Modules photovoltaïques défectueux: quels recours au stade du référé ? (CA Nimes, 5 juin 2014)

Dans un arrêt du 5 juin 2014 (C. d’appel de Nîmes, 5 juin 2014, n°13/05737), la Cour d’appel de Nîmes infirme en grande partie l’ordonnance rendue par le Tribunal de commerce d’Avignon du 5 novembre 2013 en ce qu’elle déclare recevable la demande d’expertise mais refuse de condamner l’installateur photovoltaïque à verser au demandeur une provision de 30 000 euros. En l’espèce, une société avait contracté auprès d’une autre société la fourniture et la pose d’un système solaire photovoltaïque pour un montant de 255 000 euros. Il est utile de relever que les panneaux installés étaient de marque SCHEUTEN SOLAR. Il ressort de l’arrêt que très rapidement l’installation a été arrêtée au regard des risques incendie que présentaient les panneaux SCHEUTEN. La particularité du litige soumis à la juridiction tenait au fait que la société SCHEUTEN SOLAR, fabricante des panneaux solaires, était en cessation d’activité. Afin d’obtenir une indemnisation pour le préjudice subi, la société victime de l’installation défectueuse a saisi le tribunal de commerce d’AVIGNON d’une demande d’expertise au titre de l’article 145 du code de procédure civile et de provision au titre de l’article 873 du même code. Rappelons en effet que l’article 145 du Code de procédure civile prévoit que « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ». Dans le cadre d’une action en référé et dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut en outre accorder une provision au créancier au titre de l’article 873, alinéa 2 du Code de procédure civile. Cette procédure est applicable quelle que soit la nature de la créance, délictuelle, contractuelle ou quasi-contractuelle. Avant d’accorder une provision, le juge doit seulement s’assurer que l’obligation n’est pas sérieusement contestable, à l’exclusion de toute autre condition. Il est désormais constant que l’urgence n’est pas requise (Cass. 1re civ., 4 nov. 1976 : Bull. civ. 1976, I, n° 330 ; RTD civ. 1977, 361, obs. Normand. – Cass. com., 7 mars 1995 : Bull. civ. 1995, IV, n° 67). Il est acquis que la provision, qui n’est pas une avance, peut donc être accordée pour la totalité de la somme demandée s’il apparaît qu’aucune contestation ne peut être opposée. La pratique parle de « référé 100 % », qui tend alors, malgré son caractère provisoire, à désintéresser le créancier et à devenir définitif. En l’espèce, la Cour d’appel de NIMES confirme l’ordonnance de référé rendu par le tribunal de commerce d’AVIGNON et juge : « Attendu au fond qu’il convient de rappeler que le présent litige intervient en une procédure de référé ; que l’expertise judiciaire ayant été ordonnée en première instance est en cours, que plusieurs parties en parlent mais aucune ne remet à la cour notamment le compte rendu de la première réunion d’expertise ;  Attendu qu’il convient de se reporter aux pièces aux débats pour comprendre que l’installation concerne des panneaux photovoltaïques fait l’objet d’un contrat principal S.A.R.L X / S.A.R.L Y ; que plus précisément et sommairement il faut rappeler et souligner que certains composants sont défectueux et pourraient générer un incendie ;  Attendu qu’aucune partie présente en appel ne conteste le principe même d’une expertise et la mission confiée à l’expert judiciaire ;  Attendu que sur sa demande de provision contre la S.A.R.L X, la S.A.R.L Y doit justifier au sens de l’article 873 du code de procédure civile de ‘l’existence d’une obligation ‘, qui ne serait ‘ pas sérieusement contestable’ ; que s’agissant d’une action ayant pour fondement une responsabilité elle doit préciser la nature contractuelle ou délictuelle de l’obligation, un dommage et un lien de causalité ». Cet arrêt de la Cour d’appel de NIMES est pour le moins intéressant puisqu’il rappelle le pouvoir du juge des référés pour allouer une provision en cas d’existence d’une créance certaine et non sérieusement contestable et les conditions dans lesquelles elle peut être demandée. En l’occurrence, la défectuosité des panneaux photovoltaïques était inconstatable et même relayée par les pouvoirs publics (Sénat question écrite n°7228 du sénateur Jean-Marc-Pastor, JO Sénat, 16 janvier 2014). Cependant, le producteur doit préciser la nature de l’obligation pour pouvoir prétendre à une provision. Au demeurant bon nombres de particuliers ou sociétés sont aujourd’hui confrontées à des problèmes tenant à la mise en liquidation (ou redressement judiciaire) des sociétés qui ont procédé à la pose et la fourniture des installations photovoltaïques.   Ces derniers, et l’arrêt commenté le démontre, ne doivent pas oublier qu’un recours contre les assureurs du fabricant ou de l’installateur des panneaux photovoltaïques demeure un moyen efficace pour obtenir réparation dès le stade de la procédure de référé.   Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

Solaire / liquidation des installateurs photovoltaïques : tout n’est pas perdu en cas de conclusion de contrat de crédit affecté ! (acte II)

Par un jugement en date du 14 février 2014 (Tribunal d’instance QUIMPER, 14 février 2014, RG n°11-13-000438), le Tribunal d’instance de QUIMPER confirme la résolution du contrat de crédit signé par les particuliers pour financer leur installation photovoltaïque dès lors que la résolution du contrat principal est encourue et prononcée judiciairement. Ce jugement confirme donc un courant jurisprudentiel dont nous nous étions fait l’écho dans un précédent article (Article du 14 avril 2014, C. d’appel de LIMOGES, 24 janvier 2014, RG n°12/01358), En l’espèce, des particuliers avaient contracté auprès d’une société spécialisée dans la fourniture et la pose d’un système solaire photovoltaïque. Très rapidement, ils ont reproché à la société de ne pas avoir effectué les travaux dans les règles de l’art et les opérations de branchement alors que cela avait été contractuellement prévu au contrat. Comme souvent, les particuliers avaient contracté un contrat de crédit accessoire auprès d’une banque afin de financer ledit projet. Il est par ailleurs à noter que la société installatrice était entrée, dans l’intervalle, en procédure collective. Sur le plan juridique, les particuliers sollicitaient de la juridiction que les irrégularités du bon de commande soient constatées au visa des dispositions du code de la consommation. C’est exactement ce que la juridiction de QUIMPER constate en jugeant :  « Le contrat dénommé : « demande de candidature au programme Maison Verte » signé le 23 avril 2012, à leur domicile, entre M. et Mme … et le représentant de la SARL …., après un démarchage téléphonique est affecté de nombreuses irrégularités au regard des articles L 121-23 du code de la consommation et suivants du Code civil. Notamment, la nature et les caractéristiques précises des biens et prestations offerts, la mention de la faculté de renonciation et les conditions d’exercice de celle-ci, la mention intégrale des articles L121-23 à L121-26 du code de la consommation ne sont pas indiquées. De plus, le formulaire utilisé est dépourvu de bordereau de rétractation conforme aux dispositions du code de la consommation (…) La nullité du contrat est évidente ». Ce type de contrat est malheureusement monnaie courante et un flux jurisprudentiel en est attendu puisqu’à la nullité du contrat s’ajoute fréquemment des malfaçons on non exécution de contrat, puis la liquidation judiciaire de la société ayant usé de pratiques trompeuses. Le Tribunal d’instance de QUIMPER tire ensuite les conséquences de cette nullité sur le contrat de crédit affecté en jugeant qu’:  « Elle entraîne en application des dispositions de l’article L 311-32 du code de la consommation celle du contrat de crédit ». Ce jugement est intéressant puisqu’il rappelle l’interdépendance du contrat principal et du contrat de crédit affecté et les conséquences découlant de la résolution du contrat principal sur le second. A noter que la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 a réformé plusieurs dispositions du code de la consommation intéressant les opérations de démarchage. On retiendra que le nouvel article L111-1 I du code de la consommation impose des obligations plus étendues à la charge du professionnel puisque ce dernier doit informer le consommateur les informations suivantes : Les caractéristiques essentielles du bien ou du service. Il est précisé que cette information doit être faite en fonction du support de communication utilisé : on ne donne pas autant de détail sur les caractéristiques du bien si celui-ci est exposé en vitrine ou si la commande se fait par téléphone ; Le prix du bien ou du service selon les modalités de l’article L. 113-3 qui n’a pas été modifié ; La date ou le délai dans lequel le professionnel livrera le bien ou exécutera le service ; L’identification du professionnel, un décret en Conseil d’État fixera les éléments de cette identification. Un autre décret, prévu à l’article L. 111-2-1 nouveau, précisera les informations à donner lorsque le contrat porte sur la fourniture de services et ne donne pas lieu à un écrit. Surtout, aux termes de l’article L212-21 du Code de la consommation le consommateur dispose dorénavant d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision. Rappelons que ces nouvelles dispositions ne s’appliquent aux contrats conclus après le 13 juin 2014. Nul doute que les dispositions protectrices, rappelées dans ce jugement par le Tribunal d’instance de QUIMPER, resteront plus que jamais d’actualités malgré la réforme récente du code de la consommation. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat