Droits d’antériorité et continuité écologique : le Conseil d’Etat fait passer le poisson

Par Maître Lucas DERMENGHEM (Green Law Avocats) Par un arrêt du 22 octobre 2018, le Conseil d’Etat a apporté des précisions salutaires sur les délais à prendre en compte en matière de respect des obligations au titre de la continuité écologique pour les ouvrages situés sur un cours d’eau, en particulier s’agissant de la réalisation de dispositifs de circulation de poissons migrateurs. Les faits étaient simples : le Préfet du Bas-Rhin a, par arrêté préfectoral du 17 avril 2012, prescrit à l’exploitant d’une centrale hydroélectrique la mise en œuvre de différentes mesures relatives au débit réservé et à la continuité écologique. Parmi ces prescriptions figurait la réalisation d’une passe à poissons, dont un arrêté préfectoral du 26 mars 2013 portant prescriptions complémentaires a fixé le délai de réalisation de cet aménagement au 1er octobre 2013. Ce dernier arrêté a fait l’objet d’un recours de la part de l’exploitant, rejeté par le Tribunal administratif de Strasbourg, dont le jugement fut confirmé par la Cour administrative d’appel de Nancy, conduisant le requérant à former un recours en cassation devant le Conseil d’Etat. Si l’un des moyens soulevés devant le Conseil d’Etat tendait à l’irrégularité de la procédure d’adoption de l’arrêté préfectoral portant prescriptions complémentaires, l’intérêt de l’affaire réside essentiellement dans les modalités de mise en œuvre de la réalisation d’une passe à poissons, en particulier sur les délais dans lesquels cette prescription doit être respectée. En l’espèce, le Conseil d’Etat a apporté des précisions relatives à la question des délais applicables pour la réalisation d’une passe à poissons au regard de deux dispositions. La première est l’ancien article L. 232-6 du code rural (devenu ensuite l’article L. 432-6 du code de l’environnement, dont la rédaction est identique, et aujourd’hui abrogé). Cet article disposait que dans certains cours d’eau dont la liste est fixée par décret, tout ouvrage doit comporter des dispositifs assurant notamment la circulation des poissons migrateurs. Les ouvrages existants devaient être mis en conformité dans un délai de 5 ans à compter de la publication d’une liste d’espèces migratrices par bassin ou sous-bassin pour lesquels un dispositif devait être mis en place afin d’assurer leur circulation. La seconde est l’article L. 214-17 du code de l’environnement dans sa version alors applicable, issu de la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques. Selon cette disposition, les ouvrages situés sur une liste de cours d’eau dans lesquels il est nécessaire d’assurer la circulation des poissons migrateurs doivent être gérés, entretenus et équipés selon des règles définies par l’autorité administrative. L’article précise que le régime précité s’applique, pour les « ouvrages existants régulièrement installés », à l’issue d’un délai de cinq ans après la publication des listes de cours d’eau concernés par arrêté ministériel. Le Conseil d’Etat va apporter les précisions suivantes sur l’articulation entre ces deux articles : « 9. Il résulte de la combinaison de ces dispositions avec celles du III de l’article L. 214-17 du code de l’environnement cité au point 6, telles qu’éclairées par les travaux parlementaires, que si un délai de cinq ans après la publication des listes prévues au 2° du I du même article L. 214-17 est accordé aux exploitants d’  » ouvrages existants régulièrement installés  » pour mettre en œuvre les obligations qu’il instaure, ce délai n’est pas ouvert aux exploitants d’ouvrages antérieurement soumis à une obligation de mise en conformité en application de l’article L. 232-6 du code rural, devenu l’article L. 432-6 du code de l’environnement, qui n’auraient pas respecté le délai de cinq ans octroyé par ces dispositions pour mettre en œuvre cette obligation. Ces ouvrages existants ne peuvent ainsi être regardés comme  » régulièrement installés « , au sens du III de l’article L. 214-17 du code de l’environnement, et sont donc soumis aux obligations résultant du I de cet article dès la publication des listes qu’il prévoit ». Pour le Conseil d’Etat, un ouvrage n’ayant pas respecté le délai de cinq ans pour se mettre en conformité au titre de ses obligations en matière de circulation de poissons migrateurs issues de l’article L. 232-6 du code rural ne peut être considéré comme un « ouvrage existant régulièrement installé » au titre de l’article L. 214-17 du code de l’environnement et ainsi bénéficier du délai de 5 ans pour se mettre en conformité dans le cadre de cette disposition. Cette solution n’est pas sans rappeler celle qui voulait que les droit d’antériorité ne pouvait bénéficier à une installation nouvellement classées que si elle avait été régulièrement sous l’empire de l’ancienne législation qui lui était applicable avant le décret de classement (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 30/01/2013, n° 347177). En l’espèce, l’exploitant de l’ouvrage était soumis aux obligations de l’ancien article L. 232-6 du code rural puisque le cours d’eau sur lequel il était situé figurait sur les listes établies au titre de cette disposition depuis le 24 décembre 1999. En l’occurrence, un dispositif de circulation des poissons migrateurs devait donc avoir été installé sur l’ouvrage par l’exploitant dans un délai de 5 ans, soit depuis le 25 décembre 2004. Or, l’exploitant n’a jamais construit ce dispositif. Ainsi, à la date de publication de l’arrêté ministériel classant le cours d’eau sur lequel est situé l’ouvrage au titre de l’article L. 214-17 du code de l’environnement, l’exploitant ne s’était pas mis en conformité au regard de l’ancien article L. 232-6 du code rural. Il ne pouvait donc être considéré comme un « ouvrage existant régulièrement installé » et bénéficier ainsi du délai de cinq ans pour se mettre en conformité en vertu de l’article L. 214-17. Les obligations issues de cet article lui étaient dès lors applicables à compter de la date de classement du cours d’eau, soit le 1er janvier 2013. A compter du 1er janvier 2013, le préfet pouvait donc prescrire à l’exploitant la mise en œuvre d’une passe à poissons opérationnelle avant le 1er octobre 2013, sans que celui-ci ne puisse bénéficier du délai de 5 ans prévu par l’article L. 214-17 du code de l’environnement.

La commune peut se constituer partie civile pour protéger son environnement

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) Les collectivités locales sont de plus en plus tentées et d’ailleurs incitées par le droit positif à se constituer parties civiles en cas d’atteinte à leur environnement et plus généralement au cadre de vie de leurs résidents. L’affaire de l’Erika a ainsi vu les collectivités obtenir en appel la recevabilité de leur action civile tendant à la réparation du préjudice écologique (CA Paris, 30 mars 2010, 08/02278 Clemente et a. c/ Conseil Général de la Vendée et a.). Et depuis que la loi sur la protection de la biodiversité a inscrit dans le code civil le principe selon lequel « Toute personne responsable d’un préjudice écologique est tenue de le réparer » (art. 1246), il est désormais acquis que « les collectivités territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné » (art. 1248) ont vocation à déclencher les actions judiciaires permettant la réparation de ce nouveau chef de préjudice. Un arrêt récent de la Cour de cassation (Cass. crim., 2 mai 2018, n° 17-82.854.) signalé par Thierry Fossier (Droit de l’environnement, n°271, oct. 2018, p. 329), doit retenir l’attention car il systématise finalement cette solution, aux atteintes à l’environnement constitutives d’une infraction pénale  trouvant leur base légale dans une règle du code de l’environnement et méconnue sur le territoire communal. La Cour d’appel de Chambéry avait déclaré une société et son gérant coupables de construction ou aménagement de terrain sur la commune de Veyrier- du-Lac dans une zone interdite par un plan de prévention des risques naturels (PPRN) et les a respectivement condamnées au paiement d’une amende de 5 000 euros dont 2 000 euros avec sursis, et de 10 000 euros, dont 5 000 euros avec sursis. Ce faisant la Cour avait aggravé les sanctions infligées par les premiers juges. Mais la Cour de cassation relève que cette aggravation de la peine est intervenue sans prendre en compte les ressources et les charges des prévenus, pour considérer que la cour d’appel n’a pas justifié sa décision. En effet « en matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l’infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ». Mais pour l’environnementaliste cette censure doit sans doute moins retenir l’attention que le rejet en ces termes du 3ème moyen du pourvoi : « Attendu que, pour confirmer le jugement ayant condamné les prévenus à verser un euro de dommages-intérêts à la commune de Veyrier- du-Lac, l’arrêt retient que celle-ci justifie d’un préjudice en relation directe et certaine avec les faits objet de leur condamnation ; Attendu qu’en prononçant ainsi, et dès lors que la méconnaissance des règles du code de l’environnement cause nécessairement un préjudice à la commune, la cour d’appel a justifié sa décision ». Si une commune est effectivement recevable à se constituer partie civile contre la personne qui réalise des travaux sur son territoire en méconnaissance d’une règle d’urbanisme (Cass crim 4 avril 2018, n°17-81083), c’est la première fois que la Haute juridiction décline cette solution à propos d’une règle qu’elle qualifie expressément « d’environnementale ». Reste que les dispositions d’un PPRN pour trouver leur cadre juridique dans le code de l’environnement constituent des servitudes à annexer au Plans Locaux d’Urbanisme et se trouvent sanctionner au titre du code de l’urbanisme (cf. L 480-4 CU et L562-5 code de l’environnement). En tout état de cause, cette reconnaissance large de la compétence de la commune pour sanctionner civilement les atteintes à l’environnement sur son territoire lève l’obstacle de la démonstration de l’exercice d’une compétence administrative. Comme l’avait d’ailleurs relevé la Cour d’appel de Paris dans l’affaire de l’Erika lorsqu’elle avait consacré le préjudice écologique :  « Il n’est donc pas nécessaire, comme l’ont énoncé les premiers juges, que les collectivités territoriales disposent d’une compétence spéciale en matière d’environnement leur conférant une responsabilité particulière pour la protection, la gestion et la conservation d’un territoire pour demander réparation des atteintes à l’environnement causées sur ce territoire par l’infraction, condition nécessaire pour leur reconnaître un préjudice direct » (CA Paris, 30 mars 2010, 08/02278 Clemente et a. c/ Conseil Général de la Vendée et a.).  

Architecture et transition écologique : extension du « permis de faire »

Par Maître Lucas DERMENGHEM (Green Law Avocats) Par une ordonnance n°2018-937 du 30 octobre 2018, publiée au Journal officiel du 31 octobre 2018, le Gouvernement entend franchir une seconde étape en matière d’innovation technique et architecturale. Ce texte définit les modalités selon lesquelles les maîtres d’ouvrage des opérations de construction de bâtiments peuvent être autorisés à déroger à certaines règles de construction lorsqu’ils apportent la preuve qu’ils parviennent, par les moyens techniques qu’ils mettent en œuvre, à des résultats équivalents à ceux découlant de l’application des normes de référence. Le caractère innovant des procédés, d’un point de vue technique et architectural, doit également être démontré.   Par cette réforme, le Gouvernement généralise et étend un dispositif déjà prévu par la loi n°2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. Cette loi avait ainsi institué le « permis de faire », qui permettait à certains maîtres d’ouvrage, pour la réalisation d’équipements publics et de logements sociaux, de déroger à titre expérimental aux règles applicables en matière d’incendie, de risques de panique et d’accessibilité, dès lors que leur étaient substitués des résultats à atteindre similaires aux objectifs sous-jacents auxdites règles.   Avec l’ordonnance du 30 octobre 2018, cette possibilité est étendue à toutes les typologies de bâtiments ainsi qu’à tous les maîtres d’ouvrage. Surtout, les règles de construction concernées par le nouveau dispositif sont étendues à d’autres domaines : l’aération, la performance énergétique et environnementale et les caractéristiques énergétiques et environnementales, les caractéristiques acoustiques, la construction à proximité de forêts, la protection contre les insectes xylophages, la prévention du risque sismique ou cyclonique ainsi que les matériaux et leur réemploi.   Le modus operandi de la réforme est le suivant : les maîtres d’ouvrage souhaitant innover dans l’un des domaines précités devront soumettre leur projet à des organismes, désignés par décret, qui attesteront du caractère équivalent des résultats obtenus par les moyens alternatifs proposés, et valideront leur caractère innovant. Si l’attestation est délivrée, elle devra figurer dans le dossier de demande d’autorisation ou de déclaration nécessaire à l’opération projetée (demande de permis de construire, de permis d’aménager, déclaration préalable, etc.).   Une fois autorisées, les opérations font l’objet, jusqu’à leur achèvement, d’une vérification effectuée par un contrôleur technique. Celui-ci fournira à la fin des travaux une attestation de la bonne mise en œuvre des moyens utilisés par le maître d’ouvrage. Précisons que les opérations restent soumises au droit commun relatif aux contrôles applicables à l’ensemble des opérations de construction.   En cas de mauvaise mise en œuvre des moyens précités, l’autorité compétente est alors tenue, selon les cas, soit de s’opposer à la déclaration d’achèvement et de conformité des travaux, soit de refuser de délivrer l’autorisation d’ouverture de l’article L. 111-8-3 du code de la construction et de l’habitation ou l’attestation de conformité des travaux au titre du code du patrimoine.   Notons que l’ordonnance insiste sur la nécessaire impartialité des organismes agrées devant délivrer l’attestation initiale. L’article 5 de l’ordonnance impose ainsi que ces organismes n’aient « aucun lien, pour l’opération en cause, avec le maître d’ouvrage, les constructeurs ou le contrôleur technique […] qui soit de nature à porter atteinte à leur indépendance ». Une exigence similaire s’applique aux contrôleurs techniques vérifiant la bonne mise en œuvre des moyens innovants autorisés.   Un décret en Conseil d’Etat fixera les conditions d’application de cette ordonnance. En particulier, le décret désignera les organismes agrées devant délivrer les attestations, ainsi que les résultats équivalents à atteindre lorsqu’il est dérogé à une règle de construction. Si cette réforme constitue le second acte d’une « libération » de l’innovation technique et architecturale, un nouveau texte devrait être publié prochainement. En effet, l’article 49 de la loi n°2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance (ESSOC) avait autorisé le Gouvernement à prendre deux ordonnances : la première est celle du 30 octobre 2018, la seconde doit être prise dans un délai de 18 mois à compter de la promulgation de la loi.   Cette seconde ordonnance vise à réécrire le livre Ier du code de la construction et de l’habitation afin de pérenniser les dispositions de la première ordonnance notamment en offrant aux maîtres d’ouvrage la possibilité de plein droit de satisfaire à leurs obligations en matière de construction en apportant la preuve qu’ils parviennent, par les moyens alternatifs qu’il entend mettre en œuvre, à des résultats équivalents.

Projet réglementaire à incidence environnementale et consultation du public

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Les juges du Palais Royal ont eu l’occasion de se prononcer sur la légalité du décret n°2017-32 d’application de l’article L.132-15-1 du code minier, au regard du principe de participation du public en matière environnementale (CE 22 octobre 2018, Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction n°408943). La question de la portée du principe n’est pas nouvelle et son invocation a souvent cet effet paradoxal : il sert moins la cause environnementale qu’à fonder un moyen développé contre les dispositions réglementaires participant de l’écologie (punitive selon certains). L’article précité du code en minier prévoit pour sa part l’instauration d’une redevance, pour les gisements en mer situés sur le plateau continental ou dans la Zone Economique Exclusive, imposée aux titulaires de concession d’exploitation de mines non-énergique. Le décret d’application litigieux établit quant à lui les différentes modalités de calcul de cette redevance, en tenant compte notamment de l’impact environnemental de l’exploitation ainsi que le risque de celle-ci sur l’environnement. Et c’est finalement assez classiquement que l’Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction dans cette affaire se fonde sur le non-respect du principe de participation du public en matière environnementale, prévu à l’article L.123-19-1 du code de l’environnement et l’article 7 de la Charte de l’environnement, pour tenter d’obtenir la censure d’un dispositif, qui pour s’inscrire dans le principe pollueur-payeur, n’en semblait pas moins insupportable à ce requérant. Lorsqu’une décision des pouvoirs publics est susceptible d’avoir, au sens de l’article L.123-19-1 I §3 du code de l’environnement une incidence significative et directe sur l’environnement, une participation du public doit être organisée. Deux questions étaient dans ce cadre posées au Conseil d’Etat. D’une part et l’interrogation s’avère somme toute très classique : dans quelle mesure une redevance peut-elle avoir une incidence directe significative sur l’environnement ? (1) D’autre part, la question subséquente et plus intéressante en ce qu’elle montre sans doute que les invocations contre nature du principe de participation ont leur limite : celle de savoir dans quelle mesure les modifications du texte soumis à consultation ont pour effet de dénaturer le projet sur lequel ont été initialement recueillies les observations du public et d’entacher d’illégalité l’adoption du texte ainsi modifié (2). Dans notre affaire, le décret litigieux avait déjà fait l’objet d’une consultation du public entre le 27 octobre et le 17 novembre 2016. En effet, aux termes aux termes de l’alinéa 1er de l’article L123-19-1 « Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l’environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration ». Or l’on sait qu’aux termes de l’alinéa 3 du I du même article dispose : « Ne sont pas regardées comme ayant une incidence sur l’environnement les décisions qui ont sur ce dernier un effet indirect ou non significatif ». Cette disposition est venue tirer les conséquences qu’a fait la jurisprudence du conseil constitutionnel du champ d’application de l’article 7 de la Charte de l’environnement instituant le principe de participation (Cons. Const. 26 avril 2013 Association Ensemble pour la planète, QPC n°2013-308 ; Cons. Const. 24 mai 2013 Syndicat français de l’industrie cimentière et autre, QPC n°2013-317) En l’espèce, selon le Conseil d’Etat « Eu égard à l’intensité de l’incitation ainsi mise en place pour atteindre l’objectif de protection des milieux marins, ces dispositions doivent être regardées comme ayant une incidence directe et significative sur l’environnement ». Sans surprise les deux critères, à savoir l’incidence directe et significative, sont donc réunis dans le cadre d’une redevance participant du principe pollueur payeur (cf. en ce sens : CE, 23 novembre 2015, Société Altus Energy et autres, n°381249) Dans notre cas le Conseil d’Etat relève en particulier : « Le décret attaqué fixe le montant de la redevance, instituée par l’article L. 132-15-1 du code minier, sur l’exploitation de substances non énergétiques sur le plateau continental ou dans la zone économique exclusive en y incorporant les coefficients de modulation prévus par cette disposition législative afin notamment d’inciter les opérateurs à adopter des pratiques limitant l’impact de l’activité extractive sur l’environnement. Il ressort des pièces du dossier que la modulation résultant notamment du coefficient relatif à l’impact environnemental des techniques employées peut aller jusqu’à augmenter la redevance de 50 %, celle-ci étant d’un montant pouvant atteindre une proportion de l’ordre de 3 % de la valeur des substances minérales extraites, s’agissant des granulats marins ». Remarquons que le Conseil a dans un cas au moins considérer que l’incidence d’un projet réglementaire sur l’environnement n’était pas suffisamment directe pour juger que la consultation du public n’était pas requise : à propos de l’arrêté du 25 avril 2014 du ministre de l’écologie, dont le seul objet était de supprimer, pour les producteurs d’électricité photovoltaïque dont l’installation est raccordée au réseau public de transport, l’obligation d’avoir achevé leur installation dans un délai de dix-huit mois lorsque la mise en service de celle-ci est retardée du fait des délais nécessaires à la réalisation des travaux de raccordement et  leur permettant de différer la mise en service de l’installation au plus de deux mois à compter de la fin des travaux de raccordement (CE, 23 novembre 2015, n°381249, précité) Néanmoins, postérieurement à la procédure de consultation du public, le décret a fait l’objet de plusieurs modifications concernant le calcul de la redevance. Le Conseil est donc invité à se pencher sur l’obligation ou non de procéder à une nouvelle participation du public, qui doit être mise en place uniquement lorsque la modification a pour effet de dénaturer le projet de texte. Le Conseil d’Etat avait déjà été confronté à cette problématique à plusieurs reprises. Notamment à l’occasion de son contrôle sur le décret du 30 janvier 2012 relatif à la publicité extérieure, aux enseignes et aux préenseignes (CE, 4 décembre 2013, n° 357839 358128 358234, Cons….

APPLICATION DE LA JURISPRUDENCE « TARN-ET-GARONNE » A UNE CONVENTION DE PROJET URBAIN PARTENARIAL (P.U.P)

Par maître Thomas RICHET (Green Law Avocats) Un arrêt récent de la Cour administrative d’appel de Marseille relatif à un contentieux d’un  Projet Urbain Partenarial (P.U.P.) mérite de retenir l’attention (téléchargeable ici : CAA Nantes, 23 juillet 2018, n° 17NT00930). Instituée par la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 et codifiée aux articles L. 332-11-3 et L. 332-11-4 du code de l’urbanisme, la convention de Projet Urbain Partenarial (P.U.P) est une forme de participation d’urbanisme destinée au financement d’équipements publics autres que les équipements propres. Cette convention est conclue entre, d’une part, le ou les propriétaires, aménageurs et / ou constructeurs et d’autre part, la personne publique compétente en matière d’urbanisme (i.e. commune ou établissement public de coopération intercommunale) ou bien le Préfet, dans le cadre des opérations d’intérêt national. Sa conclusion n’est autorisée que dans les communes dotées d’un plan local d’urbanisme ou d’un document en tenant lieu et plus précisément, dans les zones urbaines (U) et les zones à urbaniser (AU). Par ailleurs, il convient de rappeler que la conclusion d’une convention de P.U.P a pour effet de faire échapper les constructions réalisées dans le périmètre qu’elle délimite du champ d’application de la taxe d’aménagement pendant un délai fixé par la convention, qui ne peut excéder dix ans (cf. C. urbanisme, L. 332-11-4). Pour les opérateurs privés, l’intérêt de signer une convention de P.U.P réside dans la possibilité d’obtenir plus rapidement la réalisation d’équipements publics difficiles à financer a posteriori par la seule taxe d’aménagement (TA) et si cette convention peut faire avancer plus rapidement son projet (cf. circulaire du 18 juin 2013 relative à la réforme de la fiscalité de l’aménagement, annexe 2). Il a été jugé par la Cour administrative d’appel de Marseille que si une convention de P.U.P peut être conclue en vue du financement de tout ou partie des équipements publics nécessaires à la réalisation d’un projet de construction, sa conclusion ne peut légalement intervenir postérieurement à la délivrance de la ou des autorisations d’urbanisme autorisant la réalisation de ce projet. A défaut, la convention est entachée d’un vice d’une particulière gravité (cf. CAA Marseille 27 mai 2016, Mme C. A, req. n° 15MA01414, considérant n° 14). Par ailleurs, cette même Cour a jugé que la convention de P.U.P, qui peut être passée avec le bénéficiaire d’un permis, n’est pas, par sa nature même, soumises aux règles de mise en concurrence et de publicité (cf. CAA Marseille, 17 octobre 2013, n° 12MA02696). Il convient néanmoins de rappeler que le juge n’est pas lié par la qualification du contrat donnée par les parties, de sorte qu’une convention faussement intitulée de P.U.P encourt un risque de requalification en marché public si elle remplit les critères de cette qualification (cf. par exemple CE, 5 juin 2009, Société Avenance-enseignement et santé, n° 298641). Dans notre affaire, le conseil de la communauté urbaine Le Mans Métropole avait, par une délibération à objet composite, d’une part, approuvé le projet de convention P.U.P conclu avec la société Benermans pour l’aménagement d’un parc d’activités commerciales situé sur son territoire et autorisé son président à signer la convention et d’autre part, approuvé le programme des équipements publics. La convention de P.U.P a été signée le 27 novembre 2014. La SCI Val de Sarthe, tiers à l’opération, a sollicité de la part du Tribunal administratif l’annulation de la délibération du 20 novembre 2014 et de la convention de P.U.P conclue entre l’EPCI et la société Benermans le 27 novembre 2014. Elle a saisi la Cour d’une requête d’appel à l’encontre du jugement ayant rejeté sa demande Concernant la légalité de la délibération du 20 novembre 2014, la Cour a estimé  que les parties s’étaient engagées, pour la commune, à réaliser d’importants travaux de voirie d’un montant de 1 554 724 euros dans un délai de 18 mois à compter de la prise d’effet des obligations des parties, et pour la société Benermans, à participer à l’opération via un apport de terrains non-bâtis et au versement d’une contribution financière de 1 436 668 euros. Le juge a constaté que  cette même société avait été exonérée du paiement de la taxe d’aménagement dans le périmètre de la convention pour une durée de 10 ans. Or selon la Cour « eu égard à son objet et au caractère exorbitant de l’exonération de taxe d’aménagement figurant à son article 6, cette convention doit être regardée comme revêtant le caractère d’un contrat administratif » (cf. considérant 7 de l’arrêt). Le juge d’appel a donc considéré que la convention de P.U.P, qui n’est pas un contrat administratif par détermination de la loi, était  un contrat administratif au regard des critères dégagés par la jurisprudence, et plus précisément, au regard du critère de la clause exorbitante du droit commun (cf. Conseil d’Etat, 31 juillet 1912, Société des granits porphyroïdes des Vosges, rec. Lebon, n° 30701). Dès lors, et par application de la désormais célèbre jurisprudence « Département de Tarn-et-Garonne » (cf. Conseil d’Etat, 4 avril 2014, n° 358994, Publié au recueil Lebon), la SCI Val de Sarthe était seulement recevable à contester, dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir, la délibération litigieuse en tant qu’elle approuvait le programme des équipements publics. En effet, dans l’arrêt précité, le Conseil d’Etat a fixé le principe selon lequel : « indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles (…); que les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d’une demande tendant, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l’exécution du contrat ; que ce…