Preuve de la consistance légale du droit fondé en titre

Par Maître Théo DELMOTTE (Green Law Avocats) La détermination de la consistance légale des ouvrages fondés en titre fait très souvent l’objet d’intenses débats contentieux, et ce malgré les éclairages de la jurisprudence sur la méthode à employer. Par un arrêt du 16 juin 2020, la cour administrative d’appel de Bordeaux (CAA Bordeaux, 16 juin 2020, n°18BX01403 – jurisprudence cabinet) fait application de l’état du droit sur ce sujet, et procède à une utilisation intéressante des rapports d’expertise, souvent diligentés par les exploitants et l’administration pour déterminer la consistance légale d’un ouvrage fondé en titre. En l’espèce, le propriétaire d’un moulin a sollicité de l’administration la reconnaissance de son droit fondé en titre. Le préfet pour sa part a refusé de reconnaitre la consistance légale sollicitée par le propriétaire, et a proposé une consistance légale moindre. L’exploitant du moulin a alors contesté les décisions du préfet devant le tribunal administratif de Bordeaux. Un expert judiciaire a par la suite été désigné par le tribunal afin de déterminer la consistance légale du moulin. L’expert a fixé celle-ci à 628 kW. De son côté, l’administration a fait appel à un organisme de recherche pour produire un rapport de contre-expertise. Ce rapport concluait à des calculs de débit maximum différents de ceux de l’expert. L’administration s’est appuyée sur ce rapport et ses données pour contester la fixation de la consistance légale du moulin à 628 kW. Le tribunal ayant finalement fait droit à la demande de l’exploitant et ayant fixé la consistance légale du droit fondé en titre moulin à 628 kW, le ministre de la transition écologique et solidaire a relevé appel du jugement. La cour rappelle tout d’abord dans son arrêt du 16 juin 2020 l’état du droit sur le sujet : « Le droit fondé en titre conserve en principe la consistance qui était la sienne à l’origine. A défaut de preuve contraire, cette consistance est présumée conforme à sa consistance actuelle. Celle-ci correspond, non à la force motrice utile que l’exploitant retire de son installation, compte tenu de l’efficacité plus ou moins grande de l’usine hydroélectrique, mais à la puissance maximale dont il peut en théorie disposer. Cette puissance maximale est calculée en faisant le produit de la hauteur de la chute par le débit maximum de la dérivation par l’intensité de la pesanteur. Le débit maximum à prendre en compte correspond à celui du canal d’amenée, apprécié au niveau du vannage d’entrée dans l’usine, en aval de ce canal. La hauteur de chute à retenir est celle de la hauteur constatée de l’ouvrage, y compris les rehausses mobiles, sans tenir compte des variations de débit pouvant affecter le niveau d’eau au point de restitution. » La cour reprend ensuite les conclusions de l’expert judiciaire et du rapport de contre-expertise produit par l’administration, et les confronte. La juridiction relève que le ministre n’est pas en mesure de remettre en question les conclusions de l’expert judiciaire. Elle estime qu’il n’apporte pas en l’espèce d’éléments plus précis que ceux de l’expert sur l’état actuel du moulin, susceptibles de remettre sérieusement en cause la fixation de la consistance légale du droit fondé en titre du moulin à 628 kW. En définitive, la cour valide la méthodologie employée par l’expert judiciaire, consistant en des constatations et visites sur place, confrontées à l’étude de données historiques, et permettant in fine de déterminer les caractéristiques actuelles du moulin et sa consistance légale. Ainsi, en appliquant simplement la jurisprudence, la cour a estimé que la consistance légale du moulin était en l’espèce présumée conforme à sa consistance actuelle, à défaut de preuve contraire rapportée par le ministre.   Cet arrêt confirme également qu’il est primordial en pratique de diligenter une expertise pertinente pour apprécier la consistance légale d’un moulin fondé en titre.

Lutte contre le plastique : consultation publique du 22 Juin au 13 Juillet

Par maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Chaque Français jette en moyenne 20 kg de nourriture par an (statistiques tirées de Planetscope.fr). Face à ce constat, le Gouvernement s’est fixé l’objectif de réduire le gaspillage alimentaire, d’ici 2025, de 50 % par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la restauration collective et de la distribution alimentaire et, d’ici 2030, de 50 % par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la production, de la transformation, de la consommation et de la restauration commerciale (art. L. 541-1 Code de l’environnement). C’est dans ce contexte que le 22 Juin dernier le Ministère de la Transition écologique et solidaire a ouvert une consultation publique portant sur un projet de décret relatif à diverses dispositions de lutte contre le gaspillage. Cette consultation est organisée en application de l’article L. 123-19-1 du Code de l’environnement pour la mise en œuvre du principe de participation du public aux décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement. Ce projet s’inscrit également dans la continuité de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire du 10 février 2020 qui contient différentes mesures pour sortir des produits jetables à usage unique, qu’ils soient ou non en plastique. Plus précisément, ce projet a pour objectif  de proposer des mesures d’application des dispositions visant à interdire la mise à disposition de certains produits en plastique prévues dans cette loi et transpose certaines exigences posées par la directive du 5 juin 2019 relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement (directive SUP, single use plastic). D’abord, il est prévu de modifier les dispositions relatives à la conception et à la fabrication de certains emballages, notamment des bouchons de bouteilles en plastique qui devront être attachés au corps de la bouteille à compter du 3 juillet 2024 (art. 1er). Ensuite, le décret clarifie certaines exigences concernant le secteur de la restauration et des services de livraison de repas à domicile. Certains de ces établissements auront l’obligation de mettre en place une fontaine d’eau potable, d’autres devront servir les repas et boissons avec de la vaisselle réutilisable (art. 5). Des sanctions pénales sont, en outre, prévues. Elles viennent compléter la liste des contraventions de 3ème  classe posée à l’article R.543-73 du Code de l’environnement en sanctionnant, à compter du 1er janvier 2022, le fait d’apposer une étiquette directement sur un fruit ou un légume, à l’exception de celles qui sont compostables en compostage domestique et constituées de tout ou partie de matières biosourcées. Devraient également être ajoutées, des contraventions de 5eme classe, sanctionnant notamment un établissement recevant du public ou un local professionnel qui distribuerait gratuitement des bouteilles en plastique. Ces sanctions pourraient être complétées par une peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision de sanction (art. 2 et 6). Les citoyens ont jusqu’au 13 Juillet pour présenter leurs observations sur le site internet du Ministère. Le Gouvernement précise que la rédaction finale du décret tiendra compte de l’avis du public, étant entendu qu’il ne s’agit pas d’un avis contraignant. Alors qu’outre Atlantique deux militantes écologistes sont poursuivies pour « terrorisme » aux États-Unis car elles renvoyaient des déchets plastiques à des dirigeants de l’industrie chimique, on mesure toute l’importance même des petites mesures préventives à la française …

Contentieux de l’élection du Maire de Saint-Laurent

par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Après la victoire, le temps des contestations n’est jamais bien loin. A la suite des élections municipales quelque peu bousculées par la pandémie, le préfet de la Guyane a décidé de contester la victoire d’un maire d’une de « ses communes ». La raison avancée par le représentant de l’État tenait à une absence de figuration du nom et prénom du maire, ainsi que d’une autre personne dans la liste des conseillers municipaux élus de la feuille de proclamation des résultats. Par un jugement en date du 29 juin 2020 (n° 2000450), le Tribunal administratif de la Guyane a alors été amené à statuer, d’une part, sur une demande d’annulation de l’élection du maire de la commune de Saint-Laurent, et d’autre part, sur une demande de rectification d’erreur matérielle. S’agissant de la demande de rectification d’erreur matérielle, le Tribunal administratif a rejeté d’emblée les conclusions du préfet en mettant en avant la théorie de l’exception de recours parallèle. En vertu de cette dernière, un requérant n’est recevable à emprunter une voie de droit ouverte pour contester un objet particulier seulement si une autre voie de droit particulière ne lui est pas réservée. En l’occurrence, dans notre espèce, la demande tendant à la rectification d’une erreur matérielle a été formulée devant le juge de l’élection saisi d’une réclamation contre la désignation du maire. Or, elle aurait dû être formulée devant le juge de l’élection saisi d’une réclamation contre les opérations électorales de la commune. Une telle réclamation est prévue par le code électoral à l’article L. 248 du code électoral, tandis qu’une réclamation contre la désignation du maire ne repose pas sur le code électoral, mais, au contraire, sur le code général des collectivités territoriales (art. L. 21-22-13 CGCT). Dès lors, le préfet ne pouvait demander de rectifier l’erreur matérielle dans le cadre de ce recours. S’agissant, ensuite, de la demande d’annulation de l’élection du maire, le Tribunal administratif a, au détour d’un raisonnement mathématique et pratique, refusé de faire droit à une telle demande. La juridiction est d’abord partie d’un constat : celui du nombre, prévu par le CGCT, de conseillers municipaux dévolus à la commune. Au regard du nombre d’habitants de la commune, la loi fixe un nombre égal à 43 conseillers municipaux. A la suite de ce constat numéraire, elle développe son argumentaire pour refuser l’annulation de l’élection du maire. : “ compte tenu de la population communale, le nombre de conseillers municipaux de la commune de Saint-Laurent du Maroni est fixé à 43. Or, la feuille de proclamation des résultats de l’élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Saint-Laurent du Maroni, établie le 15 mars 2020, ne désigne que 41 personnes en tant que conseillers municipaux élus. Si les noms de Mme Sophie Charles et M. Lénaïck Adam, respectivement placés en tête des listes « Saint-Laurent pour tous » et « Vivre ensemble – Vivre en grand » qui ont recueilli 52,22% et 28,25% des voix exprimés au premier tour de l’élection municipale de Saint-Laurent du Maroni selon les chiffres du ministère de l’intérieur, figurent sur la feuille de proclamation des résultats comme têtes de liste dans la colonne « Nom des listes des candidats au conseil municipal », ils n’y sont pas désignés en tant que conseillers municipaux élus. Dans ces conditions, l’omission de Mme Sophie Charles et M. Lénaïck Adam dans la colonne « Nom et prénom des conseillers municipaux élus » ne constitue qu’une simple erreur matérielle, et tant Mme Sophie Charles que M. Lénaïck Adam doivent être regardés comme étant des conseillers municipaux élus de la commune de Saint-Laurent du Maroni. Ainsi, le nombre de membres du conseil municipal étant de 43, Mme Sophie Charles, en sa qualité de membre du conseil municipal, pouvait régulièrement être élue maire de la commune. Par suite, le préfet de la Guyane n’est pas fondé à soutenir que les opérations électorales en vue de la désignation de Mme Sophie Charles en tant que maire de la commune de Saint-Laurent du Maroni sont entachées d’irrégularité “ Finalement, un tel évitement a été possible pour deux raisons, certainement cumulatives : La première tient au résultat, égal à deux, de la différence entre le nombre total de conseillers municipaux que la commune doit comporter (43) et le nombre total de conseillers figurant effectivement sur la feuille de proclamation des résultats (41). Or, le résultat de la différence correspond exactement aux deux conseillers municipaux élus, dont le maire, mais ne figurant pas matériellement sur cette feuille. A l’inverse, il aurait été plus compliqué d’admettre un évitement de l’annulation du maire, si le résultat de la différence avait été égal à zéro, c’est-à-dire si le nombre total de conseillers municipaux que la commune doit comporter était égal à celui de conseillers figurant effectivement sur la feuille de proclamation ; La deuxième tient à la figuration de ces deux personnes sur la feuille de proclamation, non pas dans la colonne « Nom et prénom des conseillers municipaux » comme cela aurait dû être le cas ; mais, dans la colonne « Nom des listes des candidats au conseil municipal » en tant que tête de liste. Finalement, une contestation sur déféré peut même consolider une victoire !

Délai pour contester le 2nd tour des municipales : vendredi 3 juillet !

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) L’ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif avait adopté des délais nouveaux en matière électorale. Mais cette ordonnance ne s’applique qu’au premier tour des élections municipales. En effet, l’article 15, II, 3° de l’ordonnance, dans sa version en vigueur au 30 juin 2020, dispose que « les réclamations et les recours mentionnés à l’article R. 119 du code électoral peuvent être formés contre les opérations électorales du premier tour des élections municipales organisé le 15 mars 2020 au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit la date de prise de fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dès ce tour ». Il n’est donc pas ici question du second tour des élections . De même, l’ordonnance n° 2020-390 du 1er avril 2020 relative au report du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires ne fait pas non plus état d’une dérogation au délai de recours applicable aux protestations déposées à l’encontre des résultats du second tour des élections municipales. Au demeurant comme le deuxième tour s’est déroulé après l’expiration de la « période juridiquement protégée » (période courant du 12 mars 2020 au 23 juin inclus en vertu de l’ordonnance 2020-560 du 13 mai 2020), aucune autre disposition des ordonnances qui avaient prolongé de nombreux délais de recours dans diverses matières ne trouve à s’appliquer. Dans ce contexte, le calcul du délai de protestation pour le second tour des élections municipales de 2020 demeure soumis au droit commun électoral. Les protestations doivent être déposées au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l’élection (art. R. 119 du code électoral) sachant que ce délai est un délai franc.  C’est la date de réception du recours qui est prise en compte pour le calcul du délai, et non celle du dépôt à la poste (CE, 26 octobre 2001, n°233290). Par conséquent, la date butoir pour déposer un recours contre le second tour des élections municipales, ayant eu lieu le dimanche 28 Juin 2020, est le vendredi 3 juillet à 18h.

Éolien terrestre : nouvelles prescriptions

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Les exploitants d’installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent relevant du régime de l’autorisation doivent désormais intégrer les nouvelles prescriptions techniques édictées par un arrêté du 22 juin 2020 (portant modification des prescriptions relatives aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement). Publié au JO du 30 juin 2020 (JORF n°0160 du 30 juin 2020texte n° 25), ce texte entre en vigueur au 1er juillet 2020, à l’exception des dispositions de ses articles 17 à 19 qui entrent en vigueur le 1er juillet 2021 (dispositions relatives à la survitesse, à la défense incendie et des moyens de détection et de lutte contre la formation de la glace). Comme la notice de l’arrêté, l’indique ce nouveau texte  : fusionne les arrêtés du 26 août 2011 modifié relatif aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement et du 26 août 2011 modifié relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent ; introduit l’obligation pour les exploitants de déclarer les aérogénérateurs, aux étapes clés du cycle de vie de l’installation ; ajoute des obligations renforçant l’encadrement des opérations de maintenance et de suivi des installations pour l’évaluation des impacts sur la biodiversité. ajoute les conditions spécifiques dans le cas du renouvellement des aérogénérateurs d’un parc éolien en fin de vie ; introduit l’obligation de démanteler la totalité des fondations sauf dans le cas où le bilan environnemental est défavorable sans que l’objectif de démantèlement puisse être inférieur à 1 mètre ; ajoute par ailleurs des objectifs de recyclage ou de réutilisation des aérogénérateurs et des rotors démantelés, progressifs à partir de 2022 ; fixe également des objectifs de recyclabilité ou de réutilisation pour les aérogénérateurs dont le dossier d’autorisation complet est déposé après le 1er janvier 2024 ainsi que pour les aérogénérateurs mis en service après le 1er janvier 2024 dans le cadre d’une modification notable d’une installation existante ; modifie la formule de calcul du montant des garanties financières à constituer initialement et au moment de la réactualisation à la suite d’une modification, en prenant en compte la puissance unitaire des aérogénérateurs. Ainsi ce prescriptions inscrivent l’éolien terrestre dans ce qu’il est convenu d’appeler désormais l’économie circulaire.