Suspension des « Jardins de Méditerranée » pour défaut d’évaluation environnementale

Suspension des « Jardins de Méditerranée » pour défaut d’évaluation environnementale

Par Amélie GILLE (Juriste chez Green Law Avocats) et Maître David DEHARBE (Avocat associé)

Le département de l’Hérault a tenté le saucissonnage d’un de ses projets, mais s’est fait rattraper par l’évaluation environnementale.

Par une décision n°447898 du 25 mai 2022 (consultable sur Doctrine et téléchargeable ci-dessous), le Conseil d’Etat a suspendu l’exécution de la décision de non-opposition du Préfet de l’Hérault à la déclaration IOTA du projet « Jardins de Méditerranée ».

Statistiques de la délinquance environnementale

Statistiques de la délinquance environnementale

Par Maitre David DEHARBE (Green Law Avocats) La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 (portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets : JO 24 août) comporte un volet pénal substantiel. En premier lieu, (art. 279 s. de la 2021-1104 du 22 août 2021), l’article L. 173-3 du code de l’environnement et aggrave les peines applicables aux faits prévus aux articles L. 173-1 et L. 173-2 du même code lorsque ces faits entraînent des atteintes graves et durables à la santé, la flore, la faune ou la qualité de l’air, du sol ou de l’eau. Ensuite  le nouvel article L. 231-1 du code de l’environnement réprime le fait, en violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité, prévue par la loi ou le règlement, d’émettre dans l’air, de jeter de déverser ou de laisser s’écouler dans les eaux superficielles ou souterraines ou dans les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou plusieurs substances dont l’action ou les réactions entrainent des effets nuisibles graves et durables sur la santé, la flore, la faune est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction. Remarquons que le respect des autorisations administratives d’émission et des prescriptions de rejet vaut excuse. Dans la même veine, le nouvel article L. 231-2 du code de l’environnement réprime le fait d’abandonner, de déposer ou de faire déposer des déchets sans satisfaire aux prescriptions concernant les caractéristiques, les quantités, les conditions techniques de prise en charge des déchets et les procédés de traitement mis en œuvre, lorsqu’ils provoquent une dégradation substantielle de la faune et de la flore ou de la qualité de l’air, du sol ou de l’eau sont punis de trois d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende. Enfin, le nouvel article L. 231-3 du code de l’environnement définit l’infraction d’écocide comme une circonstance aggravante dès lors que les faits précités sont ici réputés devoir être commis de manière intentionnelle. Sont encore qualifiées d’écocides les infractions entrainant des atteintes graves et durables à la santé, à la flore, à la faune ou à la qualité de l’air, du sol ou de l’eau (art. L. 231-2 commises de façon intentionnelle). Sont considérés par le législateur comme durables « les effets nuisibles sur la santé ou les dommages à la flore ou à la faune d’une durée d’au moins sept ans ». Les sanctions sont fixées à pas mois de dix ans d’emprisonnement et 4,5 millions euros d’amende, montant pouvant même être porté jusqu’au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction. Précisons encore que le point de départ du délai de prescription de l’action publique court à compter de la découverte du dommage. Ainsi à l’heure où législateur s’efforce d’aggraver la responsabilité pénale des délinquants environnementaux avec de nouvelles incrimination et des causses aggravantes les données statistiques sont précieuses (étude statistique publiée par Interstat et ci-dessous reproduite). Le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure, fait un premier état des lieux sur les atteintes à l’environnement constatées par la police et la gendarmerie sur la période 2016-2021. En 2021, les services de police et de gendarmerie nationales ont enregistré 31 400 délits ou contraventions à l’environnement, un nombre en augmentation de 7 % par rapport à 2016 (soit +1,3 % en moyenne par an). Au sein de ce phénomène délinquant très hétérogène, un tiers relève d’actes visant les animaux, 25 % d’actes liés à l’exploitation forestière ou minière illégale et 13 % d’infractions à la règlementation sur la chasse et la pêche. Parmi les affaires environnementales traitées par les parquets (hors actes visant les animaux), celles enregistrées par les services de sécurité en représentent près de la moitié (47 %) en moyenne. De par leur nature, contrairement à la majorité des autres formes de délinquance, la moitié des infractions environnementales sont commises dans des communes rurales, soit un taux de 9,3 infractions pour 10 000 habitants (contre 4,5 au niveau national). La Guyane présente un taux d’infractions environnementales neuf fois plus élevé que la moyenne nationale (42 pour 10 000 habitants) en raison de la forte concentration des infractions liées à des exploitations minières illégales. Les côtes atlantique et méditerranéenne concentrent les taux d’infractions liées aux forêts (exploitation forestière illégale et non-respect des règles de prévention des incendies) pour 100 km² de surface forestière les plus élevés. S’agissant des seuls délits environnementaux enregistrés en 2021, près de la moitié des plaignants sont des personnes morales, quelle que soit la catégorie d’atteinte considérée sauf les actes visant les animaux (3 plaignants sur 5) pour lesquels un quart seulement le sont. A l’inverse, moins de 10 % des mis en cause par la police ou la gendarmerie sont des personnes morales et parmi les personnes physiques mises en cause, il s’agit quasi-exclusivement (86 %) d’hommes et plus de la moitié a entre 30 et 59 ans.

Les vœux n’arrêtent pas les rugissements !

Par maître David DEHARBE, avocat gérant (Green Law Avocats) Le tribunal administratif de Montpellier rejette, par un jugement rendu le 1er février 2022, la demande, présentée par de l’association de défense des cirques de famille, tendant à l’annulation de la délibération du 5 octobre 2020 du conseil municipal de Montpellier intitulée « vœu visant à interdire les cirques avec animaux ». Le tribunal considère que cette délibération n’édicte par elle-même aucune interdiction des cirques avec la présence d’animaux, mais émet seulement un souhait d’une réglementation nationale pour une telle interdiction, et ne saurait servir de fondement à un refus de produire un spectacle de cirque à Montpellier au titre des pouvoirs de police du maire. Ainsi dépourvue de portée juridique contraignante, la délibération constitue un simple vœu ne faisant pas grief et n’étant pas susceptible de faire l’objet d’un recours devant le juge de l’excès de pouvoir. Ce jugement ne saurait faire oublier l’essentiel : si les communes peuvent toujours exprimer des souhaits en la matière qui, en tant que tels, ne sont pas susceptibles de recours faute de changer la situation juridique des exploitants de cirques, il n’en demeure pas moins que juridiquement les maires sont incompétents pour interdire, par principe, les représentations avec animaux. Comme le rappelait d’ailleurs le rapporteur public Chacot concluant récemment dans deux espèces (l’une intervenant sur déféré préfectoral) devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, ni les dispositions du code général des collectivités territoriales, qui réservent au maire l’exercice de la police municipale, ni celles du code rural et de la pêche maritime, ni celles du code de l’environnement et de l’arrêté du 18 mars 2011, qui prévoient la compétence du préfet du département en la matière, ni aucun autre texte, ne confèrent au maire le pouvoir d’interdire sur le territoire de la commune la présence de cirques détenant des animaux domestiques ou non. La jurisprudence des juges du fond est ici bien établie (TA Toulon 28 dec 2017 préfet du Var n° 1701963 et 20 juil 2020 préfet du var n° 182095 ; TA Bastia 8 nov 2018 préfet de Haute Corse n° 1800479 ; TA Lille 11 dec 2020 Fedé des cirques de tradition et assoc de défense des cirques de famille n° 183486 ; TA Lyon 25 nov 2020 assoc de défense des cirques de famille n° 1908161 ; TA Nîmes 16 mars 2021 Assoc de défense des cirques de famille n° 1900187) et trouve son fondement dans les rapport que se fait le Conseil d’Etat des rapports entre polices spéciale environnementale et la police générale du maire (s’agissant de l’implantation d’antennes de téléphonie mobile : CE 26 octobre 2011 commune de St Denis n°326492 ; en matière d’interdiction de culture d’OGM : CE 24 septembre 2012 commune de Valence n°342990 ; ou d’arrêtés interdisant l’installation des compteurs Linky :CE 11 juillet 2019 commune de Cast n°426060 ; plus récemment en matière d’arrêté anti-pesticide : CE 31 décembre, n° 440923). Dans ces conditions, le maire de la commune de Clermont-Ferrand n’était pas compétent pour interdire sur le territoire de la commune l’installation de cirques détenant des animaux sauvages en vue de leur représentation au public (TA Clermont-Ferrand, 8 juillet 2021, n° 2001904 et 2100580) ; au demeurant en l’espèce l’interdiction locale est encore illégale en ce qu’elle est générale et absolue. Nous reproduisons ci-desssous ces deux jugements du TA de Clermont-Ferrand :

La chronique de droit des ENR disponible sur le blog !

La chronique de droit des ENR disponible sur le blog !

Sur son blog, le cabinet Green Law Avocats donne désormais accès à sa chronique de droit des ENR publiée depuis plusieurs années dans la revue « Droit de l’environnement » (téléchargeable ci-dessous). Bonne lecture !

La méthodologie de la non-régression explicitée par le Conseil d’Etat

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Le Conseil d’Etat a de nouveau censuré un acte administratif réglementaire au nom du principe de non régression (Conseil d’Etat, 9 juillet 2021, req. n° 439195). Rappelons qu’aux termes du 9° du II de l’article L110-1 du code de l’environnement le principe de non-régression est ainsi défini « la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ». Ce n’est pas une première (CE, 9 oct. 2019, n° 420804 : à propos de l’adaptation à la Guyane des règles applicables à l’évaluation environnementale). Mais l’arrêté de juillet dernier doit retenir l’attention car il est particulièrement pédagogique. Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 février 2020 et 15 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association de Défense de l’Environnement des Riverains de l’aéroport de Beauvais-Tillé, l’association Regroupement des organismes de sauvegarde de l’Oise et l’association contre les nuisances de l’aéroport de Tillé demandaient à la Haute juridiction d’annuler pour excès de pouvoir l’article 1er de l’arrêté du secrétaire d’Etat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports, du 26 décembre 2019 relatif aux restrictions d’exploitation de l’aérodrome de Beauvais-Tillé. Un arrêté du 25 avril 2002, le ministre de l’équipement, des transports et du logement a instauré des restrictions d’exploitation de l’aérodrome de Beauvais-Tillé avait interdit notamment à tout aéronef d’atterrir ou de décoller entre 0 heure et 5 heures, heures locales de départ ou d’arrivée sur l’aire de stationnement, et aux avions les plus bruyants d’atterrir ou décoller entre 22 heures et 7 heures du matin. Modifiant ces dispositions, l’arrêté du 26 décembre 2019 a prévu, en son article 1er, que le ministre chargé de l’aviation civile peut, au cas par cas, autoriser des dérogations à cette interdiction d’atterrissage nocturne, dans les conditions qu’il fixe. Or selon le Conseil d’Etat le principe de non-régression se trouve ainsi doublement méconnu : d’une part, « faute pour l’administration, d’une part, d’avoir encadré le surcroît du trafic aérien nocturne qui pourrait résulter de l’octroi de ces dérogations » et « d’autre part, d’avoir indiqué les motifs d’intérêt général qui pourraient le cas échéant les justifier ». Ainsi le Conseil d’Etat indique à l’administration que le principe de non-régression n’impose pas à l’administration de renoncer à autoriser des pratiques qu’elle a un temp interdit au nom de la protection de l’environnement. Mais dans une telle hypothèse elle ne peut le faire que pour des motifs d’intérêt général dont elle doit faire état dans sa nouvelle décision. Et sa nouvelle réglementation doit encadrer les conséquences environnementales de ce qui est de nouveau autorisé afin de limiter autant que faire se peut les impacts. La méthodologie de la non-régression s’affine en démontrant que le principe n’appelle pas une surenchère constante des règles environnementales sur lesquelles on ne pourrait pas revenir, après que le juge administratif ait balisé son champ d’application. Rappelons que si le principe est opposable aux actes réglementaires il n’est sans doute pas opposable aux titres d’exploitation en tant qu’ils constituent des actes individuels (TA La Réunion, 1ère ch., 14 déc. 2017, n° 1401324). L’invocation de la méconnaissance du principe de non régression est  inopérante  lorsque  le  principe  de  la  « régression »  trouve  sa  source  dans  des  dispositions  législatives, dont le pouvoir réglementaire se borne à tirer les conséquences ou à préciser les  modalités  (CE,  10  juillet  2020,  Association  France  nature  environnement,  n° 432944 ;  CE,  15  février  2021,  Association  Etangs  de  France  et  autres,  n°  435026,  435036,  435060,  435182,  438369 ; CE, 15 février 2021, Association One Voice, n° 434933 et 437646). Dans notre cas la restriction aux vols avait certes une portée locale mais l’acte n’en était pas moins réglementaire ce qui explique que le Conseil d’Etat a accepté de le contrôler.