Plan Méthanisation : investisseurs anticipez le syndrome NIMBY !

Delphine Batho, ministre de l’environnement et Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture ont lancé le plan Energie Méthanisation Autonomie Azote (EMAA) lors de leur visite d’une exploitation agricole comprenant une unité de méthanisation le 29 mars 2013.   Ce plan comporte un volet « Azote » et un volet  « Méthanisation – Biogaz »,  et vise ainsi à : –        gérer l’azote dans une logique globale sur les territoires, en valorisant l’azote organique, en particulier celui issu des effluents d’élevage, et en diminuant la dépendance de l’agriculture française à l’azote minéral ; –        développer un “modèle français de la méthanisation agricole” pour faire de la méthanisation agricole collective de taille intermédiaire un complément de revenus pour les exploitations agricoles, en valorisant l’azote et en favorisant le développement de plus d’énergies renouvelables ancrées dans les territoires, dans une perspective d’agriculture durable et de transition énergétique et écologique.   Il fixe un objectif particulièrement ambitieux de 1000 installations de méthanisation agricole à l’horizon 2020. Le nombre d’unité de méthanisation à la ferme étant fin 2012 de seulement 90 et le nombre de nouveaux projets présentés par an de seulement 70, il prévoit notamment les orientations suivantes pour doubler le nombre de ces projets :   –        Améliorer le dispositif d’achat pour l’électricité produite à partir de biogaz en adaptant la prime d’effluents d’élevage à la réalité des projets de méthanisation agricole ;   –        Poursuivre la mobilisation du fonds déchet de l’ADEME pour soutenir la méthanisation agricole ;   –         Encourager la planification des projets de méthanisation via des études locales visant à optimiser les projets de méthanisation en partant de l’analyse prospective des gisements de déchets sur le territoire et en mettant en relation les acteurs, notamment dans le cadre de la nouvelle obligation de tri sélectif des biodéchets ;   –        Expertiser les différents aspects statutaires ou fiscaux de la méthanisation agricole, pour avoir un diagnostic précis des différents freins et des pistes envisageables pour les lever. En particulier, faire évoluer les règles relatives au principe de la transparence économique pour les GAEC afin faciliter les projets des GAEC ;   –        Relever le seuil du régime d’autorisation de 50 à 60 tonnes d’intrants par jour dans le cadre de la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement (rubrique ICPE 2781-1) ;   –        Etudier la mise en place d’un « guichet unique » pour les porteurs de projet pour toutes les démarches administratives ;   –        Simplifier et harmoniser l’instruction des dossiers administratifs ; de proposer un dossier type pour les demandes d’aides et pour les démarches réglementaires ;   –        Améliorer les conditions de raccordement en lien avec les gestionnaires de réseaux.     De par ces orientations, on peut s’attendre à une prochaine modification de la nomenclature des installations classées qui aura pour effet de soumettre les installations de méthanisation de matière végétale brute, effluents d’élevage, matières stercoraires, lactosérum et déchets végétaux d’industries agroalimentaires traitant de 30 tonnes à 60 tonnes par jour de ces matières au régime de l’enregistrement. Les installations traitant une quantité égale ou supérieure à 60 tonnes par jour seront quant à elles soumise à autorisation.   Egalement, il est tout à fait probable que l’arrêté du 19 mai 2011 relatif aux conditions d’achat de l’électricité produite à partir du biogaz, déjà modifié par l’arrêté du 27 février 2013 (modification commentée ici) soit une nouvelle fois modifié afin d’opérer une adaptation de la prime relative aux effluents d’élevage.   Enfin, de façon globale, les règles et les démarches administratives applicables aux projets d’unité de méthanisation vont se trouver simplifiées.   La perspective de ces évolutions va sans nul doute susciter l’intérêt des agriculteurs désireux de monter un projet d’unité de méthanisation agricole. Reste à savoir si cela sera suffisant pour atteindre l’objectif fixé des 1000 unités à l’horizon 2020, tant l’habitude est grande au Ministère de l’Ecologie de croire que « dire c’est faire ». Gageons que la caution du Ministère de l’Agriculture donne d’emblée une crédibilité à ce plan.   Mais attention, à ne pas oublier qu’avec ce type d’incitations nationales, le ver peut être dans le fruit.   Celles et eux qui entendent investir sur la base de ce plan seront bien inspirés de consulter en amont des juristes environnementalistes : non seulement les montages contractuels s’affinent en matière de méthanisation à la ferme pour dépasser les compétences des seuls ruralistes, mais la contestation des arrêtés d’autorisation ou d’enregistrement mérite d’anticiper les risques du syndrome NIMBY que ne manquera de susciter la multiplication dans nos campagnes des digesteurs et des installations de traitement des gaz.  Ce d’autant que les recours de tiers en matière d’installations classées peuvent se cristalliser très tôt durant la procédure I.C.P.E. du fait d’une information de plus en plus précoce (via l’avis de l’autorité environnementale) et qu’il est de plus en plus fréquent que les requérants s’adjoignent eux-mêmes les services d’un avocat spécialisé en environnement.   Etienne POULIGUEN – Juriste Green Law Avocat

L’Etat encore condamné à indemniser le ramassage communal des algues vertes !

L’amitié est comme les algues, nous enseigne un proverbe gabonais : quand on s’en approche, elles s’éloignent et quand on s’éloigne, elles se rapprochent.   En Bretagne  les choses sont bien moins poétiques : les algues restent et les vrais pollueurs prennent le large…   La prolifération des algues vertes en Bretagne causée par des pollutions d’origine agricole des eaux superficielles et souterraines donne lieu à un contentieux indemnitaire récurrent, dont l’unique responsable est l’Etat qui renonce par ces « carences fautives » à imposer le respect des règles environnementales.   Dans quatre arrêts récents, la Cour administrative d’appel de Nantes a donné gain de cause à quatre communes bretonnes en condamnant l’Etat à indemniser le préjudice subi par la prolifération des algues vertes, constitué en l’espèce par le coût du ramassage et du transport de ces algues pour l’année 2010 (Cour Administrative d’Appel de Nantes, 2ème Chambre, 22/03/2013, 12NT00342, Inédit au recueil Lebon ; Cour Administrative d’Appel de Nantes, 2ème Chambre, 22/03/2013, 12NT00343, Inédit au recueil Lebon ; Cour Administrative d’Appel de Nantes, 2ème Chambre, 22/03/2013, 12NT00344, Inédit au recueil Lebon ; Cour Administrative d’Appel de Nantes, 2ème Chambre, 22/03/2013, 12NT00345, Inédit au recueil Lebon).   Les quatre communes ont obtenu des indemnités comprises entre 9000 et 72 000 euros.   En 2009, la même Cour avait condamné l’Etat à indemniser, cette fois-ci, des associations en réparation du préjudice moral résultant pour elles « d’une atteinte importante aux intérêts collectifs environnementaux qu’elles se sont données pour mission de défendre » et imputé à la carence de l’Etat dans la mise en œuvre des réglementations européenne et nationale en matière de pollution des eaux par les nitrates (Cour Administrative d’Appel de Nantes, 2ème Chambre , 01/12/2009, 07NT03775). Les montants octroyés étaient compris entre 3 000 et 15 000 euros.   Dans chacun des arrêts précités de mars 2013, la Cour reprend un raisonnement identique à son arrêt de 2009 pour admettre la responsabilité de l’Etat dans la prolifération des algues.   La Cour indique que l’Etat a commis une faute en ne contrôlant pas suffisamment la qualité de l’eau et les pollutions diffuses d’origine agricole dans le sol, en ne respectant pas notamment la réglementation européenne. Ces carences ont entraîné dans un premier temps des pollutions très importantes de nitrates dans les eaux, puis la prolifération d’algues vertes sur le littoral breton. Les communes ont dû ramasser et transporter ces algues mais le coût de cette prise en charge n’a pas été supporté en intégralité par l’Etat.   Aussi, la Cour considère que le surcoût du transport et de ramassage des algues constitue un préjudice financier pour les communes, lequel présente un lien direct et certain avec les carences fautives de l’Etat :   « 8. Considérant qu’il résulte des développements qui précèdent que les carences de l’Etat dans la mise en œuvre de la réglementation européenne et nationale destinée à protéger les eaux de toute pollution d’origine agricole sont établies ; que ces carences sont constitutives d’une faute de nature à engager sa responsabilité ; que la circonstance invoquée par le ministre que l’Etat aurait mis en place, depuis 2003, des programmes d’action en matière de lutte contre les pollutions existantes, dont les résultats, ainsi qu’il a été dit plus haut, ne sont pas démontrés et dont il n’est pas contesté qu’ils ne seront pas en mesure, en tout état de cause, compte tenu de la nature et de l’ampleur des pollutions existantes liées aux carences sus-décrites, d’améliorer la situation avant de nombreuses années, n’est pas susceptible d’atténuer cette responsabilité; 9. Considérant que si l’article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales précise que les communes concourent avec l’Etat à la protection de l’environnement, et si l’article L. 2212-3 du même code prévoit que le pouvoir de police du maire s’exerce, dans les communes riveraines de la mer, sur le rivage de la mer jusqu’à la limite des eaux, ces dispositions ne sauraient, contrairement à ce que soutient le ministre, être interprétées comme ayant pour effet d’exonérer, même partiellement, l’Etat de sa responsabilité à raison des fautes commises par lui, ainsi qu’il vient d’être dit, dans l’application des règlementations européenne et nationale en matière de prévention des pollutions d’origine agricole ; 10. Considérant, enfin, que le ministre ne peut invoquer, pour exonérer l’Etat de sa responsabilité, les stipulations de la convention du 15 avril 2010 portant délégation de maîtrise d’ouvrage à Lannion-Trégor agglomération pour la mise en œuvre du ramassage et de l’évacuation des algues vertes, celles de la convention du 26 mai 2010 relative au ramassage expérimental et préventif des algues vertes pour l’année 2010, et celles de la convention du 30 novembre 2010 relative au traitement des algues vertes, auxquelles la commune de Tréduder est partie, qui ne prévoient nullement la prise en charge, par cette dernière, d’une partie des frais exposés pour le ramassage des algues vertes ; 11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’obligation de payer dont se prévaut la commune de Tréduder à l’égard de l’Etat, n’est, dans son principe, pas sérieusement contestable ; »Cour Administrative d’Appel de Nantes, 2ème Chambre, 22/03/2013, 12NT00342, Inédit au recueil Lebon     Notons que les différentes indemnisations ont été octroyées malgré la conclusion de conventions de délégation de service public passées entre l’Etat et certains EPCI pour financer le ramassage et le transport des algues vertes, dès lors que l’enveloppe financière octroyée par l’Etat ne correspondait pas aux frais réels supportés par les collectivités.   On peut par ailleurs s’interroger sur l’exclusivité du chef de préjudice invoqué par les requérants, constitué par le coût du ramassage des algues. La responsabilité de l’Etat étant établie, pourquoi les communes n’ont-elles pas sollicité l’indemnisation d’autres préjudices tels que le préjudice financier lié à la baisse de fréquentation touristique ou encore le préjudice d’image ? Dans d’autres circonstances certaines grandes sociétés concessionnaires ne s’en étaient pas privées (D. Deharbe et L. Chabanne-Pouzynin, « L’affaire de Guingamp ou la condamnation de l’Etat en matière de pollution de l’eau par les nitrates – note sous TA Rennes, 2 mai 2001, Société Suez…

ICPE: la délivrance de l’autorisation après l’annulation d’un refus rend l’appel sans objet (CAA Douai, 7 mars 2013, n°11DA01927)

La Cour administrative d’appel de Douai vient de prononcer, dans un arrêt en date du 7 mars 2013, (CAA Douai, 07 mars 2013, n°11DA01927, jurisprudence cabinet), un non-lieu à statuer sur une requête d’appel contestant un jugement ayant précédemment annulé un refus d’autorisation ICPE, dès lors que l’autorisation en question avait été délivrée ultérieurement après une nouvelle instruction :  « Considérant qu’il appartient au juge de plein contentieux des installations classées des installations classées pour la protection de l’environnement de se prononcer sur l’étendue des obligations mises à la charge des exploitants par l’autorité compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue ; Considérant qu’à la suite de l’annulation et de l’injonction de procéder au réexamen de la demande de la société X…. prononcées par le Tribunal administratif d’Amiens dans son jugement du 18 octobre 2011, le Préfet de l’Oise, par un troisième arrêté du 16 décembre 2011, pris après une nouvelle instruction, sous la forme notamment d’une consultation du conseil de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques du département, a cette fois autorisé la société X… à exploiter un centre de regroupement, de transit et un centre de stockage de déchets non dangereux à Y…. ; que cette autorisation, qui ne présente par elle-même aucun caractère provisoire, rend sans objet le litige relatif au précédent refus, et ce, quand bien même elle n’a pas acquis, à la date du présent arrêt, de caractère définitif ; qu’il ne résulte pas de l’instruction qu’elle serait intervenue avant l’introduction de leur requête par l’ASSOCIATION W… et autres ; que, dans ces conditions, il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions d’appel dirigées contre le jugement attaqué prononçant l’annulation du refus d’autorisation d’une installation classée contenu dans l’arrêté du 15 juillet 2009 du Préfet de l’Oise ; »   (CAA Douai, 07 mars 2013, n°11DA01927)    Il est constant que le juge de plein contentieux des installations classées se prononce au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue (Conseil d’Etat, 6 / 2 SSR, du 20 janvier 1978, 03006, inédit au recueil Lebon ; Conseil d’Etat, 6 / 2 SSR, du 6 février 1981, 03539, mentionné aux tables du recueil Lebon), et ce qu’il soit saisi d’une demande dirigée contre une décision autorisant ou refusant l’ouverture d’installation classée (Conseil d’Etat, Section, du 7 février 1986, 36746, publié au recueil Lebon).   En application de ce principe, le Conseil d’Etat a pu juger que si l’acte attaqué pris en application de la législation sur les installations classées est retiré par l’administration avant que le juge n’ait statué, le juge doit prononcer le non-lieu à statuer sur la demande, que ce retrait ait ou non acquis un caractère définitif (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 05/07/2006, 259061, Publié au recueil Lebon).   De la même manière, la Cour administrative d’appel de Nancy a pu conclure au non-lieu à statuer sur une requête d’appel, eu égard à l’édiction d’une nouvelle décision – second refus d’autorisation – se substituant à la décision annulée par le Tribunal en première instance (Cour Administrative d’Appel de Nancy, 4ème chambre – formation à 3, 25/02/2008, 07NC00121, Inédit au recueil Lebon).   En l’espèce, le second refus d’autorisation opposé à la société X… le 15 juillet 2009 (annulé par le Tribunal le 18 octobre 2011 et objet de l’appel) avait été retiré implicitement par un arrêté préfectoral du 16 décembre 2011 délivrant l’autorisation d’exploiter. En application de la jurisprudence précitée, le litige porté devant la Cour administrative d’appel avait inévitablement perdu son objet. Et l’autorisation finalement délivrée ne l’avait pas été du seul fait de l’injonction prononcée par le Tribunal (ce qui aurait éventuellement pu faire obstacle au prononcé d’un non-lieu) mais après une nouvelle instruction, le Préfet ayant choisi de consulter à nouveau le CODERST, lequel a rendu un avis favorable.   Précisons enfin que les requérants ne se sont trouvés aucunement lésés par le prononcé d’un non-lieu puisqu’ils avaient intenté un recours en annulation à l’encontre de l’arrêté d’autorisation d’exploiter finalement délivré.   Me Anaïs De Bouteiller Green Law Avocat

Adoption de la proposition de Loi Brottes: des avancées pour l’éolien

La proposition de Loi Brottes concernant la tarification progressive de l’énergie et les mesures relatives à l’éolien a  été définitivement adoptée  par le Parlement.Vous la trouverez dans sa version définitivement adoptée ici: Loi Brottes adoptée. Le texte comprend notamment plusieurs mesures de simplification saluées par la filière éolienne : suppression des ZDE (Zones de Développement de l’Eolien) qui se superposaient avec les Schémas Régionaux Climat Air Energie (SRCAE), suppression de la règle des cinq mâts minimum, dérogation à la Loi Littoral pour les territoires ultramarins facilitant l’implantation de parcs éoliens en bord de mer, Enfin, le texte va permettre le raccordement à terre des énergies marines renouvelables qui, jusqu’alors, s’avérait complexe, voire impossible à réaliser. Le Site GREEN UNIVERS a eu l’amabilité d’interroger David DEHARBE sur les conséquences de cette adoption, dont vous trouverez ci-après les premiers éléments d’analyse. Il faut rappeler que la loi Brottes n’entrera en vigueur qu’au lendemain de sa publication au Journal Officiel de la République Française (JORF), après promulgation par le Président de la République. Il n’y a pas de motif pour que les dispositions relatives à l’éolien voient leur application retardée car la rédaction de la loi est assez précise et qu’aucune disposition ne renvoie expressément à un décret d’application. Normalement, le Président a 15 jours, à compter de l’adoption de la loi, pour la ratifier. Il faut noter cependant que la saisine du Conseil Constitutionnel (ici par l’opposition : par 60 députés ou 60 sénateurs au minimum) dans les 10 jours entraîne la suspension de ce délai. Plusieurs avancées concrètes doivent être saluées. Ainsi, la suppression des ZDE est une très bonne nouvelle à plusieurs titres. Tout d’abord pour les opérateurs éoliens, la superposition des ZDE et des Schémas Régionaux Eoliens (SRE) constituait une double contrainte mais aussi, et surtout, un risque juridique. La situation était la suivante : même quand un projet de parc était situé au sein d’une zone répertoriée comme favorable par le SRE, il était absolument nécessaire qu’une ZDE soit créé sur ce même territoire afin que le projet puisse bénéficier de l’obligation d’achat, condition nécessaire à la faisabilité économique du projet. Or de nombreuses ZDE ont fait l’objet de recours devant le juge administratif et leur annulation contentieuse revenait à une perte pure et simple du tarif. Désormais pour bénéficier de l’obligation d’achat, un parc éolien ne devra « seulement » être situé dans une zone favorable du SRE applicable ; encore que cette exigence n’est qu’indirecte le parc devant sans doute se trouver en zone favorable pour être autorisé au titre des ICPE. Cela lève l’incertitude sur l’obtention du tarif d’achat réglementé pour les opérateurs. Et puis, la suppression d’une procédure parmi toutes celles auxquelles est déjà soumis un parc éolien ne peut pas nuire dans un contexte où le développement de cette énergie est une nécessité. Les dérogations à la loi littoral mettent fin à des éléments de blocage sur le déploiement de l’éolien offshore et outre-mer. Tout d’abord, la loi Littoral est assortie d’une dérogation qui permettra de raccorder les futurs parcs éoliens offshore au réseau électrique terrestre, à condition de ne pas porter atteinte à l’environnement et/ou aux sites et paysages remarquables. Cette dérogation était nécessaire dans la mesure où le gouvernement a lancé deux appels offres portant au total sur la création de 6 parcs offshore au large des côtes françaises. Concernant la dérogation pour l’Outre-mer, celle-ci met fin à une situation saugrenue provoquée par l’empilement de deux lois contradictoires. En effet, la loi Littoral, qui instaure le principe d’urbanisation en continuité avec l’existant, entrait en contradiction avec la loi Grenelle II, qui dispose que les éoliennes doivent être implantées à 500 mètres minimum des habitations existantes. Les éoliennes se sont donc retrouvées de fait, interdites dans les DOM alors les zones littorales disposent traditionnellement d’un fort potentiel éolien. Cette dérogation facilitera la construction de parcs éoliens dans les DOM (arrêté du préfet après avis des commissions compétentes en matière de nature, de paysages et de sites). Néanmoins, on ne peut que regretter que la dérogation ne concerne que l’outre-mer car des situations comparables existent dans les communes littorales de France métropolitaine. La suppression de la règle des cinq mats redonne d’abord une chance de développement aux petits parcs qui bien souvent sont la condition dans certaines zones d’une réelle intégration paysagère (en Bretagne ou en Basse-Normandie en particulier, mais aussi dans l’Avesnois ou les Flandres pour le Nord-Pas-de-Calais) et qui privés du bénéfice de l’obligation d’achat voyaient la France amputer son potentiel éolien terrestre de plusieurs centaines de MW. Par ailleurs, l’abrogation de l’exigence des cinq mâts permettra encore le développement de l’éolien à proximité de zones industrielles ou zones d’activité, où il n’y a pas forcément beaucoup de place (d’autant que les volets éoliens des SRCAE identifient les zones d’activité) Enfin, la suppression des cinq mats facilite la densification de parcs existants par quelques machines. On ne pourra plus, en tout état de cause, être tenté de leur opposer l’ancienne règle de 5 ma^ts. Pour autant, sur le terrain des ICPE, la qualification de “modification substantielle” du parc existant (auquel on ajoutera une ou plusieurs éoliennes sans forcément qu’elles soient au minimum de 5), demeure entière (avec le recours non pas à un simple arrêté complémentaire sans enquête publique mais le dépôt d’une nouvelle demande  d’autorisation d’exploiter), et ce au-delà bien évidemment de l’exigence d’un PC. En revanche, la réforme de l’autorisation d’exploiter ICPE n’est pas rassurante: le projet de loi adopté dispose le préfet devra désormais « tenir compte » des parties favorables à l’éolien dans les Schémas Régionaux Eolien (SRE)  existants. On peut dès à présent prédire que cette disposition posera de sérieux problèmes aux opérateurs pour au moins trois raisons: – L’Etat donne ici une portée réglementaire à la planification par rapport à l’autorisation de police que constitue le titre ICPE … qui doit déjà compter avec le PLU lorsqu’il existe. – Au demeurant, la notion de “prise en compte” n’est définie nulle part et sera donc soumise à l’appréciation du juge. – Pour finir, la situation…

Affaire AZF : carences fautives de l’inspection ICPE et perte de chance

Par deux arrêts (Cour administrative d’appel de Bordeaux, 24 janvier 2012, n°10BX02880 et n°10BX02881), le juge administratif a reconnu la responsabilité de l’Etat dans l’explosion de l’usine AZF le 21 septembre 2001 du fait des carences fautives de ses services dans la surveillance de cette installation classée.   Perte de chance Si cette reconnaissance de responsabilité est un évènement, on ne peut s’empêcher de remarquer que les montants – 1250 euros dans la première affaire et 2500 euros dans la seconde – des indemnités que l’Etat a été condamné à verser aux requérants sont bien dérisoires à côté des préjudices subis par ces habitants.   Même si le juge administratif a pour réputation –  justifiée ou non –  de n’accorder des dommages et intérêts que très limités en comparaison de ceux qu’octroie  le juge judiciaire, la faiblesse de ces montants dans ces deux affaires peut se justifier pour plusieurs raisons.   D’abord l’objet même de la demande était ici limité par les requérants respectivement à 10000 et 20 000 euros en réparation d’un préjudice moral et de trouble dans les conditions d’existence, tenant en particulier au fait que l’explosion a été à plusieurs titres une source d’angoisse (leur maison a été dévastée  et ils sont restés plusieurs heures sans nouvelle de leur enfant). En effet, les préjudices matériels avaient déjà été indemnisés par les compagnies d’assurances.   Ensuite, il ressort très clairement des deux arrêts que la caractérisation du lien de causalité entre les carences de l’Etat et l’explosion de l’usine AZF était malaisée et a obligé le juge administratif à recourir à la théorie de la perte de chance, théorie apparue en 1928 en droit administratif (CE, 03 août 1928, Bacon) et très utilisée dans le contentieux administratif de la responsabilité hospitalière.   C’est pourquoi, le juge relève à propos du bâtiment 221 que : « s’il n’est pas certain qu’aucune explosion ne se serait produite en l’absence de faute commise dans la surveillance de ce dernier entrepôt, il est établi que la mise en contact du mélange explosif avec des produits qui auraient été stockés dans des conditions régulières, et dont la réactivité aurait été ainsi très inférieure, n’aurait pas eu les mêmes conséquences ; que, dans ces conditions, la carence de l’État dans la surveillance de cette installation classée doit être regardée comme ayant fait perdre à M. B…une chance sérieuse d’échapper au risque d’explosion tel qu’il s’est réalisé et d’éviter tout ou partie des dommages qu’il a personnellement subis du fait de cette explosion » (affaire n°10BX02880).   Ainsi, au sens du juge administratif le seul lien de causalité établi est celui entre la faute de l’Etat et la perte de chance pour les requérants d’échapper au risque d’explosion de l’usine et d’éviter les dommages en découlant.   On comprend alors que les requérants ne pourront se voir indemniser non le préjudice « final » qu’ils ont subi (maison dévastée, angoisse d’avoir perdu un proche) mais seulement le préjudice « initial » que constitue la perte de chance d’échapper au risque d’explosion et d’éviter les dommages en découlant.   Ce préjudice « initial » correspond à une fraction du « préjudice final » qui est déterminée par le juge administratif en fonction du degré de certitude de la perte de chance. Et ici l’appréciation souveraine de la chance perdue conduit à imputer d’emblé  de moitié l’indemnité sollicitée.     C’est pourquoi, le juge administratif décide dans les deux affaires « qu’eu égard à l’importante probabilité de survenance d’une explosion du seul fait du croisement de produits hautement incompatibles entre eux, il y a lieu d’évaluer l’ampleur de cette perte de chance à 25 % et de mettre à la charge de l’Etat la réparation de cette fraction des dommages qu’a subis le requérant et qui sont restés non indemnisés ».     Le juge évaluant les préjudices « finaux » à 5000 euros pour la première affaire, et à 10 000 euros pour la seconde, il accorde en indemnisation du préjudice « initial », seul préjudice indemnisable, les sommes de 1250 et 2500 euros aux requérants.   Cette  reconnaissance de la responsabilité de l’Etat dans l’explosion de l’usine AZF à Toulouse par la juridiction administrative sera sans doute tenue pour  symbolique. Mais il n’est pas totalement déraisonnable de penser que les requérants recherchaient d’abord ici la reconnaissance de principe de la responsabilité de l’Etat pour ses carences fautives dans le contrôle des installations classées en cause. Il ne faut jamais perdre de vue les fonctions multiples de la responsabilité administrative (D. Lochak, « réflexions sur les fonctions sociales de la responsabilité administrative, In Le droit administratif en mutation, PUF, 1993, p. 275) ;  ce serait finalement l’insupportable impunité pénale de l’Etat personne morale qui  se trouve palliée par le pis allé d’une responsabilité administrative déclaratoire et « sanctionnatrice ».     Carences fautives Concernant la reconnaissance des carences fautives des services de l’Etat et tout particulièrement de celles du service de l’inspection des installations classées, le cheminement du juge bordelais est limpide et peut difficilement souffrir de contestation.   Celui-ci relève tout d’abord « qu’il ressort de l’arrêt précité de la cour d’appel de Toulouse du 24 septembre 2012, lequel est revêtu de l’autorité de la chose jugée quant aux faits constatés par le juge pénal (…) que l’explosion qui s’est produite le 21 septembre 2001, initiée dans le bâtiment 221 de l’usine AZF, a pour origine la réaction chimique accidentelle née du mélange de nitrates d’ammonium et de produits chlorés dans un environnement et des conditions d’entreposage qui ont favorisé cette réaction ».   Remarquant que « la procédure pénale a mis en évidence le non-respect des prescriptions réglementaires quant aux modes de stockage des nitrates d’ammonium déclassés », le juge administratif considère que « l’existence même de ces modes irréguliers de stockage de produits dangereux dans le bâtiment 221, pour des quantités importantes et sur une longue durée (…) révèle une carence des services de l’Etat dans son contrôle de cette installation classée ».   Au surplus, il s’avère que l’étude de danger relative aux ammonitrates et autres engrais réalisée par la société était « ancienne et partielle ». C’est pourquoi, un arrêté du…