ARRETE TARIFAIRE EOLIEN EN QUETE DE CALENDRIER

Les conclusions de l’Avocat général M. NIILO JÄÄSKINEN, présentées devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) et rendues publiques le 11 juillet 2013 par un communiqué de presse de la Cour, proposent à la haute juridiction de qualifier le mécanisme français de financement de l’obligation d’achat de l’électricité produite par éoliennes « d’aide d’État ».   Pour rappel, l’association Vent de colère avait engagé un recours devant le Conseil d’Etat à l’encontre de l’arrêté tarifaire éolien du 17 novembre 2008 en arguant notamment du fait que cet arrêté instituait une aide d’Etat au regard du droit européen car il instaurait un tarif de rachat de l’électricité supérieur au prix du marché, et aurait du donc faire l’objet d’une notification à la Commission Européenne au sens de l’article 88 du Traité instituant la Communauté Européenne (disposition reprise aujourd’hui à l’article 108 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne).   Cependant, dans une décision du 15 mai 2012 dont nous nous étions fait l’écho ici, le Conseil d’Etat avait décidé de s’en remettre à la Cour de Justice de l’Union Européenne pour trancher la question de l’existence d’une aide d’état en posant la question préjudicielle suivante : « compte tenu du changement de mode de financement de la compensation des surcoûts imposés à Electricité de France et aux distributeurs non nationalisés à raison de l’obligation d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent à un prix supérieur au prix de marché de cette électricité, résultant de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003, ce mécanisme [doit-il] désormais être regardé comme une intervention de l’Etat ou au moyen de ressources d’Etat au sens et pour l’application des stipulations de l’article 87 du traité instituant la Communauté européenne [?] ».   C’est dans ce contexte que l’Avocat général de la CJUE a rendu ses conclusions, lesquelles seront très probablement suivies par la Cour.   Si la CJUE rend une décision reconnaissant le mécanisme français de financement de l’obligation d’achat de l’électricité produite par les éoliennes comme constituant une aide d’État, le Conseil d’Etat n’aura guère d’autre choix que d’annuler l’arrêté tarifaire éolien du 17 novembre 2008.   Pour autant dans le cadre de la question préjudicielle posée par le Conseil d’Etat, la CJUE n’a pas à se prononcer sur la compatibilité de l’aide d’Etat avec le marché intérieur de l’union, ce qui signifie que le mécanisme français de financement de l’obligation d’achat éolienne ne sera pas remis en cause à l’issue de cette procédure.   Et on peut s’en féliciter quand l’on sait que le mécanisme de financement de l’obligation d’achat est le même pour la majorité des énergies renouvelables en France…   In fine pour assurer une continuité du tarif d’achat éolien malgré l’annulation annoncée de l’arrêté l’instituant, il faudrait que le Gouvernement s’attache dès à présent à l’élaboration d’un nouvel arrêté tarifaire éolien, en notifiant sans délai à la Commission européenne cette aide d’Etat afin que celle-ci l’approuve au plus vite. D’ailleurs, une demande en ce sens a été formulée par le Syndicat des Energies Renouvelables (SER). Et il semble que le Ministère ait lui aussi décidé d’anticiper la qualification d’aide d’Etat en optant dès le 22 avril dernier pour une pré-notification à la Commission européenne du dispositif national …   D’ailleurs comment les fonctionnaires de la direction de l’énergie et du climat au Ministère de l’Ecologie ont-ils pu rater l’exigence formelle de la soumission préalable à la commission d’une aide d’Etat de l’actuel arrêté ? Car l’ancien système de financement avait échappé de peu à l’annulation (à l’époque le Conseil d’Etat refusait alors de qualifier la contribution au FSPPE d’aide d’Etat : Conseil d’Etat, 9ème et 10ème sous-sections réunies, n° 21 mai 2003, 237466, Rec. Lebon).   C’est dire que le risque de l’annulation a délibérément été pris. Par qui et pourquoi, comment a-t-il été évalué ? Dans l’immédiat le Ministère de l’Ecologie issue de la nouvelle majorité ne manque pas de rappeler que « cette aide d’État n’a pas été préalablement notifiée à la Commission européenne par le précédent Gouvernement » (communiqué de presse du 13.07.13 du ministre)   Et Philippe Martin précise que l’arrêté tarifaire de 2008 continue de s’appliquer, “les procédures en cours n’ayant pas de caractère suspensif ».   De surcroît, gageons que dans l’absolu, la CJUE en suivant son avocat général ne condamnerait pas la CSPE, ce d’autant que, comme le remarque Arnaud Gossement (http://www.greenunivers.com/2013/07/tarif-dachat-deolien-le-dossier-nest-pas-clot-101615/), la question qui lui est posée demeure cantonnée à l’examen d’une des conditions de la qualification d’aide d’Etat.   Mais on relève tout de même que s’interrogeant sur la limitation dans le temps des effets de l’arrêt à venir, l’avocat fait ce grief de fond au mécanisme :   « 51. Tout en admettant que, physiquement, l’énergie provenant de sources différentes se fond dans le réseau de distribution, je relève que, dans le cadre du mécanisme en cause au principal, les fournisseurs n’ont pas la possibilité de différencier les tarifs entre les différentes catégories de consommateurs et que les consommateurs sont privés de la possibilité d’opter pour ou contre l’achat d’énergie renouvelable. Or, les règles applicables dans le marché intérieur libéralisé de l’électricité visent à offrir aux consommateurs un choix réel à des prix équitables et concurrentiels, à stimuler la production d’énergie propre et à renforcer la sécurité de l’approvisionnement. En effet, l’objectif de la divulgation des informations sur les sources d’énergie pour la production d’électricité était déjà souligné dans la directive 2003/54  ».   Et il n’en faut pas plus, pour que certains en appellent déjà à la suppression pure et simple du tarif.   On leur rappellera qu’en tout état de cause, même qualifiée d’aide d’Etat la CSPE « participe du développement durable préconisée par l’Union européenne et entre en revanche sans difficulté dans les prévisions de l’encadrement des aides d’Etat en faveur de l’environnement [et] peut sans doute  se prévaloir aussi des dispositions des directives électricité et gaz »  (p. 593-594). Bref, la question au fond de la compatibilité de l’aide d’Etat ne fait guère de doute pour la doctrine la plus autorisée (Bernadette LE BAUT-FERRARESE et Isabelle MICHALLET,…

Eolien/arrêté tarifaire: le vent de colère retient son souffle….

Les opérateurs éoliens l’attendent peut être plus que les requérants eux mêmes… mais la décision relative à l’arrêté tarifaire se fera encore attendre.  Saisie de la légalité de l’arrêté tarifaire éolien, la Haute juridiction a décidé par un arrêt ci dessous reproduit de renvoyer à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) une question préjudicielle. Les requérants avaient notamment soulevé un moyen tiré de la méconnaissance des articles 87 et 88 du traité instituant la Communauté européenne. Cet argument suppose de savoir si le mécanisme mis en place relève de ces disposition. En effet, le Conseil d’Etat juge que: “la réponse au moyen soulevé dépend de la question de savoir si, compte tenu du changement de mode de financement de la compensation des surcoûts imposés à Electricité de France et aux distributeurs non nationalisés à raison de l’obligation d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent à un prix supérieur au prix de marché de cette électricité, résultant de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003, ce mécanisme doit désormais être regardé comme une intervention de l’Etat ou au moyen de ressources d’Etat au sens et pour l’application des stipulations de l’article 87 du traité instituant la Communauté européenne ; Et la Haute juridiction de souligner que “cette question est déterminante pour la solution du litige que doit trancher le Conseil d’Etat ; qu’elle présente une difficulté sérieuse ; qu’il y a lieu, par suite, d’en saisir la Cour de justice de l’Union européenne en application de l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et, jusqu’à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur la requête de l’ASSOCIATION XXXXXX et autres”;   Ce type de saisine, typique du dialogue des juges nationaux et communautaires, prendra toutefois plusieurs mois laissant la filière dans une expectative difficilement tolérable…   Dans l’attente, il est en effet décidé : “Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête présentée par l’ASSOCIATION XXXXXXXXXX et autres jusqu’à ce que la Cour de justice de l’Union européenne se soit prononcée sur la question suivante : Compte tenu du changement de nature du mode de financement de la compensation intégrale des surcoûts imposés à Electricité de France et aux distributeurs non nationalisés mentionnés à l’article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz, à raison de l’obligation d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent à un prix supérieur au prix de marché de cette électricité, résultant de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003, ce mécanisme doit-il désormais être regardé comme une intervention de l’Etat ou au moyen de ressources d’Etat au sens et pour l’application des stipulations de l’article 87 du traité instituant la Communauté européenne ?“     ***   Le Conseil d’Etat statuant au contentieux Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux Séance du 12 mars 2012 – Lecture du 15 mai 2012 Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 février et 5 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’ASSOCIATIONXXXXXXXX, ainsi que pour M.B., M. L., M. C., M. E., M. D., M. S.,M. V., M. P., M. R., M. J., et M. M.; l’ASSOCIATION XXXXXXXXXXXXet autres demandent au Conseil d’Etat : 1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 17 novembre 2008 du ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et de la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent, ainsi que l’arrêté du 23 décembre 2008 le complétant ; 2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement à l’ASSOCIATION XXXXXXXXXXXXXd’une somme de 7 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;                                    ………………………………………………………………………… Vu les autres pièces du dossier ; Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 mars 2012, présentée pour le Syndicat XXXXXXXXXX; Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 mars 2012, présentée par le ministre de XXXXXXXXX; Vu le traité instituant la Communauté européenne et le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; Vu la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 ; Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ; Vu la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 ; Vu la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 ; Vu le décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ; Vu le décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : – le rapport de M. Olivier Gariazzo, Maître des Requêtes en service extraordinaire,  – les observations de Me Blondel, avocat de l’ASSOCIATION XXXXXXXXXXXet autres et de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du Syndicat XXXXXXX, – les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ; La parole ayant été à nouveau donnée à Me Blondel, avocat de l’ASSOCIATION XXXXXXXXXet autres et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du Syndicat XXXXXXXX; Considérant qu’aux termes de l’article 10 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, dans sa rédaction issue de la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique : « Sous réserve de la nécessité de préserver le bon fonctionnement des réseaux, Electricité de France et (…) les distributeurs non nationalisés mentionnés à l’article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 (…) sont tenus de conclure, si les producteurs intéressés en font la demande, un contrat pour l’achat de l’électricité produite sur le territoire national par : (…) / 2° Les installations qui utilisent des énergies renouvelables, à l’exception de celles utilisant l’énergie mécanique du vent implantées dans les zones interconnectées au réseau métropolitain continental (…). Un décret en Conseil d’Etat fixe les limites de puissance installée des installations de production qui peuvent bénéficier de l’obligation d’achat. (…) / 3° Les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent qui sont implantées dans le périmètre d’une zone de développement de l’éolien, définie selon les modalités fixées à l’article 10-1 (…). / Les contrats conclus en application du présent article par Electricité de France et les distributeurs non nationalisés (…) prévoient des conditions d’achat prenant en compte les coûts d’investissement et d’exploitation évités par ces…