Renonciation anticipée par l’exproprié à son droit de rétrocession : fin de partie ?

Par Mathieu DEHARBE, Juriste (Green Law Avocats) Par un arrêt publié au Bulletin en date du 19 janvier 2022 (Cass. Civ. 3ème, 19 janvier 2022, n°20-19-351, publié au Bulletin, téléchargeable ci-dessous et signalé sur Fil Droit Public), la Cour de cassation précise les conditions dans lesquelles un exproprié peut renoncer à l’exercice de son droit de rétrocession. Pour rappel, l’article L. 421-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique prévoit une faculté pour les expropriés de demander la rétrocession de leur bien cinq ans après l’ordonnance d’expropriation si les biens n’ont pas reçu la destination prévue par la déclaration d’utilité publique ou ont cessé de recevoir cette destination : « Si les immeubles expropriés n’ont pas reçu, dans le délai de cinq ans à compter de l’ordonnance d’expropriation, la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à compter de l’ordonnance d’expropriation, à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d’utilité publique ». En l’espèce, le juge de l’expropriation de Saint-Denis a exproprié, par ordonnance du 9 septembre 2004, au profit de la Société dionysienne d’aménagement et de construction (la SODIAC), une parcelle appartenant à M.D. Après avoir signé le 28 juin 2007 un traité d’adhésion réglant les conséquences de l’expropriation de son bien, M.D avait renoncé à son droit de rétrocession. Le terrain n’ayant pas reçu la destination prévue par l’acte déclaratif d’utilité publique, M.D a assigné la SODIAC et la commune afin d’être indemnisé des préjudices subis en alléguant que la rétrocession de son bien était devenue impossible. Dans son arrêt n° 18/01720 en date du 19 mai 2020 (téléchargeable sur Doctrine), la cour d’appel de Saint-Denis-de-la-Réunion a infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Denis-de-la-Réunion rendu le 12 septembre 2018, en constatant l’impossibilité de rétrocession en nature et en condamnant l’expropriant au versement d’une indemnité d’environ 270 000 euros à titre de dommages-intérêts. Dans sa décision, la cour d’appel a jugé que l’exproprié n’avait pu valablement renoncer à son droit de rétrocession dans la convention conclue le 28 juin 2007 avec l’expropriant, dès lors que son droit n’était pas encore né à cette date. Saisi du pourvoi en cassation contre cet arrêt, la Cour de cassation rappelle qu’au regard des dispositions L. 421-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique « l’exproprié peut renoncer au droit de rétrocession, qui relève de l’ordre public de protection, une fois celui-ci acquis ». Toutefois, la Cour de cassation considère que « ce droit ne peut être acquis tant que les conditions de sa mise en œuvre ne sont pas réunies, soit cinq ans après l’ordonnance d’expropriation si les biens n’ont pas reçu la destination prévue par la déclaration d’utilité publique ou ont cessé de recevoir cette destination, soit, avant même l’expiration de ce délai, si le projet réalisé est incompatible avec celui déclaré d’utilité publique ». Dans ses conditions, la Cour de cassation rejette le pourvoi en indiquant : Que la cour d’appel a jugé à bon droit que l’exproprié ne pouvait avoir renoncé à son droit de rétrocession dans une convention conclue le 28 juin 2007 avec l’expropriant, en ce que son droit n’était pas encore acquis ; Que le droit de rétrocession de l’exproprié est d’ordre public ; Que la cour d’appel s’est bornée à examiner si les conditions d’une telle renonciation étaient réunies. Autrement dit, la Cour de cassation juge que l’exproprié ne peut renoncer au droit de rétrocession, qui relève de l’ordre public de protection, avant que les conditions de sa mise en œuvre ne soient réunies :   soit cinq ans après l’ordonnance d’expropriation si les biens n’ont pas reçu la destination prévue par la déclaration d’utilité publique ou ont cessé de recevoir cette destination ; soit, avant l’expiration de ce délai, si le projet réalisé est incompatible avec celui déclaré d’utilité publique. Au final, la Cour de cassation invite les rédacteurs de traités d’adhésion à ordonnance d’expropriation à la plus grande vigilance lorsqu’ils y intègrent des clauses de renonciation au droit de rétrocession.

Fouille de véhicules par l’OFB

Par Maître Isabeau LESTIENNE (Green Law Avocats) La chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que les agents de l’ONCFS, étant inspecteurs de l’environnement, peuvent, pour le constat d’une infraction au code de l’environnement, procéder à la fouille d’un véhicule sans l’accord du propriétaire et sans l’information préalable du procureur de la république (Cass. 5 janvier 2021 n° 20-80.569). Rappelons que depuis l’intervention de la n°2019-773 du 24 juillet 2019, l’OFB regroupe les agents de l’Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Revenons aux faits de notre espèce. Cette affaire résulte d’une opération de surveillance nocturne faisant suite au braconnage d’un cerf. A l’occasion du contrôle du véhicule, les agents ont découvert que le conducteur détenait une lampe torche, un couteau de chasse, une paire de jumelles à vision nocturne, une carabine chargée et des munitions. Le tribunal correctionnel a déclaré coupable le conducteur du véhicule et son passager pour chasse non autorisée avec usage d’un véhicule et port d’arme. Un appel a été formé à l’encontre de la décision du tribunal mais la Cour d’appel a confirmé la décision du tribunal. Parmi les sanctions prononcées, le prévenu s’est vu retirer son permis de chasser pendant deux ans. Ce dernier a alors formé un pourvoi en cassation. Il a reproché à la cour d’appel de Dijon d’avoir rejeté le moyen selon lequel les agents de l’ONCFS ne sont pas compétents pour procéder à la fouille d’un véhicule, lequel étant assimilé à un domicile, sans l’assentiment du propriétaire. En outre aucune disposition n’instaure un pouvoir de perquisition à ces agents. Mais  la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en jugeant qu’un véhicule « qui ne revêt pas un caractère professionnel et ne constitue pas un domicile échappe tant au régime d’information préalable du procureur de la République prévu par les alinéas 2 à 4 de l’article L. 172-5 du code de l’environnement, qu’à l’obligation de présence d’un officier de police judiciaire, prévue par le dernier alinéa de cet article. » La Cour de cassation renforce donc les pouvoirs des inspecteurs de l’environnement dans une décision favorisant la protection de l’environnement et exposant encore un peu plus la responsabilité des chasseurs.

Mise en danger d’autrui en raison d’une pollution, pas si simple…

Par Maître Ségolène REYNAL (Green Law Avocats) Par un arrêt du 8 septembre 2020 (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 8 septembre 2020, 19-84.995, Publié au bulletin), la Cour de cassation a confirmé l’irrecevabilité de la constitution de partie de civile d’une association pour mise en danger d’autrui en raison de la pollution atmosphérique. En l’espèce, l’association Ecologie sans frontière a, le 11 mars 2004, a déposé une plainte simple, du chef de mise en danger d’autrui en raison de la pollution atmosphérique, qui  été classée sans suite le 4 mai 2015. Le 9 juillet 2015, les associations Ecologie sans frontière et Générations futures ont déposé plainte avec constitution de partie civile comme le permet l’article 85 du code de procédure pénale pour mise en danger d’autrui. Les associations visaient principalement les carences des pouvoirs publics dans les actions susceptibles d’être menées contre l’exposition des populations aux particules fines et dioxyde d’azote (NO2), suite à un sévère épisode de pollution dans plusieurs villes de France. Cependant, le magistrat instructeur a rendu une ordonnance de refus d’informer pour irrecevabilité de la plainte avec constitution de partie civile. Après avoir interjeté appel, Générations futures a une nouvelle fois été déboutée de sa demande de constitution de partie civile. L’association s’est alors pourvue en Cassation. La Cour de cassation a confirmé l’irrecevabilité de sa constitution de partie civile des chefs de mise en danger d’autrui en raison d’une pollution atmosphérique, et ce pour deux raisons : D’une part, le plaignant auteur d’une plainte simple est le seul à pouvoir par la suite déposer une plainte avec constitution de partie civile comme le prévoir l’article 85 du code de procédure pénale. La Cour de cassation refuse tout système de « ricochet » par lequel une association de protection de l’environnement pourrait porter plainte avec constitution de partie civile dès lors qu’une autre association de protection de l’environnement aurait déposé une plainte simple, préalable à la plainte avec constitution de partie civile. Cette décision doit amener à la plus grande vigilance lorsqu’un plaignant, personne physique ou personne morale, souhaite entamer une action pénale. Il convient d’établir une stratégie dès le début des démarches. D’autre part, la Cour de cassation rappelle qu’une association peut se constituer partie civile en application de l’article 2 du code de procédure pénale à condition de démontrer un préjudice personnel. Si la Cour de cassation fait une application du droit commun de la procédure pénale à une personne morale, elle va plus loin en appliquant ce principe de droit commun au délit de mise en danger de la vie d’autrui en reprenant in extenso la définition de l’article L223-1 du code pénal « Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende» et en déduit qu’une association personne morale ne peut, par essence, exciper d’une telle exposition au risque d’atteinte à l’intégrité physique. S’il est évident qu’une association ne peut être exposée à un risque immédiat de mort ou blessures physiques, il reste que le raisonnement de la Cour de cassation prive toute personne morale de son pouvoir de représentation de victimes personnes physiques, alors même que c’est l’objet social de cette dernière, ce qui est regrettable. La Cour de cassation a manqué la possibilité d’interpréter le délit de mise en danger de la vie d’autrui à travers le prisme des enjeux environnementaux actuels !

Construction : précisions sur la notion d’ouvrage immobilier avec une fonction industrielle (Cass, 4 avril 2019)

Commentaire de Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 4 avril 2019, 18-11.021, Publié au bulletin – Par Me Valentine SQUILLACI, avocat of counsel – Green Law Avocats La notion juridique « d’ouvrage immobilier » conditionne l’application des règles relatives à la responsabilité sans faute des constructeurs et fait l’objet d’une jurisprudence abondante dès lors qu’elle n’est pas définie par le Code Civil. L’article 1792 du code civil dispose que le constructeur est responsable envers celui qui commande la réalisation de la construction (le maître d’ouvrage), pendant 10 ans à compter de la réception, des dommages affectant l’ouvrage, un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement indissociable. En l’absence de définition de ces notions, il est revenu au juge d’en esquisser les contours. Extension du champ de la garantie décennale La Cour de cassation, par un arrêt du 4 avril 2019 (Cass, 3e Civ., 4 avr.2019, n°18-11.021, n°290), poursuit un mouvement d’extension du champ de la garantie décennale par l’adoption d’une conception souple de l’ouvrage immobilier. En effet, elle y réaffirme la notion d’ouvrage immobilier participant à une fonction industrielle. En l’espèce, différentes sociétés assurées au titre de la garantie décennale se sont vues confier la réalisation d’une installation de manutention de bobines d’aciers. Cette installation, composée d’une structure fixe et d’une structure mobile (pont roulant), permettait le déplacement des bobines d’un point à un autre de l’usine. Des désordres étant apparus, le maître d’ouvrage a diligenté une expertise qui a révélé des défauts de conception rendant l’ouvrage impropre à sa destination. Il a donc engagé la responsabilité des différents intervenants afin d’obtenir l’indemnisation de ses préjudices. La cour d’appel qualifie l’installation d’ouvrage immobilier, ce qui induit l’engagement de la responsabilité des maîtres d’œuvres au titre de la garantie décennale ainsi que la garantie de leurs assureurs responsabilité décennale respectifs. Ces derniers, pourvus en cassation, s’attachent à démontrer que l’installation litigieuse est un élément d’équipement « dont la fonction est purement industrielle ». En effet, avant la réforme de l’assurance-construction opérée par l’ordonnance du 9 juin 2005 et l’introduction de l’article 1792-7, excluant du champ de la responsabilité décennale « les équipements dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage », la jurisprudence avait, de son propre chef, exclu les process industriels du champ d’application de la garantie décennale (Cass, 3e Civ., 4 nov. 1999, 98-12.510, Bull). Les tribunaux considéraient en effet que la défaillance de l’outil de travail compromet l’activité de l’entreprise, mais sans avoir d’incidence sur l’usine qui l’abrite et qui continue à remplir sa fonction d’”ouvrage”. Ainsi, les juges excluaient du régime de la responsabilité décennale et de l’assurance obligatoire les dommages atteignant les éléments d’équipement exclusivement professionnels, au motif que ces éléments ne sont pas destinés à répondre aux contraintes d’exploitation et d’usage de l’ouvrage. C’est pourquoi les auteurs du pourvoi avaient intérêt à soutenir que l’installation défectueuse constituait un élément d’équipement industriel ne pouvant pas être assimilé à un ouvrage. Ces derniers ont ainsi fait valoir devant la Cour que  : L’installation avait pour finalité la manutention des colis, sa fonction exclusive est donc de permettre l’exercice d’une activité professionnelle ; De surcroît, l’installation fixe pouvait être ôtée ou déplacée sans détériorer le bâtiment ou compromettre son usage. La cour de cassation rejette les arguments des maîtres d’œuvre « ayant relevé que les travaux confiés à la société Couturier concernait des travaux de charpente métallique, couverture, bardage, création de poutres et poteaux métalliques, […] la cour d’appel, qui, motivant sa décision et répondant aux conclusions prétendument délaissées, a pu en déduire, […], que cette installation constituait un ouvrage et que son ancrage au sol et sa fonction sur la stabilité de l’ensemble permettaient de dire qu’il s’agissait d’un ouvrage de nature immobilière, a légalement justifié sa décision de ce chef ; »   Un ouvrage immobilier à fonction industrielle Pour qualifier le bien d’ouvrage immobilier en dépit d’une fonction industrielle affirmée, la cour a recours à la réunion de trois critères : ancrage au sol, importance des travaux et participation de l’installation à l’intégrité de la structure. Un ouvrage immobilier se définit classiquement par l’existence d’un ancrage au sol ou au sous-sol ayant nécessité des travaux de fondation ou d’implantation. C’est en l’espèce ce que retient la cour qui rappelle que « l’ensemble charpente-chemin de roulement était constitué d’une structure fixe ancrée au sol, dont l’ossature reposait sur des poteaux fixes érigés sur des fondations en béton […] ». L’ampleur des travaux semble également avoir été retenue par la Cour afin de qualifier l’ouvrage immobilier : « Mais attendu qu’ayant relevé que les travaux confiés à la société C…concernaient des travaux de charpente métallique, couverture, bardage, création de poutres et poteaux métalliques […] ». L’énumération de ces différents travaux nécessaires à la construction met l’accent sur leur importance. Cette solution est à rapprocher d’un cas à l’occasion duquel la cour avait qualifié d’ouvrage immobilier une canalisation de six kilomètres en dépit de l’absence d’ancrage au sol (Cass. 3e civ., 19 janv. 2017, n° 15-25.283, Bull.). La cour retient enfin la participation de l’installation à l’intégrité de la structure afin de lui reconnaitre la nature d’ouvrage immobilier. En l’espèce, l’installation litigieuse, en sus d’être ancrée au sol, remplissait une fonction au regard de la stabilité de la charpente du bâtiment, ce qui permet à la cour d’écarter la qualification d’élément d’équipement à vocation industrielle. Ici, la Cour de cassation applique une acception stricte de cette notion, acception qui correspond d’ailleurs au texte de l’article 1792-1 issu de la réforme de 2005, donc postérieur aux faits de l’espèce. En effet, l’article 1792-7 dispose que « ne sont pas considérés comme des éléments d’équipement d’un ouvrage […] les éléments d’équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage. » Or en l’espèce, il ressort de la motivation de la cour de cassation que l’installation ne remplissait pas une fonction exclusivement industrielle. La réunion de ces trois critères permet ainsi d’exclure la qualification d’élément d’équipement à vocation industrielle.   Cette solution ou cette méthode d’appréciation de la nature…

Urbanisme: faute d’enregistrement sous un moins d’une transaction prévoyant le désistement d’un recours contre un permis de construire, les sommes doivent être rendues !

    Par Me Valentine SQUILLACI- Green Law Avocats La Cour de cassation vient de rappeler une règle souvent méconnue des opposants à des projets de construction ayant obtenu le versement d’une somme d’argent en échange du désistement de leur action (arrêt de la 3ème Chambre de la Cour de Cassation, 20 décembre 2018 n°17-27.814) laquelle applique pour la première fois à notre connaissance la sanction posée par l’article L600-8 du Code de l’Urbanisme en cas d’inobservation de cette obligation. La portée de cette décision montre qu’il ne faut pas négliger l’enregistrement auprès de l’administration fiscale, dans le délai d’un mois de leur conclusion, des transactions prévoyant le désistement du recours pour excès de pouvoir formé contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager en contrepartie du versement d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un avantage en nature. A défaut, la transaction ne peut faire l’objet d’une exécution forcée ou, s’il elle l’a déjà été, les sommes versées doivent être remboursées. Les faits ayant donné lieu à l’arrêt sont relativement simples. Un permis de construire obtenu par un promoteur immobilier pour la construction de deux bâtiments a fait l’objet d’un recours par le propriétaire de la parcelle voisine. En cours de procédure devant la juridiction administrative, les deux parties ont conclu une transaction prévoyant, en contrepartie du désistement du recours, la réalisation de mesures compensatoires en nature et le versement d’une somme d’argent par le promoteur. En exécution de la transaction conclue, l’auteur du recours s’est désisté de sa requête en annulation du permis de construire et a sollicité du promoteur le versement de sa somme d’argent. Ce dernier a alors opposé la caducité du protocole en faisant valoir qu’il avait été enregistré tardivement. Celui-ci avait en effet été enregistré plus d’un an après sa conclusion. Or, l’article 635 1. 9° du Code Général des Impôts impose l’enregistrement « dans le délai d’un mois à compter de leur date » de toute « transaction prévoyant, en contrepartie du versement d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un avantage en nature, le désistement du recours pour excès de pouvoir formé contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager. » Cette exigence est également contenue dans le Code de l’Urbanisme, dont l’article L600-8 disposait, dans sa version antérieure à la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique : « Toute transaction par laquelle une personne ayant demandé au juge administratif l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager s’engage à se désister de ce recours en contrepartie du versement d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un avantage en nature doit être enregistrée conformément à l’article 635 du code général des impôts. La contrepartie prévue par une transaction non enregistrée est réputée sans cause et les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des avantages consentis sont sujettes à répétition. L’action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l’obtention de l’avantage en nature. Les acquéreurs successifs de biens ayant fait l’objet du permis mentionné au premier alinéa peuvent également exercer l’action en répétition prévue à l’alinéa précédent à raison du préjudice qu’ils ont subi. » Comme le permet l’article 1567 du Code de Procédure Civile, le créancier de l’indemnité transactionnelle a saisi le Président du Tribunal de grande instance, lequel a rendu une ordonnance conférant force exécutoire à la transaction. Le promoteur a alors sollicité devant le Président du tribunal statuant en la forme des référés la rétractation de l’ordonnance, ce qu’il a obtenu. La rétractation a été confirmée par la Cour d’Appel de Grenoble (CA Grenoble, 1re ch., 3 oct. 2017, n° 17/00596). Aux termes de l’arrêt commenté, la Cour de Cassation confirme l’arrêt de la Cour d’Appel, en conséquence, la lourde sanction attachée au défaut d’enregistrement, dans le délai d’un mois de leur conclusion, des transactions prévoyant, en contrepartie du versement d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un avantage en nature, le désistement du recours pour excès de pouvoir formé contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager. Selon la Cour de Cassation, cette sanction est l’impossibilité de donner force exécutoire à la transaction, laquelle est illégale en raison du défaut d’enregistrement. L’arrêt de la Cour de Cassation, dont la rédaction est extrêmement pédagogique, permet de tirer les enseignements suivants. D’une part, la sanction prévue par l’article L600-8 alinéa 1er du Code de l’Urbanisme s’applique dès lors que le délai d’un mois prévu par l’article 635 du Code Général des Impôts, « délai de rigueur qui ne peut être prorogé », n’a pas été respecté et ce, « quel que soit le motif du retard ». L’auteur du pourvoi avait fait valoir que la rédaction de l’article L600-8 antérieure à la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ne mentionnait pas ledit délai, l’alinéa 2 précisant uniquement que la sanction devait s’appliquer à une « transaction non enregistrée ». Ladite loi a en effet modifié l’alinéa 2 de la disposition qui prévoit désormais (depuis son entrée en vigueur le 1er janvier 2019) que la sanction s’applique à « une transaction non enregistrée dans le délai d’un mois prévu au même article 635 ». L’auteur du pourvoi en déduisait qu’antérieurement à la réforme, la sanction ne devait pas s’appliquer à une transaction dont l’enregistrement avait réalisé, bien que tardivement. Cette position n’était pas dénuée de pertinence. L’application littérale de l’ancien alinéa 2 de l’article L600-8 devait en effet conduire à ne pas appliquer la sanction si la transaction avait été enregistrée, même tardivement. La Cour de Cassation a cependant censuré cette interprétation et sa motivation mérite d’être reproduite : « Mais attendu qu’il ressort de la combinaison des articles L. 600-8 du code de l’urbanisme et 635, 1, 9° du code général des impôts que la formalité de l’enregistrement doit être accomplie dans le mois de la date de la transaction et que, à défaut d’enregistrement dans ce délai, la contrepartie prévue par la transaction non enregistrée est réputée sans cause ; Que considérer que le délai d’un mois est dépourvu de sanction et admettre ainsi qu’une transaction ne pourrait être révélée que tardivement serait…