible certains justiciables. Ainsi ce n’est pas une vue de l’esprit pour les opérateurs éoliens qui ont saisi le Conseil d’Etat  de la légalité du décret de classement éolien en invoquant le principe de participation constitutionnalisé : ce dernier leur a opposé, le même jour, l’abrogation reportée par le Conseil constitutionnel du décret au 1er janvier 2013 (CE, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 13 juillet 2012, n° 353565 et 353577). Le praticien sourit sur ce qui justifie la modulation dans le temps de l’abrogation retenue par le Conseil constitutionnel… sachant qu’aucune autorisation ICPE n’a encore été délivrée à ce jour pour les éoliennes et que les procédures de PC imposent a minima une étude d’impact. Mais au final le décret est sauvé et c’est un véritable déni d’inconstitutionnalité dont aura été victime sinon la filière, au moins les opérateurs qui auront eu l’audace de saisir le juge. Heureusement nos confrères ne manquent pas d’imagination ; certains, comme notre confrère Carl Enckell, disent déjà avoir trouvé la parade dans un astucieux recours gracieux contre le décret dès qu’entre en vigueur l’abrogation constitutionnelle. ….Effectivement au regard de la jurisprudence il y a bien…

Taxe sur les boues d’épuration: la Loi déclarée conforme à la Constitution sous une réserve d’interprétation (Conseil Constitutionnel, 8 juin 2012)

Voici une décision qui intéressera tous les producteurs de boues dont une partie au moins est destinée à être épandue.   Saisi le 26 mars 2012 par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité  (en application de l’ art. 61-1 de la Constitution) posée par une Confédération professionnelle,  et par cinq autres sociétés,  le conseil constitutionnel s’est prononcé sur la constitutionnalité de l’article L. 425-1 du code des assurances (décision n° 2012-251 QPC du 08 juin 2012).   Aux termes de cet article, introduit par l’article 45  de la loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, « un fonds de garantie des risques liés à l’épandage agricole des boues d’épuration urbaines ou industrielles est chargé d’indemniser les préjudices subis par les exploitants agricoles et les propriétaires des terres agricoles et forestières dans les cas où ces terres, ayant reçu des épandages de boues d’épuration urbaines ou industrielles, deviendraient totalement ou partiellement impropres à la culture en raison de la réalisation d’un risque sanitaire ou de la survenance d’un dommage écologique lié à l’épandage, dès lors que, du fait de l’état des connaissances scientifiques et techniques, ce risque ou ce dommage ne pouvait être connu au moment de l’épandage et dans la mesure où ce risque ou ce dommage n’est pas assurable par les contrats d’assurance de responsabilité civile du maître d’ouvrage des systèmes de traitement collectif des eaux usées domestiques ou, le cas échéant, de son ou ses délégataires, de l’entreprise de vidange, ou du maître d’ouvrage des systèmes de traitement des eaux usées industrielles ».   Ce fonds est financé par une taxe annuelle due par les producteurs de boues et dont l’assiette est la quantité de matière sèche de boue produite sachant que le montant de la taxe est fixé par décret en Conseil d’État dans la limite d’un plafond de 0,5 euros par tonne de matière sèche de boue produite.   Critiquant l’assiette de la taxe portant sur la quantité de boue produite et non sur la quantité de boue épandue, les requérants invoquaient la violation du principe d’égalité devant les charges publiques (art. 13 de la DDHC de 1789).   Le Conseil constitutionnel rejette la partie de la contestation tendant à remettre en cause le choix du législateur de favoriser l’élimination des boues d’épuration au moyen de l’épandage quand bien même ce mode d’élimination des boues n’est peut être pas le plus approprié pour les boues papetières (voir le commentaire  sur le site du CC de la décision n°2012-251 QPC du 8 juin 2012) au motif classique qu’il ne dispose pas d’un pouvoir d’appréciation de même nature que celui du Parlement.   Ensuite, les juges de la rue de Montpensier puisent dans l’exégèse du texte de loi pour vérifier l’absence de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques : selon la jurisprudence constitutionnelle, toute différence de traitement procédant d’une rupture d’égalité doit être en rapport direct avec l’objet de la loi (Décision n°2000-441 DC du 28 décembre 2000, loi de finances rectificative pour 2000). De ce point de vue, l’on peut rappeler que le Conseil constitutionnel procède à un contrôle approfondi de la fiscalité incitative. Or, la lecture des débats parlementaires permet de mesurer l’intention du législateur : l’institution de la taxe  assise sur la quantité de boue produite (et non pas épandue) a eu pour objet d’éviter que la taxe ne dissuade les producteurs de boues de recourir à l’épandage. Le Conseil en déduit que « la différence instituée entre les boues susceptibles d’être épandues que le producteur a l’autorisation d’épandre et les autres déchets qu’il produit et qui ne peuvent être éliminés que par stockage ou par incinération est en rapport direct avec l’objet de la taxe ».   En même temps,  le juge constitutionnel émet une réserve d’interprétation (comme il a déjà pu le faire dans la décision n°2010-57 QPC du 18 octobre 2010, “Taxe générale sur les activités polluantes”)  puisqu’il précise que les boues susceptibles d’être épandues mais  que le producteur n’a pas eu l’autorisation d’épandre ne sauraient être assujetties à la taxe. Concrètement, « le producteur de 20000 tonnes de boues « épandables », mais qui n’a été autorisé par arrêté du préfet à n’en épandre que 10000 ne peut être taxé que sur ces 1000 tonnes ( qu’il soit parvenu, ou non, à trouver les surfaces d’épandage nécessaires » (Commentaire de la décision n° 2012-251 QPC du 8 juin 2012, Taxe sur les boues d’épuration, http://www.conseil-constitutionnel.fr).   Les sociétés pourront dès lors se prévaloir de cette réserve d’interprétation devant les juridictions…..     Patricia Demaye-Simoni Maître de conférences en droit public