Le casino, bien de retour : le rouge perd encore !

Le casino, bien de retour : le rouge perd encore !

Par Maître David DEHARBE, avocat gérant et Frank ZERDOUMI, juriste (Green Law Avocats) 

En 1997, la commune de Berck-sur-Mer a cédé son ancienne gare routière à la société Groupe Partouche afin qu’elle soit transformée en un bâtiment ayant vocation à accueillir un casino.

Le 25 mars 2025, le juge du référé précontractuel a fait droit à cette demande et a annulé la procédure de passation de concession de service public engagée par la commune de Berck-sur-Mer pour la gestion et l’exploitation de son casino.

Le 9 avril 2025, la commune de Berck-sur-Mer s’est pourvue en cassation contre cette ordonnance devant le Conseil d’État, afin d’obtenir son annulation.

Les propriétés d’un tiers peuvent-elles constituer des biens de retour ?

Le Conseil d’État a répondu à cette question par l’affirmative, admettant ainsi des exceptions au principe selon lequel les règles relatives aux biens de retour ne trouvaient pas à s’appliquer aux biens qui étaient la propriété d’un tiers au contrat de concession, quand bien même ils étaient affectés au fonctionnement du service public et nécessaires à celui-ci (décision commentée : CE, 17 juillet 2025, n° 503317 ).

Espèces protégées versus remise en état du domaine public maritime

Espèces protégées versus remise en état du domaine public maritime

Par David DEHARBE, avocat gérant (Green Law Avocats)

Le tribunal administratif de Bastia a refusé de liquider une astreinte provisoire infligée à Mme B qui n’a pas remis en état une parcelle du domaine public maritime.

Cependant, la Cour administrative d’appel de Marseille a annulé son jugement en raison de l’inopérance d’un moyen : l’impossibilité de remettre en état le domaine public à cause de la présence d’une espèce protégée.

Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’État a précisé si le juge de l’exécution peut refuser la liquidation d’une astreinte provisoire du fait de la présence d’une espèce protégée.

En réponse, la Haute juridiction estime que le juge de l’exécution doit étudier la menace pesant sur une espèce protégée avant de liquider l’astreinte (décision commentée : CE, 19 décembre 2024, n°491592).

Manèges et troubles anormaux sur le domaine public

Par maître Isabeau LESTIENNE (Green Law Avocats) Par un jugement du 23 décembre 2020 (TA Lyon 23 décembre 2020 1606996 et 1608567), le tribunal administratif de Lyon a admis la demande indemnitaire d’une riveraine de Lyon pour obtenir réparation des préjudices qu’elle subissait du fait de l’installation de la « Grande Roue » sur la place Bellecour. Depuis 2006, le maire de Lyon autorise les exploitants de l’attraction foraine la « Grande roue » à installer celle-ci sur la place Bellecour. L’installation est autorisée chaque année  pour une durée de 100 jours et fonctionne sur de larges amplitudes d’horaires. La requérante soutenait que la responsabilité de la commune devait être engagée, même en l’absence de faute, en raison de la dégradation de son état de santé du fait du fonctionnement de la « Grande roue ». Elle réclamait 562 464 euros en réparation du préjudice professionnel et 40 000 euros en réparation des préjudices de toute nature que lui ont causés les autorisations du maire de Lyon d’installer une attraction foraine sur le domaine public.  Le tribunal, prenant appui sur le rapport judiciaire d’expertise médicale du 10 novembre 2011, a constaté que la requérante présentait différents symptômes affectant tant « son équilibre physique que psychologique et qui sont liés au mouvement circulaire de l’attraction foraine de type « Grande roue » située à proximité des fenêtres de son habitation principale, qui, dans leur majorité, ouvrent sur cette place ». Ces préjudices relatifs aux troubles physiques et psychiques provoqués par les effets lumineux pendant les phases d’exploitation de la « Grande Roue » avaient déjà été reconnus par la Cour administrative d’appel de Lyon (2 avril 2015 n°14LY00178). Effectivement dans cette affaire le juge avait admis le caractère anormal et spécial du préjudice concernant les troubles de toute nature dans ses conditions d’existence. Ce préjudice est anormal en raison du caractère invalidant des vertiges dont est affecté la requérante et spécial puisqu’il est susceptible d’affecter les seuls riverains de la place victimes de vertiges dus à la stimulation optocinétique que peut générer ce type d’installation. Le tribunal constate alors que les troubles subis par la requérante outrepassent ceux qu’un riverain du domaine public doit normalement supporter et ne sont pas équivalents à ceux auxquels sont communément exposés les riverains des axes de circulation. Le juge considère donc que la requérante est fondée à demander réparation de ce préjudice anormal. Cependant le tribunal recadre le montant du préjudice réclamé par la requérante et fixe celui-ci à 12 000 euros. En effet le tribunal a estimé que la requérante n’avait pas démontré que ses arrêts de travail prolongés après l’enlèvement de la « Grande roue » étaient bien imputables au manège ni même son placement en invalidité.

REDEVANCE POST-STATIONNEMENT

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Par une décision relativement récente, la Commission du contentieux du stationnement payant a jugé que « les éventuelles insuffisances, imprécisions ou inexactitudes entachant l’avis de paiement ne sont susceptibles d’empêcher le délai de courir que dans le cas où elles ont été de nature à fausser l’appréciation du destinataire sur l’obligation de payer, sur le montant mis à sa charge ou sur la date limite impartie » (CCSP, 20 mai 2020, n° 18008047). C’est l’occasion de revenir sur ce dispositif qui est encore mal connu des automobilistes. La loi n°2014-581 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (dite loi MAPTAM) est venue dépénaliser et décentraliser le stationnement payant sur voirie. En effet son article 63 institue le forfait post-stationnement (FPS). En cas de rejet du recours administratif préalable obligatoire, toute contestation d’un forfait post-stationnement doit être transmise, depuis le 1er janvier 2018, à la commission du contentieux du stationnement payant qui constitue u e nouvelle juridiction administrative spécialisée ; la commission située à Limoges, est compétente pour statuer sur l’ensemble du territoire national. D’application au 1er janvier 2018, le FPS est venu remplacer les amendes forfaitaires en cas de stationnement non payé ou de dépassement du temps pour lequel le stationnement a été payé. Le FPS constitue une redevance d’occupation du domaine public ; c’est donc l’ordre juridictionnel administratif qui est compétent pour l’examen des contestations avec la création d’une nouvelle juridiction administrative spécialisée à compétence nationale, la Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP), après avoir effectué un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) dans le mois suivant la notification. Notons que la saisine de la CCSSP doit se faire après avoir payé le FPS et dans le délai d’un mois suivant la notification de la décision du RAPO. Néanmoins pour contester le FPS majoré, il faut saisir directement la CCSP sans passer par un RAPO. On est donc ici passé d’une procédure de contestation des procès-verbaux de contravention devant le juge pénal, à une contestation devant le juge administratif. Cependant les infractions relatives au stationnement gênant ou illicite conservent un caractère pénal. Enfin, la CCSP est également compétente pour connaître de l’action en responsabilité à la suite de l’édiction de l’avis de paiement du FPS et, le cas échéant, du titre exécutoire émis (CE, 20 février 2019, n° 422499). Le Conseil d’Etat a déjà eu à juger des modalités de contestation du FPS : selon les juges, ces modalités ne méconnaissent pas les stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne des droits de l’homme, soit le droit au procès équitable et le droit au recours effectif (CE, 30 septembre 2019, n° 421427). Rappelons encore que Les décisions de la commission peuvent faire l’objet, dans un délai de deux mois, d’un recours en cassation devant le Conseil d’État (art. R.2333-120-64 CGCT). L’objectif était de donner compétence aux collectivités territoriales en la matière. En effet, d’après le rapport du Défenseur des droits publié le 14 janvier 2020, ce sont déjà 564 communes ou intercommunalités qui ont opté pour la mise en place de cette réforme. S’agissant des autres collectivités, elles ont soit choisi de maintenir la gratuité du stationnement, soit abandonné le stationnement payant en faveur de la gratuité ou de la mise en place de zones bleues, dispositif permettant également la rotation des véhicules sur la voie publique. Ensuite, chaque collectivité peut choisir de gérer elle-même le contrôle du stationnement payant ou déléguer la gestion à un tiers cocontractant. C’est à la collectivité qu’il revient de fixer le montant de la redevance payé par l’usager pour l’utilisation du domaine public et celui du FPS dû en cas de non-paiement de cette redevance conformément à l’article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales. Ainsi ces montants peuvent varier d’une collectivité à l’autre mais également selon les zones de stationnement d’une même commune. Toutefois, le montant du FPS ne peut être supérieur au montant de la redevance due pour la durée maximale de stationnement autorisée dans la zone où se trouve le véhicule. Notons que le FPS ne concerne pas les personnes titulaires d’une carte mobilité inclusion portant la mention stationnement. En cas de non-respect de paiement du stationnement, le FPS est notifié par avis de paiement qui peut l’être soit par : Dépôt sur le pare-brise du véhicule ; Envoi par courrier au titulaire ; Envoi par mail au titulaire de la carte grise. Cet avis de paiement comporte les informations suivantes : Collectivité et prestataire chargé de contrôler le stationnement payant ; Date et heure du constat ; Adresse de la constatation de stationnement ; Numéro d’immatriculation du véhicule ; Montant du FPS à payer, réduit si nécessaire des montants déjà payés avant le contrôle ; Heure de fin de validité du FPS ; Service auprès duquel le FPS doit être payé ; Possibilité d’un FPS minoré ; Moyens de paiement et date limite de règlement ; Voies et délais de recours. Le montant dû, est minoré si le paiement est effectué rapidement ; à l’inverse, si le paiement est effectué au-delà du délai de 3 mois, il sera majoré. Le FPS peut être payé : Par internet ; Par téléphone ; Par courrier ; Au service en charge des impôts. Il convient de noter que le paiement du FPS ne vaut plus, comme avec une amende contraventionnelle, acceptation de l’infraction. Ce paiement préalable permet de prévenir les recours dilatoires (CE, 30 septembre 2019, n° 421427). Sur ce point, le Conseil d’Etat a récemment renvoyé au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article L. 2333-87-5 du code général des collectivités territoriales qui subordonne la recevabilité du recours devant la CCSP au paiement préalable, par le redevable qui conteste la somme mise à sa charge, du montant du FPS sans prévoir de possibilité de dérogation. Le moyen tiré de l’atteinte au droit au recours effectif est jugé suffisamment sérieux pour le Conseil d’État (CE, 10 juin 2020, n° 433276). Il convient de préciser qu’à la suite de la décision du 30 septembre 2019, certains ont estimé que le Conseil d’Etat n’excluait…

IMAGE DU DOMAINE PUBLIC : UN BIEN A CONSOMMER SANS MODÉRATION !

Par Maître Thomas RICHET (Green Law Avocats) Dans un arrêt du 13 avril 2018, publié au recueil Lebon (CE, 13 avril 2018, Société Les Brasseries Kronenbourg, n°397047), le Conseil d’Etat a jugé que des prises de vues d’un bien du domaine public et l’exploitation commerciale de ces dernières ne sont pas constitutives d’une utilisation privative du domaine public pouvant donner lieu au versement d’une redevance. A l’origine de cette affaire, la société Les Brasseries Kronenbourg avait réalisé en 2010 des photographies du château de Chambord, bien immobilier du domaine public de l’Etat, pour une nouvelle campagne publicitaire de sa célèbre « 1664 ». Suite à la réalisation de ces photographies, le directeur général de l’établissement public du domaine national de Chambord a informé la société que l’utilisation de l’image du château à des fins commerciales constituait une utilisation privative du domaine public « justifiant le versement d’une contrepartie financière » ; fort de cette qualification, la même autorité a donc émis deux titres de recettes exécutoires à destination de la société. Par un jugement du tribunal administratif d’Orléans n° 1102187 et 1102187 du 6 mars 2012, les juges de première instance ont annulé ces deux titres de recettes. Ce jugement a ensuite été confirmé par la cour administrative d’appel de Nantes dans un arrêt n° 12NT01190 du 16 décembre 2015. L’établissement public du domaine national de Chambord a sollicité, auprès du Conseil d’Etat, l’annulation de cet arrêt. La plus haute juridiction administrative va raisonner en trois temps. Dans un premier temps, le Conseil d’Etat juge que l’image d’un bien du domaine public ne constitue pas une dépendance de ce domaine et que son utilisation ne peut donc faire l’objet d’une autorisation préalable et donner lieu au versement d’une redevance. A ce titre, les juges rappellent qu’un bien d’une personne publique ne peut se voir appliquer les règles de la domanialité publique que lorsque cette personne dispose sur ce bien d’un droit exclusif (en ce sens Conseil d’Etat, 11 février 1994, Compagnie d’assurances Préservation Foncière, n° 109564, concernant l’hypothèse de la copropriété). Or, « Les personnes publiques ne disposant pas d’un droit exclusif sur l’image des biens leur appartenant, celle-ci n’est pas au nombre des biens et droits mentionnés à l’article L. 1 du code général de la propriété des personnes publiques (…). Il en résulte que l’image d’un bien du domaine public ne saurait constituer une dépendance de ce domaine ni par elle-même, ni en qualité d’accessoire indissociable de ce bien au sens des dispositions de l’article L. 2111-2 du code général de la propriété des personnes publiques ».   Dans un deuxième temps, le juge administratif considère, en revanche, que les opérations matérielles permettant la prise de vues pourraient quant à elles caractériser « une occupation ou une utilisation du bien qui excède le droit d’usage appartenant à tous » entrainant donc la nécessité d’obtenir une autorisation et l’obligation de verser une redevance (en ce sens Conseil d’Etat, 29 octobre 2012, Commune de Tours, n° 341173). En l’espèce, le Conseil d’Etat relève : « qu’il ne résultait pas de l’instruction et n’était d’ailleurs pas soutenu que la réalisation des prises de vues du château de Chambord aurait affecté le droit d’usage du château appartenant à tous. [La cour] a suffisamment motivé son arrêt, compte tenu de l’argumentation qui lui était soumise par le domaine national de Chambord, et n’a pas commis d’erreur de droit, en en déduisant que la société les Brasseries Kronenbourg n’avait pas, en réalisant ces prises de vues, fait un usage privatif du domaine public. Elle n’a pas non plus commis d’erreur de droit en jugeant que l’exploitation commerciale de ces mêmes prises de vues ne constituait pas, en elle-même, une utilisation privative du domaine public immobilier du château de Chambord ». Toujours selon le même juge, l’exploitation commerciale de ces prises de vues ne caractérise pas plus une utilisation privative du domaine public. Dans un troisième et dernier temps, le juge relève que les dispositions de l’article L. 621-42 du Code du patrimoine, qui prévoient la possibilité de soumettre à autorisation préalable, et au versement d’une redevance, l’utilisation à des fins commerciales de l’image des immeubles qui constituent les domaines nationaux, ne pouvaient s’appliquer en l’espèce. Comme en dispose l’adage bien connu : pas de redevance sans texte. Or en l’espèce la Haute juridiction n’a pu que relever : « cette disposition n’a toutefois été instituée que par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, le domaine de Chambord n’ayant lui-même été défini comme domaine national que par le décret du 2 mai 2017 fixant la liste et le périmètre de domaines nationaux. Antérieurement à l’entrée en vigueur de l’article L. 621-42 du code du patrimoine, le gestionnaire du domaine national de Chambord ne tenait d’aucun texte ni d’aucun principe le droit de soumettre à autorisation préalable l’utilisation à des fins commerciales de l’image du château ». L’arrêt commenté opère ainsi un rapprochement entre la jurisprudence du Conseil d’Etat et celle de la Cour de Cassation (en ce sens Cour de Cassation, Assemblée plénière, 7 mai 2004, n°02-10.450, Publié au bulletin).