L’éolienne est dans le pré …. la règle de prospect aussi !

« Ce qui est aujourd’hui un paradoxe pour nous sera pour la postérité une vérité démontrée » enseigne Diderot. Gageons que les membres du Palais Royal viennent de nous rappeler une nouvelle hypothèse d’opposabilité des règles de propect aux éoliennes. Dans une décision récente (Conseil d’État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 20/03/2013, 349807), le Conseil d’Etat vient de rappeler que les cartes communales ne sont pas des documents d’urbanisme tenant lieu de plan local d’urbanisme : « 3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 124-1 du code de l’urbanisme : “ Les communes qui ne sont pas dotées d’un plan local d’urbanisme peuvent élaborer, le cas échéant dans le cadre de groupements intercommunaux, une carte communale précisant les modalités d’application des règles générales d’urbanisme prises en application de l’article L. 111-1 “ ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 112-3 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable à la date des décisions litigieuses : “ Les schémas directeurs, les plans d’occupation des sols ou les documents d’urbanisme en tenant lieu et les documents relatifs au schéma départemental des carrières prévoyant une réduction des espaces agricoles ou forestiers ne peuvent être rendus publics ou approuvés qu’après avis de la chambre d’agriculture, de l’Institut national de l’origine et de la qualité dans les zones d’appellation d’origine contrôlée et, le cas échéant, du centre régional de la propriété forestière. Il en va de même en cas de révision ou de modification de ces documents “ ; que les cartes communales ne constituent pas, au sens de ces dispositions, des documents d’urbanisme tenant lieu de plans d’occupation des sols ; qu’ainsi, en jugeant que les décisions litigieuses avaient été prises en violation des dispositions de l’article L. 112-3 du code rural et de la pêche maritime, la cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit ; que, par suite, le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement et la commune du Recoux sont fondés à demander pour ce motif l’annulation de son arrêt ; » (Conseil d’État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 20/03/2013, 349807) Cette précision n’est qu’une confirmation (Conseil d’État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 13/07/2011, 335066) qui emporte l’applicabilité des règles générales d’urbanisme définies aux articles R. 111-1 et suivants du code de l’urbanisme aux territoires couverts par une carte communale. Les règles de prospect fixés par le Règlement National d’Urbanisme (RNU) aux articles R. 111-17 (implantation des constructions par rapport aux voies publiques) et R. 111-18 du code de l’urbanisme (implantation des constructions par rapport aux limites séparatives) sont applicables en l’absence de document d’urbanisme tenant lieu de plan local d’urbanisme conformément à ce que prévoit l’article R111-1 du code de l’urbanisme. Les permis de construire là où s’applique une carte communale y sont donc instruits et délivrés sur le fondement de ces règles auquelles la carte communale ne peut d’ailleurs pas déroger (L. 124-2 du code de l’urbanisme). Or ce rappel doit être combiné avec la qualification des éoliennes comme constituant des constructions auxquelles les règles de propect sont opposables. On sait en effet que parallélement  le Conseil d’Etat a jugé que les règle de propect des PLU sont opposables aux éoliennes à moins qu’une disposition du réglement “n’écarte l’application de cet article ” (Conseil d’Etat 9 décembre 2011 N° 341274 publié au Bulletin). Cette jurisprudence intéressera en pratique les opérateurs éoliens développant dans des communes dotées de carte communale et dont les projets se voient alors appliquer les règles de prospect très contraignantes prévues aux articles R. 111-17 (implantation des constructions par rapport aux voies publiques) et R. 111-18 du code de l’urbanisme (implantation des constructions par rapport aux limites séparatives). Une nuance tout de même, il a pu être jugé que l’éolienne ne constituait pas un “bâtiment” au sen du R. 111-18 par certaines juridictions d’appel (CAA Bordeaux, 5 janvier 2012, Laur, req. n°10BX01911 et CAA Lyon, 30 octobre 2012, n°11LY03046). Faudrait-il distinguer les “constructions” des “bâtiments” … cela paraît guère soutenable dès lors que l’article R. 111-17 utilise indistinctement les deux termes. Autre voie possible, le Conseil d’Etat sera-t-il tenté de donner un sens différent aux mots selon qu’ils sont utilisés dans un PLU ou dans le RNU ? Dans l’immédiat la prudence commande de considérer que les règles de prospect sont opposables aux éoliennes en présence d’une carte communale. Nous percevons ici tous les effets pervers qu’il y a, à qualifier l’éolienne comme de constructuion … paradoxe du droit mis à jour par les juges du Palais Royal commentera certainement une doctrine juridique ébaie … Mais admettre l’opposabilité des règles de propects en zone A ou en zone NC s’agissant d’implanter des éoliennes par définirion à plus de 500 mètrs de toute zone d’habitation est-ce bien utile ? Evidemment non : c’est par juridisme parvenir à interdire ou contraindre ce qu’un zonage urbanistique permet. Au final certains opérateurs éoliens découvrent , à plus d’un  titre et pour des projets déjà lancés, l’obstacle que constitue la règle de prospect comme opposable pour ainsi dire tous azymuts … Et le juriste environnementaliste n’en est pas loin de perdre sa foi dans la neutralité des paradoxes juridiques. Il ne lui reste alors que ce mot : « Mon paradoxe est de prier lorsque je n’ai plus foi en rien ». Prions alors pour le Gouvernement ait le courage de prendre l’initiative de faire sortir les éoliennes du code de l’urbanisme après avoir juré que leur classement ICPE serait synonyme de sécurité juridique ! Maître Anaïs DE BOUTEILLER (Green Law Avocat)    

Solaire sur toiture: des précisions jurisprudentielle et réglementaire sur les qualifications respectives du bâtiment et de l’installation

[dropcap]I[/dropcap]l est ici un bel exemple de la succession d’une jurisprudence et d’un décret qui, intervenus à quelques jours d’écart, se confortent.       Un jugement du Tribunal administratif de Limoges du 16 février 2012, n°1001530, est venu préciser les incidences en droit de l’urbanisme de la pose d’une toiture photovoltaïque sur un bâtiment. Le requérant demandait l’annulation d’un arrêté d’opposition à déclaration préalable pour la construction d’un abri d’étang avec pose de panneaux photovoltaïques en toiture situé dans une zone naturelle d’une carte communale. Il faisait notamment valoir que l’abri avec la toiture photovoltaïque était « nécessaires à l’exploitation agricole » au sens de l’article R. 124-3 du code de l’urbanisme, en raison de l’alimentation en électricité du système d’irrigation d’un verger,  et « nécessaires à la mise en valeur des ressources naturelles ». Le Tribunal n’a pas suivi ce raisonnement et a confirmé l’arrêté d’opposition à la construction de l’abri en considérant, notamment, que la pose d’une toiture photovoltaïque n’est pas de nature à permettre de regarder la construction elle-même comme nécessaire à l’exploitation agricole ou à la mise en valeur des ressources naturelles : « Considérant, en troisième lieu que la seule circonstance que l’abri projeté par M. X comporte des panneaux photovoltaïques susceptibles d’alimenter un système d’irrigation pour des arbres fruitiers n’est pas de nature à permettre de regarder la construction elle-même comme nécessaire à l’exploitation agricole ou à la mise en valeur des ressources naturelles au sens de l’article R. 124-3 précité du code de l’urbanisme ni, en tout état de cause, des dispositions de l’article L. 111-1-2 de ce code ; »   Autrement dit, l’installation de panneaux photovoltaïques en toiture est vue comme “accessoire” et n’a donc pas d’incidence sur la destination du bâtiment qui la supporte : elle ne renforce ni n’exclut la destination –bien souvent agricole- du bâtiment.   Quelques jours après la lecture du jugement, le décret n°2012-274 du 28 février 2012 (qui avait d’ailleurs été annoncé par un représentant du Préfet à l’audience) introduisait dans le code de l’urbanisme une nouvelle disposition excluant les toitures photovoltaïques de la qualification d’ouvrage de production d’électricité : L’article 3 du décret introduit la disposition suivante: « Les installations de production d’électricité à partir d’énergie renouvelable accessoires à une construction ne sont pas des ouvrages de production d’électricité au sens du b de l’article L. 422-2. » (Nouvel article R. 422-2-1 du code de l’urbanisme). La nouvelle disposition emporte une conséquence procédurale importante: bien qu’un bâtiment supporte une toiture photovoltaïque, il n’est pas considéré en tant que tel comme une “installation de production d’électricité”, et le Préfet ne sera donc pas compétent comme il l’est, par principe (Art.L 422-1 CU), en matière d’autorisation de construire de telles installations.   En définitive, si la toiture photovoltaïque est considérée comme une installation individualisable car « accessoire » au bâtiment qui la supporte (lequel conserve sa destination propre) elle ne constitue pas pour autant un ouvrage de production d’électricité autonome au sens du Code de l’urbanisme, et suivre le régime de compétence de droit commun.   Anais De Bouteiller Avocat au Barreau de Lille Green Law Avocat