Bail emphytéotique, bail à construction: sur la modicité du prix

Un arrêt récent rendu par la 3ème chambre de la Cour de cassation le 21 septembre dernier (Cass. 3ème civ., 21 sept. 2011, n°10-21.900 : Juris-Data n°2011-019517) invite à se pencher sur la détermination de la redevance dans le cadre de la conclusion d’un bail à construction. Un parallèle peut être fait avec le bail emphytéotique, dès lors qu’il s’agit des contrats de longue durée couramment usités par les opérations photovoltaïques et éoliens pour asseoir leurs installations. Dans l’arrêt précité, un bailleur tentait notamment de se prévaloir de la nullité pour absence de cause du bail à construction qu’il avait consenti en raison du caractère qu’il estimait dérisoire de la redevance prévue. Il invoquait à ce titre les dispositions de l’article 1131 du Code civil. En effet, la jurisprudence a déjà considéré que la stipulation d’un prix dérisoire voire vil peut être de nature à créer un déséquilibre contractuel tel qu’il confine à l’absence de cause et doit être sanctionné par la nullité du contrat. En l’espèce, la Cour de Cassation a cependant approuvé la cour d’appel d’avoir rejeté la demande du bailleur estimant que celle-ci était prescrite. La Haute juridiction a retenu que la nullité soulevée étant une nullité relative destinée à protéger un intérêt privé, elle se prescrivait par 5 ans à compter de la conclusion du contrat. Il s’avère donc nécessaire d’apporter la plus grande précaution à la détermination de la redevance aux fins de ne pas encourir, dans le délai quinquennal précité, une nullité du contrat qui remettrait en cause l’exploitation du parc éolien ou photovoltaïques, et ce alors que les frais conséquents d’installation et d’exploitation auraient été exposés. La même réflexion s’impose dans le cadre du bail emphytéotique même si la modicité de la redevance a longtemps été perçue comme un élément déterminant de ce type de contrat. En effet, traditionnellement il était considéré que la redevance versée dans le cadre d’un bail emphytéotique se devait d’être modique. Cette modicité se concevait notamment par l’obligation qui était souvent impartie au preneur d’améliorer le bien loué et la propriété des constructions édifiées qui était acquise en fin de bail par le bailleur. Cependant, le nouvel essor que connaît depuis quelques années le bail emphytéotique, utilisé comme titre foncier dans le cadre d’opérations d’installations photovoltaïques ou éoliennes, a détourné quelque peu celui-ci de sa vocation initiale. Il n’est pas rare dans les baux emphytéotiques conclus aujourd’hui de ne plus voir nécessairement de clause mettant à la charge du bailleur l’obligation d’améliorer le fonds loué, cette obligation n’étant pas imposée par les textes, et de prévoir le démantèlement des installations en fin de bail. Or, la modicité, que la Cour de Cassation et les juges du fond se refusent d’ailleurs de retenir comme élément déterminant de la qualification du bail emphytéotique, doit s’apprécier eu égard aux charges pesant sur le preneur. En l’absence de toute clause imposant une amélioration des lieux loués et un transfert de propriété des constructions en fin de bail, il convient de prendre garde au quantum de la redevance prévue. Une redevance pouvant être perçue comme modique en présence de charges imposées au preneur et d’avantage obtenu par le bailleur à l’expiration du contrat, pourra être perçue comme vile ou dérisoire en l’absence de toute obligation du preneur…et, comme il l’a été mentionné ci-dessus, l’action en nullité pour absence de cause est susceptible de venir sanctionner le déséquilibre constaté. Prudence donc dans la fixation de la redevance. Mieux vaut renoncer à une réduction de celle-ci aux fins de sécuriser le titre foncier, support de l’installation…. Marie LETOURMY Avocat au Barreau de Lille Green Law Avocat

Solaire: de la confiance légitime perdue par l’environnementaliste dans le Conseil d’Etat …

Par sa décision rendue au fond dans l’affaire Ciel et Terre (CE 16 nov.2011 cieletterre), le Conseil d’Etat a validé le décret du 9 décembre 2010 publié au Journal Officiel du 10 décembre 2010 suspendant l’obligation d’achat suspendant l’obligation d’achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil. L’arrêt mérite une lecture serrée et attentive tant il est riche et décevant à la fois. Chacun appréciera et il faudra en faire un commentaire exhaustif avec le recul nécessaire ; mais à chaud, il nous semble que la Haute juridiction en faisant passer pour des inconséquents ceux qui se vus appliquer un régime juridique rétroagissant sur une situation constituée donne manifestement à voir combien l’Etat de droit se dilue dans ses technologies les plus modernes … Certains commentaires de l’arrêt pourront encore se délecter de ses considérants prenant  pour objets les principes de confiance légitime et de sécurité juridique. Mais derrière le fétichisme du « considérant » pour spécialiste du droit administratif, il faut bien se garder d’oublier ce que l’arrêt attendu du Conseil d’Etat ne parvient pas à masquer : le Gouvernement français a opté pour une suspension de l’obligation d’achat,  certes de contrats non encore signés, mais dont les demandes avaient déjà été formulées  selon des critères cristallisant une situation belle et bien constituée. Certains seront tentés de prendre le maquis environnemental et on peut les comprendre ! La filière photovoltaïque s’en était remise en France au juge pour réparer le changement soudain et rétroactif de la règle du jeu, à l’instar du numéro un allemand de l’énergie EON qui a décidé de saisir la Cour constitutionnelle pour contester la loi sur la sortie du nucléaire d’ici à 2022… Les choix énergétiques sont différents des deux côtés du Rhin, mais obéissent à la même régulation juridique de sacrifices vécus comme des spoliations.>L’environnementaliste français, avec cet arrêt ne fait jamais que redécouvrir ce qu’il ne doit jamais  oublier surtout en temps de « crise » … Décomplexé à l’heure d’un prétendu développement durable où prime en fait le court terme économique, le Conseil d’Etat redevient ce qu’il n’a jamais vraiment cessé d’être : « l’ennemi de l’environnement ».