Régularité de l’affichage de l’autorisation d’urbanisme

Par Clémence AUQUE, Juriste (Green Law Avocats) Par un arrêt en date du 16 octobre 2020 et mentionné aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat a jugé qu’un panneau d’affichage n’indiquant pas l’adresse de la mairie où peut être consulté le dossier de permis de construire n’est pas irrégulier. Ainsi, cette omission ne fait pas obstacle au déclenchement du délai de recours contentieux à l’égard des tiers (CE, 2/7 CR, 16 oct. 2020, req. n°429357). Pour rappel, les tiers disposent d’un délai de deux mois pour contester une autorisation d’urbanisme. En vertu de l’article R*600-2 du code de l’urbanisme, ce délai court à compter de l’affichage régulier de l’autorisation sur le terrain d’emprise du projet. L’article A.424-16 du même code précise les informations devant être indiquées sur le panneau d’affichage, à savoir « le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l’adresse de la mairie où le dossier peut être consulté ». En l’espèce, le tribunal administratif de Bastia, saisi d’un recours contre un permis de construire délivré par le maire d’Ajaccio, a considéré que : « le panneau ne mentionnait pas l’adresse de la mairie où le dossier pouvait être consulté et que, compte tenu de la taille de la commune d’Ajaccio et de la dispersion des services municipaux sur le territoire de la commune, une telle mention revêtait un caractère substantiel » ; L’affichage du permis de construire sur le terrain n’avait pu déclencher le délai de recours contentieux à l’égard des tiers. Annulant le jugement du tribunal administratif de Bastia, le Conseil d’Etat considère que le défaut de mention de l’adresse exacte de la mairie où peut être consulté le dossier ne revêt pas le caractère d’une irrégularité substantielle. Le juge considère qu’ « une telle omission n’entache pas d’irrégularité l’affichage du permis dès lors qu’en mentionnant la mairie, le panneau d’affichage renseignait les tiers sur l’administration à laquelle s’adresser. Par suite, cette omission ne fait pas obstacle au déclenchement du délai de recours contentieux à l’égard des tiers ». Selon les conclusions du rapporteur public, une insuffisance des mentions du panneau d’affichage est substantielle et fait donc échec au déclenchement du délai de recours « lorsqu’elle ne permet pas au tiers de connaître la faculté qu’il a de prendre connaissance du dossier auprès de l’administration clairement identifiée ». Or, pour le rapporteur public, il est possible pour les tiers diligents de rechercher par eux-mêmes l’adresse exacte de la mairie désignée par le panneau d’affichage. Par cet arrêt, la Haute juridiction confirme ainsi une solution dégagée depuis près d’une décennie par les cours administratives d’appel (CAA Versailles, 30 déc. 2010, n°09VE04253 et récemment : CAA Nantes, 20 sept. 2019, n°18NT03263 et CAA Bordeaux, 19 déc. 2019, n°19BX00608). En outre, cette solution s’inscrit dans une jurisprudence opérant un tri des irrégularités d’affichage substantielles : Un an auparavant, la Haute juridiction avait déjà jugé que les erreurs ou incomplétudes du panneau d’affichage relatives aux caractéristiques du projet ne font pas obstacle au déclenchement des délais de recours à l’égard des tiers dès lors qu’en dépit de ces erreurs, le panneau permettait aux tiers « d’apprécier la portée et la consistance du projet » (récemment : CE, 16 oct. 2019, 10/9 CR, req. n°419756) ; De longue date, le juge administratif s’est attaché à neutraliser les irrégularités d’affichage touchant aux indications relatives à l’autorisation d’urbanisme en elle-même (bénéficiaire, date ou numéro d’autorisation) dès lors que les informations affichées permettaient tout de même aux tiers d’identifier l’autorisation d’urbanisme et d’en prendre connaissance en mairie (par exemple :  CE, 14 nov. 2003, n°254003 et 254065). Cette tendance jurisprudentielle rappelle aux riverains qu’ils doivent être très attentifs aux affichages réalisés sur les voies publiques bordant leur propriété … C’est en ce moment particulièrement le cas en matière d’antennes relais à l’heure du déploiement annoncé de la 5G !

5G au CE : rejet du référé pour défaut d’urgence et un arrêt au fond pour l’été 2020

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Par une ordonnance du 5 mars 2020 (CE ord. 5 mars 2020, Associations PRIARTEM et autre, n° 438761), le juge du référé-suspension du Conseil d’Etat a rejeté pour défaut d’urgence la demande de suspension du dispositif de déploiement de la 5G en France. Les associations PRIARTEM et Agir pour l’environnement ont demandé au juge des référés du Conseil d’État de suspendre le décret fixant les prix de réserve et les redevances pour l’utilisation des bandes de fréquences nécessaires au déploiement de la 5G, et l’arrêté organisant la procédure d’appel d’offre, d’enchère puis de déploiement après octroi des fréquences aux opérateurs. Elles critiquent notamment l’absence d’évaluation environnementale préalable au déploiement de la 5G, et ses conséquences environnementales et sanitaires. Après avoir constaté que les premières autorisations d’utilisation de fréquences délivrées aux opérateurs mobiles ne pourraient donner lieu à des communications effectives utilisant le nouveau standard que sur des points limités et seulement à partir de l’été, et prenant en compte l’intervention d’une décision au fond avant l’été 2020, le juge des référés a en conséquence estimé que l’urgence qui justifie son intervention n’était pas constituée. Le passage à la 5G en France suit un processus en plusieurs étapes, lequel a débuté par le lancement d’une « feuille de route » par le Gouvernement et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en juillet 2018. Dans ce contexte, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes a proposé, le 21 novembre 2019, au ministre chargé des communications électroniques, les modalités et conditions d’attribution d’autorisations d’utilisation de fréquences dans la bande 3,4 – 3,8 GHz en France métropolitaine pour établir et exploiter un système mobile terrestre ouvert au public. Les modalités financières de ces attributions ont été fixées, d’une part, par l’arrêté du 30 décembre 2019 s’agissant de la fixation des prix de réserve et, d’autre part, par le décret du 31 décembre 2019 s’agissant de la fixation des redevances éligibles et des modalités de versements. Une consultation publique a été conduite du 28 novembre au 12 décembre 2019 visant à recueillir les contributions des acteurs intéressés par la procédure attribution de fréquences 5G. Aussi pour le juge des référés, « le décret dont la suspension est demandée n’a pour objet que de fixer des montants de redevance et des prix de réserve. La mise en œuvre de ces dispositions, qui ne peut intervenir qu’au terme de la procédure d’octroi des fréquences régies par l’arrêté également contesté, est par elle-même dépourvue de toute conséquence en matière environnementale ou de santé, seules invoquées par les associations requérantes pour établir l’urgence de la suspension demandée ». Le juge de l’urgence relève encore : «  à supposer que l’arrêté critiqué ait pour effet les conséquences alléguées en matière d’environnement, de santé et de consommation énergétique, ces conséquences ne pourront se manifester qu’après que l’attribution des fréquences qu’il régit aura commencé de recevoir exécution, c’est-à-dire, selon les informations recueillies lors de l’audience publique, au cours de l’été 2020, et dans la seule limite du déploiement initial des systèmes de 5ème génération, borné vraisemblablement à une aire urbaine. Cette situation est d’autant moins constitutive d’une urgence que la 2ème chambre de la section du contentieux du Conseil d’Etat est en mesure d’inscrire au rôle d’une formation de jugement les requêtes au fond introduites à l’encontre du décret et de l’arrêté, de manière à ce qu’elles fassent l’objet d’une décision avant l’été 2020 ». On l’aura compris, pour le juge des référés du Conseil d’Etat  la condition d’urgence n’est pas satisfaite. Reste que pour sa part l’Anses (Exposition de la population aux champs électromagnétiques liée au déploiement de la technologie de communication «5G» et effets sanitaires associés – Saisine n°2019-SA-0006) reconnaît que trois questions pour le moins essentielles demeurent en suspens : “Compte tenu du manque de données dans la bande autour de3,5GHz, peut-on extrapoler à cette bande les résultats des expertises précédentes sur les effets sanitaires des radiofréquences (8,3kHz-2,45GHz)? À partir des données de la littérature disponibles dans les fréquences entre 20 et 60GHz, peut-on identifier des effets sanitaires potentiels? Compte tenu des spécificités des signaux de la 5G, peut-on anticiper l’exposition des populations et son impacts sanitaire? »