Par un intéressant arrêt en date du 04 février 2014 (C.cass, 4 février 2014, n°13-83492), la Cour de cassation confirme la conformité à la constitution de la possibilité pour l’administration en vertu de l’article L 480-8 du Code de l’urbanisme de liquider une astreinte ayant pour partie un caractère pénal consécutivement à un jugement répressif rendu en matière d’infractions au Code de l’urbanisme.
La Cour de cassation était saisie d’une demande de Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) formulée comme suit :
« Les dispositions de l’article L.480-8 du code de l’urbanisme permettant à l’administration de liquider une astreinte ayant pour partie un caractère pénal, prononcée par le juge répressif qui a ordonné la remise en l’état des lieux en raison d’une infraction aux règles de l’urbanisme, ne sont-elles pas contraires aux garanties constitutionnelles instituées par les articles 2, 8 et 16 de la déclaration des droits de l’homme aux termes desquelles il appartient à la loi sous le contrôle du juge judiciaire de fixer les peines dans le cadre d’un procès juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties? »
Reprenant une solution constante en la matière, la Cour refuse de renvoyer la question au Conseil Constitutionnel :
« Attendu que les dispositions contestées sont applicables à la procédure ;
Qu’elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ;
Mais attendu que la question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle ;
Et attendu que la question posée ne présente pas à l’évidence un caractère sérieux dès lors que la créance d’astreinte liquidée trouvant son fondement dans une décision prononcée par une juridiction répressive en application de l’article L. 480-7 du code de l’ urbanisme, le contentieux de son recouvrement ressortit aux juridictions de l’ordre judiciaire, la circonstance que l’Etat a procédé à la liquidation de l’astreinte prononcée, ainsi que le prévoit l’article L. 480-8 du même code, n’ayant pu modifier ni la nature du litige ni la détermination de la compétence »
Cet arrêt est l’occasion de rappeler le régime juridique de la liquidation de l’astreinte consécutivement à un jugement rendu en matière pénale.
La possibilité d’assortir une condamnation pénale en urbanisme, non seulement d’une obligation de démolition ou de remise en état, mais plus encore d’une astreinte est prévue à l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme :
« Le tribunal impartit au bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l’utilisation irrégulière du sol un délai pour l’exécution de l’ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation; il peut assortir sa décision d’une astreinte de 7,5 à 75 euros par jour de retard
Au cas où le délai n’est pas observé, l’astreinte prononcée, qui ne peut être révisée que dans le cas prévu au troisième alinéa du présent article, court à partir de l’expiration dudit délai jusqu’au jour où l’ordre a été complètement exécuté.
Si l’exécution n’est pas intervenue dans l’année de l’expiration du délai, le tribunal peut, sur réquisition du ministère public, relever à une ou plusieurs reprises, le montant de l’astreinte, même au-delà du maximum prévu ci-dessus.
Le tribunal peut autoriser le reversement ou dispenser du paiement d’une partie des astreintes pour tenir compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter ».
L’astreinte permet alors d’accompagner la sanction d’une pression financière.
Il est utile de préciser que selon la Cour de cassation « le délai d’exécution de la mise en conformité ne peut courir avant que la condamnation soit devenue définitive » (Crim., 12 décembre 2000, n°00-81771).
Sur le plan de la contestation, il convient de noter que la procédure de contestation à l'”état exécutoire” permet de contester le titre exécutoire procédant au recouvrement d’une astreinte prononcée sur le fondement de l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme. La pratique veut qu’une phase de recouvrement amiable précède une phase de recouvrement contentieux.
Ainsi, un titre de perception est tout d’abord adressé par pli simple au débiteur (Décret n°2012-1246 du 07 nov. 2012, art. 115) auquel est jointe une lettre invitant le débiteur à régler sa dette dans un certain délai (généralement un mois). Si passé ce délai, le débiteur ne réagit pas, une lettre de rappel peut lui être adressée, suivie, si celle-ci ne produit toujours pas d’effet, d’un commandement de payer.
Cependant, il n’est pas rare que l’administration envoie directement un commandement de payer au débiteur de l’astreinte.
Ce commandement de payer va constituer le premier acte de poursuite qui procède du titre de perception.
S’agissant de la forme de la contestation, l’« opposition à état exécutoire » devra contester le bien fondé du titre exécutoire, à savoir :
– L’existence de la créance ;
– L’exigibilité de la créance ;
– Le montant de la créance.
Cependant, avant de saisir la juridiction compétente, le débiteur devra absolument adresser dans les deux mois qui suivent la notification du titre de perception ou du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause, une réclamation appuyée de toutes justifications utiles au comptable chargé du recouvrement de l’ordre de recouvrer (Décret n°2012-1246 du 07 nov. 2012, art. 118 ; et article R. 480-5 du code de l’urbanisme).
Au sens de l’article 116 du décret n°2012-1246 du 07 novembre 2012, le comptable chargé de la mise en œuvre de l’action en recouvrement « est le comptable public du lieu du domicile du débiteur ». A compter du jour où l’autorité compétente reçoit cette réclamation, date dont elle informe le débiteur en lui délivrant un reçu, elle dispose d’un délai de 6 mois pour statuer sur celle-ci. Si à l’issue de ce délai, l’autorité compétente n’a pas notifiée sa décision au débiteur, son silence vaut rejet.
Dès lors qu’une décision explicite ou implicite intervient, le débiteur dispose alors d’un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision explicite, ou à compter du jour où est née la décision implicite pour saisir la juridiction compétente (Décret n°2012-1246 du 07 nov. 2012, art. 119).
Cette juridiction compétente n’est autre que celle ayant prononcée l’astreinte au sens dispositions de l’article 710 du code de procédure pénale et de la jurisprudence (Civ. 2ème, 12 mars 1997, n°95-11.807). Le régime de la liquidation de l’astreinte et de sa contestation obéit donc à un régime particulier qui oblige les destinataires de ces dernières à la plus grande vigilance, notamment sur:
-
la preuve de l’exécution de la décision (constat d’huissier, photos datées, information de l’administration si le délai est respecté)
- et, le cas échéant, le respect des prescriptions des différentes actions.
Aurélien BOUDEWEEL
Green Law Avocat