Obligation d’achat solaire : un nouvel arrêté tarifaire

Par Maître Sébastien BECUE, avocat of counsel (Green Law Avocats) Le nouvel arrêté ministériel tarifaire solaire du 6 octobre 2021est publié au JO du 8 octobre. Les porteurs de projets vont pouvoir prendre connaissance des nouveaux tarifs et primes. Le présent article a pour objet de présenter les principaux changements procéduraux et terminologiques par rapport au précédent arrêté tarifaire. Le sort réservé à l’arrêté ministériel tarifaire de 2017 L’arrêté précédent est abrogé (sauf pour les contrats en cours). Les installations pour lesquelles une demande complète de raccordement a été déposé avant l’entrée en vigueur de l’arrêté (le 9 octobre 2021) peuvent bénéficier des tarifs précédents si l’achèvement de l’installation (délivrance de l’attestation Consuel) intervient : Dans les 18 mois de la date de demande complète de raccordement ; ou dans un délai de 18 mois à compter de l’entrée en vigueur de l’arrêté (9 octobre + 18 mois) Attention, l’arrêté ministériel tarifaire relatif aux ZNI n’est pas abrogé. Élargissement du champ de l’obligation d’achat On le savait, le guichet est désormais ouvert aux installations jusqu’à 500 kWc (voir le décret qui modifie le code de l’énergie). Il est à noter que l’arrêté est plus exigeant concernant les installations dépassant le seuil de 100 kWc. En premier lieu, ces installations devront, à l’instar de ce que prévoient les cahiers des charges d’appel d’offres, présenter un « bilan carbone inférieur à 550 kg eq CO2/kWc », la méthodologie de calcul de ce bilan étant fixée dans l’arrêté (annexe 6). On note également que, pour ces installations, le dossier devra comporter un engagement du producteur à ne pas être, à la date de la demande : une entreprise en difficulté au sens des Lignes directrices concernant les aides d’Etat au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté autres que les établissements financiers en vigueur au moment de la demande complète de raccordement ; concerné par la «règle de Deggendorf», c’est-à-dire faire l’objet d’une injonction de récupération non exécutée d’une aide d’État émise dans une décision antérieure de la Commission européenne déclarant une aide illégale et incompatible avec le marché commun. Un guide est absolument nécessaire pour permettre aux producteurs de comprendre ces deux règles qui font référence à des notions complexes de droit européen. Typologie des implantations possibles L’arrêté différencie les constructions supports de la centrale : Le hangar : « ouvrage utilisé pour le stockage de véhicules, de denrées et autres équipements agricoles ou piscicoles, de matières premières, de matériaux, de déchets ou de produits finis, ou pour abriter des animaux, et permettant le travail ou les activités sportives dans un lieu couvert. Le Hangar n’a pas de contrainte en matière de clos et de typologie de couvert » ; Le bâtiment : « ouvrage fixe et pérenne comportant ou non des fondations, générant un espace utilisable et remplissant les critères généraux d’implantation définis à l’annexe 2. Un bâtiment est couvert et comprend au minimum trois faces assurant le clos » L’ombrière : « structure recouvrant tout ou partie d’une aire de stationnement, un canal artificialisé, un bassin d’eau artificiel ou toute autre surface destinée à servir d’abri pour le stockage de matériels, de matériaux, de matières premières, de déchets, de produits finis ou de véhicules » Des critères généraux d’implantation alternatifs sont spécifiés. L’une des conditions suivantes doit être remplie : Le système photovoltaïque est installé sur une toiture d’un bâtiment ou d’un hangar ou sur une ombrière et le plan du système photovoltaïque est parallèle au plan des éléments de couverture environnants ; Le système photovoltaïque est installé une toiture plate d’un bâtiment ou d’un hangar ou sur une ombrière plate (pente inférieure à 5 %) Le système photovoltaïque remplit une fonction d’allège, de bardage, de brise-soleil, de garde-corps, d’ombrière, de pergolas ou de mur-rideau Possibilité de participation à une opération d’autoconsommation collective L’arrêté prévoit expressément la possibilité que la centrale s’inscrive également dans une opération d’autoconsommation collective. Pas de modification de la puissance Q et de la notion de « site » On appelle sur ce point qu’il convient de prendre connaissance avant tout projet des notes de la DGEC précisant la notion de site, qui gardent toute leur pertinence, les définitions n’étant pas modifiées. Création de la notion d’intégration paysagère Si les critères de l’intégration paysagère sont respectés, la centrale peut bénéficier d’une prime. Attention l’arrêté précise que cette prime ne sera accessible que si « la demande complète de raccordement est effectuée au plus tard deux ans après l’entrée en vigueur » de l’arrêté et si le plafond prévu en annexe 1 de l’arrêté n’est pas atteint. Cette annexe prévoit deux échéances : Un premier montant de prime qui est valable jusqu’à ce que la puissance crête cumulée des installations n’excède pas « 30 MW » ; Un premier montant de prime (substantiellement réduit) qui est valable jusqu’à ce que la puissance crête cumulée des installations n’excède pas « 115 MW ». Justifié par le budget d’aide d’Etat validé par la Commission européenne, ce mécanisme n’en est pas moins dommageable en ce qu’il crée une incertitude sur l’économie des projets, puisque le montant et le bénéfice même de la prime seront remis en cause du jour au lendemain. Les critères cumulatifs d’intégration paysagère sont les suivants : Le système photovoltaïque est installé sur la toiture d’un bâtiment ou d’un hangar. Les modules photovoltaïques remplacent les éléments de couverture traditionnel et assurent la fonction d’étanchéité du toit ; Le système photovoltaïque est installé sur une toiture inclinée de pente comprise entre 10 et 75% ; Les modules photovoltaïques réalisent l’étanchéité par chevauchement ou par emboîtement ; Le système photovoltaïque fait l’objet d’un avis technique favorable en vigueur à la date de demande complète de raccordement délivré par la commission d’experts dédiée aux procédés photovoltaïques, adossée au Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) ; Le système photovoltaïque recouvre au moins 80 % de la surface de toiture, déduction faite des pénétrations de toiture (cheminées, sorties de toiture, fenêtres de toit, etc.). On regrette sur ce point que les conséquences en termes de sinistre des primes relatives à l’intégration au bâti n’aient pas été prises en compte. Il existe aujourd’hui des dispositifs en surimposition esthétiques…

Energie : Consultation de la Commission de régulation de l’énergie en vue de l’élaboration du TURPE 6

Consultation de la Commission de régulation de l’énergie en vue de l’élaboration du TURPE 6   En vertu de l’article L. 341-3 du Code de l’énergie, la CRE a compétence pour déterminer le TURPE (tarif d’utilisation du réseau public d’électricité). Au travers de cette mission, la CRE doit s’assurer de la transparence des tarifs et doit veiller à ce qu’ils couvrent les coûts d’une gestion efficace, en prenant en compte les mutations du secteur de l’énergie. C’est dans ce cadre que la CRE lance une consultation en vue d’établir la structure des nouveaux tarifs réseaux dits TURPE 6, qui feront l’objet d’une délibération en 2020. Cette consultation est ouverte jusqu’au 12 juillet prochain. Par une note technique jointe à cette consultation, la CRE note que secteur de l’énergie fait face à des évolutions structurantes en matière de production et de consommation. Sur le plan de la production, on assiste à une véritable décentralisation comme en atteste la part croissante des énergies renouvelables dans le mix énergétique. En ce qui concerne, la consommation, l’essor des nouvelles technologies permet une plus grande implication des usagers. De plus, l’émergence des voitures électriques ou le développement de l’autoconsommation marquent un bouleversement des pratiques. A cet égard, les prévisions de 10 GW d’autoconsommation individuelle en 2035 vont dans le sens d’une baisse significative des soutirages.   Au sein de cette note technique, la CRE concentre ainsi son attention sur trois composantes du TURPE : la tarification fixe ; le soutirage ; l’injection.   Tout d’abord, au titre des tarifs fixes, la CRE propose de maintenir la composante gestion en matière de distribution à son niveau actuel. En revanche, elle prévoit une augmentation de 18% de cette composante en ce qui concerne le transport.   Par ailleurs, la composante de comptage ne devrait pas être réévaluée puisque l’écart entre les charges de gestions et les revenus n’est que transitoire. Toutefois, pour la distribution la CRE envisage une diminution de cette composante tarifaire étant donné que le déploiement des compteurs évolués a permis une baisse des coûts significatives. En effet, les coûts en BT ≤ 36 kVA devraient baisser de 10% et ceux en HTA et BT > 36 kVA de 40% entre le TURPE 5 et le TURPE 6.   Enfin, en ce qui concerne le soutirage, la CRE souhaite conserver les tarifs à quatre plages temporelles en basse tension et à cinq plages temporelles en haute tension.   Si dans le TURPE 5 des exceptions sont prévues, la CRE vise à les abolir d’ici le TURPE 7. D’autre part, la CRE prévoit de mettre fin aux options à pointe mobile pour le réseau basse tension afin d’assurer une meilleure lisibilité des tarifs. En ce sens, elle considère également que l’option week-end n’est pas justifiée et pourrait induire des comportements inefficaces dans la mesure où les poches réseaux sont déjà chargées le week-end. Par ailleurs, La CRE considère qu’il pourrait être opportun d’introduire un dénivelé de puissance ce qui inciterait les usagers à consommer en heure creuse. En effet, les consommateurs résidentiels et professionnels pourraient souscrire une puissance différente en heure pleine et en heure creuse. En outre, la CRE envisage un assouplissement des plages temporelles en transport (HTB) en laissant la possibilité à RTE de déplacer les plages d’heures creuses ou de saison haute par zone géographique. Pour mémoire, Enedis a la possibilité de positionner les huit heures creuses en fonctions des réalités du réseau local de distribution. En définitive, le développement des productions décentralisées et la baisse simultanée des prix du stockage modifient les besoins de développement et de renforcement du réseau. Ce faisant, la CRE envisage une tarification de l’injection qui prendrait notamment en compte les coûts d’infrastructure ou encore les pertes techniques du réseau (effet Joule). Une telle évolution permettrait d’envoyer un signal tarifaire aux producteurs qui intégreraient ces éléments dans leur décision d’investissement. Ces derniers pourraient ainsi être amenés à effectuer un arbitrage pour déterminer le nœud du réseau qui présente le raccordement le moins coûteux. Les coûts de réserves pourraient également être pris en considération dans ce tarif d’injection car la production influe sur leur dimensionnement du réseau. Cette composante serait alors calculée en € par MWh.   Les contributions afférentes sur la structure des prochains tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité « TURPE 6 » sont attendues jusqu’au 12 juillet sur le site dédié de la CRE : https://consultations.cre.fr/   Article rédigé par Me Jérémy Taupin avec l’appui de Samuel Vue Artaud (Master Droit de l’énergie)  

Autoconsommation des centrales photovoltaïques : attention aux arnaques

Par Me Ségolène REYNAL – Green Law Avocats L’autoconsommation d’électricité est amenée à jouer un rôle central dans le développement de l’énergie solaire en France. Comme nous avons eu plusieurs fois l’occasion de l’aborder, le régime juridique de l’autoconsommation en construction depuis 2016, et marqué par la loi du 24 février 2017 n°2017-227 permet à des particuliers ou des entreprises de consommer l’électricité qu’ils produisent, plutôt que de l’injecter dans le réseau pour le vendre à l’acheteur légal ou à un acheteur sur le marché. De nombreuses sociétés ont saisi cette nouvelle opportunité, parfois de façon malhonnête. Le phénomène d’éco-délinquance a vu le jour lors de l’accroissement dans les années 2010 du nombre d’installations de centrales incitées par l’obligation d’achat de l’électricité produite par des installations photovoltaïques à des tarifs réglementés. Les éco délinquants sont des entreprises qui démarchent des particuliers en se faisant passer pour des grandes entités, ou qui utilisent des logos ou certifications pour lesquels ils n’ont pas reçu d’autorisation. La plupart du temps l’arnaque commence, pour les installations injectant sur le réseau au tarif de soutien, par un démarchage téléphonique ou une visite à domicile, promettant une production d’électricité telle que le produit de sa vente couvrirait le prêt contracté pour l’installation photovoltaïque. En réalité la production promise n’était jamais atteinte mais les échéances bancaires elles, étaient bien réelles. L’éco délinquance propre à l’autoconsommation prend une nouvelle forme, l’arnaque numérique, les sites internet diffusant des informations trompeuses liées au photovoltaïque en autoconsommation. Ces sites vantent une diminution de la facture d’électricité, or si l’autoconsommation permet effectivement une diminution de la consommation d’électricité de 20% à 60%, l’abonnement et les taxes non indexées sur la consommation resteront inchangées. Ces sites incitent donc à la vente d’équipements photovoltaïques sur la base d’informations trompeuses. Ce sont des sites complètements factices, sur lesquels les liens redirigent vers un formulaire de demande de devis qui ne fournira jamais un vrai devis mais proposera des prestations inadaptées et mensongères. Ces manipulations trompent le consommateur en ce que cela amène à des contre vérités sur la qualité, la nature et l’origine de la marchandise, et sur l’estimation de la production d’électricité. Ces comportements sont passibles de qualifications pénales, telles que l’escroquerie. Des dirigeants d’une entreprise de panneaux solaires ont ainsi été placé en garde à vue pour avoir convaincu des consommateurs de souscrire des emprunts de plusieurs dizaines de milliers d’euros pour l’installation de panneaux photovoltaïques, en leur promettant un rendement électrique reposant sur le niveau d’ensoleillement d’Afrique du Nord. Afin d’éviter toute tromperie, il convient d’être vigilant en se renseignant sur la société qui se trouve derrière le site internet. Il convient également de vérifier que les sociétés sont certifiées QualiPV et s’assurer de leur souscription à une assurance responsabilité civile professionnelle et de la garantie décennale. Un autre conseil pratique tient à ne rien faire installer avant la fin du délai de rétractation (14 jours à compter de l’acceptation de l’offre préalable). Si vous vous considérez victime de ce type de manœuvre, deux types de recours sont notamment possibles : au pénal vous pouvez déposer une plainte. Le ministère public pourra décider en opportunité de poursuivre le prévenu pour escroquerie. La plainte avec constitution de partie civile pourra forcer, à défaut, l’action publique. Plus efficacement : au civil assigner la société pour annulation ou réformation du contrat (notamment pour dol ou pour inexécution du contrat).