Mobiliers urbains sur le Domaine Public : quelles conditions pour conclure une Concession de Service sans publicité ni mise en concurrence préalables ? (CE, 5 fév.2018)

Par Me Thomas RICHET- GREEN LAW AVOCATS Par un arrêt n°416581 rendu le 5 février 2018, le Conseil d’Etat rappelle les différentes conditions nécessaires à la conclusion d’une concession de service sans publicité ni mise en concurrence préalables. Ces conditions avaient été fixées récemment par la Haute juridiction (Cf. Conseil d’Etat, 4 avril 2016, Communauté d’agglomération du centre de la Martinique, req. n° 396191 et Conseil d’Etat, 14 février 2017, Société de manutention portuaire d’Aquitaine et Grand Port Maritime de Bordeaux, req. n° 405157, Publié au recueil Lebon). Dans cette affaire, le conseil de Paris avait approuvé par une délibération n° 2017 DFA 86 de novembre 2017 l’attribution, sans publicité ni mise en concurrence préalables, d’un projet de contrat de concession de service provisoire relatif à l’exploitation de mobiliers urbains d’information à caractère général ou local supportant de la publicité avec la société des mobiliers urbains pour la publicité et l’information (ci-après « SOMUPI »). Cette concession de service avait été conclue suite à une première annulation en avril 2017 d’une procédure de passation, cette fois-ci avec publicité et mise en concurrence préalables, d’une concession de service qui portait sur la même prestation (Cf. Tribunal administratif de Paris, 21 avril 2017, n° 1705054 et n° 1704976 ; confirmé par Conseil d’Etat, 18 septembre 2017, n°410336). La concession signée de gré à gré à la suite à la délibération n° 2017 DFA 86 a été rapidement contestée par deux concurrents (les sociétés Exterion Media France et Clear Channel France) et sa procédure de passation annulée par deux ordonnances du juge des référés précontractuels du Tribunal administratif en date du 5 décembre 2017. Un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat a été formé par la ville de Paris et la SOMUPI. Nous reviendrons successivement sur l’appréciation du Conseil d’Etat sur chacune des conditions nécessaires à la conclusion d’une telle concession, puis sur les autres questions tranchées par l’arrêt. Sur les conditions nécessaires au recours à une concession de service sans publicité, ni mise en concurrence préalables Concernant ces conditions, le Conseil d’Etat rappelle : « qu’en cas d’urgence résultant de l’impossibilité dans laquelle se trouve la personne publique, indépendamment de sa volonté, de continuer à faire assurer le service par son cocontractant ou de l’assurer elle-même, elle peut, lorsque l’exige un motif d’intérêt général tenant à la continuité du service public conclure, à titre provisoire, un nouveau contrat de concession de service sans respecter au préalable les règles de publicité prescrites ; que la durée de ce contrat ne saurait excéder celle requise pour mettre en œuvre une procédure de publicité et de mise en concurrence, si la personne publique entend poursuivre l’exécution de la concession de service ou, au cas contraire, lorsqu’elle a la faculté de le faire, pour organiser les conditions de sa reprise en régie ou pour en redéfinir la consistance ».   Trois conditions sont donc examinées par le juge : La présence d’un motif d’intérêt général tenant à la continuité du service public. L’urgence qui résulte de l’impossibilité pour la personne publique d’assurer ou de faire assurer le service. Cette condition doit être appréciée indépendamment de la volonté de la personne publique. Le caractère provisoire de la concession. Concernant le motif d’intérêt général tenant à la continuité du service public, le juge a estimé en l’espèce qu’il n’existait pas de risque de rupture de la continuité du service public d’information municipale en cas d’interruption du service d’exploitation du mobilier urbain d’information. Ce risque doit être écarté du fait des nombreux autres moyens dont dispose la ville de Paris pour assurer la continuité de l’information municipale. A ce titre, le juge cite les « moyens de communication, par voie électronique ou sous la forme d’affichage ou de magazines, dont dispose la ville de Paris ». La ville de Paris avançait également l’argument selon lequel la conclusion d’un tel contrat, à titre provisoire et de gré à gré, permettait de sauvegarder son intérêt financier lié aux redevances qui étaient reversées par les concessionnaires du mobilier urbain. Cependant, le juge administratif rappelle que : « le motif d’intérêt général permettant, à titre dérogatoire, de conclure un contrat provisoire dans les conditions mentionnées au point précédent doit tenir à des impératifs de continuité du service public » (Cf. considérant 5 de l’arrêt commenté). Concernant l’urgence à conclure une concession de service sans publicité, ni mise en concurrence préalables, le Conseil d’Etat a considéré que la situation dans laquelle se trouvait la ville de Paris n’était pas indépendante de sa volonté. Le juge relève à ce titre qu’alors que la procédure de passation initiale avait été annulée en avril 2017, ce n’est qu’en novembre de la même année que la ville de Paris a décidé de recourir à la procédure d’une concession de service sans publicité, ni mise en concurrence préalables.   Concernant le caractère provisoire de la concession de service, on ignore l’analyse de la Haute juridiction sur cette dernière condition. Il n’y était pas tenu puisque les autres conditions n’étaient pas remplies. Cependant, à la lecture des conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public dans cette affaire, on comprend que cette condition faisait également défaut. En effet, la durée qui était fixée à 20 mois paraissait excessive. Sur les autres questions tranchées par l’arrêt Deux autres points abordés par l’arrêt commenté doivent être mentionnés. Tout d’abord, sur la possibilité pour la ville de Paris de recourir au décret du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession qui prévoit la possibilité de recourir à une concession sans publicité ni mise en concurrence préalables. En effet, il convient de relever qu’il existe également au sein des textes instituant le régime juridique des concessions de services une hypothèse permettant aux acheteurs de conclure ce type de concession (Cf. Ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession et Décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession). Ainsi, l’article 11 du décret précité dispose en effet que : « Les contrats de concession peuvent être conclus sans publicité ni mise en concurrence préalables dans les…

MISE EN CONCURRENCE SUR LE DOMAINE PUBLIC ET FETES FORAINES : LA ROUE TOURNE !

Par Maître Thomas RICHET (Green Law Avocats) Les grandes roues sont de sorties pour illuminer notre quotidien mais leur exploitant ne peuvent oublier la contrainte juridique. Dans un contexte de levée de boucliers des forains contre l’ordonnance n°2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques la Circulaire du 19 octobre 2017 NOR CPAE1727822C relative à la délivrance de titres d’occupation de courte durée – les fêtes foraines et les cirques  impose désormais une obligation de publicité et de mise en concurrence concernant les occupations du domaine public en vue d’exercer une activité économique, le Ministre de l’intérieur et le Ministre de l’action et des comptes publics ont précisé, par une circulaire du 19 octobre 2017, l’application de ce texte aux fêtes foraines et aux cirques. L’article 3 de l’ordonnance précitée pose désormais le principe selon lequel : « Sauf dispositions législatives contraires, lorsque le titre mentionné à l’article L. 2122-1-1 [titre d’occupation du domaine public] permet à son titulaire d’occuper ou d’utiliser le domaine public en vue d’une exploitation économique, l’autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester. » Ce texte prévoit également des exceptions au principe de sélection préalable de deux types ; le but étant de soumettre les fêtes foraines et les cirques à conditions d’occupation du domaine plus souples que celles prévues par le principe précité. Première exception au principe de sélection préalable : l’alinéa 2 de l’article L. 2122-1-1 Cet alinéa dispose que : « Lorsque l’occupation ou l’utilisation autorisée est de courte durée ou que le nombre d’autorisations disponibles pour l’exercice de l’activité économique projetée n’est pas limité, l’autorité compétente n’est tenue que de procéder à une publicité préalable à la délivrance du titre, de nature à permettre la manifestation d’un intérêt pertinent et à informer les candidats potentiels sur les conditions générales d’attribution. » La circulaire relève tout d’abord que cette procédure simplifiée pourrait s’appliquer aux fêtes foraines et aux cirques qui s’inscrivent « la plupart du temps dans un contexte d’animation locale festive traditionnelle ». En effet, le rapport au Président de la République relatif à la réforme prévoyait l’application de cette procédure simplifiée pour les « situations n’ayant pas pour effet de restreindre ou limiter la libre concurrence » (manifestations artistiques et culturelles, manifestations d’intérêt local, privations temporaires de locaux, ou dans le cas d’une offre foncière disponible suffisante). La circulaire propose ensuite de déterminer les modalités de publicité applicables à cette procédure. Notons, sur ce point, que la réforme ne donnait que peu d’informations. Concrètement, le Ministre de l’intérieur et le Ministre de l’action et des comptes publics proposent aux collectivités de réaliser « une publication annuelle des conditions générales d’attribution de leur domaine public aux fins de porter à la connaissance de tous les espaces ouverts à l’utilisation privative et ceux qui éventuellement en sont exclus ». Ces conditions devraient prévoir, a minima, les aspects pratiques utiles à la formalisation de la demande d’occupation (identification du service compétent, le montant de la redevance d’occupation du domaine public ou ses modalités de calcul). Concernant le support de publicité, la circulaire propose : l’affichage en mairie, la publication de l’information sur le site internet de la commune ou encore la publication dans un quotidien à fort tirage. Seconde exception au principe de sélection préalable : l’article L. 2122-1-3 du CGPPP Cet article prévoit la possibilité de déroger au principe posé à l’article L. 2122-1-1 lorsque la procédure de sélection préalable s’avère impossible ou non justifiée. Ainsi, l’autorité pourra délivrer le titre à l’amiable, sous réserve, de rendre publiques les considérations de droit et de fait ayant motivé sa décision. Le texte cite cinq exemples d’application de cette exception mais les fêtes foraines et les cirques n’en font pas partie. Cependant, comme le relève à juste titre la circulaire, l’utilisation de l’adverbe « notamment » justifie le fait que cette liste n’est pas exhaustive, et que l’exception pourrait donc également s’appliquer pour ces événements festifs. En effet, le texte commenté indique qu’ « en attendant que la jurisprudence ait précisé cette notion, il paraît possible de considérer que la sélection préalable est « non justifiée » lorsque les enjeux économiques et les enjeux en termes de respect de la concurrence sont très faibles, au point que le recours à la sélection apparaît disproportionnée ». Cette seconde proposition est à manier avec une extrême vigilance. En effet, le juge ne s’est pas encore prononcé sur cette hypothèse. Enfin, la circulaire du 19 octobre 2017 rappelle que les interdictions générales et absolues des cirques et des fêtes foraines sont à proscrire.

Marchés publics: les seuils révisés

  Tous les deux ans, les seuils de passation des marchés publics sont révisés par la Commission Européenne.   Un règlement de la Commission, publié le 2 décembre 2011 au Journal officiel de l’Union européenne (Règlement n° 1251/2011 du 30 novembre 2011), fixe les nouveaux seuils pour la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013.   Ces seuils ont été transposés en droit interne par le Décret n°2011-1853 du 9 décembre 2011, JO du 11 décembre 2011 et le Décret n° 2011-2027 du 29 décembre 2011 modifiant les seuils applicables aux marchés et contrats relevant de la commande publique.     Les nouveaux seuils de passation sont les suivants :    Dispense de procédure de publicité et de mise en concurrence pour les marchés d’un montant inférieur à 15 000 euros HT conclus par les pouvoirs adjudicateurs (antérieurement fixé à 4000 euros HT) ;    Procédure adaptée pour les marchés conclus par les pouvoirs adjudicateurs d’un montant compris entre 15 000 euros HT et jusqu’aux seuils de passation prévus pour les procédures formalisées ;    Procédure formalisée pour les marchés de fournitures et de services de l’Etat et de ses établissements publics d’un montant supérieur à 130 000 euros HT ;  Procédure formalisée pour les marchés de fournitures et de services des collectivités territoriales et des établissements publics de santé d’un montant supérieur à 200 000 euros HT ;  Procédure formalisée pour les marchés de fournitures et de services des entités adjudicatrices et pour les marchés de services passés dans le domaine de la défense ou de la sécurité d’un montant supérieur à 400 000 euros HT ;  Procédure formalisée pour les marchés de travaux d’un montant supérieur à 5 000 000 euros HT.     Ces seuils sont applicables aux :  Marchés soumis au code des marchés publics  Marchés soumis à l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 (relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, aux contrats de partenariat et aux contrats de concessions de travaux publics)  Contrats de partenariat  Concession de travaux publics   Les dispositions relatives au seuil de dispense de publicité et mise en concurrence est applicable uniquement aux contrats pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel public à la concurrence est envoyé à la publication à partir du 12 décembre 2011.   Les nouvelles dispositions relatives aux seuils de passation des procédures formalisées sont applicables aux contrats pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel public à la concurrence est envoyé à la publication à partir du 1er janvier 2012.