Publication définitive du régime afférent aux réseaux intérieurs des bâtiments (Loi du 30 déc.2017)

Par Me Jérémy TAUPIN- Green Law Avocats L’article 16 de la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement est venu fixer le régime afférent aux réseaux intérieurs des bâtiments. Un nouveau chapitre V est ainsi inséré au titre IV du livre III du code de l’énergie, qui distingue les réseaux publics de distribution et les réseaux fermés des réseaux intérieurs. Pour rappel, dans l’attente du cadre réglementaire définitif relatif aux réseaux fermés de distribution (voir notre précédent article sur le cadre législatif via ce lien), et suite à l’arrêt de la Cour d’appel de Paris dit « Valsophia » (n°2015-15157 du 12 janvier 2017) la rapporteur de ce qui n’était encore que projet de loi avait entendu sécuriser et pérenniser le schéma de raccordement à emploi unique des bâtiments tertiaires. Nous en faisions déjà état au sein d’un autre article. La rédaction des articles n’a pas été modifiée depuis leur dernière version. Ainsi, la définition posée par le nouvel article L. 345-1 énonce : « Les réseaux intérieurs sont les installations intérieures d’électricité à haute ou basse tension des bâtiments définis à l’article L. 345‑2 lorsqu’elles ne constituent pas un réseau public de distribution d’électricité tel que défini au dernier alinéa du IV de l’article L. 2224‑31 du code général des collectivités territoriales ni un réseau fermé de distribution d’électricité tel que défini à l’article L. 344‑1 du présent code. » L’article L. 345-2 circonscrit ce type de réseau aux immeubles de bureaux, en énonçant que : « Les réseaux intérieurs peuvent être installés dans les immeubles de bureaux qui appartiennent à un propriétaire unique.  Ne peuvent être qualifiées de réseaux intérieurs les installations électriques alimentant : 1° Un ou plusieurs logements ; 2° Plusieurs bâtiments non contigus ou parties distinctes non contiguës d’un même bâtiment ; 3° Un bâtiment appartenant à plusieurs propriétaires. » Ce nouveau chapitre ne crée donc pas de statut spécifique pour les gestionnaires de ces réseaux intérieurs (à l’inverse des réseaux fermés de distribution) mais permet de réduir les risques de contentieux futurs pour ces réseaux spécifiques. Il existe donc une distinction claire entre les trois types distincts de réseaux que sont désormais : les réseaux intérieurs des bâtiments; les réseaux fermés de distribution d’électricité ; les réseaux publics de distribution et de transport d’électricité; Les conditions encadrant la mise en œuvre d’un réseau intérieur de bâtiment sont ensuite précisées par les articles L. 245-3 à L.345-7 du code de l’énergie. Ainsi, le raccordement d’un utilisateur à un réseau intérieur d’un bâtiment : ne peut faire obstacle à l’exercice par un consommateur des droits relatifs au libre choix de son fournisseur prévus à l’article L. 331-1 ; ne peut pas non plus faire obstacle au droit de participation au mécanisme d’effacements de consommation mentionné à l’article L. 321-15-1 ; (article L. 345-3 du code de l’énergie) ne peut pas porter atteinte au droit pour un producteur de bénéficier de l’obligation d’achat, des garanties d’origine ou du complément de rémunération (article L. 345-4 du code de l’énergie) Pour l’application de ces articles, un dispositif de décompte de la consommation ou de la production d’électricité est installé par le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité. Les réseaux intérieurs des bâtiments doivent également satisfaire aux conditions techniques et de sécurité fixées dans les normes applicables aux installations électriques intérieures (Art. L. 345-6 du code de l’énergie) Enfin, la possibilité d’un abandon du réseau intérieur, qui devient une obligation en cas de division ou d’une vente partielle de l’immeuble de bureaux, est envisagée par l’article L.345-7 du code de l’énergie: « Le propriétaire d’un réseau intérieur tel que défini à l’article L. 345-1 peut abandonner ses droits sur ledit réseau en vue de son intégration au réseau public de distribution auquel il est raccordé, après remise en état à ses frais, pour satisfaire aux conditions techniques et de sécurité prises en application de l’article L. 323-12. À l’occasion d’une division ou d’une vente partielle de l’immeuble mentionné au premier alinéa de l’article L. 345-2, il y est obligé, sous la même condition de remise en état à ses frais, et le gestionnaire du réseau auquel il est raccordé est tenu de l’accepter. » L’ensemble de ces dispositions législatives doivent, à l’instar de celles ayant trait aux réseaux fermés de distribution, encore faire l’objet d’un décret d’application.

Appel d’offres « Energie » : pas d’intérêt à agir pour le cocontractant du candidat évincé

Par David DEHARBE  (Green Law Avocats) Dans un arrêt du 30 octobre 2017 n° 16NT00528, la Cour administrative d’appel de Nantes a précisé la notion d’intérêt à agir lors de la contestation d’une procédure de mise en concurrence relative à un appel d’offres « énergie » (procédure prévue aux articles L311-10 et suivants du code de l’énergie). Par une décision conjointe du Ministre de l’écologie et du développement durable et du Ministre de l’industrie et de l’énergie en date du 6 avril 2012, la société Ailes Marines SAS est devenue attributaire du lot n°4 d’un appel d’offres énergétique portant sur l’implantation d’un parc éolien sur le domaine public maritime au large de la commune de Saint-Brieuc. Par une décision du 18 avril 2012, la société a été autorisée à exploiter un parc éolien sur ce territoire d’une capacité totale de production de 500 MW. La société Eolienne Maritime France, candidate à l’appel d’offres, a été informée que son offre avait été rejetée par une décision du 19 avril 2012. Le partenaire de cette société, le bureau d’études Nass & Wind Offshore, décide de contester devant le tribunal administratif de Rennes les décisions des 18 et 19 avril 2012 en sollicitant une indemnisation au titre des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait de ces décisions. Le tribunal ayant rejeté ses demandes, le requérant interjette appel. Les juges de la Cour administrative d’Appel de Nantes vont juger, dans un raisonnement en deux temps, que l’appelant n’avait pas intérêt à agir pour contester ces deux décisions : Dans un premier temps, l’appelant soutenait que son intérêt à agir était suffisamment direct dans la mesure où le bureau d’études intégrait un consortium représenté par la société Eolien Maritime France lors de la consultation d’appel d’offres. Or, en l’espèce, la Cour relève que la note de présentation élaborée par la société candidate évincée à l’appel d’offres ne désignait le bureau d’études que comme son « cocontractant » dans le cadre du développement du projet. Dans ces conditions, le juge d’appel relève que la qualité de cocontractant du candidat évincé n’est pas de nature à conférer au bureau d’études un intérêt à agir en vue de contester les décisions attaquées : “Considérant, en premier lieu, que la société Nass § Wind Offshore n’était pas elle- même candidate, ni même en situation de se porter candidate, à l’appel d’offres organisé par l’Etat pour l’attribution, sur le fondement des dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de l’énergie, de l’autorisation d’exploiter un parc éolien en mer au large de Saint-Brieuc, formant le lot n°4 de cette consultation ; que si la société requérante se prévaut de sa qualité de partenaire au sein du consortium représenté par la société Eolien Maritime France, laquelle a déposé une offre pour l’attribution du lot n°4, la note de présentation de la structure organisationnelle produite par Eolien Maritime France la désigne seulement comme cocontractante de cette société dans le cadre du développement du projet ; qu’une telle qualité n’est de nature à conférer à la requérante un intérêt pour agir ni en vue de contester l’autorisation délivrée à l’issue de l’appel d’offres sur le fondement de l’article L.311-1 du code de l’énergie, ni en vue de demander l’annulation de la décision rejetant l’offre du candidat avec lequel la société requérante avait contracté ; “ Dans un second temps, le bureau d’études se prévalait de la signature d’une « convention d’achat d’actions et de collaboration » par laquelle il avait cédé 100% du capital de la société qui développait le projet de parc éolien à la société Eolien Maritime France. Cette convention prévoyait également la possibilité pour le bureau d’études, d’effectuer des prestations de services complémentaires pour le compte de la société  Eolien Maritime France dans l’hypothèse où celle-ci remportait le marché, moyennant le versement d’un prix au bénéfice du bureau d’études. Néanmoins, le juge considère que cette convention n’est pas susceptible de caractériser un intérêt personnel et direct suffisant pour lui donner qualité à agir à l’encontre des décisions attaquées. “Considérant, en second lieu, que la société Nass § Wind Offshore se prévaut également de la signature d’une « convention d’achat d’actions et de collaboration » par laquelle elle a cédé à Éolien Maritime France 100% du capital de la société qui développait le projet de parc éolien sur le site de Saint-Brieuc ; que cette convention prévoyait le versement à la requérante de compléments de prix liés à la possibilité pour Éolien Maritime France de développer le projet au large de Saint-Brieuc, tout en prévoyant la signature d’un contrat de prestation de service au cas où la société Eolien Maritime France serait attributaire de l’autorisation ; que, cependant, les clauses que comporte une telle convention, librement souscrite et à laquelle l’Etat n’était pas partie, sont insusceptibles de caractériser, de la part du cocontractant du candidat évincé, un intérêt personnel et direct suffisant pour lui donner qualité pour agir, tant à l’encontre de la décision de rejet de l’offre de son cocontractant qu’à l’encontre de la décision d’attribution à un autre concurrent ou en indemnisation des éventuels préjudices commerciaux consécutifs à de telles décisions “ L’appel est donc rejeté pour défaut d’intérêt à agir. L’intérêt à agir du bureau d’études aurait pu être admis si la candidature à l’appel d’offres avait été déposée par un groupement d’opérateurs économiques, constitué du bureau d’études requérant et de la société Eolien Maritime France. En effet, il est de jurisprudence constante que les membres d’un groupement, candidat à un marché public, peuvent contester les décisions d’attribution desdits contrats (Cf. Conseil d’Etat, 23 octobre 1992, req. n°107107). Or, cette solution nous paraît être transposable aux appels d’offres énergétiques.  

Hydroélectricité – Précision de la composition des différents dossiers nécessaires pour la création, l’octroi, le renouvellement et la modification de concessions hydroélectriques

Par Jérémy TAUPIN – Green Law Avocats Le récent décret n°2016-530 du 27 avril 2016 relatif aux concessions d’énergie hydraulique et approuvant le modèle de cahier des charges applicable à ces concessions est venu moderniser le cadre réglementaire des concessions hydroélectriques, pour tenir compte des évolutions récentes du droit des concessions (notamment la directive relative aux contrats de concession), ainsi que transposer aux ouvrages concédés les révisions récentes des règles relatives à la sécurité des ouvrages. Le nouveau chapitre Ier du titre II du livre V du code de l’énergie modifié par le décret fixe notamment les règles selon lesquelles l’Etat peut initier la procédure d’octroi de nouvelles concessions, et clarifie l’articulation des dispositions réglementaires et des dispositions contractuelles applicables aux concessions, tout en actualisant le nouveau modèle de cahier des charges annexé au décret. Ce décret, qui s’inscrivait dans le cadre plus large de la modernisation des procédures applicables aux concessions, renvoyait à un arrêté du Ministre de l’énergie le soin de fixer, notamment, la composition du dossier d’intention prévu à l’article R. 521-3 I du code de l’énergie et du dossier de demande prévu à l’article R. 521-10 du même code. C’est désormais chose faite, puisque l’arrêté du 13 février 2017 portant diverses dispositions d’application de la partie réglementaire du code de l’énergie relatives aux concessions d’énergie est venu fixer la composition des différents dossiers nécessaires pour la création, l’octroi, le renouvellement et la modification de concessions hydroélectriques. L’arrêté fixe plus précisément dans le détail : le contenu du dossier d’intention prévu par l’article R. 521-3 du code de l’énergie (article 1 de l’arrêté) ; le contenu du dossier de demande prévu par l’article R. 521-10 du code de l’énergie par (article 2 de l’arrêté), ainsi que la possibilité de compléter ce contenu (article 3) ; le contenu du dossier lors d’un renouvellement de concession (article 4) ; le contenu du dossier de demande de modification de concession (article 5)  ; enfin, les procédures de récolement des travaux et de regroupement des concessions sont précisées. L’arrêté fixe par ailleurs à 7% le taux d’actualisation permettant de tenir compte de l’évolution des données économiques et financières prises en compte dans le cas d’un regroupement de concessions. Le code de l’énergie prévoit en effet la possibilité de regrouper les concessions existantes lorsque les aménagements sont hydrauliquement liés et peuvent être exploités de manière coordonnée.

ENR: publication du décret relatif aux délais de raccordement des installations

Par Sébastien Bécue Green Law Avocats   La loi de transition énergétique a modifié l’article L. 342-3 du code de l’énergie (nous en parlions ici), qui prévoit désormais que le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité doit raccorder les installations de production d’électricité au réseau dans un délai de : 2 mois pour les installations d’une puissance de moins de 3kVa ; et de 18 mois pour celles d’une puissance supérieure.   Le décret n°2016-399 du 1er avril 2016, entré en vigueur le 4 avril 2016, est venu en préciser les modalités aux articles D. 342-4-1 et suivants du code de l’énergie.     Le point de départ du délai de raccordement   Alors que l’article L. 342-3 prévoyait déjà que le délai de 2 mois commence à compter de l’acceptation par le demandeur de la convention de raccordement, rien n’était prévu pour le délai de 18 mois. Les points de départ sont désormais alignés : le délai court à compter de la date de réception par le gestionnaire de réseau de la convention de raccordement signée par le demandeur. Il est également précisé que ce délai ne comprend pas le délai nécessaire à la mise en service de l’installation.     Les causes de suspension du délai   Le délai est suspendu : si le producteur et le gestionnaire de réseau s’accordent sur le fait que la construction des ouvrages à réaliser par le producteur ne peut être effectuée en dix-huit mois ; si le producteur décide de suspendre son projet ; si la réalisation du raccordement fait l’objet de sujétions nouvelles résultant d’une décision de l’autorité administrative. On sait qu’en pratique, ces causes sont assez fréquentes. De même, la formule assez générale sur le fait que la construction des ouvrages “ne peut être effectuée” dans le délai risque de laisser une latitude assez grande au gestionnaire. Les producteurs devront veiller à disposer d’informations précises et circonstanciées sur cette impossibilité.   Les causes d’interruption du délai   Le délai est interrompu, c’est-à-dire qu’il recommence totalement à courir : – S’il apparaît que les travaux nécessaires au raccordement comprennent des ouvrages de haute tension qui imposent l’obtention d’une autorisation administrative ou d’une déclaration d’utilité publique – à compter de la date d’obtention de la plus tardive des autorisations ou à compter de la date à laquelle le pétitionnaire est autorisé à exercer les servitudes ; -Si le gestionnaire de réseau établit par tous moyens l’impossibilité matérielle d’exécuter les travaux, le délai court à compter de la cessation de cette situation – En cas de modification de l’installation de production nécessitant une modification de la convention de raccordement, le délai court à compter de la date de réception, par le gestionnaire de réseau, de la nouvelle convention de raccordement signée par le demandeur. -En cas de recours juridictionnel à l’encontre d’une décision nécessaire à la réalisation des ouvrages de raccordement, le délai court à compter de la date à laquelle le rejet de la requête devient définitif.     La procédure de prorogation du délai   Sur demande du gestionnaire, le préfet de département peut accorder après consultation du producteur, une prorogation du délai lorsque : La taille des installations et leur localisation par rapport au réseau le justifient ; Ou que le retard pris pour le raccordement est imputable à des causes indépendantes de la volonté du gestionnaire de réseau.   Le gestionnaire doit accompagner sa demande motivée de prorogation d’un dossier présentant les travaux et de toute pièce justifiant les raisons précitées. Il est précisé que la prorogation du délai ne fait pas obstacle à sa suspension ou son interruption.     Quelles sanctions en cas de non-respect du délai par le gestionnaire ?   Rappelons que le titre de la section du code où sont placées ces dispositions est « indemnités en cas de retard de raccordement d’une installation de production d’énergie renouvelable ». Les indemnités dues par le gestionnaire en cas de dépassement du délai de deux mois prévu pour les installations de moins de 3kVa sont fixées depuis 2012 : 50 euros pour le dépassement puis 50 euros par mois supplémentaire. L’article L. 342-3 prévoit qu’un décret doit fixer les modalités d’indemnisation aussi pour les installations de plus de 3kVa.   Si le gouvernement recherche l’accélération du raccordement des installations, il serait probablement souhaitable qu’il encourage les diligences du gestionnaire en fixant des indemnités de retard plus conséquentes, nonobstant les recours en responsabilité qui peuvent toujours être intentés en parallèle.

Codification de la partie réglementaire du code de l’énergie

Un décret n°2015-1823 du 30 décembre 2015, publié au JORF n°0303 du 31 décembre 2015 page 25121, a permis la codification de la partie réglementaire du code de l’énergie. La partie réglementaire du code de l’énergie est désormais codifiée aux articles R. 111-1 et suivants de ce code.