PC éolien / l’autorisation d’occupation du domaine public pour l’enfouissement des câbles électriques reliant les éoliennes au PDL n’a pas à figurer dans le dossier de demande de permis de construire

Nous tenons à signaler un jugement du Tribunal administratif de Lille en date du 4 octobre 2012 n°0907032 mentionné dans la lettre de jurisprudence du Tribunal du mois de janvier 2013, qui intéressera tout particulièrement les opérateurs éoliens.   Le Tribunal était saisi de la contestation de permis de construire éoliens délivrés en 2009 dans le département du Pas-de-Calais. Parmi les moyens d’illégalité, le requérant soulevait le moyen tiré de l’absence, dans le dossier de permis de construire, de l’autorisation d’occupation du domaine public pour l’enfouissement des câbles électriques reliant les éoliennes aux postes de livraison et ces mêmes postes aux poste source. Le Tribunal a rejeté le moyen en considérant que  le raccordement des éoliennes au réseau électrique constitue une opération distincte et postérieure à la construction des éoliennes et qu’elle est donc sans rapport avec la délivrance des permis de construire », faisant ainsi obstacle à ce que l’autorisation d’occupation du domaine public requise pour l’enfouissement des câbles soit exigée au stade de la demande de permis:   « En ce qui concerne le moyen tiré de l’absence d’autorisation d’occupation du domaine public : Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article R. 421-1-1 du code de l’urbanisme, dans sa version applicable au litige : « La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d’un titre l’habilitant à construire sur le terrain (…) / Lorsque la construction est subordonnée à une autorisation d’occupation du domaine public, l’autorisation est jointe à la demande de permis de construire » ; qu’aux termes de l’article R. 421-1 du code de l’urbanisme dans sa version alors en vigueur : « Les constructions nouvelles doivent être précédées de la délivrance d’un permis de construire, à l’exception : / a) Des constructions mentionnées aux articles R. 421-2 à R. 421-8 qui sont dispensées de toute formalité au titre du code de l’urbanisme (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 421-4 du même code dans sa version applicable à la date des permis contestés : « Sont également dispensés de toute formalité au titre du présent code, en raison de leur nature, les canalisations, lignes ou câbles, lorsqu’ils sont souterrains. » ; Considérant que si le requérant soutient que la société X.. n’a pas justifié qu’elle disposait d’une autorisation d’occupation du domaine public pour l’enfouissement des câbles électriques reliant les éoliennes aux postes de livraison et ces mêmes postes au poste-source d’A…, il résulte des dispositions précitées que d’une part, les travaux concernant les canalisations, lignes ou câbles, lorsqu’ils sont souterrains, n’entrent pas dans le champ d’application du permis de construire, ni même de la déclaration préalable, et que, d’autre part, une autorisation d’occupation du domaine public n’est requise que lorsque l’ouvrage qui fait l’objet de la demande de permis de construire doit être édifié sur une dépendance du domaine public ; qu’ainsi, le raccordement des éoliennes au réseau électrique, qui se rattache à une opération distincte et postérieure à la construction des ouvrages, est sans rapport avec la délivrance des permis de construire ; que leur délivrance n’était donc pas subordonnée à l’obtention d’une autorisation d’occupation du domaine public à ce titre ; que, par suite, le moyen tiré de l’absence d’autorisation d’occupation du domaine public doit être écarté ; » (Tribunal administratif de Lille, 4 octobre 2012, n°0907032) En conséquence, l’autorisation d’occupation du domaine public pour l’enfouissement des câbles électriques n’a pas à être jointe au dossier de demande de permis de construire car cette opération ne se rattache pas à la construction objet du PC.   Ce jugement relance le débat sur la complétude des dossiers de demande de permis de construire, notamment s’agissant du titre habilitant à construire. La  Cour administrative d’appel de Douai avait en effet jugé l’inverse, dans un arrêt en date du 23 décembre 2011 n°10DA00973, en annulant un permis de construire délivré en raison de l’absence d’autorisation d’occupation du domaine public pour l’enfouissement des câbles dans le dossier de demande : « Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du 3ème alinéa de l’article R. 421-1-1 du code de l’urbanisme en vigueur à la date de demande du permis de construire litigieux : Lorsque la construction est subordonnée à une autorisation d’occupation du domaine public, l’autorisation est jointe à la demande de permis de construire. ; qu’il ressort des pièces du dossier que l’enfouissement des câbles électriques reliant le poste de livraison aux postes sources nécessite une occupation des ouvrages du réseau public de distribution d’électricité implantés sur le domaine public ; que le pétitionnaire du permis litigieux ne justifie pas de la délivrance, par la commune ou par le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, d’une autorisation d’occupation du domaine public à cette fin ; que dans ces conditions, la société Ferme Eolienne de Tourny ne peut être regardée comme disposant d’un titre l’habilitant à construire ; » (Cour administrative d’appel de Douai,23 décembre 2011,  N° 10DA00973)   Si l’article R. 421-1-1 du code de l’urbanisme a été abrogé, l’obligation de produire une pièce similaire demeure aux termes de l’article R.421-13 du code de l’urbanisme qui dispose :  « Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l’accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public. » Aussi, le jugement du Tribunal administratif de Lille précité dispensant le pétitionnaire de produire une autorisation d’occupation du domaine public conserve tout son intérêt au regard de cette disposition dans la mesure où,dans le cas des éoliennes, les réseaux de raccordement électrique ne sont pas vus comme se rattachant à la construction dont il est demandé l’autorisation.   Précisons enfin que depuis la réforme des autorisations d’urbanisme en 2007, le maire n’a plus l’obligation d’examiner l’existence et la légalité du titre habilitant à construire du demandeur mais doit se contenter de vérifier que ce dernier a rempli l’attestation requise mentionnant qu’il est habilité à construire conformément à ce que prévoit l’article…

ZDE/ potentiel éolien: le Conseil d’Etat précise les contours de la détermination du potentiel éolien de la zone

Alors que les Zones de Développement de l’Eolien vont peut être disparaitre (voir notre article qui y est consacré) le Conseil d’Etat vient apporter des précisions sur la caractérisation du potentiel éolien de telles zones par 2 décisions en date du 30 janvier 2013 (Conseil d’Etat, 6ème et 1ère sous-section réunies, 30 janvier 2013, n°355370 et n°355870).  En effet, au sens de l’article 10-1 de la loi n°2000-108 du 10 février 2000 aujourd’hui partiellement codifié à l’article L.314-9 du code de l’énergie, le préfet de département définit les ZDE en fonction notamment de leur potentiel éolien. Or, aucun texte juridiquement contraignant n’est venu préciser la manière dont le potentiel éolien devait être caractérisé pour justifier de la création d’une ZDE. Par conséquent, c’est au juge administratif qu’est revenue la lourde tâche de définir quels éléments sont suffisants pour permettre une bonne appréciation du potentiel éolien par le préfet, et le résultat obtenu était alors inquiétant.   Seules des campagnes de mesure de vent sur le futur site de la ZDE semblait pouvoir trouver grâce à ses yeux (CAA Bordeaux, 2 novembre 2011, n°10BX02747), bien qu’il ne fut jamais capable de le dire explicitement, préférant relever que « si le législateur n’impose pas au pétitionnaire de réaliser des mesures de vent, le projet doit néanmoins se fonder sur des évaluations et des informations météorologiques permettant une estimation réaliste du potentiel éolien au regard des caractéristiques propres de la zone étudiée » (CAA Marseille, 04 juillet 2011, n°09MA00457).  Dans la lignée de cette jurisprudence, la Cour administrative de Bordeaux avait annulé une ZDE dont le potentiel éolien avait « seulement » été évalué à partir des données fournies par l’atlas du potentiel éolien dressé dans le cadre du schéma régional éolien et dont la fiabilité des résultats avait pourtant été vérifiée sur pas moins de 14 stations météorologiques de la région (CAA Bordeaux, 02 novembre 2011, n° 10BX02176). Il arrivait même au juge d’être encore plus sévère et de décider que malgré une campagne de vent réalisée sur le site du projet de ZDE et l’indication dans le dossier de demande de la vitesse moyenne mesurée de vent à 50 mètres de hauteur, l’absence de preuve que les résultats intégrales et la méthodologie de cette campagne aient été portés à la connaissance du préfet faisait encourir l’annulation de la ZDE, le préfet n’ayant pu selon le juge évaluer correctement le potentiel éolien… (CAA Bordeaux, 02 novembre 2011, n°10BX02175).  Ce sont précisément ces deux derniers arrêts de la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui viennent d’être annulés par le Conseil d’Etat, mettant ainsi fin à cette jurisprudence dont la sévérité ne semblait plus connaître de limite.   Le juge de cassation relève tout d’abord que : « ni le législateur ni le pouvoir réglementaire n’ont précisé les éléments au vu desquels doit être apprécié le potentiel éolien d’une zone ». Pour faire face à ce vide juridique, il pose alors le principe selon lequel « pour pouvoir se livrer à une telle appréciation, l’autorité préfectorale doit disposer de données recueillies selon une méthode scientifique de nature à établir le potentiel éolien de la zone à une échelle géographique et avec une précision suffisante ». De plus, il ajoute « qu’aux termes de l’article L. 553-4 du code de l’environnement dans sa rédaction applicable à la date de l’arrêté contesté, les régions peuvent mettre en place un schéma régional éolien qui ” indique les secteurs géographiques qui paraissent les mieux adaptés à l’implantation d’installations produisant de l’électricité en utilisant l’énergie mécanique du vent ” ».   De ce principe, pour la requête n°355370, il en tire la conclusion qu’: « en jugeant que les données fournies par l’atlas du potentiel éolien dressé dans le cadre du schéma régional éolien limousin, après avoir constaté, par une appréciation souveraine, qu’elles étaient fondées sur les résultats d’une modélisation réalisée par Météo France permettant de déterminer le vent moyen sur un an à une hauteur de 80 mètres, et dont la fiabilité avait été vérifiée sur quatorze stations météorologiques de la région Limousin, n’étaient par elles-mêmes pas suffisantes pour permettre d’apprécier la réalité du potentiel éolien d’une zone en application de l’article 10-1 de la loi de 2000 et devaient être complétées par d’autres données spécifiques à la zone en cause, la cour administrative d’appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ». Autrement dit, les données fournies par l’atlas du potentiel éolien dressé dans le cadre du SRE, fondées sur les résultats d’une modélisation Météo France permettant de déterminer le vent moyen sur une année à une hauteur de 80 mètres est un élément suffisant pour déterminer le “potentiel éolien”. Pour la requête n°355870, la solution est à peu de mots près la même que celle précédemment exposée, le juge décidant « qu’en jugeant que les données fournies par l’atlas du potentiel éolien dressé dans le cadre du schéma régional éolien aquitain, après avoir constaté, par une appréciation souveraine, qu’elles étaient fondées sur les résultats d’une modélisation réalisée par Météo France et un partenaire permettant de déterminer le vent moyen sur un an à une hauteur de 50 mètres et dont la fiabilité avait été vérifiée en fonction des mesures réalisées sur plusieurs stations de la région, n’étaient par elles-mêmes pas suffisantes pour permettre d’apprécier la réalité du potentiel éolien d’une zone en application de l’article 10-1 de la loi de 2000 et devaient être complétées par d’autres données spécifiques à la zone en cause, la cour administrative d’appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ».   Ainsi, par ces deux arrêts, le Conseil d’Etat indique que sont considérées comme suffisantes pour apprécier le potentiel éolien d’une zone les données fournies par un schéma régional éolien établies par des modélisations Météo France et dont la fiabilité des résultats a été vérifié sur plusieurs stations météorologiques.   Ces deux décisions doivent être assurément saluées. Même si les ZDE sont supprimées par le législateur – ce qui demeure encore incertain à ce stade- reste que la portée de ces deux jurisprudences leur survivra. En effet, rappelons que le schéma régional éolien (“SRE”) est…

Eolien: annulation du refus de PC fondé sur un risque non avéré de perturbation du faisceau hertzien du réseau “Rubis”

Dans un arrêt récent, la Cour administrative d’appel de Douai a confirmé l’annulation prononcée en première instance d’un refus de permis de construire fondé sur un risque de perturbation du faisceau hertzien du réseau « rubis » (réseau radio de la gendarmerie) par les éoliennes (Cour administrative d’appel de Douai, 1re chambre – formation à 3, 28/11/2012, 11DA01138, Inédit au recueil Lebon).   Confirmant le jugement rendu par le Tribunal administratif de Rouen en première instance, la Cour a considéré que le risque de perturbation du réseau invoqué par le Préfet n’était pas avéré compte tenu des caractéristiques propres aux éoliennes et de leur implantation, et des conditions techniques d’exploitation du réseau Rubis à la date du refus :    « 3. Considérant que, pour refuser la délivrance du permis de construire sollicité par la société E., le préfet de l’Eure s’est fondé sur la circonstance que la présence des éoliennes E6 et E7 ” dans le faisceau hertzien du réseau ” Rubis ” (Réseau unifié basé sur l’intégration des services) de la gendarmerie nationale porte atteinte à l’exercice de prérogatives de sécurité publique ” ; qu’en appel, le ministre soutient qu’il ressort d’un rapport de l’Agence nationale des fréquences établi en 2002 que les éoliennes sont, compte tenu de leur implantation et de leurs caractéristiques propres, de nature à perturber sensiblement la réception des ondes radioélectriques ; que, selon lui, ces facteurs de perturbation sur le dispositif opérationnel de la gendarmerie à travers le réseau Rubis, ont été reconnus en l’espèce par le ministère de la défense qui a émis un avis défavorable sur le projet le 25 janvier 2008 ; qu’il en a déduit que l’altération du système de télécommunication par l’implantation d’éoliennes constitue un risque réel pour la sécurité publique compte tenu de la finalité du réseau Rubis ; qu’il ressort toutefois de ce rapport, produit par les sociétés pétitionnaires, que si le risque d’interférences ainsi invoqué existe, il n’a été établi que de manière générale et à partir de mesures essentiellement théoriques ; qu’en outre, à la suite des investigations menées par l’Agence nationale des fréquences sur deux parcs éoliens, il apparaît que les perturbations de la réception radioélectrique étaient essentiellement télévisuelles ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le risque retenu par l’administration serait en l’espèce avéré compte tenu des caractéristiques propres aux éoliennes et à leur implantation et compte tenu des conditions techniques d’exploitation du réseau Rubis à la date de la décision attaquée ; que, par suite, le MINISTRE DE L’ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a estimé que le préfet de l’Eure avait, pour refuser de délivrer le permis de construire attaqué, commis une erreur d’appréciation en se fondant sur une méconnaissance des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme ; »   En définitive, et on peut s’en féliciter, la Cour conditionne la légalité d’un refus de permis au titre de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme à la caractérisation en l’espèce d’un risque pour la sécurité publique.  Ici, le seul rapport général de l’Agence nationale des fréquences établi en 2002 ainsi que l’avis favorable du Ministre de la Défense sur le projet sont insuffisants pour justifier d’un risque avéré de perturbation par les éoliennes.   L’arrêté se trouve ainsi dans la lignée de la jurisprudence actuelle qui censure l’invocation d’un seul risque présumé ou minime au titre de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme (Cour administrative d’appel de Douai, 1re chambre – formation à 3, 27/09/2012, 11DA00546, Inédit au recueil Lebon ; COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON, 1ère chambre – formation à 3, 30/08/2011, 09LY01220, Inédit au recueil Lebon ; Cour administrative d’appel de Douai, 1re chambre – formation à 3 (bis), 21/01/2010, 09DA00038 ; Cour administrative d’appel de Douai, 1re chambre – formation à 3, 16/10/2008, 07DA00318, Inédit au recueil Lebon).     L’arrêt est également intéressant d’un autre point de vue. La Cour a censuré le second motif de refus de permis tiré de la protection des paysages et des sites (article R. 111-21 du code de l’urbanisme).  La Cour s’est d’abord attachée à procéder à la caractérisation du site comme l’exige le Conseil d’Etat en la matière (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 13/07/2012, 345970). En cela, la Cour a estimé que l’environnement du projet ne constituait pas un paysage naturel remarquable. Ensuite, elle a considéré que la co-visibilité avec un monument historique situé dans un village à 4 kilomètres du projet n’aurait qu’un impact très réduit sur le patrimoine architectural dès lors qu’aucune rupture d’échelle visuelle ne serait créée et que celle-ci sera en tout état de cause atténuée par la présence de boisements : « 5. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les projets de parcs éoliens en litige se situent sur le plateau à dominante agricole du Vexin, lequel, selon les termes de l’avis de la direction régionale de l’environnement, ne constitue pas un paysage naturel remarquable ; que, par ailleurs, si les éoliennes projetées seront en situation de co-visibilité avec le village d’Ecouis distant d’environ quatre kilomètres, qui comprend une collégiale classée monument historique, cette co-visibilité n’existera que par un angle de vue horizontal ne créant aucune rupture d’échelle visuelle et sera, en outre, limitée par la présence de boisements ; qu’elle n’aura, dès lors, qu’un impact très réduit sur le patrimoine architectural et culturel que représente cette collégiale ; que, par suite, le MINISTRE DE L’ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT n’est pas davantage fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a estimé que le préfet de l’Eure avait, pour refuser de délivrer les permis de construire attaqués, commis une erreur d’appréciation en se fondant sur une méconnaissance des dispositions de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme ; » Cour administrative d’appel de Douai, 1re chambre – formation à 3, 28/11/2012, 11DA01138, Inédit au recueil Lebon   Les exigences dont fait preuve la Cour dans l’appréciation de la…

Eolienne et permis modificatif : quelle hauteur significative ? (CAA Nantes, 16 novembre 2012, n°11NT00133)

Le permis modificatif constitue une institution jurisprudentielle qui permet, sans engager une nouvelle procédure complète (et le cas échéant une étude d’impact et une enquête publique si on y est soumis), d’obtenir l’autorisation de modifier la construction objet d’un PC initial et non encore érigée. Et très souvent les opérateurs éoliens sont tentés d’y avoir recours afin d’augmenter la taille de leur machine par rapport à celle prévue par un permis initial.   Un arrêt récent de la CAA de Nantes valide le recours au permis modificatif pour une augmentation non négligeable de la hauteur des éoliennes (jurisprudence cabinet: CAA Nantes, 16 novembre 2012, n° 11NT00133).      Le problème essentiel est de distinguer les hypothèses dans lesquelles il est possible de se contenter d’un permis modificatif de celles dans lesquelles un permis nouveau est nécessaire. La jurisprudence établit que le permis modificatif peut être sollicité lorsque les modifications qui le justifient ne portent pas atteinte à l’économie générale du projet initial. Dans le cas contraire, le pétitionnaire doit demander et obtenir un nouveau permis.    La frontière entre permis nouveau et permis modificatif n’est cependant pas évidente car la notion essentielle “d’atteinte à l’économie générale du projet initial” n’est elle-même pas définie avec précision. Une circulaire du ministère de l’Équipement n° 73-58 du 16 mars 1973 fournit bien quelques éléments pour opérer cette distinction s’agissant des bâtiments. Ainsi, d’après le ministère, les changements de façades, un léger transfert du bâtiment, la suppression ou l’addition d’un étage justifient un permis modificatif ; en revanche, la suppression de bâtiments et leur remplacement par d’autres bâtiments en nombre différent, un changement profond de l’implantation ou du volume des bâtiments exigent le dépôt d’une nouvelle demande de permis.   Mais quels critères retenir pour la construction singulière que constitue l’éolienne ? Car comme le rappelait en août dernier la Cour administrative d’appel de Douai à un opérateur éolien  un” permis de construire modificatif peut être requalifié, du fait de son objet et de sa portée, en nouveau permis de construire” (CAA Douai, 13 aout 2012, n°11DA01678). Certes il n’y a pas de difficulté majeure lorsque la modification diminue les impacts du projet (par ex. CAA Nantes, 1er juillet 2011, n°10NT02571).   L’espèce commentée (CAA Nantes, 16 oct. 2012, Sté InnoVent, n°11NT00133) nous donne un nouvel éclairage dans une matière casuistique où les espèces jurisprudentielles sont autant de repères précieux ; surtout lorsqu’il en va seulement d’un impact paysager.  La Cour juge par un arrêt attendu : “Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les modifications apportées au projet initial par les demandes de permis modificatif se traduisent uniquement par une élévation du mât des engins de 56 à 66 mètres, correspondant à 15 % de la hauteur initiale, alors que les autres caractéristiques des éoliennes, notamment le diamètre de leur rotor et leur puissance, demeurent inchangées ; que les photomontages joints au dossier indiquent, par ailleurs, que la taille visuelle d’un mât de 56 m, à une distance de 10 km, pour un observateur tenant une règle à bout de bras, n’est que 4,48 mm, et de 5,2 mm pour un mât de 66 m ; qu’ainsi la surélévation du projet ne sera perceptible qu’à une très faible distance du parc éolien et n’aura pas pour effet de modifier l’impact paysager des machines, ni, par suite, de modifier substantiellement ses caractéristiques initiales ; que dès lors c’est à tort que le préfet de l’Orne a rejeté les demandes de permis de construire modificatif présentées par la société Innovent au motif qu’elles nécessitaient la délivrance de nouveaux permis de construire “.   Les premiers juges avaient eu une toute autre approche des pièces du dossier en jugeant : “Si les vues lointaines sur le projet, s’agissant des endroits à partir desquels le parc tel qu’autorisé par les permis de construire initiaux sera déjà visible, ne seront que peu affectés par les modifications projetées, l’augmentation de hauteur aura en revanche pour effet, non seulement d’aggraver la perception rapprochée des éoliennes, mais aussi d’étendre les zones à l’intérieur desquelles elles seront visibles ; que dans ces conditions, et alors même que les modifications envisagées n’auraient aucune incidence sur les autres impacts du projet, le préfet de l’Orne a pu, sans erreur d’appréciation, estimer que l’augmentation de la hauteur des mâts de 56 à 66 mètres nécessitait  la délivrance de nouveaux permis de construire” (TA de Caen, 12 novembre 2010, n° 0902155). On pouvait comprendre la prise en compte du critère “des zones de visibilité” qui renvoie en fait à la définition de l’aire d’étude des impacts paysagers … mais si les vues éloignées sont peu impactées on ne voit pas comment l’aire d’étude pourrait elle-même être utilement étendue. Le raisonnement avait même un effet pervers car le calcul de l’aire d’étude est conditionné par la hauteur des machines. Ainsi apprécier l’impact significatif à l’aune de la perception des machines parait plus en phase avec le principal enjeu d’une modification susceptible de n’avoir que des effets paysagers.   On remarquera plus globalement que la jurisprudence commence ici à se fixer s’agissant des modifications requérant seulement un PC modificatif. S’agissant du domaine des éoliennes, la Cour administrative d’appel de Douai a considéré que l’implantation d’un modèle distinct d’éoliennes, se traduisant par une élévation du moyeu des installations de cinq mètres ainsi qu’une augmentation de la surface hors œuvre brute de chaque site, correspondant à l’emprise au sol des fondations des éoliennes, de 148 m2 à 190 m2 maximum (soit une augmentation de 28,37%), ne portaient pas atteinte à l’économie générale du projet et autorisait l’utilisation de permis modificatifs (CAA Douai, 9 avril 2009, n° 08DA00989). De même toujours selon la CAA de Douai : “Considérant qu’un permis de construire modificatif peut être requalifié, du fait de son objet et de sa portée, en nouveau permis de construire ; qu’il ressort des pièces du dossier que les modifications apportées par les arrêtés du 18 mai 2006 aux projets initiaux, lesquels avaient fait l’objet des permis de construire délivrés le 15 mars 2005, consistaient en l’implantation d’un…

Mise en conformité du code de l’environnement avec le principe de participation : le projet de loi adopté au Sénat

Dans le cadre de la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a déclaré, au cours de ces deux dernières années, plusieurs dispositions législatives du code de l’environnement non conformes à l’article 7 de la Charte de l’environnement, lequel prévoit notamment, le droit de participation du public à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. Ces décisions sont les suivantes : –        Décision n° 2011-183/184 QPC du 14 octobre 2011 déclarant non conforme à la Constitution  le second alinéa de l’article L. 511-2 du code de l’environnement et le paragraphe III de l’article L. 512-7 du même code (dispositions relatives aux projets de nomenclature et de prescriptions générales relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement) ; –        Décision n° 2012-262 QPC du 13 juillet 2012 déclarant non conforme à la Constitution le premier alinéa de l’article L. 512-5 du code de l’environnement (disposition relative aux projets de règles et prescriptions techniques applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation) ; –        Décision n°2012-269 QPC du 27 juillet 2012 déclarant non conforme à la Constitution le 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement (disposition relative à la dérogation aux mesures de préservation du patrimoine biologique) ; –        Décision n°2012-270 QPC du 27 juillet 2012 déclarant non conforme à la Constitution le 5° du II de l’article L. 211-3 du code de l’environnement (disposition relative à la délimitation des zones de protection d’aires d’alimentation des captages d’eau potable).   Pour donner un effet utile à ses décisions et laisser le temps au législateur de procéder aux rectifications nécessaires, le Conseil constitutionnel a fixé une prise d’effet différée des déclarations d’inconstitutionnalité : au 1er  janvier 2013 pour les décisions n° 2011-183/184 QPC, n° 2012-262 QPC, n°2012-270 QPC et au 1er septembre 2013 pour la décision n°2012-269 QPC.   Le projet de loi adopté par le Sénat le 6 novembre 2012 vient tirer les conséquences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et a donc pour objectif de donner à l’article 7 de la Charte de l’environnement toute sa portée.   Ce projet de loi prévoit notamment : –        Une réécriture intégrale de l’article L. 120-1 du code de l’environnement ; Cette disposition phare, destiné à transposer les principes de l’article 7 de la Charte dans le code de l’environnement, donne désormais une définition du principe de participation du public ainsi que ses conditions d’application. Elle exclut de son champ d’application les décisions individuelles. L’article L. 120-1 du code de l’environnement serait désormais rédigé ainsi: « Art. L. 120-1. – I. – La participation du public permet d’associer toute personne, de façon transparente et utile, à la préparation des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement, en l’informant des projets de décisions concernées afin qu’elle puisse formuler ses observations, qui sont prises en considération par l’autorité compétente. « Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles ce principe est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités de l’État, y compris les autorités administratives indépendantes, et de ses établissements publics ayant une incidence sur l’environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. « II. – Sous réserve des dispositions de l’article L. 120-2, le projet d’une décision mentionnée au I, accompagné d’une note de présentation non technique précisant notamment le contexte de ce projet, est rendu accessible au public par voie électronique. Lorsque le volume ou les caractéristiques du projet de décision ne permettent pas sa publication intégrale par voie électronique, la note de présentation précise les lieux et heures où l’intégralité du projet peut être consultée. « Au plus tard à la date de la publication prévue au premier alinéa du présent II, le public est informé, par voie électronique, des modalités de consultation retenues. « Les observations du public, formulées par voie électronique ou postale, doivent parvenir à l’autorité administrative concernée dans un délai qui ne peut être inférieur à vingt et un jours. « Les observations déposées sur un projet de décision sont accessibles par voie électronique dans les mêmes conditions que le projet de décision. « Le projet ne peut être définitivement adopté avant l’expiration d’un délai permettant la prise en considération des observations formulées par le public et la rédaction d’une synthèse de ces observations. Sauf en cas d’absence d’observations, ce délai ne peut être inférieur à quatre jours à compter de la date de clôture de la consultation. « Dans le cas où la consultation d’un organisme consultatif comportant des représentants des catégories de personnes concernées par la décision en cause est obligatoire et lorsque celle-ci intervient après la consultation du public, la synthèse des observations du public lui est transmise préalablement à son avis. « Au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l’autorité administrative qui a pris la décision rend publique, par voie électronique, une synthèse des observations du public. La synthèse des observations indique les observations du public dont il a été tenu compte. « III. – Le II ne s’applique pas lorsque l’urgence justifiée par la protection de l’environnement, de la santé publique ou de l’ordre public ne permet pas l’organisation d’une procédure de consultation du public. Les délais prévus au II peuvent être réduits lorsque cette urgence, sans rendre impossible la participation du public, le justifie. « IV. – Les modalités de la participation du public peuvent être adaptées en vue de protéger les intérêts mentionnés au I de l’article L. 124-4. »     –        Une réécriture du paragraphe III de l’article L. 512-7 du code de l’environnement ; La nouvelle rédaction supprime la publication des projets de prescriptions générales en matière d’installations soumises à enregistrement.   –        Une réécriture de l’article L. 211-3 du code de l’environnement ; L’article L. 211-3 du code de l’environnement relatif à la délimitation des zones de protection d’aires d’alimentation des captages d’eau et de la détermination du programme d’actions rentrera désormais dans le champ d’application de l’article L. 120-1 du code de l’environnement et soumis à une procédure de participation de public.   –        L’habilitation donnée…