Covid-19 : De nouvelles mesures en matière de police, d’économie et de santé

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19, le gouvernement a pris de nouvelles mesures par décrets et arrêtés ministériels, en ce début de mois d’avril. Tout d’abord, le gouvernement a modifié la réglementation concernant la fabrication de solution hydroalcoolique, en permettant aux fabricants de désinfectants de surface à base d’éthanol et d’isopropanol d’obtenir ces mêmes substances auprès de tous fournisseurs et non plus seulement auprès de ceux inscrits à l’Agence européenne des produits chimiques (arrêté, 3 avril 2020, NOR : TREP2009066A). En prenant cette mesure par arrêté ministériel, le Gouvernement souhaite prévenir tout risque de pénurie des substances utilisées dans la préparation des solutions hydroalcooliques. En ce qui concerne les prix maximums de vente des produits hydroalcooliques au sein des pharmacies d’officine et celles à usage d’intérieur, le ministre en charge de l’économie leur a appliqué des coefficients correcteurs (arrêté du 4 avril 2020, NOR : ECOX2008257A). En appliquant ces coefficients correcteurs, le ministre en charge de l’économie a modifié ces prix maximums de vente, pour tenir compte de l’évolution de la situation du marché (Article 11, décret n° 2020-293, 23 mars 2020). Quant aux règles relatives aux prix de vente au détail et en gros des gels hydroalcooliques, un décret du 4 avril 2020 prévoit que les dispositions du livre IV du Code de commerce leur sont toujours applicables (décret, n° 2020-396, 4 avril 2020). Toutefois, ce décret précise que la violation de ces règles ne sera plus sanctionnée conformément aux dispositions de l’article R.410-1 du Code de commerce, mais sur le fondement des dispositions des troisième et quatrièmes alinéas de l’article L.3136-1 du code de la santé publique. Selon le troisième alinéa de cet article, la violation de ces règles sera punie d’une amende relevant soit des contraventions de la quatrième classe, soit des contraventions de cinquième classe si la violation est constatée à nouveau dans un délai de quinze jours (Code de la santé publique, L.3136-1, al. 3). Pour ce qui est du quatrième alinéa, ce dernier dispose que si les violations sont verbalisées à trois reprises dans un délai de trente jours, elles seront punies d’une peine de six mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende, ainsi que de peines complémentaires de travaux d’intérêt général et de suspension du permis de conduire de trois ans et plus, lorsque l’infraction a été commise à l’aide d’un véhicule (Code de la santé publique, L.3136-1, al. 4). En matière de police administrative, le gouvernement habilite le préfet à réquisitionner des laboratoires ainsi que des équipements et personnels nécessaires à leur fonctionnement pour réaliser l’examen de « détection du génome du SARS-CoV-2 par RT PCR », lorsque les laboratoires de biologie médicale ne sont pas en mesure d’effectuer cet examen ou d’en réaliser en nombre suffisant (décret, n° 2020-400, 5 avril 2020). Concrètement, peuvent être réquisitionnés : « – les laboratoires d’analyses départementaux agréés mentionnés au troisième alinéa de l’article 202-1 du code rural et de la pêche maritime, – les laboratoires accrédités suivant la norme ISO/CEI 17025, – ainsi les laboratoires de recherche affiliés à un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, à un établissement public à caractère scientifique et technologique, à un groupement d’intérêt public ou à une fondation de coopération scientifique, dont la liste est mise en ligne sur le site internet du ministère chargé de la santé » (arrêté, 5 avril 2020, NOR : SSAZ2009151A). De plus, ces examens seront assurés sous la responsabilité du laboratoire médical dans le cadre d’une convention, et feront l’objet de comptes-rendus validés par un biologiste médical (arrêté, 5 avril 2020, NOR : SSAZ2009151A). Ensuite par décret, le Premier ministre a adapté le régime d’établissement des actes notariés pendant la période d’urgence sanitaire (décret, n° 2020-395, 3 avril 2020). Conformément à ce décret, le notaire peut établir un acte notarié sur support électronique en l’absence des parties, des personnes concourant à l’acte ou de leur représentant, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Pour échanger des informations aux fins d’établir l’acte et recueillir leur consentement ou leur déclaration, le notaire doit utiliser un système de transmission et de communication agréé par le Conseil supérieur du notariat et garantissant l’identification des parties, l’intégrité et la confidentialité du contenu. Enfin, le gouvernement a étendu aux territoires de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et des îles Wallis et Futuna les règles relatives aux prêts éligibles à la garantie de l’Etat (arrêté, 23 mars 2020, NOR : ECOT2008090A ; arrêté, 3 avril 2020, NOR : ECOT2008645A) Par conséquent en vertu des dispositions de l’arrêté du 3 avril 2020, dans ces collectivités ultra-marines, les prêts doivent respecter un cahier des charges pour être éligibles à la garantie de l’Etat. Pour approfondir les questions juridiques que posent cette nouvelle série de mesures dérogatoires Green Law met à votre disposition une adresse mail dédiée : covid19@green-law-avocat.fr

Le juge administratif des référés et le COVID-19 : maigre bilan pour la suspension !

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) En cette période de crise sanitaire où l’on ne peut constater que le Conseil d’Etat n’est guère enclin à suspendre les mesures d’exceptions prises par le Gouvernement, on se rassure de retrouver le juge administratif dans son rôle de gardien des libertés publiques au moins contre le risque d’arbitraire des édiles locaux ! Certes nos Conseillers d’Etats semblent particulièrement dévoués à la vision que se fait l’exécutif et ses administrations déconcentrées de la bonne façon de gérer la crise sanitaire. D’abord ce sont les demandes d’injonction de mesures incombant à l’Etat pour mieux protéger les libertés publiques de citoyens qui sont finalement rejetées in abstracto par le juge des référés au Conseil d’Etat (CE ord. 4 avril 2020, Mme E. et autres, n° 439816). Certains ont voulu d’emblée durcir le confinement en sollicitant du Conseil d’Etat qu’il enjoigne au premier Ministre de prendre les mesures suivantes : – isolement et mise en quarantaine systématique de tous les nouveaux arrivants sur le territoire ; – mise en place des dépistages au départ dans les aéroports et les ports internationaux, tout en réduisant au minimum les perturbations du trafic international ; – fourniture de masques et de matériels de santé nécessaires pour la lutte contre l’épidémie en quantité et en qualité au personnel de santé dans les plus brefs délais ; – instauration d’un couvre-feu sur l’ensemble du territoire à compter de 22 heures jusqu’à 5 heures du matin, sauf pour des motifs qui devront être précisés, notamment pour la continuité des services publics ; – réquisition de tous locaux nécessaires à la protection et au confinement de l’ensemble des personnes sans domicile fixe sur tout le territoire ; – mise en place de points de contrôle dans les grands axes des villes, au besoin en recourant à l’armée ; – mise en quarantaine systématique des récidivistes contrevenant aux règles de confinement ; – réquisition des hôtels ou de tout bâtiment pouvant offrir des conditions d’hébergement dignes pour les personnels soignants et l’ensemble des agents publics particulièrement exposés aux personnes contaminées à proximité des hôpitaux privés ou publics, ou des cliniques ; – confinement strict des personnels soignants ; – organisation pour le personnel hospitalier des tests généralisés et automatiques en vue de lutter efficacement contre la pandémie à l’hôpital ; – organisation d’un service d’acheminement de la nourriture et des produits de première nécessité dans les hôpitaux afin de permettre aux personnels soignants de ne pas sortir de l’hôpital pour réaliser ces achats ; – prise en charge, aux frais de l’Etat, du coût de l’ensemble de ces mesures ; – mise en place dans chaque hôpital ou clinique d’une télé-cérémonie funéraire pour les proches d’un patient décédé du coronavirus et d’une prise en charge des frais funéraires par l’Etat ; – interdiction des rassemblements de plus de deux personnes ; – mise à disposition de tous les hôpitaux du matériel adéquat pour assurer la possibilité des proches de rester en contact visuellement avec leurs proches ; Mais pour le Conseil d’Etat « les requérants ne peuvent utilement se prévaloir à ce titre de l’atteinte susceptible d’être portée aux libertés fondamentales qu’ils invoquent au motif qu’un confinement insuffisamment rigoureux risquerait de durer plus longtemps ». Plus largement toutes les tentatives en référé pour obtenir une censure des décisions administratives prises par l’Etat au titre de la crise sanitaire ont été vaines ou presque. C’est ainsi sans succès que le Syndicat des avocats de France, d’une part, et l’Union des jeunes avocats de Paris, de l’Association des avocats pénalistes et du Conseil national des barreaux, d’autre part, demandaient de suspendre l’exécution des plusieurs dispositions de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 ainsi que l’exécution de la circulaire du 26 mars 2020 (CE ord. 3 avril 2020, Syndicat des avocats de France, n° 439894 ; CE ord. 3 avril 2020, Union des jeunes avocats de Paris et autre, n° 439877). On demeure néanmoins très dubitatif de voire le Conseil d’Etat juger que les articles 13 et 14 de l’ordonnance qui dérogent à la présence de l’avocat durant une garde à vue ou une rétention douanière ainsi que la prolongation de la durée des gardes à vue, y compris de mineurs « ne portant, eu égard aux circonstances actuelles, pas d’atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale »… D’ailleurs la tentation des tribunaux administratifs d’enjoindre à l’Etat de prendre des mesures auxquelles il se refuse ne passe pas au Conseil d’Etat. Ainsi le syndicat de l’Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG) avait obtenu des juges des référés du tribunal administratif de Guadeloupe qu’il soit enjoint au centre hospitalier universitaire et à l’agence régionale de la santé de la Guadeloupe de passer commande de tests de dépistage du Covid-19 et des doses nécessaires au traitement de l’épidémie de Covid-19 par l’hydroxychloroquine et l’azithromycine, comme défini par l’IHU Méditerranée infection, pour être capable de diagnostiquer et traiter la population guadeloupéenne. Mais par une ordonnance du 4 avril 2020, le juge des référés du Conseil d’Etat (CE ord. 4 avril 2020, Centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe et autre, n° 439904) a affirmé que si l’autorité administrative est en droit, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes, de prendre des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées, en revanche, l’existence de telles incertitudes fait, en principe, obstacle à ce que soit reconnue une atteinte grave et manifestement illégale d’une liberté fondamentale, justifiant que le juge des référés fasse usage de ses pouvoirs. Même si l’ordonnance rendue au Palais royal est particulièrement motivée, le risque que l’on fait prendre à la population locale depuis paris expose sans doute moins celui qui juge … Et d’ailleurs les conseillers d’Etat sont pour ainsi dire obéis. Ainsi le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille juge par une ordonnance du 6 avril 2020, considère qu’il n’y a pas de carence dans la constitution de…