Qualité de l’air : après les ZAPA, les ZCR, place aux ZFE

Par Maître Lucas DERMENGHEM (Green Law Avocats) Sous la pression des instances européennes, le gouvernement semble vouloir intensifier ses efforts en matière de qualité de l’air, avec la décision d’accompagner quinze collectivités territoriales dans la création de zones à faibles émissions (ZFE) d’ici deux ans. Le 8 octobre dernier, quinze collectivités territoriales affectées par des problèmes de pollution de l’air (Paris et sa Métropole du Grand Paris, l’agglomération de Grenoble, d’Aix-Marseille, du grand Lyon, Nice, Toulouse, Strasbourg, Clermont-Ferrand, Saint-Etienne, Reims, Rouen, Montpellier et Toulon, Fort-de-France) ont annoncé leur souhait de mettre en œuvre ces zonages sur leur territoire d’ici 2020. Cet engagement se fait avec le soutien du gouvernement, dont l’objectif est de mettre un terme, d’ici 2022, aux dépassements des normes, en particulier s’agissant des émissions de dioxyde d’azote (NO2), gaz toxique émis principalement par les véhicules diesel, et de particules fines PM10. Les ZFE ont vocation à se substituer aux dispositifs existants des zones à circulation restreinte (ZCR), eux-mêmes institués en remplacement des zones d’actions prioritaires pour l’air (ZAPA), qui n’auront pas rencontré le succès escompté puisqu’à ce jour seuls Paris et Grenoble se sont engagés sur cette voie. Ce mécanisme fait ainsi figure d’exception à l’échelle française, alors que l’on dénombre environ 220 villes européennes ayant mis en œuvre un cadre d’actions similaire. Un dispositif souple, bientôt rendu obligatoire pour certaines agglomérations Le fonctionnement des ZFE repose sur le système aujourd’hui opérationnel des vignettes Crit’air et sa mise en œuvre se distingue par une certaine souplesse. Ainsi, les collectivités concernées sont libres de déterminer le périmètre géographique de la zone (centre-ville ou agglomération), mais également les types de véhicules concernés, les heures d’application des restrictions prévues ou encore les dérogations possibles. A titre d’exemple, à Paris, qui a déjà mis en place un plan d’actions, les voitures classées Crit’Air 4 (de type diesel, immatriculés entre 2001 et 2005) ne pourront plus circuler dans les rues à partir du mois de juillet 2019. A Lyon, la ZFE sera opérationnelle à compter du 1er janvier 2020 et n’engendrera de restrictions que pour les poids lourds et les véhicules utilitaires. La souplesse des ZFE permettra donc des actions aux ambitions variables selon les collectivités. D’après les annonces du gouvernement, les ZFE seront officiellement instituées dans le cadre de la future loi d’orientation des mobilités (dite « LOM »), dont le projet est actuellement examiné par le Conseil d’Etat. Aux termes de ce projet de loi, il est prévu que les agglomérations de plus de 100 000 habitants et celles concernées par un Plan de protection de l’atmosphère (PPA) devront mettre en œuvre un plan d’action de réduction des émissions de polluants atmosphériques, lequel devra comprendre une étude portant sur la mise en place d’une ou plusieurs ZFE. En outre, les agglomérations précitées devront obligatoirement mettre en place une ZFE avant le 31 décembre 2020 dans le cas où les normes de qualité de l’air mentionnés à l’article L. 221-1 du code de l’environnement ne sont pas respectées de manière régulière sur leur territoire. En revanche, en l’état, le projet de loi LOM ne prévoit pas de dispositions relatives au contrôle des interdictions fixées par les ZFE. Ce contrôle pourrait être effectué à l’aide de dispositifs de verbalisation automatique par lecture des plaques d’immatriculation. Le respect des obligations européennes en ligne de mire Le déploiement des ZFE vise à rattraper un certain retard français en matière de pollution de l’air, phénomène qui serait responsable d’environ 48000 morts prématurées chaque année dans l’Hexagone. Il s’agit aussi pour le gouvernement de mettre en œuvre les moyens d’action adéquats devant la pression exercée à l’encontre de la France pour son inaction en la matière. Ainsi, par un arrêt du 12 juillet 2017 (CE, 12 juillet 2017, n°394254), le Conseil d’Etat avait enjoint l’Etat de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit élaboré et mis en œuvre, pour certaines zones du territoire national, un plan relatif à la qualité de l’air permettant de ramener les concentrations en dioxyde d’azote (NO2) et en particules fines (PM10) sous les valeurs limites fixées par la directive du 21 mai 2018 relative à la qualité de l’air (directive n°2008/50/CE du Parlement et du Conseil du 21 mai 2018). Ce plan devait être transmis à la Commission européenne avant le 31 mars 2018. En février 2018, la France avait soumis à la Commission européenne un plan d’actions destinées à respecter ses obligations en la matière mais aucune mesure concrète n’avait été mise en œuvre. Estimant ces propositions insuffisantes, la Commission européenne a donc saisi le 17 mai dernier la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’un recours contre la France, à l’instar de cinq autres Etats membres, pour non-respect des valeurs limites fixées pour le dioxyde d’azote (NO2) issues de la directive du 21 mai 2018 précitée et pour manquement à l’obligation de prendre des mesures appropriées pour écourter le plus possible les périodes de dépassement. S’il s’avère efficace, le dispositif des ZDE pourrait donc permettre à la France d’échapper à une condamnation financière, aboutissement normal de la procédure en cas de manquement répété de la part d’un Etat membre à ses obligations européennes.

L’obligation de la vignette Crit’air sanctionnée par une contravention dès le 1er juillet 2017

  Par David DEHARBE (Green Law Avocat) Un décret n° 2017-782 du 5 mai 2017 renforce les sanctions pour non-respect de l’usage des certificats qualité de l’air et des mesures d’urgence arrêtées en cas d’épisode de pollution atmosphérique (JORF n°0108 du 7 mai 2017, texte n° 4). Il doit tout particulièrement retenir l’attention des automobilistes.   Le décret, qui entre en vigueur le 1er juillet 2017, modifie et crée des contraventions pour l’absence de présentation de certificat qualité de l’air et violation des mesures d’urgence arrêtées en cas de pic de pollution atmosphérique. Nous sommes ici en présence d’infractions matérielles s’agissant de contraventions qui ne nécessitent aucune intention de commettre l’infraction.   A compter du 1er juillet prochain et en vertu de l’article R318-2 du code de la route les véhicules à moteur des catégories M (Véhicules à moteur conçus et construits pour le transport de passagers et ayant au moins quatre roues), N (Véhicules à moteur conçus et construits pour le transport de marchandises et ayant au moins quatre roues) et L (véhicules à moteur à deux ou trois roues et quadricycles à moteur) devront être identifiés, lorsque les conditions de leur utilisation le nécessiteront, au moyen d’une vignette sécurisée appelée « certificat qualité de l’air », qui concerne aussi les flottes professionnelles. Ainsi la vignette Crit’air devient obligatoire.   Et le fait, pour tout conducteur, de contrevenir aux mesures de suspension ou de restriction de la circulation mentionnées à l’article R411-19 du code de la route, ou de circuler dans le périmètre des restrictions de circulation instaurées sans que le véhicule soit identifié conformément aux dispositions de l’article L. 318-1 et des textes pris pour son application, est puni de l’amende prévue pour les contraventions : 1° De la quatrième classe (soit 135€ d’amende forfaitaire et 450€ maxima devant le Tribunal de police), lorsque le véhicule relève des catégories M2, M3, N2 ou N3 définies à l’article R. 311-1 ; 2° De la troisième classe (soit 68€ d’amende forfaitaire et 750€ maxima devant le Tribunal de police), lorsque le véhicule relève des catégories M1, N1 ou L. L’immobilisation du véhicule peut être prescrite (dans les conditions prévues aux articles L. 325-1 à L. 325-3) du code de la route.   Par ailleurs le fait, pour un conducteur, de circuler dans le périmètre d’une zone à circulation restreinte (ZCR) instituée en application de l’ article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales , en violation des restrictions édictées ou lorsque le véhicule n’est pas identifié conformément aux dispositions de l’article L. 318-1 et des textes pris pour son application, est puni de l’amende prévue pour les contraventions : 1° De la quatrième classe, lorsque le véhicule relève des catégories M2, M3, N2 ou N3 définies à l’article R. 311-1 ; 2° De la troisième classe, lorsque le véhicule relève des catégories M1, N1 ou L. Enfin est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe, pour les véhicules des catégories M2, M3, N2 ou N3, ou de l’amende prévue pour les contraventions de troisième classe, pour les véhicules des catégories M1, N1 ou L, le fait de stationner dans le périmètre de la zone à circulation restreinte instituée en application de l’ article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales : 1° Lorsque le véhicule n’est pas identifié conformément aux dispositions de l’article L. 318-1 et des textes pris pour son application ; ou 2° Lorsque l’accès de ce véhicule à la zone de circulation restreinte est interdit en permanence.   Les infractions prévues au présent article peuvent entraîner l’immobilisation du véhicule dans les conditions prévues à l’article L. 325-1.   Ces dispositions pénales ne sont pas applicables lorsque le véhicule fait partie des véhicules dont l’accès à la zone à circulation restreinte ne peut être interdit en application des articles L. 2213-4-1 et R. 2213-1-0-1 du code général des collectivités territoriales.   La pastille verte pourrait bien avoir un gout amer pour l’automobiliste qui persiste à croire que le véhicule diésel a un avenir en France…