PLU : pas de régularisation pour une modification illégale

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Par un arrêt du 16 juin 2020 (CAA Lyon, 16 juin 2020, n°19LY00503, également téléchargeable sur Légifrance), la Cour administrative d’appel de Lyon a circonscrit la possibilité pour le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un document d’urbanisme, de recourir au sursis à statuer afin de permettre à l’autorité compétente de régulariser le vice entachant la légalité du document. Pour rappel, la loi ALUR du 24 mars 2014 a introduit, à l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme, la possibilité pour le juge administratif de « réparer » les illégalités affectant un schéma de cohérence territoriale (Scot), un plan local d’urbanisme (PLU) ou une carte communale. Toutefois, l’article susmentionné dispose que le juge peut surseoir à statuer afin que l’autorité compétente puisse corriger « une illégalité entachant l’élaboration ou la révision de cet acte ». En l’espèce, la délibération approuvant la modification du PLU de la commune de Bourg-en-Bresse avait été annulée par le Tribunal administratif de Lyon. A cette occasion, le Tribunal refusait de faire bénéficier la commune des dispositions de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme. Afin de faire valoir son droit au bénéfice d’un délai de régularisation, la commune interjeta appel et se prévalu d’une disposition transitoire de la loi ALUR prévoyant que l’article L. 600-9 s’applique aux modifications engagées avant la publication de cette loi (art. 137, II de la loi ALUR). Cependant, la Cour administrative d’appel de Lyon rejeta ses conclusions et fit une lecture exégétique de l’article L. 600-9. La Cour considère que le juge peut surseoir à statuer uniquement pour la régularisation d’ « une illégalité entachant l’élaboration ou la révision » d’un document d’urbanisme, qu’ « en revanche, il ne peut prononcer le sursis à statuer lorsque l’illégalité concerne une procédure de modification ». La Cour rejette ainsi l’application des dispositions transitoires de la loi ALUR qui « n’ont ni pour effet, ni pour objet de modifier le champ d’application de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme. ». En l’espèce, la modification litigieuse a été engagée après la publication de la loi ALUR, ce qui justifie la solution de la Cour. Ainsi, quand bien même la modification d’un document d’urbanisme serait entachée d’un vice régularisable, le juge administratif ne peut pas surseoir à statuer et laisser un délai à l’autorité compétente pour que celle-ci corrige le vice. Toutefois et dans un souci de sécurisation des documents d’urbanisme, les délibérations approuvant une modification peuvent bénéficier d’une annulation partielle. Cette possibilité, déjà admise par la jurisprudence administrative, est expressément prévue par le dernier alinéa de l’article L. 600-9 qui prévoit que le juge peut recourir à l’annulation partielle quand il « estime que le vice qu’il relève affecte notamment […] le programme d’orientations et d’actions du plan local d’urbanisme ou les dispositions relatives à l’habitat ou aux transports et déplacements des orientations d’aménagement et de programmation ». Or, le programme d’orientations et d’actions ainsi que les orientations d’aménagement et de programmation relèvent du champ d’application de la procédure de modification (C. urb., art. L.153-36). Ainsi, bien qu’exclues du champ d’application du sursis à statuer, les procédures de modification peuvent être en partie sauvées par le juge administratif (pour un exemple relativement récent, voir TA Cergy-Pontoise, 22 janv. 2016, n°1309645 : le juge administratif, en vertu de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme, a annulé partiellement une délibération instituant une zone UMP4 dans un plan local d’urbanisme, contredisant l’orientation de valorisation du paysage naturel du PADD).

Artificialisation des sols : les préfets sommés de prendre le maquis

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) Le 1er Ministre demande aux préfets dans une circulaire du 24 août 2020, avec le soutien services de la Direction générale des entreprises (DGE) et ceux de la Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) , de saisir la Commission nationale d’aménagement commercial chaque fois que la création d’un nouvel équipement commercial ou une extension est autorisée en CDAC (Commission nationale d’aménagement commerciale) alors que le projet ne leur semble pas respecter, l’objectif de « zéro artificialisation », faute notamment d’une consommation économe de l’espace ou en raison de l’imperméabilisation des sols qu’il génère. Le préfet dispose, dans le cadre des opérations de revitalisation des territoires (ORT), d’une faculté de suspension de la procédure devant la CDAC dans les conditions définies à l’article L.752-1-2 du code de commerce ; en qualité de président de la CDAC, ils disposent d’un pouvoir d’intervention, avant la décision ou l’avis, pour rappeler les enjeux, objectifs légaux et critères d’appréciation, et, une fois l’avis ou la décision rendu, pour exercer un recours, administratif ou contentieux. Le nombre de recours en CNAC formés par des préfets demeure très faible – de l’ordre de deux ou trois par an. Aucun recours contentieux d’un préfet n’est recensé contre une décision de la CNAC, ou contre un arrêté de permis de construire valant AEC (PC/AEC) en raison de l’avis favorable de la CNAC, alors même que, depuis 2014, pour les projets nécessitant un PC/AEC, le représentant de l’Etat dans la département n’est pas soumis au recours administratif préalable obligatoire (cf. le I de l’article L.752-17 du code de commerce). Ainsi même s’il n’a pas saisi lui-même la CNAC, contre la décision ou l’avis de la CDAC, le préfet peut agir au contentieux contre la décision ou l’avis de la CNAC. Dans l’instruction du 3 mai 2017 sur la législation en matière d’aménagement commercial, l’exécutif rappelait déjà aux préfets qu’en leur qualité de représentant de l’Etat dans le département, ils doivent exercer  un contrôle de légalité, notamment sur les documents d’urbanisme afin d’éviter que la destination commerciale des sols encadrés par les SCOT et les PLUi ne sacrifie des terres agricoles. Le droit ne s’use que si l’on ne s’en sert pas sachant que les CDAC sont neutralisées par le modus vivendi auxquels les élus locaux se soumettent pour que le principe demeure celui de l’autorisation dans plus de 85% des cas  … Mais les enjeux ont émus la convention citoyenne : les surfaces commerciales et économiques représentent 14% des surfaces artificialisées. Et déjà le plan Biodiversité du 4 juillet 2018 prônait de  Limiter la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers pour atteindre l’objectif de zéro artificialisation nette en annonçant : il sera donné « instruction   aux   préfets   de   vérifier   systématiquement l’application des mesures de lutte contre l’étalement urbain et de rendre régulièrement compte de leurs actions en ce domaine. » Assurément la quantification des objectifs à atteindre en la matière et la définition de ce que l’on doit entendre comme étant constitutif « artificialisation des sols » seront dans les mois à venir un enjeu crucial  pour parvenir à un point d’équilibre entre la liberté d’entreprendre et les « fonctions hydrologiques, biologiques ou agricoles ». On remarquera d’ailleurs que la circulaire commentée opte dans l’immédiat, via le droit mou qu’elle constitue, pour une définition plutôt large de l’artificialisation.

Focus sur l’action en démolition

Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Une récente décision du conseil constitutionnel (Conseil constitutionnel, décision n°2020-853 QPC du 31 juillet 2020) justifie que l’on fasse un point sur l’action en démolition pour non-respect des règles d’urbanisme, dans la lignée d’une excellente synthèse faite sur le site du Conseil à l’occasion de son commentaire. Le respect des règles d’urbanisme est assuré par plusieurs mécanismes pouvant conduire à la démolition des ouvrages construits en méconnaissance de ces règles. Seul  le  juge  judiciaire,  gardien  de  la  propriété  privée,  a  le  pouvoir  d’ordonner  la démolition d’une construction privée. Une telle démolition peut être prononcée tant par le juge répressif que par le juge civil. I/ Le juge répressif peut ordonner la remise en état ou la démolition En application de l’article L. 480-4 du code de l’urbanisme, la méconnaissance des règles d’urbanisme est constitutive d’une infraction pouvant être punie d’une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d’une surface de plancher, une somme égale à 6 000 euros par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable, soit, dans les autres cas, un montant de 300 000 euros. En application de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme, la commune peut exercer les droits reconnus à la partie civile, en ce qui concerne les faits commis sur son territoire. En  cas  de  condamnation, l’article  L.480-5  du même code  permet  au  juge  pénal d’ordonner la mise en conformité des lieux ou celle des ouvrages avec les règlements, l’autorisation ou la déclaration en tenant lieu ou la démolition des ouvrages ou encore la réaffectation du sol en vue du rétablissement des lieux dans leur état antérieur. Le délai de prescription applicable à cette action pénale a été porté à six ans par la loi n°2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale. II/ L’action civile en démolition en cas d’annulation du permis ouverte aux tiers intéressés Une action civile en démolition est ouverte, en application du 1°de l’article L. 480-13, contre  le  propriétaire  d’un  ouvrage  édifié  conformément  à  un permis de construire annulé par le juge administratif. Ici un tiers lésé qui devra se prévaloir d’un préjudice personnel en relation directe avec la violation des règles de l’urbanisme (), pourra saisir le juge judiciaire afin qu’il ordonne au propriétaire de démolir sa construction édifiée conformément  à  un  permis  de  construire  annulé définitivement par juge  administratif  il y a  moins de deux années. Mais d’autres conditions sont requises pour que l’action puisse conduire au prononcé de la démolition du juge judiciaire : une règle d’urbanisme ou une servitude d’utilité publique doit avoir motivée l’annulation par le juge administratif et la  construction doit être est  située  dans  l’une  des  catégories  de  zones  énumérées protégées au sens de la Loi Macron, présentant un enjeu particulier de protection de la nature et des paysages, de sites sensibles ou du patrimoine architectural et urbain. Il s’agit plus précisément des zones suivantes énumérées au 1° de l’article L480-13 du code de l’urbanisme : « a) Les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard mentionnés à l’article L. 122-9 et au 2° de l’article L. 122-26, lorsqu’ils ont été identifiés et délimités par des documents réglementaires relatifs à l’occupation et à l’utilisation des sols ; b) Les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques mentionnés à l’article L. 146-6, lorsqu’ils ont été identifiés et délimités par des documents réglementaires relatifs à l’occupation et à l’utilisation des sols, sauf s’il s’agit d’une construction en bois antérieure au 1er janvier 2010, d’une superficie inférieure à mille mètres carrés, destinée à une exploitation d’agriculture biologique satisfaisant aux exigences ou conditions mentionnées à l’article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime et bénéficiant d’une appellation d’origine protégée définie à l’article L. 641-10 du même code ; c) La bande de trois cents mètres des parties naturelles des rives des plans d’eau naturels ou artificiels d’une superficie inférieure à mille hectares mentionnée à l’article L. 122-12 du présent code ; d) La bande littorale de cent mètres mentionnée aux articles L. 121-16, L. 121-17 et L. 121-19 ; e) Les cœurs des parcs nationaux délimités en application de l’article L. 331-2 du code de l’environnement ; f) Les réserves naturelles et les périmètres de protection autour de ces réserves institués en application, respectivement, de l’article L. 332-1 et des articles L. 332-16 à L. 332-18 du même code ; g) Les sites inscrits ou classés en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 dudit code ; h) Les sites désignés Natura 2000 en application de l’article L. 414-1 du même code ; i) Les zones qui figurent dans les plans de prévention des risques technologiques mentionnées au 1° de l’article L. 515-16 dudit code, celles qui figurent dans les plans de prévention des risques naturels prévisibles mentionnés aux 1° et 2° du II de l’article L. 562-1 du même code ainsi que celles qui figurent dans les plans de prévention des risques miniers prévus à l’article L. 174-5 du code minier, lorsque le droit de réaliser des aménagements, des ouvrages ou des constructions nouvelles et d’étendre les constructions existantes y est limité ou supprimé ;  j) Les périmètres des servitudes relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement instituées en application de l’article L. 515-8 du code de l’environnement, lorsque les servitudes instituées dans ces périmètres comportent une limitation ou une suppression du droit d’implanter des constructions ou des ouvrages ; k) Les périmètres des servitudes sur des terrains pollués, sur l’emprise des sites de stockage de déchets, sur l’emprise d’anciennes carrières ou dans le voisinage d’un site de stockage géologique de dioxyde de carbone instituées en application de l’article L. 515-12 du même code, lorsque les servitudes instituées dans ces périmètres comportent une limitation ou une suppression du droit d’implanter des constructions ou des…

Ae et cas par cas : clarifications

Par Maître Lucas DERMENGHEM, Green Law Avocats Nous l’annoncions le décret n° 2020-844 du 3 juillet 2020 relatif à l’autorité environnementale et à l’autorité chargée de l’examen au cas par cas a été publié au Journal Officiel du 4 juillet dernier. Il convient d’en faire une analyse approfondie. I/ Contexte Ce texte était particulièrement attendu depuis qu’un vide juridique avait été crée à la suite de l’annulation partielle, par le Conseil d’Etat, de certaines dispositions du décret n°2016-519 du 28 avril 2016 et du décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 qui avaient pour effet de désigner le préfet de région en tant qu’autorité environnementale chargée d’émettre un avis sur les évaluations environnementales des projets. Faisant application de la célèbre jurisprudence « Seaport » de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) rendue à propos de l’autonomie de l’autorité environnementale, le Conseil d’Etat avait annulé ces dispositions sur la base du raisonnement suivant : « 7. Considérant, que ce même 1° de l’article 1er du décret attaqué a cependant maintenu, au nouveau IV du même article R. 122-6 du code de l’environnement, la désignation du préfet de région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d’ouvrage ou d’aménagement doit être réalisé, en qualité d’autorité compétente de l’Etat en matière d’environnement, pour tous les projets autres que ceux pour lesquels une autre autorité est désignée par les I, II et III du même article ; que pour autant, ni le décret attaqué, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n’a prévu de dispositif propre à garantir que, dans les cas où le préfet de région est compétent pour autoriser le projet, en particulier lorsqu’il agit en sa qualité de préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région en vertu de l’article 7 du décret précité du 29 avril 2004, ou dans les cas où il est en charge de l’élaboration ou de la conduite du projet au niveau local, la compétence consultative en matière environnementale soit exercée par une entité interne disposant d’une autonomie réelle à son égard, conformément aux exigences rappelées au point 5 ; que, ce faisant, les dispositions du 1° de l’article 1er du décret attaqué ont méconnu les exigences découlant du paragraphe 1 de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 ; qu’elles doivent donc être annulées en tant que l’article R. 122-6 du code de l’environnement qu’elles modifient conserve au préfet de région la compétence pour procéder à l’évaluation environnementale de certains projets ; » (CE, 6 décembre 2017, n°400559) « 7. Considérant qu’en maintenant ou en prévoyant la désignation du préfet de région en qualité d’autorité environnementale pour certains projets ou groupes de projets sans qu’aucune disposition du décret attaqué, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne prévoit de dispositif propre à garantir que, dans les cas où le préfet de région est également compétent pour autoriser le projet concerné ou un ou plusieurs des projets faisant l’objet d’une procédure d’autorisation concomitante, en particulier lorsqu’il agit en sa qualité de préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région en vertu de l’article 7 du décret précité du 29 avril 2004, ou dans les cas où il est en charge de l’élaboration ou de la conduite du projet ou d’un ou plusieurs de ces projets au niveau local, la compétence consultative en matière environnementale soit exercée par une entité disposant d’une autonomie réelle à son égard, les dispositions des 11° et 27° de l’article 1er du décret attaqué ont méconnu les exigences découlant du paragraphe 1 de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 rappelées au point 4 ; » (CE, 28 décembre 2017, n°407601). L’article 31 de la loi n°2019-1147 et le décret commenté ont pour objectif de combler le vide juridique crée par ces décisions. La présente note n’a pas vocation à commenter l’ensemble des apports du décret mais tendra uniquement à se focaliser sur les modifications impactant la désignation de l’autorité environnementale et de l’autorité en charge du cas par cas, ainsi que sur le dispositif visant à prévenir les conflits d’intérêts. II/ L’éviction actée du préfet de région en tant qu’autorité environnementale Désormais, avec l’entrée en vigueur de ce nouveau décret, seules trois autorités, et non plus quatre, peuvent être désignées comme « autorité environnementale » ayant pour mission de donner un avis sur les projets soumis à évaluation environnementale. L’article R122-6 du code de l’environnement est ainsi modifié en conséquence et prévoit une désignation de l’autorité environnementale compétente en fonction des autorités chargées d’élaborer et d’autoriser le projet : 1) Le ministre chargé de l’environnement occupera la fonction d’autorité environnementale pour les projets, autres que ceux mentionnés au 2° de l’article R122-6, qui donnent lieu à un décret pris sur le rapport d’un autre ministre, à une décision d’autorisation, d’approbation ou d’exécution d’un autre ministre, ou qui sont élaborés par les services placés sous l’autorité d’un autre ministre. Le ministre de l’environnement peut déléguer la fonction d’autorité environnementale à la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGDD). 2) La formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGDD) sera l’autorité environnementale pour : Les projets qui donnent lieu à une décision d’autorisation, d’approbation ou d’exécution du ministre chargé de l’environnement ou à un décret pris sur son rapport ; les projets qui sont élaborés par les services placés sous l’autorité du ministre chargé de l’environnement ou par des services interministériels agissant dans les domaines relevant des attributions de ce ministre ; les projets qui sont élaborés sous maîtrise d’ouvrage d’établissements publics relevant de la tutelle du ministre chargé de l’environnement, ou agissant pour le compte de celui-ci ; l’ensemble des projets de travaux, d’aménagement ou d’ouvrages de la société SNCF Réseau et de sa filiale mentionnée au 5° de l’article L. 2111-9 du code des transports.  3) La mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) du Conseil général de l’environnement et du développement durable de la région sur le territoire de laquelle le projet doit être réalisé effectuera…

Coup d’arrêt aux travaux d’infrastructure des JO 2024

Par Lucas DERMENGHEM, Avocat Of Counsel, GREEN LAW AVOCATS Par une ordonnance en date du 5 mai 2020, le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Paris a décidé de suspendre l’exécution de l’arrêté du Préfet de Région Ile-de-France en date du 22 novembre 2019 déclarant d’intérêt général les travaux d’aménagement de l’échangeur de Pleyel (A86) et de Porte de Paris (A1) à Saint-Denis. Pour solliciter la suspension de l’arrêté litigieux, le conseil départemental des parents d’élèves de Seine-Saint-Denis et l’association « Vivre à Pleyel » avaient soulevé toute une série de moyens tenant tant à la légalité externe qu’à la légalité interne de l’acte. En premier lieu, l’ordonnance retiendra l’attention s’agissant de la question de la compétence du juge des référés de la Cour administrative d’appel de Paris. Les requérants s’étaient en effet adressés à cette juridiction en vertu des dispositions dérogatoires de droit commun instituées par le décret n°2018-1249 du 26 décembre 2018 (aujourd’hui codifiées au 5°de l’article R311-2 du code de justice administrative), qui confèrent à la Cour compétence pour connaître en premier ressort des litiges afférents aux « aux opérations d’urbanisme et d’aménagement, aux opérations foncières et immobilières, aux infrastructures et équipements ainsi qu’aux voiries dès lors qu’ils sont, même pour partie seulement, nécessaires à la préparation, à l’organisation ou au déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ». Le juge des référés a estimé qu’au regard de sa portée et de ses effets, l’arrêté litigieux devait être regardé comme portant effectivement sur les opérations susmentionnées. Après avoir aisément retenu la condition d’urgence requise par l’article L521-1 du code de justice administrative, le juge des référés s’est penché sur l’existence d’un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté préfectoral du 22 novembre 2019. Par un considérant rédigé en des termes relativement cinglants, le juge des référés énonce que plusieurs des moyens soulevés par les requérants sont de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision. Et de citer d’une part le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure de concertation avec le public dans la mesure où celui-ci n’a pu avoir accès aux informations suffisantes et pertinentes au sens de l’article L122-1 du code de l’environnement et, d’autre part, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation, en ce que le Préfet de région n’a pas suffisamment pris en considération l’impact sanitaire négatif du projet, ni son impact sur la dégradation de la qualité de l’air au niveau des sites à proximité des sites sensibles. C’est ce deuxième point qui retiendra davantage notre attention, dans la mesure où il symbolise l’importance prépondérante des enjeux liés à la qualité de l’air en région parisienne, et plus généralement à l’échelle nationale et européenne. Cette décision s’inscrit ainsi dans le cadre d’une jurisprudence de plus en plus fournie du juge administratif à propos de cette problématique. Rappelons sur ce point que la directive européenne 2008/50/CE du 21 mai 2008 dite « Air pur pour l’Europe » impose aux Etats membres une obligation de résultat tenant à ce que les niveaux de certains polluants dans l’air ambiant ne dépassent pas des valeurs limites. A défaut, les Etats  doivent mettre en place des plans relatifs à la qualité de l’air prévoyant des mesures appropriées pour que cette période de dépassement soit la plus courte possible. A cet égard, en octobre 2019, la Cour de Justice de l’Union européenne a reconnu que la France avait manqué à ses obligations au titre de cette directive (lire notre commentaire de cette décision ici). Et, très récemment, la Commission européenne a mis en demeure la France de transposer correctement en droit national les dispositions issues de la Directive 2016/2284 du 14 décembre 2016 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques. Sur le plan interne, la responsabilité de l’Etat français a été reconnue par certains tribunaux administratifs qui ont caractérisé la carence fautive de l’Etat en raison de l’insuffisance des mesures prises pour réduire la pollution de l’air, notamment en Ile-de-France et dans l’agglomération lilloise (voir par exemple : TA Montreuil, 25 juin 2019, n°1802202  / TA Paris, 4 juillet 2019, n°17093334 / TA Lille, 9 janvier 2020, n°1709919 ; lire nos analyses ici et ici). Egalement, les juges ont pu considérer que les plans régionaux adoptés pour améliorer la qualité de l’air ne sont pas satisfaisants pour remplir l’obligation de résultat imposée par l’UE. Dans son jugement du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Paris a ainsi souligné que la persistance des dépassements observés dans la région traduit l’incapacité du plan de protection régional de l’atmosphère d’Ile-de-France à permettre une réduction rapide des valeurs de dioxyde d’azote et de particules fines dans l’air, en méconnaissance des objectifs européens. Et la problématique de la qualité de l’air est en passage de devenir une préoccupation d’autant plus majeure au regard du contexte épidémique actuel, alors que les liens entre pollution de l’air et mortalité liée au Covid-19 ont été mis en évidence par plusieurs études scientifiques. Parmi les plus récentes nous citerons une étude en date du mois d’avril 2020 publiée par des chercheurs de l’université d’Harvard aux Etats-Unis qui concluent, à partir de l’analyse des données d’environ trois mille comités américains, qu’ « une légère augmentation de l’exposition à long terme [dix ou quinze ans] aux particules fines PM2,5 entraîne une forte augmentation du taux de mortalité par Covid-19 ». Récemment, l’association Respire s’est appuyée sur cette étude pour demander au Conseil d’Etat d’enjoindre au gouvernement de prendre toutes les mesures pour limiter les sources de pollution dans ce contexte sanitaire incertain. Même si le Conseil d’Etat a rejeté la requête de l’association (CE, 20 avril 2020, n°440005) il a toutefois  encouragé l’administration à « faire preuve d’une vigilance particulière dans le contexte actuel d’état d’urgence sanitaire, en veillant à ce que soient prises, au besoin préventivement en cas de menace avérée de franchissement des seuils, des mesures propres à éviter la survenue ou au moins à réduire la durée des épisodes de franchissement des seuils (…) ». Dans ce contexte, la décision du juge des référés de la Cour administrative…