Pollution et réticence dolosive : à la recherche de la garantie de l’acquéreur

Dans le cadre d’un litige entre vendeur et acquéreur relatif à la présence en sous-sol de cuves polluées non dénoncées dans le contrat de vente, la Cour d’appel de Douai a rendu un arrêt, le 14 novembre 2011, qui peut en laisser plus d’un perplexe (CA Douai, 14 nov. 2011, n°06/02651) .  En effet, les juges d’appel ont retenu, aux termes de cette décision, une  appréciation plus qu’extensive de la réticence dolosive du vendeur, et plus précisément de l’intention dolosive. Cette solution semble avoir été gouvernée par la volonté de garantir l’acquéreur en présence d’une pollution d’ampleur et de toxicité certaine, à défaut d’autres fondements juridiques envisageables. De surcroît, et alors qu’ils ont très facilement prononcé la condamnation du vendeur, profane en la matière, les juges du fond ont, par ailleurs, limité la garantie due par le notaire en sa qualité de rédacteur de l’acte. Les faits En l’espèce, le vendeur avait vendu à un acquéreur une propriété à usage industriel aux termes d’un acte reçu par notaire le 28 avril 1997. A l’issue de travaux d’excavation pour la mise en place d’un réseau d’assainissement, l’acquéreur a découvert, sous un bâtiment, des citernes enterrées qui, après analyse, se sont avérées contenir des boues toxiques. A la suite d’une expertise judiciaire, l’acquéreur a alors diligenté une procédure au fond à l’encontre du vendeur et du notaire pour solliciter la condamnation de ceux-ci  à lui verser le montant des frais de dépollution. Il a obtenu gain de cause en première instance et un appel a été interjeté. La Cour d’appel de Douai, aux termes de son arrêt rendu le 14 novembre 2011, a condamné in solidum le vendeur et le notaire et opéré un partage de responsabilité entre ces derniers à hauteur des trois quarts pour le vendeur et d’un quart pour le notaire. Si la solution n’apparait pas en soi surprenante dans son principe, la lecture attentive des faits de l’espèce et la motivation des juges de fond suscitent, quant à elles, quelques interrogations. – Une appréciation particulièrement extensive de la réticence dolosive… L’acquéreur avait intenté, à titre principal, son action sur le fondement des articles 1116 et 1382 du Code civil en invoquant la réticence dolosive du vendeur.  La Cour d’appel de Douai se place donc sur ce terrain pour apprécier la responsabilité du vendeur. De l’oubli d’une mention à l’acte de vente à l’intention dolosive Elle relève que l’acte, par lequel le vendeur avait lui-même acquis l’immeuble litigieux, indiquait qu’une activité de vidange avait été exercée sur le site et que la présence de deux citernes dans le sous-sol était mentionnée. Or, si l’acte de vente du 28 avril 1997 rappelait bien les mentions de l’article 8-1 de la loi n°76-663 du 19 juillet 1976 (actuellement article L. 514-20 du Code de l’environnement), il était cependant précisé : « Le vendeur déclare qu’il n’a jamais exploité d’installations soumises à autorisation au sens de la loi précitée sur le terrain objet de la présente vente, hormis celles nécessaires à l’exercice d’une activité de fabrication d’éléments en béton sans danger ou inconvénient au sens de la loi ci-dessus. Il déclare également qu’il n’a jamais été déposé en fouilles, ni utilisé sur le terrain, directement ou dans les appareils ou installations, des déchets ou substances quelconques pouvant entraîner des dangers ou inconvénients pour la santé de l’environnement (tels que, par exemple, amiante, polychlorobiphényles, polychloroterphényles). De même, à sa connaissance, le vendeur déclare qu’il n’a jamais été exercé sur le terrain et les terrains voisins d’activités entraînant des dangers et inconvénients pour la santé, l’environnement et notamment aucune des activités visées par la loi du 19 juillet 1976 ». Et la Cour d’appel de déduire de l’absence de mention, dans l’acte de vente de 1997, de l’exploitation ancienne d’une activité de vidange et de la présence de cuves enterrées la caractérisation d’une réticence dolosive imputable au vendeur. Un raccourci surprenant… Un tel raccourci a de quoi surprendre. En effet, l’élément dommageable était constitué non par la présence de cuves elle-même mais par la pollution qu’elles contenaient, qui elle n’avait jamais été portée à la connaissance du vendeur. Dès lors, l’intention dolosive apparaît objectivement difficilement caractérisable. Cependant, les juges du fond estiment que le vendeur aurait nécessairement du savoir que les cuves avaient servi à usage de vidange et qu’elles étaient ainsi polluées. Cette appréciation des faits de l’espèce ne répond manifestement pas aux conditions requises et contrôlées par la Cour de Cassation pour retenir la réticence dolosive du vendeur. Il convient de rappeler que l’intention dolosive, tout comme la mauvaise foi, ne se présume pas et qu’elle doit être prouvée.  Or, en l’espèce, les juges du fond se fondent uniquement sur une absence de mention à l’acte, non de l’existence de la pollution elle-même, mais de l’activité relativement ancienne de vidange et de la présence de cuves enterrées pour retenir l’existence d’une intention dolosive. Cette position se révèle particulièrement sévère pour le vendeur et, en l’état, injustifiée.  …et contredit par les faits de l’espèce En effet, le vendeur insistait sur les éléments factuels suivants : – son propre vendeur n’avait pas exercé lui-même d’activité de vidanges, contrairement à une mention erronée dans l’acte d’acquisition du 27 décembre 1962, l’exercice d’une telle activité s’avérant en réalité bien antérieure ; – il avait purement et simplement oublié la présence des cuves enterrées, celles-ci ayant été simplement mentionnées au détour d’une phrase dans son propre acte de vente datant de presque 35 ans, et ces cuves étant de surcroît situées sous un bâtiment existant et donc parfaitement invisibles sans travaux d’excavation tels que ceux les ayant mises à jour ; – il ignorait totalement le fait que les citernes contenaient des boues polluées. En dépit de ces éléments, la Cour d’appel de Douai a estimé que le vendeur avait « volontairement dissimulé [à l’acquéreur] des éléments d’information qui l’aurait dissuadée de contracter si elle les avait connus ; que la réticence dolosive est établie et qu’en conséquence elle ne peut s’abriter derrière la clause de…

Directive Nitrates : des mesures réglementaires contestées !

Face à la pression exercée par la Commission européenne fustigeant l’inefficacité de la réglementation applicable en France pour lutter contre la pollution par nitrates dans les zones vulnérables (cf. récemment l’annonce du 27 octobre 201 sur  l’envoi d’un avis motivé de la commission adressé à la France suivie d’un communiqué de presse en date du 28 octobre 2011 des  ministres de l’Ecologie et de l’Agriculture sur le durcissement de la réglementation française), les pouvoirs publics français  ont engagé, en 2010,  un programme de réforme visant à renforcer et améliorer la mise en oeuvre de la directive 91/676/CEE  dite directive « nitrates ». A la suite de la publication du décret n°2011-1257 du 10 octobre 2011 (cf. sur ce blog, notre brève du 14/10/2011, « Le décret « nitrates » est publié ») dont l’abrogation a été demandée par les associations  France Nature Environnement (FNE) et Eau et Rivières de Bretagne (ERB), deux arrêtés ont été publiés au journal officiel du 21 décembre 2011 : – le premier, en date du 19 décembre 2011, est relatif au programmes d’actions national à mettre en oeuvre dans les zones vulnérables afin de réduire la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole ; – le second, en date du 20 décembre 2011, est relatif à la composition, l’organisation et le fonctionnement du groupe régional d’expertise « nitrates » pour le programme d’actions à mettre en oeuvre dans les zones vulnérables afin de réduire la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole. Notamment, le premier de ces arrêtés décline les mesures du programme d’action national visant à lutter contre la pollution par les nitrates d’origine agricole. Les nouvelles mesures adoptées seront applicables au 1er septembre 2012 (sauf en ce qui concerne les capacités de stockage des effluents  d’élevage pour lesquels le délai d’application butoir est fixé au 1er juillet 2016). Prévoyant une extension des périodes d’interdiction d’épandage des fertilisants, l’arrêté révise également les modalités de dimensionnement et de contrôle des capacités de stockage des effluents d’élevage. Il prévoit encore un relèvement d’environ 20 % des quantités d’azote émises par les vaches laitières, sachant que les normes d’excrétion d’azote par espèce d’animal (herbivores, volailles, lapins, porcins) sont détaillées. En outre, les modalités d’établissement du plan prévisionnel de fumure et du cahier d’enregistrement des pratiques dont l’objet est d’aider l’agriculteur à mieux gérer sa fertilisation azotée sont présentées. Un second arrêté devant intervenir à l’automne 2012 (pour réviser le cadre réglementaire de dimensionnement des ouvrages de stockage des effluents d’élevage, préciser les modalités d’épandage selon les conditions de sols ou encore les règles relatives à la couverture des sols pendant les périodes pluvieuses), l’arrêté du 19 décembre  se présente comme le texte déclinant les principales mesures du programme d’action national qui sera ultérieurement complété. En outre, deux nouveaux textes sont actuellement  soumis à la consultation du public jusqu’au 14 janvier 2012 :  – Un projet de décret relatif aux programmes d’actions régionaux devant succéder aux actuels  programmes départementaux en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole précise le contenu de ces programmes et les mesures que le préfet de région peut être appelé à prendre ; – Un projet d’arrêté, dont l’entrée en vigueur est prévue au 30 juin 2013,  porte sur les actions renforcées à mettre en oeuvre dans certaines zones ou parties de zones vulnérables en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole (la déclaration annuelle des quantités d’azote épandues, les déclarants, l’obligation de traiter ou d’exporter l’azote issu des animaux d’élevage…). Ces différents textes ont été publiés ou soumis à la consultation du public au mois de décembre 2011 alors qu’un vent de fronde souffle sur le contenu des textes « nitrate » pour lesquels les avis des associations et des représentants d’élus n’auraient pas été suffisamment pris en compte. Patricia Demaye-Simoni Maître de conférences en droit public Arrêté_du_20_décembre_2011_version_initiale[1] 111209_Arrete_DirN_ActionsRenforcees_ConsPub111209_ 111209_Decret_DirNit_ActionsRenforcees_Projet_ConsPub Arrêté_du_19_décembre_2011_version_initiale[1]

Elevage/distance d’éloignement: sur l’étendue du pouvoir de dérogation du Préfet

Pour des raisons sanitaires, l’implantation des bâtiments d’élevage est soumise à des distances d’éloignement par rapport aux habitations ; ces prescriptions se retrouvent en matière d’urbanisme et en matière d’installation classée. La décision du Conseil d’Etat du 10 janvier 2011 n°317994 “EARL CHAMPAGNE”, mentionnée aux tables du Recueil Lebon,  donne l’occasion de préciser l’étendue du pouvoir du Préfet pour accorder une dérogation aux distances d’implantation des bâtiments d’élevage de porcs soumis à déclaration ICPE. La règle d’éloignement et le pouvoir de dérogation du Préfet Les règles d’implantation de ces bâtiments d’élevage sont prévues, en matière d’installation classée,  par l’arrêté du 7 février 2005 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire les élevages de bovins, de volailles et/ou de gibier à plumes et de porcs soumis à déclaration au titre du livre V du code de l’environnement. Cet arrêté fixe une distance minimale de 100 mètres entre le bâtiment d’élevage et les habitations. Des distances réduites sont prévues pour des installations de nature spécifique (bâtiments d’élevage de bovins sur litière, bâtiments mobiles, situés en zone de montagne etc..). L’article 4 de l’arrêté du 7 février 2005 prévoit la possibilité pour le Préfet d’accorder une dérogation aux distances d’implantation : « Le préfet peut, pour une installation donnée, adapter par arrêté les dispositions de l’annexe I dans les conditions prévues par l’article L. 512-12 du code de l’environnement et l’article 30 du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 susvisés. » L’article 2-1-4 de l’annexe I de l’arrêté précise : « Les dispositions du 2.1.1, 2.1.2 et du 2.1.3 ne s’appliquent, dans le cas des extensions des élevages en fonctionnement régulier, qu’aux nouveaux bâtiments d’élevage ou à leurs annexes nouvelles. Elles ne s’appliquent pas lorsque l’exploitant doit, pour mettre en conformité son installation avec les dispositions du présent arrêté, réaliser des annexes ou aménager ou reconstruire sur le même site un bâtiment de même capacité. Sans préjudice de l’article L. 512-15 du code de l’environnement, dans le cas de modifications, notamment pour se conformer à de nouvelles normes en matière de bien-être animal, d’extensions ou de regroupement d’élevages en fonctionnement régulier ou fonctionnant au bénéfice des droits acquis conformément aux dispositions de l’article L. 513-1 du code de l’environnement, des dérogations aux dispositions du 2.1.1, 2.1.2 et du 2.1.3 peuvent être accordées par le préfet sous réserve de la préservation des intérêts visés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement. (…) » L’interprétation donnée par le juge administratif Pour la Cour administrative d’appel, la liste des dérogations pouvant être accordée par le Préfet était limitée aux cas prévus à l’article 2-1-4 de l’annexe I. La Cour a donc jugé qu’étant donné que la demande présentée par l’EARL DE LA CHAMPAGNE ne portait ni sur l’extension d’un élevage existant, ni sur la mise en conformité de son installation au sens de ces dispositions, l’EARL ne pouvait bénéficier d’une dérogation de distance d’implantation. Le Conseil d’Etat retient une autre interprétation en considérant que l’ensemble des cas et exceptions permettant de recevoir dérogation n’est pas limité aux cas prévus à l’article 2-1-4 dès lors que l’article 4 de l’arrêté du 7 février 2005 prévoit que le Préfet dispose d’un pouvoir général d’adaptation des distances d’implantation et que l’article L. 521-12 du code de l’environnement lui donne la prérogative d’établir des prescriptions spéciales supplémentaires. L’arrêt de la Cour est censuré sur le motif pris de l’erreur de droit : « Considérant, d’autre part, que la cour administrative d’appel a relevé que les dispositions de l’arrêté ministériel du 7 février 2005 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire, notamment, les élevages de porcs soumis à déclaration, dont il lui incombait de faire application s’agissant d’un contentieux de pleine juridiction, ne permettaient aucune possibilité de dérogation à la règle de la distance de 100 mètres séparant les élevages porcins des habitations de tiers, hormis les cas et exceptions prévus par les dispositions du 2-I-4 de l’annexe I de ce même arrêté ministériel aux termes desquelles, pour les élevages existants, « dans le cas de modifications, notamment pour se conformer à de nouvelles normes en matière de bien-être animal, d’extensions ou de regroupement d’élevages en fonctionnement régulier ou fonctionnant au bénéfice des droits acquis conformément aux dispositions de l’article L. 513-1 du code de l’environnement, des dérogations aux disposition du 2.1.1 … peuvent être accordées par le préfet (…) » ; (…) ; que la cour administrative d’appel qui, pour annuler l’arrêté préfectoral contesté en tant qu’il autorisait la société à déroger à la règle de distance de 100 mètres, a fait application des dispositions de l’annexe I de l’arrêté du 7 février 2005 sans rechercher si l’article 4 de l’arrêté ministériel ne permettait pas d’accorder une dérogation aux règles de distance des élevages vis-à-vis des bâtiments d’habitation, a commis une erreur de droit ; » En conséquence, le Préfet dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour accorder une dérogation aux distances d’implantation des bâtiments d’élevage de porcs lors d’une déclaration ICPE. Le déclarant devra toutefois veiller, lors du dépôt du permis de construire, à ce que la distance d’implantation retenue ne méconnaisse pas les distances prescrites par le règlement sanitaire départemental. Anaïs De Bouteiller Avocat au Barreau de Lille Green Law Avocat Conseil_d_État_10_01_2011_317994 EARLCHAMPAGNE

Sites et sols pollués: l’importance de la rédaction des clauses de dépollution dans les mutations immobilières

Un récent arrêt rendu par la Cour d’Appel de Paris le 1er décembre 2011 illustre une nouvelle fois le contentieux en matière de vente de sites et sols pollués, et plus précisément  s’agissant des clauses de garantie de passif environnemental (CA Paris, 1er décembre 2011, n°10/10938) : Cour_d’appel,_Paris,_Pôle_4,_chambre clause passif environnemental. La problématique En l’espèce, la société L’immobilière groupe Casino vend à une société civile immobilière un ensemble immobilier à usage commercial comprenant notamment des bâtiments et parkings ainsi qu’une station de distribution de carburant. L’acte de vente mentionne expressément une obligation de dépollution du sol à la charge du vendeur portant uniquement sur l’assiette foncière de la station de distribution de carburant selon les techniques qu’il jugera utile, étant précisé que le vendeur s’engage à ce que l’acquéreur puisse exploiter la station de distribution dans un délai de 7 mois avec un minimum de gêne si les travaux de dépollution ne sont pas terminés. Un diagnostic de sols avait préalablement été réalisé par une société spécialisée, laquelle mettait en évidence une contamination par hydrocarbures au droit de la station service et la vulnérabilité du site en raison de la présence à proximité d’habitations ainsi que d’une nappe d’eaux souterraines. Suite à la signature de l’acte de vente, une évaluation détaillée des risques est réalisée qui conclut, quant à elle, que les sols contaminés par les hydrocarbures peuvent constituer une source de pollution dans le cas d’un usage sensible mais que tel n’est pas le cas eu égard à l’affectation du terrain, à savoir un usage commercial. Il convient également de préciser qu’aucune prescription de remise en état n’avait d’ailleurs  été imposée par le préfet, destinataire de ce rapport. Au vu des conclusions du rapport précité, le vendeur n’effectue pas de travaux de dépollution, estimant que l’usage commercial du site n’étant pas compromis, aucune opération de dépollution n’apparaît nécessaire et n’était due. L’acquéreur sollicite alors la désignation d’un expert judiciaire aux fins que celui-ci se prononce sur l’état de la pollution et les mesures et coût nécessaires pour y remédier, ce qui donne lieu au dépôt d’un rapport sur ces différents points. Assigné en paiement d’une quote-part de taxe foncière due au titre de l’acte de vente, l’acquéreur sollicite reconventionnellement  le remboursement des frais de la dépollution qu’il a entreprise, sur les bases du rapport d’expertise judiciaire, ainsi qu’un préjudice immatériel en découlant du fait notamment de la perte de loyer et des retards d’exploitation générés. L’acquéreur se fonde bien évidemment sur le terrain de la responsabilité contractuelle, estimant que le vendeur s’est engagé à prendre en charge la dépollution du terrain. Celui-ci soutenait au contraire que dès lors que la pollution observée ne compromettait pas l’usage commercial du site, son obligation de dépollution ne pouvait trouver à s’appliquer, celle-ci n’ayant eu pour seul but que de permettre l’exploitation par l’acquéreur de la station de distribution du carburant qui n’était pas en l’état compromise. L’analyse de la clause de dépollution par la Cour d’Appel La Cour d’Appel de Paris a donc dû analyser la portée de l’engagement contractuel de dépolluer pris par le vendeur et en tirer toutes les conséquences. Après avoir rappelé, dans un considérant de principe, le contenu des dispositions de l’article 1134, alinéa 3 du Code civil selon lequel « les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi », elle étudie les stipulations contractuelles et le cadre dans lequel l’engagement du vendeur a été pris. A ce titre, elle relève notamment que la seule étude à la disposition du vendeur, lors de son engagement contractuel de dépolluer, est constituée par le diagnostic des sols mettant en exergue la pollution aux hydrocarbures présente et la vulnérabilité du site en raison d’une nappe phréatique à faible profondeur et d’habitations voisines. Elle en déduit que « l’engagement du vendeur de dépolluer pris dans l’acte de vente, qui concerne nécessairement les pollutions relevés dans le diagnostic de juillet 2002 au vu duquel l’acte de vente a été signé, a donc pour objet de supprimer les pollutions constatées par ce diagnostic, lesquelles s’inscrivent dans le cadre d’un usage sensible ». Les juges d’appel écartent donc les conclusions de l’évaluation détaillée des risques établie postérieurement à la vente et qui n’a donc pu servir de support à la détermination de l’engagement contractuel du vendeur. La référence à l’obligation pour les parties d’exécuter les conventions de bonne foi se comprend aisément… On relèvera également que la clause stipulant l’obligation particulière de dépollution à la charge du vendeur ne mentionnait nullement une quelconque limitation de la dépollution en raison d’un certain usage du site mais prévoyait simplement une délimitation géographique, à savoir l’assiette foncière de la station de distribution de carburant. De surcroît, et en tout état de cause, le rapport d’expertise judiciaire conclut  à l’existence d’une pollution de la nappe phréatique avec des risques pour la santé humaine pour un usage sensible et précise que la pollution constatée ne permettait pas d’envisager l’exploitation de la station service sans dépollution. En conséquence, la Cour d’Appel de Paris retient la faute contractuelle du vendeur pour non respect  de son obligation contractuelle de dépollution. La limitation de l’indemnisation sollicitée En revanche, et s’agissant des dommages et intérêts accordés sur le fondement des dispositions de l’article 1147 du Code civil, les juges d’appel ne font droit que partiellement aux demandes de l’acquéreur. En effet, ils relèvent notamment la restriction spatiale mentionnée dans la clause relative à l’obligation de dépolluer, qui n’est susceptible de s’appliquer pour les travaux de dépollution portant sur l’assiette de la station service. Ainsi, si en l’absence de précision par les parties, les juges n’acceptent pas de limiter l’engagement contractuel pris, en présence d’une délimitation précise de l’obligation, ces mêmes juges n’hésitent pas à en faire application. S’agissant des préjudices immatériels sollicités, la Cour d’Appel relève que les retards d’exploitation et les pertes de loyers allégués ne sont justifiés que partiellement par les travaux de dépollution mais également par d’autres considérations propres à l’acquéreur (telles que retard de délivrance du permis de…

Capri c’est fini, et l’amiante en classe 3 aussi: la France condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne!

La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a condamné la France, aux termes d’un arrêt du 1er décembre 2011 non encore publié mais déjà lisible ci-après:  http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=115787&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=13064 pour le pour non-respect des dispositions de la directive 1999/31/CE du Conseil du 26 avril 1999 relative à la mise en décharge des déchets ainsi que la décision 2003/33/CE du Conseil du 19 décembre 2002 établissant les critères et procédure d’admission des déchets dans les décharges.  La CJUE, saisie de ce différend par la Commission, a estimé que les déchets d’amiante lié, et plus spécifiquement les déchets d’amiante-ciment, devaient être regardés, comme des déchets dangereux    au sens de la directive 200/532 de la Commission du 3 mai 2000 qui établit une liste des déchets dangereux.   Par ailleurs, l’annexe de la directive 2003/33/CE précitée prévoit les critères d’admission des déchets en décharge.     Or, celle-ci mentionne expressément que les déchets de matériaux de construction contenant de l’amiante peuvent être entreposés dans une unité distincte pour déchets non dangereux, si l’unité est suffisamment confinée.  Dès lors, les textes communautaires ne laissent nullement la possibilité aux instances nationales de prévoir un stockage des déchets d’amiante lié en décharge pour déchets inertes.   Or, la France avait, par arrêté du 15 mars 2006 relatif aux types de déchets inertes admissibles dans les installations de stockage de déchets inertes, admis , aux termes de ces déchets admissibles, les matériaux de construction contenant de l’amiante.    Ledit arrêté avait été abrogé par un arrêté du 28 octobre 2010 qui maintenait cependant les déchets d’amiante-lié au sein de la liste des déchets admissibles en installation de stockage pour déchets inertes.  La condamnation de la France allait donc de soi et ne prête pas à discussion.   C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le ministère du Développement durable s’est empressé de publier sur son site un communiqué de presse le 2 décembre 2011 annonçant la révision de la règlementation relative au stockage des déchets d’amiante lié.    Dès lors, les déchets d’amiante lié seront donc obligatoirement stockés dans des installations classées pour la protection de l’environnement prévues par la loi du 19 juillet 1976. On remarquera que la France avait déjà été condmanée par la Courcde Justice (CJCE, 15 déc. 2004, aff. C-172/04,  Commission c/ France) pour ne pas avoir soumis à autorisation d’exploitation les centres de stockage dits de classe 3 qui alors ne se trouvaient soumis qu’à une simple autorisation prélabale d’urbanisme!   Cette seconde condamnation entrainera de nouvelles obligations au regard de la classification ICPE des décharges recevant de l’amiante-ciment eu égard à la particularité et la dangerosité du déchet concerné qui, même lié, peut toujours présenter un risque notamment pour la santé humaine.     De nombreux contentieux afférents à ce type de problématique trouveront là un nouvel élan…. le nouvel arrêté ministériel à intervenir devra régler une série de difficultés qui ne font que poindre, mais qui nous font dire Capri c’est fini, et l’amiante en classe 3 aussi….    Marie Letourmy   Avocat au Barreau de Lille Green Law Avocat