1er tour des élections municipales faussé : peut-on le contester ?

Par Maître Lucas DERMENGHEM (Green Law Avocats) A l’heure où l’hypothèse d’un report du second tour des élections municipales fait l’objet de l’attention focalisée des médias, les opérations électorales du premier tour ont connu, non sans une grande surprise, d’importants taux d’abstentions. Plus en amont encore, la décision de maintenir ce premier tour exprimée à l’occasion de l’allocution du Président de la République du 12 mars 2020 a suscité de nombreux débats tant ce choix souffre de la comparaison avec les mesures exceptionnelles de confinement aujourd’hui envisagées sur l’ensemble du territoire. A cet égard, le Président de la République a justifié cette décision à la fois sur la base d’expertises scientifiques (au demeurant non publiées), mais en s’appuyant aussi sur la nécessité de préserver le débat démocratique. Pour autant, le maintien du premier tour des élections municipales dans de telles circonstances exceptionnelles ne met-il pas plus à mal la démocratie que son simple report ? Autrement dit, pourrait-il être considéré que le premier tour des élections municipales est d’une certaine manière faussé, et dès lors susceptible d’être contesté ? La réponse à cette interrogation suppose tout d’abord d’opérer un bref rappel opérationnel du cadre juridique relatif au contentieux des élections municipales, avant d’examiner son application à la situation très particulière du scrutin du 15 mars dernier. I – Cadre juridique du contentieux des élections municipales 1° – En ce qui concerne les délais de contestation S’agissant de la compétence juridictionnelle, l’article L248 du code électoral prévoit que « Tout électeur et tout éligible a le droit d’arguer de nullité les opérations électorales de la commune devant le tribunal administratif. », ces mêmes dispositions réservant également la possibilité d’un déféré préfectoral. Tout en réservant une grande majorité de ce contentieux au juge administratif, précisons que les juridictions judiciaires conservent une compétence, logiquement en matière pénale, ainsi qu’en matière d’inscription sur les listes électorales (voir, pour un exemple, la procédure de contestation d’une radiation des listes électorales prévue par l’article L20 du code électoral). Tout électeur et tout éligible peut donc contester les opérations électorales menées au sein de sa commune. Prenant l’appellation de « protestation électorale », cette démarche peut être consignée par procès-verbal, ou déposée directement au greffe du Tribunal administratif. En tout état de cause, elle doit être déposée au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l’élection (art. R119 du Code électoral), ce qui nous amène, dans notre cas, au vendredi 20 mars 2020 à 18h00 si les résultats ont été proclamés le dimanche 15 mars avant minuit. Précisons immédiatement qu’en l’état, bon nombre de contestations devront attendre la tenue et la proclamation des résultats du second tour, aujourd’hui largement débattue, puisqu’est sans objet et par suite irrecevable une protestation dirigée contre les opération électorales du premier tour qui n’ont pas conduit à une proclamation d’élus, sauf si le requérant demande au juge de proclamer un candidat ou une liste qui remplirait les conditions pour être élus dès le premier tour (CE, 25 mai 1990, Elect. Mun. Aix-En-Provence : Lebon, p. 137). 2° – L’étendue et les modalités du contrôle du juge Hors cas des actes détachables de l’opération électorale, il s’agit d’un contentieux de pleine juridiction particulier, dit « plein contentieux objectif », présentant des spécificités en termes procéduraux et de recevabilité. Autrement dit, le juge administratif ainsi saisi ne dispose pas seulement d’un pouvoir d’annulation, mais également de pouvoirs plus étendus tels la régularisation, voire la réformation. Selon une formule jurisprudentielle désormais classique, le juge, en matière de contentieux électoral, apprécie si l’irrégularité en cause « a été de nature à affecter la sincérité du scrutin et, par suite, la validité des résultats proclamés » (CE, 24 septembre 2008, n° 317786). Par conséquent, il revient au juge d’apprécier la nature et la gravité de l’irrégularité invoquée. Ainsi, toute irrégularité n’entraîne pas nécessairement annulation de l’élection, notamment si le juge considère que cette irrégularité n’a pas modifié le résultat et conduit à méconnaître la volonté des électeurs. Autrement dit, l’irrégularité doit être suffisamment grave pour avoir, à elle seule, affecté la sincérité du scrutin. 3° Application au déroulement des opérations de vote Eu égard aux circonstances dans lesquelles ont eu lieu ces opérations électorales, nous nous reporterons plus précisément, et surtout, sur les irrégularités susceptibles d’affecter le déroulement des opérations de vote. D’une manière synthétique, rappelons les modalités d’organisation des opérations de vote doivent assurer le respect de deux libertés fondamentales : – L’égalité de suffrage – La liberté de suffrage S’agissant de la liberté de suffrage, il résulte de l’ensemble des dispositions relatives à l’organisation du vote que les électeurs doivent pouvoir se déterminer en tout connaissance de cause, à l’abris d’erreurs ou de confusions. Le respect des valeurs démocratiques implique donc que chaque électeur puisse exprimer son choix librement, sans être sujet à une quelconque influence, pression ou intimidation sur les lieux. A cet égard, le code électoral comporte des dispositions pénales réprimant les atteintes portées à la liberté du vote (art. L94 à L117 du code électoral), par exemple : le fait, à l’aide de fausses nouvelles, bruits calomnieux, ou autres manœuvres frauduleuses, de surprendre ou détourner des suffrages, ou de pousser un ou plusieurs électeurs à s’abstenir de voter (art. L97 du code électoral). la liberté de suffrage implique que l’électeur ne soit soumis à aucune influence quelconque le jour du scrutin (CE, 14 mars 1984, Elec. Mun. Schoelcher) ou ne subisse aucune pression (CE, 14 av. 1984, Elec. Mun. Houilles : Lebon p. 146). La libre expression du suffrage est considérée comme une liberté fondamentale dont l’atteinte grave et manifestement illégale peut justifier l’exercice d’un référé-liberté sur le fondement de l’article L. 521-2 du CJA (voir en ce sens : CE, 11 mars 2020, n° 439434). II – Réflexions relatives au premier tour des élections municipales de 2020 Sur la base des considérations précitées, et au regard de la libre expression du suffrage qui constitue une liberté fondamentale de premier plan en vertu des articles 3 et 4 de la Constitution du 4 octobre 1958, la régularité de ce premier tour interroge. En…

Après Lubrizol : vers une expertise indépendante des risques industriels ?

Par maître Lucas DERMENGHEM (Green law avocats) L’épaisse fumée dans laquelle l’incendie de l’usine Lubrizol a plongé les rouennais le 26 septembre 2019 a fait resurgir dans le débat public la question des risques liés aux activités industrielles et ranimé le débat quant aux solutions permettant de réduire au maximum leur survenance. C’est dans ce contexte que la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’incendie du Lubrizol, présidée par le député Christophe Bouillon (PS), a déposé auprès du bureau de l’Assemblée nationale une proposition de loi n°2527 « relative à la création de l’Autorité de sûreté des sites SEVESO : plus de transparence et de sécurité à l’égard de la population ». Au titre de l’exposé des motifs de cette proposition de loi, la mission d’information a d’abord rappelé que plusieurs évolutions du cadre législatifs sont allées dans le sens d’un renforcement de la sécurité et de la sûreté des sites industriels : loi « Bachelot » n°2003-699 du 30 juillet 2003, décrets et arrêtés ministériels du 26 mai 2014 transposant la directive européenne dite « Seveso 3 ». Toutefois, la mission d’information fait le procès non pas d’une réglementation insuffisante mais de « failles inhérentes à notre système de contrôle des sites industriels pour l’environnement et la sécurité de la population » et pointe notamment le manque de « moyens institutionnels pour assurer la surveillance » des 1312 sites SEVESO référencés sur le territoire national. A l’inverse des sites nucléaires contrôlés par une instance spécifique (l’Autorité de Sûreté Nucléaire), les sites SEVESO sont dépourvus de toute autorité de contrôle indépendante. En effet, leur surveillance est assurée par les Directions Régionales de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (D.R.E.A.L), également chargées de réglementer les 500 000 sites relevant de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement (I.C.P.E) en France. Accomplissant en parallèle une kyrielle de missions étatiques, les D.R.E.A.L font également face à un manque de moyens humains et matériels, entrainant une baisse substantielle du nombre d’inspections des sites I.C.P.E et par là-même une défaillance dans la maîtrise du danger lié aux sites les plus sensibles. Face à cette lacune, la mission d’information propose la création d’une Autorité de sûreté des sites SEVESO, instance « indépendante du gouvernement, avec des inspecteurs dédiés » qui « rendrait public ses rapports et injonctions ». Pour ce faire, elle serait dotée d’un budget propre ainsi que d’un pouvoir de sanction et « ses effectifs ne seraient pas soumis au plafond d’emplois. ». Cette autorité aurait vocation rebâtir le lien de confiance profondément ébranlé entre la population et les industries en tant que « médiateur, un tiers de confiance, qui puisse intervenir et accompagner les décideurs en cas d’accident ». La création d’une telle autorité est notamment soutenue par le Syndicat national des ingénieurs de l’industrie et des mines (Sniim), représentant les inspecteurs des installations. Le gouvernement a quant à lui émis d’autres pistes de réflexion en vue de renforcer la maîtrise du risque lié à ces sites. Ainsi, le 11 février 2020, la ministre de la Transition écologique et solidaire a proposé un « Plan d’action Lubrizol » comprenant notamment : une augmentation des contrôles de 50% d’ici la fin du quinquennat ; La création d’un bureau d’enquête accidents indépendant et dédié aux risques technologiques afin de tirer toutes les conséquences en cas de survenance d’un accident majeur. Si les pistes d’amélioration ne manquent pas, le cabinet Green Law Avocats ne peut que saluer cette proposition de loi qui fait écho à une réflexion engagée peu de temps après l’incendie de Lubrizol et suggérant l’idée de la création d’une « Autorité de sûreté des risques technologiques » (lire en ce sens : David DEHARBE et Lucas DERMENGHEM, « Pour une Autorité de sûreté des risques technologiques ! », Droit de l’Environnement, N°283, nov. 2019, page 409). Les auteurs avaient notamment constaté que si l’étude de dangers du site Lubrizol avait prévu l’hypothèse de l’incendie, elle n’avait pas forcément perçu l’ampleur des conséquences pouvant en découler. Cette étude souffrait également de n’avoir pas fait l’objet de la moindre contre-expertise par les services de contrôle depuis sa réalisation en 2009.

La créance de dépollution : une créance non-privilégiée

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) La créance de dépollution ne bénéficie pas d’un paiement préférentiel au sein d’une procédure de liquidation judiciaire lorsqu’elle n’est pas née pour les besoins de la procédure. C’est ce qu’affirme la Cour de cassation dans un arrêt en date du 5 février 2020. (Com. 5 fév. 2020, n°18-23961) La détermination du caractère préférentiel de la créance est d’une importance primordiale : une créance postérieure née régulièrement pour les besoins de la procédure bénéficie d’un paiement à échéance (C. de com. art. L 641-13). La créance de dépollution et de remise en état se fonde sur le principe du pollueur-payeur au titre des articles L 512-6-1 et L 512-7-6 du code de l’environnement. Ainsi la charge de la dépollution incombe au dernier exploitant du bien pollué, en l’espèce la société locataire. Partant le fait générateur de cette obligation de dépollution est l’arrêt définitif de l’exploitation. Pour justifier sa décision, la Cour de cassation écarte la qualification de créance née pour les besoins de la procédure collective. La créance ne sera donc réglée que si le bailleur en fait la déclaration au liquidateur conformément à l’article L 622-24 du code de commerce. Il faut également en déduire que la créance de dépollution a très peu de chance d’être payée dans des procédures en carence. Par exemple, dans un arrêt de la cour d’appel de Grenoble en date du 23 Octobre 2014, la responsabilité du liquidateur n’avait pas été retenue car ce dernier ne disposait pas des fonds nécessaires au règlement de la dépollution (CA Grenoble, 23 oct. 2014, n° 10/03524). Cependant il convient de nuancer la la position adoptée. La créance n’est pas née pour les besoins de la procédure « dès lors que le bail n’était ni poursuivi ni cédé à un repreneur, la remise en état et dépollution du site sur lequel était exploité l’entreprise débitrice n’était en rien nécessaire aux opérations de liquidation judiciaire ». (Com. 5 fév. 2020, n°18-23961) Nous pouvons alors supposer qu’en cas de cession dans le cadre de la procédure, le liquidateur aurait dû remettre en état et dépolluer l’installation classée. De plus, il faut rappeler que le préfet peut mettre en œuvre, en cas de liquidation judiciaire de l’exploitant,  les garanties financières qui s’imposent pour certaines installations classées (C. envir. art. L 516-1 et R 516-3). D’ailleurs, au sujet d’une procédure sauvegarde, la Cour de cassation a déjà reconnu comme fait générateur d’une créance de dépollution l’arrêté préfectoral ordonnant au débiteur la consignation des sommes correspondant au montant des travaux à réaliser. (Com. 17 sept. 2002, n°99-16.507) Enfin, selon le Conseil d’Etat, les dispositions du droit des entreprises en difficulté « ne font pas obstacle à ce que l’administration fasse usage de ses pouvoirs, notamment de police administrative, qui peuvent la conduire, dans les cas où la loi le prévoit, à mettre à la charge de particuliers ou d’entreprises, par voie de décision unilatérale, des sommes dues aux collectivités publiques ». (CE 28 septembre 2016, 384315, Act. Proc. Coll. 2016, obs. D. Voinot ; AJDA 2016. 1839 ) La place de la créance de dépollution au sein de la procédure collective dépend visiblement de l’action de l’administration. Il faut également compter avec les pouvoir de sanction administrative dont dispose le préfet à l’égard du liquidateur et trop souvent malheureusement avec l’inertie du premier et la mauvaise volonté du second…

5G au CE : rejet du référé pour défaut d’urgence et un arrêt au fond pour l’été 2020

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Par une ordonnance du 5 mars 2020 (CE ord. 5 mars 2020, Associations PRIARTEM et autre, n° 438761), le juge du référé-suspension du Conseil d’Etat a rejeté pour défaut d’urgence la demande de suspension du dispositif de déploiement de la 5G en France. Les associations PRIARTEM et Agir pour l’environnement ont demandé au juge des référés du Conseil d’État de suspendre le décret fixant les prix de réserve et les redevances pour l’utilisation des bandes de fréquences nécessaires au déploiement de la 5G, et l’arrêté organisant la procédure d’appel d’offre, d’enchère puis de déploiement après octroi des fréquences aux opérateurs. Elles critiquent notamment l’absence d’évaluation environnementale préalable au déploiement de la 5G, et ses conséquences environnementales et sanitaires. Après avoir constaté que les premières autorisations d’utilisation de fréquences délivrées aux opérateurs mobiles ne pourraient donner lieu à des communications effectives utilisant le nouveau standard que sur des points limités et seulement à partir de l’été, et prenant en compte l’intervention d’une décision au fond avant l’été 2020, le juge des référés a en conséquence estimé que l’urgence qui justifie son intervention n’était pas constituée. Le passage à la 5G en France suit un processus en plusieurs étapes, lequel a débuté par le lancement d’une « feuille de route » par le Gouvernement et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en juillet 2018. Dans ce contexte, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes a proposé, le 21 novembre 2019, au ministre chargé des communications électroniques, les modalités et conditions d’attribution d’autorisations d’utilisation de fréquences dans la bande 3,4 – 3,8 GHz en France métropolitaine pour établir et exploiter un système mobile terrestre ouvert au public. Les modalités financières de ces attributions ont été fixées, d’une part, par l’arrêté du 30 décembre 2019 s’agissant de la fixation des prix de réserve et, d’autre part, par le décret du 31 décembre 2019 s’agissant de la fixation des redevances éligibles et des modalités de versements. Une consultation publique a été conduite du 28 novembre au 12 décembre 2019 visant à recueillir les contributions des acteurs intéressés par la procédure attribution de fréquences 5G. Aussi pour le juge des référés, « le décret dont la suspension est demandée n’a pour objet que de fixer des montants de redevance et des prix de réserve. La mise en œuvre de ces dispositions, qui ne peut intervenir qu’au terme de la procédure d’octroi des fréquences régies par l’arrêté également contesté, est par elle-même dépourvue de toute conséquence en matière environnementale ou de santé, seules invoquées par les associations requérantes pour établir l’urgence de la suspension demandée ». Le juge de l’urgence relève encore : «  à supposer que l’arrêté critiqué ait pour effet les conséquences alléguées en matière d’environnement, de santé et de consommation énergétique, ces conséquences ne pourront se manifester qu’après que l’attribution des fréquences qu’il régit aura commencé de recevoir exécution, c’est-à-dire, selon les informations recueillies lors de l’audience publique, au cours de l’été 2020, et dans la seule limite du déploiement initial des systèmes de 5ème génération, borné vraisemblablement à une aire urbaine. Cette situation est d’autant moins constitutive d’une urgence que la 2ème chambre de la section du contentieux du Conseil d’Etat est en mesure d’inscrire au rôle d’une formation de jugement les requêtes au fond introduites à l’encontre du décret et de l’arrêté, de manière à ce qu’elles fassent l’objet d’une décision avant l’été 2020 ». On l’aura compris, pour le juge des référés du Conseil d’Etat  la condition d’urgence n’est pas satisfaite. Reste que pour sa part l’Anses (Exposition de la population aux champs électromagnétiques liée au déploiement de la technologie de communication «5G» et effets sanitaires associés – Saisine n°2019-SA-0006) reconnaît que trois questions pour le moins essentielles demeurent en suspens : « Compte tenu du manque de données dans la bande autour de3,5GHz, peut-on extrapoler à cette bande les résultats des expertises précédentes sur les effets sanitaires des radiofréquences (8,3kHz-2,45GHz)? À partir des données de la littérature disponibles dans les fréquences entre 20 et 60GHz, peut-on identifier des effets sanitaires potentiels? Compte tenu des spécificités des signaux de la 5G, peut-on anticiper l’exposition des populations et son impacts sanitaire? »

Élections municipales : le risque juridique de propagande électorale

Par Lucas DERMENGHEM (Green Law Avocat) Les principes d’équité, de sincérité et de dignité du scrutin innervent le droit électoral français et ont vocation à garantir une désignation juste et transparente des représentants politiques. La liberté d’expression des candidats ou des tiers qui les soutiennent ne saurait justifier l’utilisation de procédés déloyaux aux fins de recueillir les suffrages des électeurs. Ainsi, le droit électoral français, issu du code électoral et interprété par le juge, réglemente la propagande électorale. La tenue des prochaines élections municipales les 15 et 22 mars 2020 est l’occasion de revenir sur ces règles. La propagande électorale fait l’objet d’un chapitre dédié au sein du Code électoral (Chapitre V, Titre I, Livre I). Si cette notion ne fait pas l’objet d’une définition légale, la propagande électorale peut être entendue comme désignant l’ensemble des moyens de communication mis en œuvre par les candidats à une élection ou par des tiers qui les soutiennent afin de recueillir les suffrages des électeurs. La propagande électorale participe donc de l’information des citoyens et emporte un impact direct sur les résultats de l’élection.  Afin d’éviter tout risque d’annulation du scrutin, les candidats doivent veiller à ce que les procédés de communication employés lors de la campagne électorale ne soient pas susceptibles de constituer un « abus de propagande ». Les procédés de communication électorale les plus usuels sont : la tenue de réunions électorales (I.), l’apposition d’affiches (II.) et la distribution de documents de campagne (III.). Il convient donc de présenter le régime juridique applicable à chacune de ces actions. Les réunions électorales La tenue de réunions électorales publiques est libre. Ces rencontres peuvent intervenir avant la campagne électorale, pendant son déroulement et jusqu’à la veille du scrutin (Cons. Const. 8 juin 1967, Haute-Savoie, 3e circ., n°67-371 AN). Les réunions ne peuvent avoir lieu sur la voie publique et doivent être encadrées par un bureau d’au minimum trois personnes, lequel est chargé du maintien de l’ordre dans le cadre de la réunion (art. 9 de la loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion). Cependant, il résulte des dispositions du code électoral que les candidats ne peuvent organiser de réunion électorale le jour du scrutin (art. L.48-2, L.49 et R.26 du code électoral). Toutefois, il n’est pas toujours aisé d’opérer une distinction entre une réunion publique organisée par un candidat et une réunion électorale au sens du présent code. Le juge opérera un contrôle sur la qualification du caractère électoral d’une réunion publique au regard des circonstances A titre d’exemple, il a été jugé que le fait pour un candidat d’inviter sympathisants et électeurs dans une salle de réception afin d’attendre les résultats de l’élection, une heure avant la fermeture des bureaux de vote, ne revêt pas le caractère d’une réunion électorale (CE, 10 juin 2015, Elections municipales de Chilly-Mazarin, n°386062). L’apposition d’affiches En période électorale, les communes ont l’obligation de prévoir un nombre minimum d’emplacements d’affichage réservés aux candidats. Chaque liste et chaque candidat se voit attribuer une surface égale, sur laquelle seul le candidat ou la liste attributaire peut apposer une affiche. Tout affichage en dehors des emplacements réservés et panneaux d’affichage d’expression libre est interdit six mois avant la tenue du scrutin (art. L. 51 du code électoral). La conception et la forme des affiches est également réglementée par les articles R.27 et R.29 du code électoral : ainsi, il est interdit d’utiliser une combinaison du bleu, blanc et rouge, d’utiliser le papier blanc, etc. Mais les irrégularités de conception des affiches sont peu sanctionnées dès lors qu’elles n’impactent pas la sincérité du scrutin. En revanche, le caractère irrégulier du contenu des affiches fera l’objet de sanctions plus sévères. Ainsi, il est interdit pour un candidat de procéder à l’affichage d’un « élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n’aient pas la possibilité d’y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale » (art. L. 48-2 du code électoral), au risque de voir cette pratique qualifiée d’abus de propagande si cela est de nature à influencer les résultats du scrutin. La distribution de documents de campagne Des règles sont également prévues en matière de distribution de bulletins, circulaires et tracts. Les bulletins: Le bulletin de vote sert à l’expression du vote mais constitue également un moyen pour le candidat de mener sa communication électorale jusque dans l’isoloir. Ainsi, les articles L.66, L. 52-3, R. 30-1 et R.66-2 du code électoral définissent les conditions de forme applicables aux bulletins de vote : interdiction d’impression des bulletins sur papier couleur, prohibition des mentions manuscrites, etc. Notons cependant que les prescriptions de l’article R.66-2 ne s’appliquent qu’aux scrutins de liste des élections municipales des communes de plus de 1 000 habitants. Les circulaires: Une circulaire est un document imprimé adressé aux électeurs et par lequel le candidat présente son programme. L’article R.29 du code électoral encadre le format des circulaires, tandis que l’article R.27 dudit code interdit l’utilisation de la combinaison du bleu, du blanc et du rouge pour leur conception. Le format des circulaires est contrôlé par les commissions de la propagande, entités créées par arrêté préfectoral pour assurer le contrôle de conformité des circulaires et bulletins de vote dans les communes de 2500 habitants et plus. Cette commission se charge également de l’envoi des circulaires aux électeurs après avoir contrôlé leur conformité aux prescriptions réglementaires. Les tracts: Le principe est celui de la liberté de distribuer des tracts pendant la période électorale, sous réserve du respect des articles L.48-2 et L.49 du code électoral. Ainsi, il est interdit pour les candidats de : Distribuer des tracts la veille du scrutin ; Distribuer des tracts portant à la connaissance du public un nouvel élément de polémique électorale à un moment tel que leurs adversaires n’aient pas la possibilité d’y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale.