ICPE autorisée : un dossier de permis de construire sans étude d’impact (CE, 25 février 2015)

Par David DEHARBE (Green Law Avocat) Dans un arrêt qui sera cité au Recueil, (CE, 25 février 2015, n° 367 335, « Communauté d’agglomération de Mantes-en-Yvelines»), le Conseil d’Etat juge que la Cour administrative de d’appel Versailles (6 décembre 2012, n° 11VE02847) commet une erreur de droit, en déduisant l’obligation de joindre une étude d’impact à la demande de permis de construire des bâtiments, de la seule circonstance que cette étude est exigée pour leur exploitation industrielle, en application du code de l’environnement et au titre de la législation ICPE (Installations Classées pour la Protection de l’Environnement) : « l’obligation de joindre l’étude d’impact au dossier de demande de permis de construire prévue par l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme ne concerne que les cas où l’étude d’impact est exigée en vertu des dispositions du code de l’environnement pour des projets soumis à autorisation en application du code de l’urbanisme ; que, par suite, en se fondant, pour annuler les permis attaqués, sur l’absence d’étude d’impact sans rechercher si celle-ci était exigée pour un projet soumis à autorisation en application du code de l’urbanisme, la cour a méconnu, au prix d’une erreur de droit, la portée des dispositions de l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme ». Cette solution n’allait pas de soi, surtout à s’en tenir à la lecture du texte régissant la question. En effet, l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme mentionne bien, au nombre des pièces à joindre à la demande de permis de construire, « l’étude d’impact, lorsqu’elle est prévue en application du code de l’environnement ». Ainsi Xavier De Lesquen concède dans ses conclusions sur cette affaire qu’« Il est vrai que le texte de l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme peut troubler, en ce qu’il renvoie sans autre précision et donc sans limitation à l’application du code de l’environnement pour définir les cas dans lesquels l’étude d’impact doit être jointe à la demande de permis de construire ». D’ailleurs tout particulièrement s’agissant de la construction des installations classées soumises à autorisation, la jurisprudence semblait jusqu’ici exiger la production d’impact dans le dossier de permis de construire, de l’étude requise au titre de la seule législation environnementale (Conseil d’Etat, 1 / 4 SSR, du 15 janvier 1999, n° 181652, inédit au recueil Lebon et pour un ex. plus récent : CAA Nancy, 30 juin 2011, Assoc. Air Pur Environnement: req. n° 10NC01074, cité in code de l’environnement, Dalloz 2014). Mais à cela une autre raison essentielle : avant le Grenelle de l’environnement, le Conseil d’Etat lui-même juge encore que « les travaux de construction d’une installation classée relevant du régime de l’autorisation sont soumis à la procédure de l’étude d’impact », ceci en vertu des dispositions du B de l’article 3 du décret du 12 octobre 1977 pris pour l’application de l’article 2 de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature (Conseil d’Etat, 1 / 4 SSR, du 15 janvier 1999, n° 181652). Reste que dans notre espèce cette disposition ne jouait pas, dès lors qu’il s’agissait d’un permis de construire relatif à une installation classée déjà existante et pour laquelle était en débat la nécessité même d’exiger une nouvelle autorisation et donc une étude d’impact. Or non seulement la Cour d’appel de Versailles avait conclu à la nécessité de déposer une nouvelle étude au titre des installations classées mais elle avait exigé sa production dans le dossier de permis au visa du seul l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme. Fonder une telle production sur le seul article R. 431-16 du code de l’urbanisme revenait à poser une question en pratique très importante depuis la réforme de l’étude d’impact. On sait en effet que le nouveau champ de l’étude d’impact (cf. le tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement par le Décret n°2011-2019 du 29 décembre 2011) se substitue aux dispositions du B de l’article 3 du décret du 12 octobre 1977. Ainsi et en tout état de cause on ne peut plus en déduire, qu’en lui-même, le permis de l’installation classée autorisée doit être soumis à une étude d’impact.   On mesure alors tout l’enjeu pratique de la question de savoir si l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme ne devait pas imposer a minima que l’étude d’impact ICPE accompagne le dossier de permis de construire l’installation soumise à autorisation d’exploiter. Sans doute peut-on se convaincre, à la lecture (qui s’impose) des conclusions de Xavier De Lesquen, qu’il convient de circonscrire la production dans le dossier de permis de construire d’un exemplaire de l’étude d’impact aux seuls cas où l’étude est exigée pour l’opération de construction en elle-même. Comme le démontre le rapporteur public cette solution trouve un ancrage solide dans le principe d’indépendance des législations : on a trop tendance à oublier que l’acte de construire n’est pas celui d’exploiter et qu’ainsi étudier les effets du second n’a pas grand intérêt pour celui qui instruit le premier. Mais cette solution relativise surtout les risques contentieux et une lecture trop tatillonne du droit pour rappeler à ceux qui l’appliquent qu’ils ne devraient jamais oublier de s’interroger sur ce qui fait le bien-fondé d’une formalité. Bref on l’aura compris, selon le Conseil d’Etat l’étude d’impact n’a plus à figurer dans les pièces du dossier de permis de construire d’une installation classée soumise à autorisation. C’est un pas jurisprudentiel vers le dossier unique. Et si en droit de l’environnement industriel, le véritable choc de simplification était en réalité initié au Palais Royal ? Les évolutions jurisprudentielles les plus récentes en la matière, dont celle-ci, nous incitent de plus en plus à le penser …  

NOUVELLE ANNULATION D’UN S.R.E. OU LE BRASSAGE D’AIR EN VIDE JURIDIQUE … (TA Bordeaux, 12 fév.2015)

Par Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Après l’annulation par le juge administratif du Schéma Régional Eolien (SRE) d’Ile-de-France (TA Paris, 13 novembre 2014, n°1304309 : voir notre analyse sur ce sujet ici), vient le tour du SRE d’Aquitaine. Aux termes d’un jugement du 12 février 2015, n°1204157 , le Tribunal administratif de Bordeaux a annulé le SRE d’Aquitaine (téléchargeable avec ce lien : TA Bordeaux, 12 février 2015, n°1204157). Le SRE en Aquitaine a été approuvé par arrêté du préfet de la région Aquitaine en date du 6 juillet 2012. Cet arrêté a été modifié pour intégrer la liste des communes ayant un territoire favorable à l’éolien par un arrêté du préfet de la région Aquitaine en date du 28 septembre 2012. Ensuite, le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE) en Aquitaine a été adopté et a intégré le SRE en Aquitaine par arrêté du préfet de la région Aquitaine en date du 15 novembre 2012. Les requérants demandaient l’annulation de l’arrêté du 6 juillet 2012 et de la décision implicite par laquelle le préfet a rejeté leur recours gracieux du 6 septembre 2012, celle de l’arrêté du 28 septembre 2012 et celle de l’arrêté du 15 novembre 2012 en tant qu’il intègre le SRE en Aquitaine au SRCAE en Aquitaine ; Dans un premier temps, le Tribunal s’est prononcé sur les nombreuses fins de non recevoir invoquées par le Préfet de la région Aquitaine. Ainsi, après s’être longuement étudié l’intérêt à agir des multiples requérants et la capacité pour agir de certains d’entre eux, le Tribunal a examiné la fin de non-recevoir opposée par le préfet tirée de ce que les arrêtés attaqués ne seraient pas des actes susceptibles de recours contentieux. Le Conseil Constitutionnel s’était déjà prononcé sur le statut juridique des SRCAE et des SRE dans une décision QPC du 7 mai 2014 rendue dans le cadre du litige sur le SRE d’Ile-de-France (cc, 7 mai 2014, décison qpc n°2014-395 : voir notre analyse ici), qui précisait que ces documents constituent des « décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement » au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement. Le Tribunal a, tout d’abord, rappelé cette analyse. Il a ensuite considéré qu’ « à la date des arrêtés attaqués, les dispositions de l’article L. 314-10 du code de l’énergie réservaient la création des zones de développement de l’éolien dans les parties du territoire régional favorables au développement de l’énergie éolienne définies par le schéma régional éolien et que les nouvelles dispositions de l’article L. 553-1 du code de l’environnement, entrées en vigueur le 17 avril 2013, soit postérieurement aux arrêtés attaqués, prévoient que la délivrance de l’autorisation d’exploiter une installation éolienne d’une hauteur de mât supérieure à 50 mètres « tient compte des parties du territoire régional favorables au développement de l’énergie éolienne définies par le schéma régional éolien ». Il a ajouté qu’ « il ressort des termes mêmes du schéma régional éolien en Aquitaine que « seuls sont désormais envisageables les projets de ZDE [zones de développement éolien] situés dans des communes identifiées dans le présent schéma comme “favorables à l’éolien” ». Il en a alors conclu que le schéma régional éolien en Aquitaine avait, par sa nature et ses effets directs ou indirects, le caractère d’une décision faisant grief et qu’il était, dès lors, susceptible de recours pour excès de pouvoir. Dans un second temps, le Tribunal se prononce sur les conclusions à fin d’annulation. A cet égard, le Tribunal considère que le schéma régional éolien est entaché d’un vice de procédure substantiel dans la mesure où il n’a fait l’objet d’aucune étude environnementale. Une solution analogue avait été dégagée par le Tribunal administratif de Paris dans son jugement du 13 novembre 2014 (TA Paris, 13 novembre 2014, n°1304309 : voir notre analyse sur ce sujet ici) même si les motifs retenus alors différaient quelque peu. Le Tribunal annule, en conséquence, les décisions attaquées par les requérants. Sans qu’il soit nécessaire de commenter plus la décision du Tribunal administratif de Bordeaux, celle-ci s’inscrivant dans la droite ligne du jugement du Tribunal administratif de Paris, il convient néanmoins de se poser la question suivante : le SRE a été annulé… et après ? Le SRE, qui a vocation à être annexé à un SRCAE, a pour objet de fixer des objectifs et des orientations en matière de préservation de l’environnement. Selon le premier alinéa du paragraphe I de l’article L. 222-4 du code de l’environnement, le paragraphe VI de l’article L. 229-26 du même code, ainsi que l’article L. 1214-7 du code des transports, le “plan de protection de l’atmosphère”, le “plan climat-énergie territorial” et le “plan de déplacements urbains” doivent être compatibles avec le SRCAE. En l’absence de SRE annexé au SRCAE, la compatibilité avec le SRCAE demeure mais il n’existe plus aucune exigence de compatibilité avec le SRE, celui-ci étant inexistant. La compatibilité des éventuels plans de protection de l’atmosphère, plans climat-énergie territoriaux ou plans de déplacements urbains avec le vide juridique laissé par un SRE annulé est, par conséquent, forcément assurée. De même, en ce qui concerne plus particulièrement l’implantation d’éoliennes, à la date des arrêtés attaqués, les dispositions de l’article L. 314-10 du code de l’énergie réservaient la création des zones de développement de l’éolien dans les parties du territoire régional favorables au développement de l’énergie éolienne définies par le schéma régional éolien. Par ailleurs, les nouvelles dispositions de l’article L. 553-1 du code de l’environnement, entrées en vigueur le 17 avril 2013, soit postérieurement aux arrêtés attaqués, prévoient que la délivrance de l’autorisation d’exploiter une installation éolienne d’une hauteur de mât supérieure à 50 mètres « tient compte des parties du territoire régional favorables au développement de l’énergie éolienne définies par le schéma régional éolien ». Certes, l’annulation des SRE présente un intérêt en tant qu’elle supprime des zones qui avaient été qualifiées – peut-être à tort – de favorables au développement de l’éolien et dans lesquelles l’exploitation d’éoliennes aurait été privilégiée par…

Urbanisme: le bénéficiaire d’un permis attaqué ne peut se prévaloir d’une date antérieure à celle mentionnée dans la déclaration d’achèvement pour opposer une irrecevabilité (CAA Lyon, 13 nov. 2014)

Par un arrêt en date du 13 novembre 2014 (CAA Lyon, 1re ch., 13 nov. 2014, n° 13LY01881), la Cour administrative d’appel de LYON considère que le bénéficiaire d’un permis de construire ne peut se prévaloir d’une date d’achèvement antérieure à celle mentionnée dans sa déclaration d’achèvement de travaux pour opposer une irrecevabilité à un requérant. C’est là une application équilibrée du texte. Rappelons que pour les décisions d’urbanisme, le délai de recours est fixé par les dispositions combinées des articles R600-2 et R600-3 du Code de l’urbanisme : Deux mois à compter de l’affichage continu de la décision sur le terrain, Un an à compter de l’achèvement de la construction faute de preuve de l’affichage. L’article R600-3 du code de l’urbanisme prévoit en effet qu’aucune action en vue de l’annulation d’une autorisation d’urbanisme n’est recevable à l’expiration d’un délai d’un an à compter de l’achèvement de la construction ou de l’aménagement. Cette disposition, applicable aux recours introduits à compter du 1er octobre 2007, précise que la date de cet achèvement est celle de la réception en mairie de la déclaration d’achèvement mentionnée à l’article R462-1 du code de l’urbanisme, sauf preuve contraire. En l’espèce, le ministre de l’égalité des territoires et du logement ainsi que la société, bénéficiaire du permis de construire attaqué soutenaient qu’il devait être opposé un délai de forclusion au demandeur à l’instance. A l’appui de ses prétentions, la société indiquait que si la déclaration d’achèvement et de conformité des travaux mentionnait la date du 10 novembre 2009 et reçue en mairie le 24 novembre 2009, il n’en demeurait pas moins que les travaux avaient été terminés bien avant cette date. Saisie du litige, la Cour administrative d’appel de LYON censure cette argumentation et rappelle:  « Considérant toutefois que le ministre de l’égalité des territoires et du logement et la société X soutiennent que doit être opposé à ces conclusions le délai de forclusion d’un an prévu par l’article R. 600-3 du code de l’urbanisme ; qu’aux termes de cet article : ” Aucune action en vue de l’annulation d’un permis de construire ou d’aménager ou d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable n’est recevable à l’expiration d’un délai d’un an à compter de l’achèvement de la construction ou de l’aménagement. / Sauf preuve contraire, la date de cet achèvement est celle de la réception de la déclaration d’achèvement mentionnée à l’article R. 462-1. ” ; qu’aux termes de ce dernier article : ” La déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux est signée par le bénéficiaire du permis de construire (…) ou par l’architecte ou l’agréé en architecture, dans le cas où ils ont dirigé les travaux. / Elle est adressée par pli recommandé avec demande d’avis de réception postal au maire de la commune ou déposée contre décharge à la mairie. (…). / Le maire transmet cette déclaration au préfet lorsque (…) le permis a été pris au nom de l’Etat (…). ” ; Considérant qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsqu’une autorisation de construire relative à des travaux achevés à compter du 1er octobre 2007 est contestée par une action introduite à compter de la même date, celle-ci n’est recevable que si elle a été formée dans un délai d’un an à compter de la réception par le maire de la commune de la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux ; qu’une telle tardiveté ne peut être opposée à une demande d’annulation que si le bénéficiaire de l’autorisation produit devant le juge l’avis de réception de la déclaration prévue par les dispositions précitées de l’article R. 462-1 du code de l’urbanisme ; que, pour combattre la présomption qui résulte de la production par le bénéficiaire de cet avis de réception, le demandeur peut, par tous moyens, apporter devant le juge la preuve que les travaux ont été achevés à une date postérieure à celle de la réception de la déclaration ; Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux, qui indique comme date d’achèvement des travaux le 10 novembre 2009, a été reçue en mairie le 24 novembre 2009 ; que, si la société X soutient que les travaux ont en réalité été terminés avant la date ainsi indiquée, le bénéficiaire de l’autorisation ne peut toutefois se prévaloir d’une date antérieure à celle mentionnée dans sa propre déclaration ; que, par suite, la demande devant le tribunal administratif de Grenoble ayant été enregistrée le 8 novembre 2010, soit moins d’un an après ladite date du 24 novembre 2009, la forclusion prévue par l’article R. 600-3 précité du code de l’urbanisme ne peut être opposée à M.D… ;». Cet arrêt est intéressant puisqu’il rappelle que la date figurant sur la déclaration d’achèvement et de conformité des travaux et son accusé de réception en mairie constitue le point de départ du délai prévu par l’article R600-3 du code de l’urbanisme. Surtout, on retiendra que la cour censure le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme qui soutenait que la date d’achèvement des travaux est antérieure à celle indiquée dans sa déclaration. Notant toutefois que pour combattre la présomption qui résulte de la production par le bénéficiaire de cet avis de réception, le demandeur à l’action peut pour sa part et par tous moyens, apporter devant le juge la preuve que les travaux ont été achevés à une date postérieure à celle de la réception de la déclaration (CE, 6 déc. 2013, n° 358843). C’est dire que la présomption simple de la date d’achèvement de l’installation, qui peut être renversée par toute preuve contraire aux termes de l’article R 600-3 du code de l’urbanisme, ne bénéficie en réalité qu’au requérant, et non à celui qui a obtenu le permis. Ce déséquilibre qui peut paraitre injuste à première vue, s’explique selon nous par le fait que la déclaration d’achèvement de travaux est présumée porter sur des faits exacts (c’est à dire que la construction n’est pas censée avoir été achevée avant ou après la date indiquée). Admettre  que la présomption de…

Responsabilité du notaire : contrairement aux idées reçues… elle n’est pas automatique au stade de la promesse de vente! (Cass, 26 nov.2014)

Par un arrêt en date du 26 novembre 2014 (C.cass, civ.1ère, 26 novembre 2014, n°13-27.965, F-P+B, juris-data 2014-028858) la Cour de cassation rappelle que lorsque l’annulation judiciaire d’un acte de vente n’est due qu’à la défaillance des vendeurs dans leurs déclarations au notaire, ce dernier ne peut être vu comme responsable. En l’espèce, par un acte sous seing privé rédigé par un notaire, des particuliers promettent de vendre à des acquéreurs un bien immobilier à usage d’habitation. Par suite l’acte est annulé pour erreur sur les qualités substantielles du bien vendu et les vendeurs sont condamnés à restituer aux acquéreurs le montant du dépôt de garantie et à les indemniser. Les vendeurs, estimant ne pas être responsables, ont alors décidé d’assigner le notaire en responsabilité en lui reprochant des manquements professionnels lors de la rédaction de la promesse de vente. La Cour d’appel de Lyon rejette la demande d’indemnisation. Un pourvoi a alors été formé à l’encontre de l’arrêt rendu. Saisie du litige, la Haute juridiction confirme l’arrête rendu par la Cour d’appel en ces termes :  « Mais attendu qu’ayant relevé que l’annulation judiciaire de l’acte valant promesse de vente n’était due qu’à la défaillance de M. et Mme D… dans leur obligation d’information à l’égard des acquéreurs, la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à la recherche prétendument omise dès lors que cet avant-contrat était destiné à arrêter la volonté des parties sans attendre l’expiration des délais utiles à l’obtention des renseignements complémentaires et documents administratifs nécessaires à la perfection de la vente, a pu en déduire l’absence de toute faute du notaire, lequel n’avait aucun motif de suspecter l’inexactitude des déclarations de M. et Mme D… ; […] ». Cet arrêt est intéressant puisqu’il rappelle l’étendue du devoir de conseil du notaire et les diligences qu’on peut juridiquement attendre de lui. Ce dernier doit rechercher la volonté exacte des parties et la traduire fidèlement dans son acte. Toutefois l’arrêt rendu par la Cour de cassation souligne que la responsabilité du notaire présente des limites. La jurisprudence est fournie en la matière : ainsi le notaire qui n’intervient que pour authentifier les conventions des parties n’est pas tenu de s’assurer au moyen d’une enquête personnelle ou en se déplaçant sur les lieux, si l’immeuble dont il rédige l’acte de vente est libre de toute occupation ou de toute location civile ou commerciale. Il se fie soit aux titres de propriété soit aux déclarations des parties et sa responsabilité n’est pas engagée si ces vérifications n’ont pas permis de déceler la présence d’une location commerciale ou civile (CA Paris, 1ère civ, 28 septembre 2005). Dans le même ordre d’idée, un notaire qui intervient seulement en sa qualité d’officier du ministère public pour rédiger un acte de vente ne répond pas de l’insolvabilité de l’acquéreur (C.cass, 1ère civ, 23 mars 2004, juris-data n°2003-240056 ; CA Toulouse, 4 avril 2005, juris-data n°2005-281213). Il est utile de souligner que dans le cas d’espèce la responsabilité du notaire est écartée au regard de la nature de l’acte sur la base duquel l’action était engagée : en l’espèce il s’agissait d’une promesse de vente qui était, selon la Cour de cassation, « destiné[e] à arrêter la volonté des parties sans attendre l’expiration des délais utiles à l’obtention des renseignements complémentaires et documents administratifs nécessaires à la perfection de le vente ». Selon la Cour de cassation, le notaire à ce stade n’avait donc aucune raison d’aller au-delà des déclarations des vendeurs. La solution dégagée une nouvelle fois par la Cour de cassation met en relief que la responsabilité du notaire ne saurait être automatiquement engagée et qu’en toute hypothèse les vendeurs restent en première ligne dans le cadre d’une action en responsabilité notamment lorsque des manœuvres tendant à vicier le consentement des acquéreurs potentiels sont mises en évidence. L’appréciation de la responsabilité du notaire s’apprécie donc au cas par cas mais ne peut être systématiquement exclue.   Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat  

La durée de validité des autorisations d’urbanisme à nouveau allongée, mais de façon temporaire (décret du 29 décembre 2014)

Le 29 août 2014, le Premier ministre Manuel Valls, et la Ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, Sylvia Pinel, ont présenté un plan de relance du logement visant à : Libérer le foncier privé ; Augmenter l’offre de logements neufs intermédiaires et sociaux ; Favoriser l’acquisition de logements neufs ; Améliorer l’habitat ; Poursuivre la simplification des normes de construction ; Simplifier et recentrer les dispositions de la loi Alur. Le dossier de presse de ce plan de relance peut être consulté ici. Afin d’atteindre son objectif de poursuite de la simplification des normes de construction, ce plan de relance prévoyait notamment de prolonger les délais de validité des permis de construire de deux à trois ans, dès cet automne. Le calendrier semble avoir pris légèrement du retard mais la prolongation des délais de validité des permis de construire est désormais actée depuis un décret du 29 décembre 2014, publié dès le lendemain au Journal Officiel de la République Française (décret n°2014-1661 du 29 décembre 2014 prolongeant le délai de validité des permis de construire, des permis d’aménager, des permis de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable). Ce décret s’adresse à un public très large dans la mesure où il concerne : l’Etat, les collectivités territoriales, les particuliers, les entreprises et enfin les professionnels de l’aménagement et de la construction, c’est-à-dire toutes les personnes concernées par la relance de la construction de logements. Il a pour objet d’allonger la durée de validité des permis de construire, d’aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration. Notons à cet égard qu’il n’est plus question de prolonger la seule validité des permis de construire, comme annoncé dans le dossier de presse communiqué à la fin du mois d’août 2014. Le décret prévoit que le délai de validité des permis de construire, d’aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration est porté à trois ans au lieu de deux ans. Cette prolongation est automatique et n’a nul besoin d’être demandée par le pétitionnaire (contrairement à la prolongation qui peut être demandée, mais n’est pas automatique pour les permis éoliens, voir notre analyse ici). Cette prolongation de la durée de validité des autorisations n’est que temporaire. En effet, le régime prévu par le décret du 29 décembre 2014 est provisoire dans la mesure où il concerne les autorisations d’urbanisme (ou de non opposition à déclaration) actuellement en cours de validité et celles qui interviendront au plus tard le 31 décembre 2015. Il est donc valable uniquement un an. Rappelons qu’un régime assez similaire avait été prévu par le décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008 prolongeant le délai de validité des permis de construire, d’aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable (aussi appelé décret “anti-crise”). Les dispositions auxquelles il est dérogé par le décret du 29 décembre 2014 sont les premier et troisième alinéas de l’article R.* 424-17 et à l’article R.* 424-18 du code de l’urbanisme. A cet égard, il convient de rappeler les dispositions de ces articles.  L’article R.*424-17 du code de l’urbanisme dispose : « Le permis de construire, d’aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l’article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. Les dispositions du présent article sont applicables à la décision de non-opposition à une déclaration préalable lorsque cette déclaration porte sur une opération comportant des travaux. » Aux termes de l’article R.*424-18 du code de l’urbanisme : « Lorsque la déclaration porte sur un changement de destination ou sur une division de terrain, la décision devient caduque si ces opérations n’ont pas eu lieu dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l’article R*424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. Il en est de même lorsque la déclaration ne comporte pas de travaux et porte sur l’installation d’une caravane en application du d de l’article R*421-23 ou sur la mise à disposition des campeurs de terrains ne nécessitant pas de permis d’aménager en application de l’article R*421-19. »   Il ressort de la lecture du décret que le deuxième alinéa de l’article R.*424-17 du code de l’urbanisme que ne sont pas concernées par une augmentation du délai de deux à trois ans les opérations qui font l’objet d’une interruption de travaux supérieure à un an. En outre, le décret du 29 décembre 2014 précise que le régime transitoire ne fait pas obstacle à la prorogation de ces autorisations dans les conditions définies aux articles R.* 424-21 à R.* 424-23 du même code. Il est, par conséquent, toujours possible d’obtenir des prorogations sur demande, conformément à ces textes. Certaines de ces prorogations sont d’ailleurs bien plus intéressantes que celle autorisée par le présent décret dans la mesure où, à titre d’exemple, pour les éoliennes, la demande de prorogation peut être présentée, tous les ans, dans la limite de dix ans à compter de la délivrance de l’autorisation (article R.*424-21 du code de l’urbanisme, alinéa 2). Enfin, lorsque les autorisations concernées par le décret du 29 décembre 2014 ont fait l’objet, avant cette date, d’une prorogation dans les conditions définies aux articles R.* 424-21 à R.* 424-23, le délai de validité résultant de cette prorogation est majoré d’un an. En conclusion, en premier lieu, en dépit du but louable dans lequel le décret s’inscrit, le plan de relance du logement, il n’est pas certain qu’il parvienne à atteindre son objectif de poursuite de la simplification des normes de construction. En effet, le décret du 29 décembre 2014 ajoute un régime dérogatoire et provisoire à un régime existant ce qui ne simplifie guère la situation actuelle. Le gouvernement est coutumier des faits comme en témoigne le nouveau régime des décisions implicites (le silence valant désormais acceptation) qui…