Nucléaire : une installation nucléaire de base (INB) peut fonctionner jusqu’à l’intervention d’un décret de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement (Conseil d’État, 6ème / 1ère SSR, 22 février 2016, n°373516, mentionné aux tables du recueil Lebon)

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Dans une décision du 22 février 2016, le Conseil d’Etat s’est prononcé, à la demande de nos voisins helvètes, sur plusieurs actes administratifs concernant la centrale électronucléaire de Bugey exploitée par Electricité de France (EDF). Les requêtes, jointes par le Conseil d’Etat, tendaient à demander l’annulation de plusieurs décisions de l’autorité administratives et, plus précisément, à demander : l’annulation de l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) rendu lors d’un réexamen de la sûreté du site électronucléaire de Bugey ; l’annulation des prescriptions techniques nouvelles prises à l’issue du troisième réexamen de sûreté de la centrale ; l’annulation des décisions implicites ou révélées d’autoriser la poursuite de l’exploitation de la centrale nucléaire pour dix ans résultant de l’éduction de ces prescriptions techniques nouvelles. Après avoir déclaré irrecevables les conclusions portant sur les décisions implicites ou révélées d’autoriser la poursuite de l’exploitation de la centrale pour dix ans (I), à l’instar de celles sur l’avis de l’ASN (II), le Conseil d’Etat a refusé d’annuler les prescriptions techniques nouvelles imposées à la centrale (III). L’absence de décision de poursuite de l’exploitation pour dix ans La République et Canton de Genève soutenait que l’édiction de nouvelles prescriptions techniques par l’ASN, à la suite de la transmission, par l’exploitant de l’installation, du rapport de réexamen de sûreté, constituait une décision implicite d’autoriser l’exploitation de cette dernière pour dix années supplémentaires. Dans sa décision, le Conseil d’Etat a commencé par exposer les dispositions applicables aux INB. Il a notamment a rappelé que la création d’une INB était soumise à autorisation (article L. 593-7 du code de l’environnement). Il a également précisé qu’un réexamen par l’exploitant de la sûreté de son installation était prévu tous les dix ans (article L. 593-18 du code de l’environnement). Le Conseil d’Etat a ensuite présenté la procédure suivie à l’issue de ce réexamen de sûreté : l’exploitant adresse à l’ASN et au ministre chargé de la sûreté nucléaire un rapport rendant compte de cet examen de sûreté ainsi que les dispositions envisagées pour remédier aux anomalies constatées ou améliorer la sûreté de l’installation. L’ASN, au vu de ce rapport, peut imposer de nouvelles prescriptions techniques et communique au ministre chargé de la sûreté son analyse du rapport (article L. 593-19 du code de l’environnement). La Haute juridiction était donc invitée à se prononcer sur la durée de vie des autorisations d’exploiter une INB et sur l’éventuel renouvellement de cette durée de vie à chaque contrôle périodique de sûreté. Au regard des textes précités, le Conseil d’Etat a estimé « qu’aussi longtemps qu’aucun décret de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement n’est intervenu, après la mise en œuvre de la procédure prévue à l’article L. 593-25 du code de l’environnement, une installation nucléaire de base est autorisée à fonctionner, dans des conditions de sûreté auxquelles il appartient à l’Autorité de sûreté nucléaire de veiller en vertu de l’article L. 592-1 du même code ». Il en a déduit que « par suite, la République et Canton de Genève n’est pas fondée à soutenir que l’édiction de nouvelles prescriptions techniques par l’Autorité de sûreté nucléaire, à la suite de la transmission, par l’exploitant de l’installation, du rapport de réexamen de sûreté, constituerait une décision implicite d’autoriser l’exploitation de cette dernière pour dix années supplémentaires ; qu’ainsi, les conclusions de la requête tendant à l’annulation des décisions ” implicites ou révélées ” de l’Autorité de sûreté nucléaire et du ministre chargé de la sûreté nucléaire autorisant de nouveau, pour dix ans, l’exploitation de la centrale nucléaire du Bugey sont irrecevables ; ». Le Conseil d’Etat considère donc qu’il n’existe pas de durée de vie des INB et que celles-ci peuvent fonctionner tant qu’aucun décret de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement n’est intervenu, dans des conditions de sûreté auxquelles l’ASN doit veiller. Plus encore, il précise que l’édiction de nouvelles prescriptions techniques à la suite d’un réexamen de sûreté de l’installation ne constitue pas une décision autorisant l’exploitation de la centrale pour dix nouvelles années. Il écarte donc comme irrecevable les conclusions tendant à l’annulation de décisions autorisant l’exploitation de la centrale pour dix ans.   L’avis de l’ASN, un acte non susceptible de recours   La République et Canton demandait également l’annulation de l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire rendu après le troisième réexamen de sûreté du réacteur n° 2 de la centrale nucléaire du Bugey. Rappelons qu’aux termes de l’article L. 593-19 du code de l’environnement dans sa version alors en vigueur : « L’exploitant adresse à l’Autorité de sûreté nucléaire et au ministre chargé de la sûreté nucléaire un rapport comportant les conclusions de l’examen prévu à l’article L. 593-18 et, le cas échéant, les dispositions qu’il envisage de prendre pour remédier aux anomalies constatées ou pour améliorer la sûreté de son installation. / Après analyse du rapport, l’Autorité de sûreté nucléaire peut imposer de nouvelles prescriptions techniques. Elle communique au ministre chargé de la sûreté nucléaire son analyse du rapport. (…) »   Le Conseil d’Etat devait se prononcer sur le statut des analyses de l’ASN.   Le Conseil d’Etat a considéré que « l’analyse par l’Autorité de sûreté nucléaire du rapport de réexamen de sûreté adressée au ministre chargé de la sûreté nucléaire constitue un simple avis qui ne présente pas le caractère d’une décision faisant grief ; qu’ainsi, les conclusions tendant à l’annulation de l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire du 10 juillet 2012 sur la poursuite de l’exploitation du réacteur n° 2 de la centrale nucléaire du Bugey après son troisième réexamen de sûreté ne peuvent qu’être rejetées comme irrecevables ; ».   Le Conseil d’Etat estime donc que l’avis de l’ASN ne constitue qu’un simple avis ne faisant pas grief et qu’il est, dès lors, insusceptible de recours.   On peut toutefois se demander si cette position du Conseil d’Etat sera maintenue eu égard à la nouvelle rédaction de l’article L. 593-19 du code de l’environnement. La nouvelle rédaction de cet article précise que « Après analyse du rapport, l’Autorité de sûreté nucléaire peut imposer de nouvelles prescriptions techniques. Elle communique au ministre…

Droit minier : précisions sur l’application de la loi anti-fracturation hydraulique (TA Cergy Pontoise, 28 janvier 2016, n°1200718)

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise vient de se prononcer dans un jugement du 28 janvier 2016 (TA Cergy Pontoise, 28 janvier 2016, n°1200718) sur la légalité d’arrêtés d’abrogation de permis exclusif de recherches. C’est l’occasion d’aborder les grandes lignes juridiques du débat entourant la fracturation hydraulique. La fracturation hydraulique consiste à injecter sous très haute pression un fluide destiné à fissurer et micro-fissurer la roche. Cette technique est notamment utilisée en matière d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures, conventionnels ou non conventionnels. Elle permet en effet de récupérer des hydrocarbures, liquides ou gazeux, dans des substrats denses où un puits classique ne suffirait pas. Le fluide utilisé lors de la fracturation hydraulique est en général de l’eau à laquelle sont ajoutés, d’une part, des matériaux solides poreux (sable…) afin que les fissures et micro-fissures ne se referment pas à l’issue du processus et, d’autre part, des additifs chimiques afin de gérer la viscosité du mélange. La technique de la fracturation hydraulique a soulevé une opposition importante de la population en 2011 lors de débats sur l’opportunité de rechercher et d’exploiter des hydrocarbures non conventionnels tels que les gaz de schiste sur le territoire français. En effet, à l’époque, cette technique, associée à un forage horizontale, était la seule permettant de rechercher et d’exploiter le gaz de schiste Cette opposition de la population a conduit à l’adoption de la loi n°2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique. Cette loi repose sur l’application du principe de prévention. Elle a été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel (Conseil constitutionnel, 11 octobre 2013, décision n° 2013-346 QPC, analysée sur le blog du cabinet ici). L’article 1er de cette loi dispose : « En application de la Charte de l’environnement de 2004 et du principe d’action préventive et de correction prévu à l’article L. 110-1 du code de l’environnement, l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche sont interdites sur le territoire national. » [souligné par nos soins] Son article 3 précise en outre que : « I. ― Dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi, les titulaires de permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux remettent à l’autorité administrative qui a délivré les permis un rapport précisant les techniques employées ou envisagées dans le cadre de leurs activités de recherches. L’autorité administrative rend ce rapport public. ― Si les titulaires des permis n’ont pas remis le rapport prescrit au I ou si le rapport mentionne le recours, effectif ou éventuel, à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche, les permis exclusifs de recherches concernés sont abrogés. III. ― Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, l’autorité administrative publie au Journal officiel la liste des permis exclusifs de recherches abrogés. ― Le fait de procéder à un forage suivi de fracturation hydraulique de la roche sans l’avoir déclaré à l’autorité administrative dans le rapport prévu au I est puni d’un an d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende. » [souligné par nos soins] Les titulaires de permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux devaient donc rendre un rapport à l’administration précisant les techniques employées ou envisagées dans le cadre de leurs activités de recherche. Si les titulaires des permis ne remettaient pas le rapport ou si celui-ci mentionnait le recours effectif ou éventuel à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche, les permis exclusif de recherches concernés étaient abrogés. Les sociétés Total Gas Shale Europe et Total Exploration et Production France détenaient un permis exclusif de recherches dit « Permis de Montélimar » Elles ont déposé un rapport le 12 septembre 2011 dans lequel, d’une part, elles s’engageaient à ne pas mettre en œuvre la technique de la fracturation hydraulique et où, d’autre part, elles précisaient désirer poursuivre les explorations soit au moyen de techniques existantes et autorisées, soit au moyen d’autres techniques encore en cours de développement. Toutefois, un arrêté interministériel du 12 octobre 2011 portant publication de la liste des permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux abrogés en application de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 a constaté l’abrogation du permis de Montélimar. Le directeur de l’énergie a ensuite adressé le 12 octobre 2011 des lettres informant les sociétés Total Gas Shale Europe et Total Exploration et Production France de cette abrogation. Les deux sociétés ont donc introduit un recours en excès de pouvoir contre l’arrêté du 12 octobre 2011 en tant qu’il constate l’abrogation du « Permis de Montélimar » et contre les lettres du directeur de l’énergie du 12 octobre 2011 les informant de l’abrogation de ce permis. La question posée au tribunal administratif de Cergy Pontoise était donc de savoir si le fait qu’un rapport affirme l’absence d’utilisation de la fracturation hydraulique dans le cadre d’un permis exclusif de recherches sans préciser expressément quelles techniques seront mises en œuvre permettait de prononcer l’abrogation dudit permis. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise s’est prononcé dans la décision du 28 janvier 2016 présentement commentée (TA Cergy Pontoise, 28 janvier 2016, n°1200718). Il s’est, dans un premier temps, prononcé sur la recevabilité du recours des requérantes (I). Puis, il s’est prononcé sur l’abrogation du permis de Montélimar (II). Sur la recevabilité du recours en excès de pouvoir Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise devait, en premier lieu, se prononcer sur la recevabilité du recours des sociétés requérantes et sur le caractère décisoire des actes contestés. Il convient de rappeler que l’article R. 421-1 du code de justice administrative dispose que « sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (…) ». À cet égard, ne constituent pas des décisions au sens de…

Produits phytopharmaceutiques : la Commission réticente concernant l’approbation ou le renouvellement de substances actives

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat)   Le 2 février 2016, la Commission européenne a, une nouvelle fois, montré sa réticence à approuver ou à renouveler les substances actives contenues dans les produits phytopharmaceutiques. Ce comportement témoigne, à notre sens, d’une volonté de limiter le nombre de substances actives présentes dans les produits phytopharmaceutiques mis sur le marché sur le territoire des Etats membres. En premier lieu, elle a, par un règlement d’exécution (UE) 2016/138 du 2 février 2016, refusé d’approuver la substance active 3-décén-2-one, conformément au règlement (CE) n°1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. A cet égard, il convient de rappeler que, pour qu’une substance active soit approuvée, elle doit respecter les critères posés par l’article 4 du règlement (CE) n°1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. En particulier, il est nécessaire que: les résidus des produits phytopharmaceutiques n’aient pas d’effet nocif sur la santé des êtres humains ou sur la santé des animaux ou sur les eaux souterraines ; les résidus des produits phytopharmaceutiques n’aient pas d’effet inacceptable pour l’environnement.   En outre, le produit phytopharmaceutique doit : être suffisamment efficace ; ne pas avoir d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine ou sur la santé animale ou sur les eaux souterraines ; n’avoir aucun effet inacceptable sur les végétaux ou les produits végétaux ; ne provoquer ni souffrances ni douleurs inutiles chez les animaux vertébrés à combattre ; ne pas avoir d’effet inacceptable sur l’environnement. En l’espèce, il a été considéré que « l’existence de résultats positifs en matière de génotoxicité et le caractère limité des données toxicologiques empêchent d’établir des valeurs toxicologiques de référence finales et que, par conséquent, l’évaluation des risques pour les opérateurs, les travailleurs, les autres personnes présentes, les résidents et les consommateurs n’a pas pu être menée à bien. » En outre, « l’évaluation de la demande de LMR accompagnée de la demande d’exempter le 3-décén-2-one de la fixation d’une LMR n’a pas pu être terminée, car les informations disponibles sont insuffisantes pour déterminer si l’utilisation de 3-décén-2-one en tant que substance active dans les produits phytopharmaceutiques n’a pas d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine, y compris celle des groupes vulnérables, lors d’une ingestion par voie alimentaire. » Au regard de ces éléments, les critères de l’article 4 ne pouvaient être considérés comme remplis. Par suite, la substance active n’a pu être approuvée car « il n’a pas été démontré qu’il était permis d’escompter, en ce qui concerne une ou plusieurs utilisations représentatives d’au moins un produit phytopharmaceutique contenant de la 3-décén-2-one, qu’il soit satisfait aux critères d’approbation prévus à l’article 4 du règlement (CE) n° 1107/2009. » En second lieu, elle a, par un règlement d’exécution (UE) 2016/139 du 2 février 2016, approuvé la substance active metsulfuron-méthyle comme « substance dont on envisage la substitution » conformément au règlement (CE) n°1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Pour ce faire, elle a, dans un premier temps, considéré que l’ensemble des conditions d’approbation de la substance active étaient remplies : « Des informations sur une ou plusieurs utilisations représentatives d’au moins un produit phytopharmaceutique contenant la substance active concernée ont permis d’établir qu’il est satisfait aux critères d’approbation visés à l’article 4 du règlement (CE) n° 1107/2009. Ces critères d’approbation sont donc réputés être remplis. […] L’évaluation des risques pour le renouvellement de l’approbation du metsulfuron-méthyle repose sur un nombre limité d’utilisations représentatives, qui toutefois ne restreignent pas les utilisations pour lesquelles les produits phytopharmaceutiques contenant du metsulfuron-méthyle peuvent être autorisés. Il convient donc de ne pas maintenir la restriction à l’utilisation en tant qu’herbicide. » Puis, dans un deuxième temps, elle a considéré que « le metsulfuron-méthyle est une substance dont on envisage la substitution conformément à l’article 24 du règlement (CE) n° 1107/2009.» L’article 24 du règlement (CE) n°1107/2009 qu’une substance active satisfaisant aux critères prévus à l’article 4 est approuvée, pour une période ne dépassant pas sept ans, comme « substance dont on envisage la substitution » si elle satisfait à un ou plusieurs critères supplémentaires. Plus précisément, en vertu du point 4 de l’annexe 2, il est nécessaire qu’une des conditions suivantes soit remplie pour qu’il soit envisagé la substitution d’une substance active : la dose journalière admissible, le niveau acceptable d’exposition de l’opérateur ou la dose aiguë de référence qui s’y rapportent sont sensiblement inférieurs à ceux de la majorité des substances actives approuvées dans les groupes de substances/catégories d’utilisation ; elle satisfait à deux des critères prévus pour être considérée comme une substance PBT ; elle suscite des préoccupations liées à la nature des effets critiques qui, combinés aux modes d’utilisation et d’exposition concernés, créent des situations d’utilisation qui restent inquiétantes même lorsqu’elles s’accompagnent de mesures de gestion des risques très restrictives ; elle contient un pourcentage important d’isomères non actifs ; elle est ou doit être classée carcinogène de catégorie 1A ou 1B ; elle est ou doit être classée toxique pour la reproduction de catégorie 1A ou 1B ; si elle n’est pas considérée comme ayant des effets perturbateurs endocriniens pouvant être néfastes pour l’homme. En l’espèce, le metsulfuron-méthyle a été considéré comme « une substance persistante et toxique » étant donné que sa demi-vie en eau douce est supérieure à quarante jours et que sa concentration sans effet observé à long terme pour les organismes d’eau douce est inférieure à 0,01 mg/l.   La Commission a donc estimé que « Le metsulfuron-méthyle satisfait donc à la condition établie à l’annexe II, point 4, deuxième tiret, du règlement (CE) n°1107/2009. » c’est-à-dire qu’ « elle satisfait à deux des critères prévus pour être considérée comme une substance PBT » Elle a alors accepté de renouveler l’autorisation de la substance active comme substance dont on envisage la substitution en prévoyant certaines conditions telles que demander des informations confirmatives supplémentaires. En conséquence, ces deux règlements traduisent d’une volonté de la Commission d’apprécier strictement les conditions d’approbation ou de renouvellement d’une substance acte contenue dans un produit phytopharmaceutique et, par suite, de limiter autant que possible…

Ne constitue pas un trouble “anormal” la perte d’ensoleillement en zone urbaine (Cass, 29 sept.2015)

Par Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat Dans un arrêt en date du 29 septembre 2015 (C.cass, 29 septembre 2015, n°14-16729), la Cour de cassation estime que ne constitue pas un trouble anormal de voisinage la construction de logements dans le voisinage dans la mesure où la perte d’ensoleillement n’excède pas le risque encouru du fait de l’installation en milieu urbain. En l’espèce des particuliers avaient assigné une société qui avait édifié sur une parcelle voisine de leur propriété deux bâtiments de 16 logements en réparation d’un trouble anormal de voisinage qui étaient caractérisé par une perte d’intimité et d’ensoleillement. Ils avaient obtenu partiellement satisfaction en première instance mais la Cour d’appel avait censuré ce jugement au motif qu’une haie végétale permettait de supprimer la perte d’intimité et qu’au surplus il n’y avait pas d’incidence de la construction projetée sur l’ensoleillement. Rappelons que l’article 1382 du Code civil dispose  que « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». La théorie des troubles anormaux de voisinage est purement prétorienne. Il s’agit pour un voisin subissant un trouble de voisinage d’engager la responsabilité de l’auteur du trouble. Mais, cette responsabilité est particulière en ce qu’elle est autonome, c’est-à-dire détachée de toute faute de la part du voisin trublion et donc du fondement des articles 1382 et suivants du Code civil (Cass. 1re civ., 18 sept. 2002 ; Cass. 3e civ., 24 sept. 2003). Il suffit à la victime d’un trouble de voisinage de démontrer que celui-ci est « anormal » afin d’obtenir une réparation en nature ou par équivalent. Il revient aux juges du fond d’apprécier souverainement (Cass. 3e civ., 3 nov. 1977 ; Cass. 2e civ., 19 mars 1997 ) si tel ou tel agissement constitue ou non, en fonction des circonstances de temps et de lieu, un trouble anormal de voisinage. Pour ouvrir droit à réparation, le trouble de voisinage doit présenter un caractère anormal et donc être d’une gravité certaine. Le caractère normal dudit trouble ne peut s’apprécier en fonction de la seule réception des victimes. La victime d’un trouble de voisinage ne peut prétendre à l’immutabilité de ses avantages individuels dans une zone constituée de nombreux immeubles. La réduction d’ensoleillement dans une cuisine, dont la durée varie suivant les saisons constitue un inconvénient normal et prévisible de voisinage en zone urbaine de l’habitat continu (CA Paris, 19e ch. A, 22 avr. 1997 : JurisData n° 1997-020965). Dans l’espèce qui lui est soumise, la Cour de cassation confirme l’appréciation de la cour d’appel et refuse de reconnaître l’existence d’un trouble anormal de voisinage aux motifs que: « qu’ayant relevé que les constructions avaient été réalisées en zone urbaine dans un secteur où la situation existante et son maintien ne faisaient l’objet d’aucune protection particulière, qu’une haie végétale permettrait de diminuer ou de supprimer la perte d’intimité résultant des vues sur une partie du jardin depuis l’un des bâtiments construits, que les constructions édifiées au nord de la parcelle où se trouvent leur mas et leur piscine n’avaient qu’une faible incidence sur leur ensoleillement et que, s’agissant de la parcelle située au Sud-Ouest, rien n’établissait que la luminosité de la maison était affectée dans des proportions excédant le risque nécessairement encouru du fait de l’installation en milieu urbain, la cour d’appel, abstraction faite d’un motif surabondant tenant à la proximité d’un centre commercial, a souverainement retenu que l’existence d’un trouble anormal du voisinage n’était pas établi ». L’arrêt rendu par la Cour de cassation n’est pas sans rappeler la jurisprudence rendue jusqu’à présent, qui confirme que le trouble anormal de voisinage s’apprécie à l’aune de l’environnement dans lequel s’inscrit le trouble supposé : ainsi n’excède pas les inconvénients normaux du voisinage la perte de vue et d’ensoleillement résultant de l’implantation d’un bâtiment dès lors que ces troubles sont la conséquence inévitable de l’urbanisation progressive des communes situées dans les banlieues de grandes villes et particulièrement de Paris, et de la concentration des constructions sur des terrains de dimensions modestes (CA Paris, 19e ch. A, 28 mars 1995 : JurisData n° 1995-020964). De la même manière, il a été jugé que la perte de vue résultant du fait que le nouvel immeuble est plus haut d’un étage que les anciens bâtiments ne constitue pas un trouble, s’agissant d’une élévation modérée qui s’inscrit dans un environnement urbain entrant dans les prévisions raisonnables d’un développement citadin (CA Rouen, 1re ch., 10 janv. 2007 : JurisData n° 2007-334206). Enfin, l’immeuble édifié se trouvant dans une zone suburbaine ayant vocation à évoluer vers des caractéristiques plus urbaines, la perte de vue et d’ensoleillement ne présente pas le caractère d’anormalité nécessaire à la qualification de trouble de voisinage (CA Rouen, 1re ch., 15 nov. 2006 : JurisData n° 2006-323597). L’appréciation du trouble anormal de voisinage en zone urbaine s’apprécie donc très sévèrement par les juridictions civiles. On peut donc que conseiller aux particuliers, victimes de ces troubles en zone urbaine, de : Se constituer des preuves irréfragables quant à l’existence des troubles : constat d’huissier circonstancié et attestations. Justifier auprès de la juridiction la zone précise dans laquelle ils se trouvent au demeurant par le biais d’un relevé cadastral ou d’une carte de zonage afin d’éviter toute interprétation à cet égard par la juridiction, Faire la démonstration que le trouble invoqué (hauteur des habitations par exemple) ne présente pas le caractère de normalité dans le secteur considéré.

Sites et sols pollués: le décret sur les secteurs d’information sur les sols (SIS) est sorti des tuyaux (décret 26 oct.2015)

Par Sébastien BECUE Green Law Avocat Le 27 mars 2014 entrait en vigueur la loi dite « ALUR » (L. n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme). Cette loi visant à favoriser l’accès au logement disposait d’un volet relatif aux sites et sols pollués destiné à encourager la reconversion des friches industrielles (voir notre article de l’époque sur ce thème). Parmi ces dispositions environnementales (article 173 de la loi ALUR) figurait notamment la création des « secteurs d’information sur les sols » (les « SIS »), dispositif qui doit permettre, comme l’indique le Président du CSPRT lors de la présentation du projet de décret, que tout aménageur soit en mesure de « disposer d’informations lorsque son projet est localisé sur un site pollué ». Les préfets sont ainsi chargés de déterminer quels terrains sont soumis à un SIS et les propriétaires des terrains désignés sont soumis à une nouveau type d’obligation d’information précontractuelle s’ils souhaitent les louer ou les vendre. Le décret n° 2015-1353 du 26 octobre 2015  vient préciser les conditions de mise en œuvre de ce nouveau dispositif. C’est l’occasion de remarquer que sont précisées les modalités de définition des SIS par le préfet et de souligner les obligations attachées à ce nouvel outil. Les modalités de définition des SIS par le préfet   Les terrains concernés par les SIS Pour rappel, l’article L. 125-6 du code de l’environnement prévoit que « L’Etat élabore, au regard des informations dont il dispose, des secteurs d’information sur les sols qui comprennent les terrains où la connaissance de la pollution des sols justifie, notamment en cas de changement d’usage, la réalisation d’études de sols et de mesures de gestion de la pollution pour préserver la sécurité, la santé ou la salubrité publiques et l’environnement. » Il s’agit donc des terrains, comme l’explique le rapporteur du projet de décret au CSPRT, pour lesquels « des preuves de pollution doivent ainsi être en possession de l’Etat ». Le décret précise que la liste des SIS sera établie « sur la base des données dont l’Etat a connaissance entre le 1er janvier 2016 et le 1er janvier 2019 » (R. 125-41-I C.env.). Pour déterminer quels terrains feront l’objet d’un SIS, le préfet pourra très certainement s’appuyer sur la base de données BASOL, gérée par le ministère en charge de l’environnement et qui répertorie les sols présentant une pollution avérée ou en cours de diagnostic, ainsi que sur les informations que lui fera remonter l’inspection des installations classées. Le décret exclut certains terrains du dispositif (R. 125-43 C.env.) : les terrains d’emprise des ICPE et INB en exploitation (qui ne sont par ailleurs pas non plus couverts par l’obligation d’information précontractuelle environnementale prévue par l’article L. 514-20 du code de l’environnement) ; les terrains ayant fait l’objet d’une servitude d’utilité publique en application de l’article L. 515-12 du code de l’environnement ; les terrains soumis à des pollutions pyrotechniques (liées aux poudres et composés explosifs ou aux munitions). La procédure d’élaboration des SIS En pratique c’est au préfet de département qu’incombe la charge d’élaborer, pour chaque commune et avant le 1er janvier 2019, un ou plusieurs projets de SIS (R. 125-41 C.env.). Les projets prendront la forme d’un dossier composé des deux éléments suivants (R. 125-42 C.env.) : une note présentant les informations détenues par l’Etat sur la pollution des sols ; un ou plusieurs documents graphiques à l’échelle cadastrale, délimitant le SIS. Une fois le dossier constitué, le préfet le transmet (R. 125-44 C.env.) : pour avis aux maires des communes (ou présidents d’EPCI) sur lesquels sont situés les projets de SIS. Ceux-ci disposent alors d’un délai de six mois pour transmettre leurs observations et joindre à leur éventuelle demande de modification du projet tout document la justifiant ; pour information, par lettre simple, aux propriétaires des terrains concernés par les SIS en leur indiquant les modalités de participation retenues (a priori le site internet où seront publiés les projets). Au vu des résultats de la consultation le préfet arrête la liste des SIS, publie l’arrêté au recueil des actes administratifs et intègre les SIS dans une base de données dédiée (dont le compte-rendu du CSPRT indique qu’il constituera « un outil informatique de saisie des parcelles cadastrales ») (R. 125-45 C.env.). On note qu’alors que le projet de décret soumis au CSPRT prévoyait la consultation individuelle des propriétaires dont les terrains font l’objet d’un SIS, cette disposition a été abandonnée au profit d’une simple information des propriétaires. Enfin, le préfet informe les intéressés en (R. 125-46 C.env.) : adressant l’arrêté aux maires (ou présidents d’EPCI) et aux propriétaires concernés ; affichant l’arrêté pendant un mois dans chaque mairie (ou siège d’EPCI) concernée ; annexant l’arrêté aux documents d’urbanisme des communes (ou EPCI) concernées. Chaque année, la liste des SIS est révisée par le préfet, notamment sur la base d’informations relatives à l’état des sols communiquées par le maire (ou président d’EPCI) ou par les propriétaires concernés par le SIS, ce qui leur permettra éventuellement de prévenir le préfet des évolutions de leur terrain et d’obtenir la suppression du SIS dont il fait l’objet (R. 125-47 C. env.). Il est à noter que plusieurs documents d’aide à l’élaboration des SIS sont actuellement en préparation : une note d’instruction, un guide pour accompagner les DREAL dans l’élaboration des SIS ainsi qu’un guide à l’intention des collectivités. L’intégration des SIS aux documents d’urbanisme D’une part, les SIS feront l’objet d’une annexe spécifique du plan local d’urbanisme des communes où sont situées les terrains concernés (R. 123-13 C.urb.). Il en va de même pour les plans de sauvegarde et de mise en valeur (R*313-6 C.urb.). D’autre part, les communes, lorsqu’elles délivreront des certificats d’urbanisme, seront tenues de mentionner si le terrain fait l’objet d’un SIS et s’il est répertorié sur l’outil CASIAS (R. 410-15-1 C.urb.), clairement définie par le décret comme le pendant cartographique de la base de données BASIAS (R. 125-48 C.env.). Les obligations attachées aux SIS   L’obligation de réalisation d’une étude des sols et de prendre des mesures de gestion pesant sur le constructeur et l’aménageur Lorsqu’un terrain soumis à un SIS fait l’objet d’un projet…