Le référé suspension contre les parcs éoliens : une tendance déjà démodée… (TA Lille, 19 sept.2017)

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Certains se sont essayés avec succès à ouvrir la voie à des référés suspension contre les autorisations de parcs éoliens, pour initier une stratégie qui semble devenir tendance. Il est vrai que la juge des référés du tribunal administratif de Rennes a ordonné, le 12 mai 2017, la suspension du permis de construire d’un parc éolien en forêt de Lanouée dans le Morbihan (TA Rennes, ord. 11 mai 2017, n°1701832). Très tôt notre cabinet a, pour sa part, défendu, avec succès (par ex. devant le TA Caen ou celui de Rennes), les opérateurs contre des tentatives de prolonger (contre des autorisations qui n’étaient pas purgées) une guérilla contentieuse ayant trop longtemps paralysé le financement du parc éolien, alors que l’opérateur devait se résoudre à prendre le risque de commencer les travaux. Une nouvelle fois Green Law Avocats a obtenu le rejet d’une demande de référé suspension (TA Lille, ord. 19 septembre 2017, n° 1707514) dont l’accueil aurait été redoutable : des requérants avaient en vain contesté au fond des permis initiaux et contraint l’opérateur, pour préserver la viabilité économique de son opération, à construire sur la base d’un permis modificatif, qui a finalement fait objet d’une requête en référé suspension. Les requérantes faisaient en particulier valoir que le préfet du Pas-de-Calais avait commis une erreur de droit  en délivrant le permis modificatif, « compte tenu de la modification substantielle du projet, qui porte la hauteur totale des éoliennes de 140 mètres à 156 mètres, la conception générale du projet est transformée et le projet devait faire l’objet d’un nouveau permis de construire ». La question se posait de savoir si une telle modification (augmentation de 140 à 156 mètres de la hauteur totale hors sol et déplacement des éoliennes) était substantielle. Après avoir entendu les parties en audience, Madame la juge des référés de Lille par une ordonnance lue le 19 septembre 2017 (et sans doute convaincue par la fiabilité des photomontages qui démontraient le peu de différence perceptible entre le projet initial et celui modifié, comme par la quasi-neutralité  acoustique du changement),  rejette la demande de suspension en ces termes pour défaut de doute sérieux : « Considérant qu’en l’état de l’instruction les moyens ainsi invoqués ne sont pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée compte tenu des caractéristiques des modifications envisagées ; que par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les fins de non-recevoir opposées en défense et la condition d’urgence, les conclusions aux fins de suspension de l’exécution de la décision attaquée doivent être rejetées ». Gageons que le référé suspension contre les parcs éoliens pour avoir été un temps à la mode n’est plus dans le vent …

Eoliennes: le permis de construire n’a pas à être précédé d’une autorisation d’occupation du domaine public pour le passage des câbles (CE, 4 juin 2014)

Le Conseil d’Etat vient de trancher récemment (Conseil d’Etat, 4 juin 2014, n°357176) la question de savoir si la délivrance du permis de construire pour un parc éolien est subordonnée à l’obtention préalable d’une autorisation d’occupation du domaine public pour le passage des câbles électriques nécessaires au raccordement au réseau des éoliennes. Cette question était d’importance car les règles auparavant applicables prévoyaient que le demandeur au permis devait disposer d’un “titre l’habilitant à construire”, ce qui pouvait être de nature à rendre nécessaire une AOT ou une COT lorsque le domaine public était concerné par la construction. Toute la question demeurait de savoir si le réseau de câbles était inclus dans la construction, ce d’autant qu’en l’espèce, ce n’était même pas le réseau privé (éoliennes-poste de livraison) mais le réseau géré par le gestionnaire (poste de livraison/poste source) qui était en cause. La réponse pourrait apparaître comme frappée du bon sens (la construction ne porte que sur le parc éolien) mais pourtant, cette question restait en suspend, tant que deux jurisprudences s’opposaient: l’arrêt rendu en appel dans l’affaire finalement tranchée par le Conseil d’Etat (CAA Douai, 23 déc. 2011, n°10DA00973) et un jugement du Tribunal administratif de Lille (TA Lille, 4 oct. 2012, n° 0907032). En l’espèce, une association cherchait à obtenir l’annulation d’un permis de construire accordé à un opérateur pour la construction d’un parc éolien. Au soutien de sa demande, l’association soutenait que l’enfouissement des câbles électriques reliant le poste de livraison du parc éolien au poste source du réseau de distribution d’électricité nécessitait une occupation des ouvrages du réseau public de distribution implantés sur le domaine public. Elle estimait que le pétitionnaire devait joindre à sa demande de permis de construire la preuve de la délivrance d’une autorisation d’occupation du domaine public. Lors de l’audience, les conclusions du Rapporteur public avaient été accueillies avec une grande surprise et la formation de jugement de la Cour administrative d’appel de Douai avait estimé que le parc éolien et les câbles formaient un tout : « L’enfouissement des câbles électriques reliant le poste de livraison aux postes sources nécessite une occupation des ouvrages du réseau public de distribution d’électricité implantés sur le domaine public ; que le pétitionnaire du permis litigieux ne justifie pas de la délivrance, par la commune ou par le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, d’une autorisation d’occupation du domaine public à cette fin ; que dans ces conditions [le pétitionnaire] ne peut être regardée comme disposant d’un titre l’habilitant à construire ». L’année suivante, le Tribunal administratif de Lille (TA Lille, 4 oct. 2012, n° 0907032) avait rendu un jugement contradictoire. Le Conseil d’Etat clarifie donc cette question en considérant : « qu’il résulte toutefois des articles 14 et 18, alors applicables, de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité que le raccordement des ouvrages de production d’électricité au réseau public de transport d’électricité ainsi qu’aux réseaux publics de distribution d’électricité incombe aux gestionnaires de ces réseaux ; qu’ainsi, le raccordement, à partir de son poste de livraison, d’une installation de production d’électricité au réseau électrique se rattache à une opération distincte de la construction de cette installation et est sans rapport avec la procédure de délivrance du permis de construire l’autorisant ; que la délivrance de ce permis n’est donc pas subordonnée, hors l’hypothèse où l’installation serait elle-même implantée, en tout ou en partie, sur le domaine public, à l’obtention préalable d’une autorisation d’occupation du domaine public ». La construction de l’installation éolienne et son raccordement au réseau électrique sont deux opérations distinctes. La délivrance du permis de construire n’est donc pas subordonnée à l’obtention préalable d’une autorisation du domaine public. Rappelons que cet arrêt est rendu sous le régime antérieur relatif au titre habilitant à construire. Aujourd’hui, l’article R431-13 du code de l’urbanisme règle cette question, puisqu’il prévoit « Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l’accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public ». Il ne sera donc désormais nécessaire de joindre au dossier de permis de construire éolien une pièce attestant de l’accord du gestionnaire du domaine public pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public que pour autant que le parc lui même est lui même implanté sur une telle parcelle (dans cette hypothèse, ce n’est pas l’autorisation d’occupation du domaine public qui est requise, mais uniquement l’accord du gestionnaire pour engager la procédure d’autorisation). Si le parc n’est pas implanté sur du domaine public, la construction ne sera pas assujettie à la production de l’accord du gestionnaire, même si le parc nécessite bien évidemment un raccordement au RPD. Camille Colas Green Law Avocat