La garantie décennale ou comment contourner la clause d’exclusion de garantie de vice caché

 Dans un arrêt récent, la Cour de Cassation a approuvé la soumission du vendeur ayant procédé à des travaux d’aménagement des combles et de modification de la toiture à la garantie décennale prévue à l’article 1792 du Code civil (Cass. 3ème civ. 7 sept. 2011, n°10-10.763). Néanmoins, ce n’est pas tant la question de l’application de la garantie décennale des constructeurs à la personne du vendeur qui intéresse puisqu’il s’agit, somme toute, d’une solution classique en la matière et prévue par les textes. En revanche, il convient de noter le domaine dans lequel intervient cette garantie décennale, à savoir la réparation des désordres occasionnés par un mérule. En effet, dans cette espèce, les acquéreurs avaient découverts la présence de mérule infestant les bois de la charpente provoquant un risque d’effondrement. Ils avaient, en première instance, diligenté leur action en responsabilité à l’encontre du vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés. Leurs demandes n’avaient pas prospéré, les premiers juges retenant la validité de la clause d’exclusion de garantie des vices cachés insérée au contrat de vente. Judicieusement conseillés, les acquéreurs avaient alors fait appel de cette décision devant la Cour d’Appel de DOUAI en se fondant cette fois sur les dispositions de l’article 1792 du Code civil relatives à la garantie décennale des constructeurs. La Cour d’appel de DOUAI a alors retenu la responsabilité du vendeur, estimant que les travaux de construction étaient à l’origine de l’apparition et de la propagation du mérule, et écarté l’application de la clause de garantie des vices cachés. Le pourvoi formé alors par le vendeur a été rejeté par la Cour de Cassation qui a estimé que la garantie prévue aux articles 1792 et suivants du Code civil trouvait parfaitement à s’appliquer en l’espèce, les désordres relevés portant atteinte à la solidité de l’ouvrage. En revanche, la Haute Juridiction ne s’est pas prononcée sur le moyen du pourvoi tiré de l’exclusion de la mise en oeuvre de la garantie des vices cachés en présence de la garantie décennale légale, estimant le moyen nouveau. Cependant, il y a fort à parier que la solution de la Cour de Cassation n’aurait pas été différente, à savoir le rejet, si ce point avait été soulevé en appel. En effet, elle a d’ores et déjà jugé que l’action en garantie décennale n’était pas exclusive de l’action en garantie de vice caché de droit commun de l’article 1641 du Code civil (Cass. 3ème civ. 11 mai 2010, n° 09-13.358), contrairement au principe général de non cumul des garanties légale et contractuelle. Invoquer la garantie décennale des constructeurs en présence d’un vice caché et de travaux réalisés par le vendeur pour échapper à la clause d’exclusion de garantie, c’était bien pensé et cela méritait d’être souligné. Marie LETOURMY Avocat au Barreau de Lille Green Law Avocat

Eolien/ICPE : après les décrets, les précisions ministérielles !

Installations classées pour la protection de l’environnement depuis la mi-juillet 2011 (cf. art. 90 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 – art. L. 553-3 du code de l’environnement),  deux décrets en date du 23 août 2011 (décret n° 2011-984 modifiant la nomenclature des installations classées ; décret n° 2011-985 pris pour l’application de l’article L ; 553-3 du code de l’environnement), publiés au JORF du 25 août 2011 et  applicables depuis le 26 août 2011, ont non seulement soumis les éoliennes au régime de l’autorisation  ou, à défaut, de la déclaration  mais encore déterminé les conditions de constitution des garanties financières liées à la mise en service des éoliennes soumises à autorisation (visant à couvrir la défaillance de l’exploitant lors de la remise en état du site). Une nouvelle rubrique a ainsi été introduite à  la  nomenclature ICPE: la rubrique 2980. Sans entrer dans les détails, l’on rappellera que le principe est celui de l’autorisation pour les installations dont les mâts dépassent 50 mètres ou pour les installations  comprenant des aérogénérateurs d’une hauteur évoluant entre 12 et 50 mètres et d’une puissance supérieure ou égale à 20 MW. Le régime de la déclaration vaut, quant à lui, pour les aérogénérateurs dont la hauteur varie entre 12 et 50 mètres et dont la puissance est inférieure à 20 MW (décret n° 2011-984). De nombreuses critiques ont déjà été émises sur ce blog quant à la teneur de ces décrets (D. Debarbe, Classement ICPE des éoliennes : la parution des décrets mais par encore des arrêtés, 25/08/11) ou projets de décrets (D. Deharbe Le classement des éoliennes : l’été sera chaud et venteux, 08/06/2011). Suivant la position officielle du Ministère de l’Ecologie, les nouveaux textes doivent assurer une meilleure lisibilité des procédures et améliorer l’acceptation des éoliennes par les populations locales. Pour ce faire,  les décrets ont rapidement été précisés par des arrêtés ministériels en date du 26 août 2011 (publiés au JORF du 27 août 2011), à savoir :  L’arrêté  du 26 août 2011 relatif aux installations classées relatif aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement (lequel revient sur la règle des 500 mètres d’éloignement pour les constructions à usage d’habitation et celle des 300 mètres d’éloignement de toute installation nucléaire ainsi que sur la nécessité de ne pas perturber le fonctionnement des  installations radars,  de navigation aérienne ou météorologique ) ;  L’arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à déclaration au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement ; L’arrêté du 26 août 2011 relatif à la remise en état et à la constitution de garanties financières pour les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent.  Les dispositions en question sont entrées en application dès le 28 août 2011, soit le lendemain de la publication des arrêtés au JORF, pour les demandes d’autorisation, d’extension ou de modification des installations existantes régulières. Néanmoins, pour les installations ayant fait l’objet d’une mise en service industrielle avant le 13 juillet 2011, celles ayant obtenu un permis de construire avant cette même date ainsi que celles pour lesquelles l’arrêté d’ouverture d’enquête publique a été pris avant cette même date,  certaines dispositions relatives au suivi environnemental  de l’installation, aux consignes de sécurité et aux émissions sonores  n’entreront en vigueur qu’à compter du 1er janvier 2012 ! Enfin, pour boucler le nouveau dispositif juridique « éolien », une circulaire  en date du 29 août 2011 relative aux conséquences et orientations des éoliennes dans le régime des installations classées (NOR : DEVP1119997C) signée du ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement tend à « éclairer » les services de l’Etat dans la mise en oeuvre de cette nouvelle réglementation et procédure  pour l’instruction des dossiers individuels relatifs aux éoliennes terrestres. Après avoir rappelé les enjeux  des arrêtés ministériels – soit la limitation du contentieux contre les autorisations relatives aux champs éoliens ! -, la circulaire énonce les enjeux techniques en cause  (Revus à la baisse pour les services de l’Etat)  dans les domaines suivants :  – La coexistence avec les radars de l’aviation civile, de la Défense ou de Météo-France (instauration de relations directes entre les pétitionnaires et les opérateurs radars) : par exemple, un accord explicite de l’opérateur radar est requis pour obtenir une autorisation ou démarrer l’exploitation d’un parc soumis à déclaration) ;   – Les règles relatives au bruit (avec la simplification de l’étude d’impact) ;  – Les distances d’éloignement des habitations (dont le rappel de la règle des 300 mètres d’éloignement des installations Seveso et des installations nucléaires de base) ;  – Les études de danger (sachant qu’une étude de dangers-type doit  être lancée dès l’automne par le syndicat des énergies renouvelables afin d’alléger la charge d’instruction des inspecteurs des installations classées). Se prévalant des règles  posées au niveau réglementaire national, la circulaire suggère aux représentants de l’Etat dans les départements d’éviter la fixation par arrêtés préfectoraux de prescriptions complémentaires !   Ceci étant,  dans l’attente d’une « doctrine nationale » (dont le contenu ne nous laissera probablement indifférent !), la circulaire insiste immédiatement sur la nécessité, pour les services de l’Etat, de s’assurer du respect, au cas par cas,  du  principe de proportionnalité dans les exigences relatives aux  atteintes aux paysages et à la préservation de la biodiversité, sachant  que les parcs éoliens soumis à autorisation devront faire l’objet d’une première visite d’inspection dans un délai de 6 mois suivant leur mise en service. Au delà de ces rappels, un point particulier est développé dans la circulaire quant à la question de l’articulation  de la nouvelle procédure avec celle du permis de construire.   Pour les projets dispensés de la procédure d’autorisation ou de déclaration pour lesquels une ouverture d’enquête publique a été faite avant…

Antenne relais et précaution : (pour) un regard profane sur le risque …

Monsieur Gabriel Chagnon a engagé depuis deux années une thèse sous ma direction sur l’appréhension de la notion de risque en jurisprudences administrative et judiciaire. Il me signale (et je l’en remercie vivement) cette espèce toute fraiche qui mérite une diffusion immédiate (CA Montpellier 15 septembre 2011, n° 140/04612§ ). Au demeurant, on se risque, en attendant des commentaires plus « scientifiques », à cette brève remarque sur le blog de Green law.  En matière d’antennes relais, le juge judiciaire aura pleinement rempli son office là où le juge administratif n’a pas osé l’exercer entièrement. Certes le Conseil d’Etat a finalement admis que le principe de précaution était opposable aux autorisations d’urbanisme, justement à l’occasion du contentieux occasionné par les DP afférentes aux antennes relais (CE 19 juillet 2010, n° 328687, ASSOCIATION DU QUARTIER LES HAUTS DE CHOISEUL). Mais on le sait, le juge administratif considère aujourd’hui les preuves scientifiques comme insuffisantes pour remettre en cause la légalité des déclarations de travaux. Pour sa part, le juge judiciaire n’a pas hésité sur le terrain des troubles anormaux du voisinage à conclure à «l’anormalité» en scrutant la même littérature scientifique que celle en possession du juge administratif … Mais surtout, comme nous le rappelle l’espèce reproduite, il a regardé cette littérature scientifique avec un autre oeil : non pas celui d’un juge qui se prendrait pour un expert capable de séparer le bon grain de l’ivraie au sein de la controverse scientifique, mais celui du profane désorienté car exposé par les opérateurs de téléphonie mobile sinon à un danger du moins à un risque controversé et surtout imposé. Et plus que jamais il faut saluer le courage de juges qui acceptent de prendre finalement en compte la relativité sociale des opinions scientifiques majoritaires pour le profane et le spécialiste …  L’espèce reproduite et si dessous téléchargeable (CA Montpellier, 15 septembre 2011, n° 140/04612), à l’instar de la piste défrichée par la Cour d’appel de Versailles sur le sujet (CA Versailles, 4 févr. 2009, n° 08/08775, SA Bouygues Télécom c/ Lagouge et a., Environnement n° 4, Avril 2009, comm. 51) comme le Tribunal de Grande Instance de Nanterre (TGI Nanterre, 27 mai 2010, n° RG06/09412) est en la matière sans ambigüité : alors qu’ici l’opérateur avait les moyens de respecter la zone des 100 mètres il a délibérément décidé de descendre en dessous de ce seuil d’exposition bien que la controverse scientifique persiste au moins à la marge sur le risque sanitaire ainsi créé.

L’amiante invisible sans vice caché …

Face à un constant renforcement des obligations des propriétaires d’immeubles bâtis avant le 1er juillet 1997 (cf . décret n°2011-629 du 3 juin 2011 relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à un exposition à l’amiante dans les immeubles bâtis), il convient de noter un arrêt rendu le 6 juillet dernier par la Cour de Cassation (Cass. 3ème civ., 6 juillet 2011, n°10-18.882 ) En effet, cet arrêt rappelle clairement la validité de la clause d’exclusion de garantie des vices cachés insérée au contrat de vente même en cas de découverte ultérieure d’amiante dans l’immeuble. Les arguments allégués par l’acquéreur aux fins d’obtenir la prise en charge des frais de désamiantage ainsi que des dommages et intérêts reposaient sur la prétendue mauvaise foi du vendeur et sur le fait que la question de l’amiante relevant d’une obligation légale, il ne pouvait y être dérogée contractuellement. Ayant rapidement écarté la mauvaise foi des vendeurs faute pour les demandeurs d’en apporter la preuve, la Cour d’Appel de Paris, approuvée par la Haute juridiction, a retenu que la seule obligation du vendeur était d’annexer à l’acte de vente un repérage avant vente de l’amiante conformément aux dispositions de l’article L. 1334-13 du Code de la Santé publique. Or, celui-ci avait bien été réalisé en l’espèce et communiqué aux acquéreurs. Dès lors, la clause d’exclusion de garantie des vices cachés trouvait donc parfaitement à s’appliquer. En réalité, les acquéreurs avaient vraisemblablement occulté qu’un diagnostic amiante (avant vente) négatif ne signifie pas pour autant absence totale d’amiante dans l’immeuble. En effet, la réalisation de ce repérage est strictement encadré par les textes règlementaires en la matière qui prévoient l’examen de certains produits et matériaux de l’immeuble et, qui plus est, accessibles sans travaux destructifs. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la responsabilité du diagnostiqueur n’a pas été retenue en l’espèce. La mission de ce dernier ne porte, ainsi qu’il l’a été souligné ci-dessus, que sur l’examen visuel de certaines parties de l’immeuble. En conséquence, le rapport émis par le diagnostiqueur ne porte que sur la présence ou l’absence d’amiante dans ces éléments et pour peu que cela soit visible, conformément aux termes de sa mission. La solution ne peut qu’être approuvée juridiquement en ce qu’elle cantonne l’appréciation de la responsabilité du diagnostiqueur amiante aux limites de sa mission telle que définie par l’arrêté du 22 août 2002. Or, la tentation est parfois grande pour les juges du fond de s’engouffrer dans la brèche ouverte par l’obligation de conseil et de tenter d’y rattacher toutes sortes d’obligations parfois particulièrement éloignées du cadre de la mission initiale du professionnel. Cet arrêt méritait donc d’être souligné en ce qu’il rappelle clairement la stricte application des textes même dans cette matière sensible qu’est l’amiante. Marie LETOURMY Avocat au Barreau de Lille Green Law Avocat

Les infractions environnementales épargnées par le Conseil constitutionnel

A la suite de la décision du Conseil constitutionnel sur les jurés populaires, la spécificité des délits environnementaux a encore une fois été reconnue. GREEN LAW fait ici état du point de vue d’une pénaliste, avocate au Barreau de Rouen. « Considérant (…) que toutefois, les infractions prévues au livre IV du Code pénal et celles prévues au Code de l’environnement sont d’une nature telle que leur examen nécessite des compétences juridiques spéciales qui font obstacles à ce que des personnes tirées au sort y participent (…) » (Conseil constitutionnel, décision n°2011-635 DC du 4 août 2011). La loi du 10 août 2011 (n°2011-939)  sur l’entrée de jurés populaires dans les tribunaux correctionnels et sur la refonte de la justice des mineurs a consacré le souhait de l’exécutif d’adjoindre aux magistrats professionnels des jurés dits citoyens au sein, notamment, des Tribunaux correctionnels. Le Conseil constitutionnel a cependant censuré le projet de loi qui lui était soumis en soustrayant à la réforme un certain nombre de délits parmi lesquels ceux figurant au Code de l’environnement. Il s’agit là d’une nouvelle manifestation de défiance à l’égard des magistrats siégeant dans les juridictions pénales, en affectant cette fois la composition de ces dernières. Nous pouvons douter de l’apport véritable de cette réforme et nous réjouir que les infractions environnementales soient passées entre les mailles du filet répressif… En septembre 2010, Nicolas SARKOZY émettait l’idée d’introniser des jurés dits « citoyens » au sein, notamment, des Tribunaux correctionnels et des Chambres de l’application des peines. D’aucuns avaient perçu cette idée comme un nouveau coup de boutoir contre le laxisme imaginaire des magistrats. Alors qu’était remise en cause la présence des juges non professionnels au sein des Cours d’assises (notamment par Michèle ALLIOT-MARIE pour les crimes les moins graves), l’idée paraissait suffisamment incongrue pour nous faire espérer qu’elle n’était qu’un nouvel effet d’annonce caressant une partie de l’opinion publique dans le sens du poil… Las, sans que ce ne soit demandé ni par professionnels de la justice, ni par le peuple, un projet de loi était déposé en ce sens et a été finalement adopté définitivement par l’Assemblée nationale cet été (loi n° 2011-939 du 11 août 2011 sur l’entrée de jurés populaires dans les tribunaux correctionnels et sur la refonte de la justice des mineurs). Objectif affiché de la loi, rapprocher les français de leur justice. Mais beaucoup n’y voient qu’un nouveau moyen d’encadrer l’action des magistrats par la sévérité supposée – et peut-être aussi mythique que le laxisme des juges – des jurés « citoyens » ; HORTEFEUX l’a affirmé, MERCIER s’en défend. Ce qui permet de donner crédit à cette dernière thèse, ce sont les efforts déployés par le pouvoir pour encadrer toujours davantage l’activité des magistrats, lesquels pour beaucoup y voit une nouvelle marque de défiance à leur égard. Les dernières évolutions du droit positif ont en effet comme conséquence première de réduire la liberté des magistrats. – D’abord par le renforcement de la légalité formelle, en encadrant tant que faire se peut la décision des magistrats. En ce sens, nous citerons dans le domaine du droit de la peine  la loi du 10 août 2007 (n° 2007-1198) réintroduisant dans le droit pénal français la notion de peine plancher pour les infractions commises en état de récidive légale et plus récemment, la loi du 14 mars 2011 instituant des peines minimales cette fois pour les primo délinquants… – Aujourd’hui par l’adjonction de jurés dits « citoyens » (les magistrats, comme les greffiers ou les avocats, ne sont-ils pas des citoyens concourant à l’oeuvre de justice ?) ailleurs que dans les procès criminels, censés être plus répressifs que nos complaisants magistrats. Ce projet n’est pas bon, il est inutile, il est couteux. Il n’a été sollicité ni par le corps judiciaire, ni par le peuple. Mais surtout, l’une des préoccupations que soulève cette réforme est celle de l’aptitude des citoyens populaires à exercer la mission de juger. La mission du juré d’Assises n’a rien de comparable avec la mission de juger des prévenus comparaissant devant le Tribunal correctionnel. Aux Assises la présence de représentants du peuple répond à une tradition séculaire, éprouvée par la pratique. On demande aux jurés des procès criminels de se forger une intime conviction. Et en choisissant un quantum de peine, ils sont avant tout juges du trouble à l’ordre public. Aux Assises le luxe de prendre le temps, au Tribunal correctionnel l’exigence de rapidité, voire de rendement et donc de technicité, de spécialisation et de professionnalisme. Il faut tout de même acter que le parlement a limité l’intervention des jurés populaires aux questions relatives à la qualification des faits, à la culpabilité et à la détermination de la peine. Notons d’emblée que la qualification juridique des faits ainsi que le droit des peines correctionnelles peuvent poser de véritables difficultés juridiques, ce qui nous autorise à nourrir l’espoir que dans de telles hypothèses, les magistrats seront en réalité maîtres de la décision. Il est alors permis de douter fortement de l’utilité des jurés. C’est également la raison pour laquelle d’aucuns, nombreux, pensent que derrière la volonté affichée de rapprocher le peuple de ses juges se cache en réalité l’espoir que les jurés compensent par leur sévérité le laxisme des magistrats. Au moins pouvons-nous nous réjouir que le Conseil constitutionnel ait retiré du champ d’application de la loi notamment les délits prévus par le Code de l’environnement. Ainsi, en la matière environnementale, est reconnu aux juges le mérite de leur fonction et de leur compétence. La motivation du Conseil n’est autre que ce que nous avancions en amont : la question de la compétence des jurés pour juger. Sa décision n’est en effet que la reconnaissance d’une évidence, celle qu’il faut un savoir et de l’expérience pour juger. Est il nécessaire de rappeler que les délits environnementaux nécessitent systématiquement une appréciation du juge des conditions techniques de l’activité industrielle en cause ? Un jugement récent du Tribunal correctionnel de Lille (JugementTrib Correctionnel LILLE17.12.2010) vient d’ailleurs de relaxer une…