APPLICATION DE LA JURISPRUDENCE « TARN-ET-GARONNE » A UNE CONVENTION DE PROJET URBAIN PARTENARIAL (P.U.P)

Par maître Thomas RICHET (Green Law Avocats) Un arrêt récent de la Cour administrative d’appel de Marseille relatif à un contentieux d’un  Projet Urbain Partenarial (P.U.P.) mérite de retenir l’attention (téléchargeable ici : CAA Nantes, 23 juillet 2018, n° 17NT00930). Instituée par la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 et codifiée aux articles L. 332-11-3 et L. 332-11-4 du code de l’urbanisme, la convention de Projet Urbain Partenarial (P.U.P) est une forme de participation d’urbanisme destinée au financement d’équipements publics autres que les équipements propres. Cette convention est conclue entre, d’une part, le ou les propriétaires, aménageurs et / ou constructeurs et d’autre part, la personne publique compétente en matière d’urbanisme (i.e. commune ou établissement public de coopération intercommunale) ou bien le Préfet, dans le cadre des opérations d’intérêt national. Sa conclusion n’est autorisée que dans les communes dotées d’un plan local d’urbanisme ou d’un document en tenant lieu et plus précisément, dans les zones urbaines (U) et les zones à urbaniser (AU). Par ailleurs, il convient de rappeler que la conclusion d’une convention de P.U.P a pour effet de faire échapper les constructions réalisées dans le périmètre qu’elle délimite du champ d’application de la taxe d’aménagement pendant un délai fixé par la convention, qui ne peut excéder dix ans (cf. C. urbanisme, L. 332-11-4). Pour les opérateurs privés, l’intérêt de signer une convention de P.U.P réside dans la possibilité d’obtenir plus rapidement la réalisation d’équipements publics difficiles à financer a posteriori par la seule taxe d’aménagement (TA) et si cette convention peut faire avancer plus rapidement son projet (cf. circulaire du 18 juin 2013 relative à la réforme de la fiscalité de l’aménagement, annexe 2). Il a été jugé par la Cour administrative d’appel de Marseille que si une convention de P.U.P peut être conclue en vue du financement de tout ou partie des équipements publics nécessaires à la réalisation d’un projet de construction, sa conclusion ne peut légalement intervenir postérieurement à la délivrance de la ou des autorisations d’urbanisme autorisant la réalisation de ce projet. A défaut, la convention est entachée d’un vice d’une particulière gravité (cf. CAA Marseille 27 mai 2016, Mme C. A, req. n° 15MA01414, considérant n° 14). Par ailleurs, cette même Cour a jugé que la convention de P.U.P, qui peut être passée avec le bénéficiaire d’un permis, n’est pas, par sa nature même, soumises aux règles de mise en concurrence et de publicité (cf. CAA Marseille, 17 octobre 2013, n° 12MA02696). Il convient néanmoins de rappeler que le juge n’est pas lié par la qualification du contrat donnée par les parties, de sorte qu’une convention faussement intitulée de P.U.P encourt un risque de requalification en marché public si elle remplit les critères de cette qualification (cf. par exemple CE, 5 juin 2009, Société Avenance-enseignement et santé, n° 298641). Dans notre affaire, le conseil de la communauté urbaine Le Mans Métropole avait, par une délibération à objet composite, d’une part, approuvé le projet de convention P.U.P conclu avec la société Benermans pour l’aménagement d’un parc d’activités commerciales situé sur son territoire et autorisé son président à signer la convention et d’autre part, approuvé le programme des équipements publics. La convention de P.U.P a été signée le 27 novembre 2014. La SCI Val de Sarthe, tiers à l’opération, a sollicité de la part du Tribunal administratif l’annulation de la délibération du 20 novembre 2014 et de la convention de P.U.P conclue entre l’EPCI et la société Benermans le 27 novembre 2014. Elle a saisi la Cour d’une requête d’appel à l’encontre du jugement ayant rejeté sa demande Concernant la légalité de la délibération du 20 novembre 2014, la Cour a estimé  que les parties s’étaient engagées, pour la commune, à réaliser d’importants travaux de voirie d’un montant de 1 554 724 euros dans un délai de 18 mois à compter de la prise d’effet des obligations des parties, et pour la société Benermans, à participer à l’opération via un apport de terrains non-bâtis et au versement d’une contribution financière de 1 436 668 euros. Le juge a constaté que  cette même société avait été exonérée du paiement de la taxe d’aménagement dans le périmètre de la convention pour une durée de 10 ans. Or selon la Cour « eu égard à son objet et au caractère exorbitant de l’exonération de taxe d’aménagement figurant à son article 6, cette convention doit être regardée comme revêtant le caractère d’un contrat administratif » (cf. considérant 7 de l’arrêt). Le juge d’appel a donc considéré que la convention de P.U.P, qui n’est pas un contrat administratif par détermination de la loi, était  un contrat administratif au regard des critères dégagés par la jurisprudence, et plus précisément, au regard du critère de la clause exorbitante du droit commun (cf. Conseil d’Etat, 31 juillet 1912, Société des granits porphyroïdes des Vosges, rec. Lebon, n° 30701). Dès lors, et par application de la désormais célèbre jurisprudence « Département de Tarn-et-Garonne » (cf. Conseil d’Etat, 4 avril 2014, n° 358994, Publié au recueil Lebon), la SCI Val de Sarthe était seulement recevable à contester, dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir, la délibération litigieuse en tant qu’elle approuvait le programme des équipements publics. En effet, dans l’arrêt précité, le Conseil d’Etat a fixé le principe selon lequel : « indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles (…); que les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d’une demande tendant, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l’exécution du contrat ; que ce…

Eoliennes: le permis de construire n’a pas à être précédé d’une autorisation d’occupation du domaine public pour le passage des câbles (CE, 4 juin 2014)

Le Conseil d’Etat vient de trancher récemment (Conseil d’Etat, 4 juin 2014, n°357176) la question de savoir si la délivrance du permis de construire pour un parc éolien est subordonnée à l’obtention préalable d’une autorisation d’occupation du domaine public pour le passage des câbles électriques nécessaires au raccordement au réseau des éoliennes. Cette question était d’importance car les règles auparavant applicables prévoyaient que le demandeur au permis devait disposer d’un “titre l’habilitant à construire”, ce qui pouvait être de nature à rendre nécessaire une AOT ou une COT lorsque le domaine public était concerné par la construction. Toute la question demeurait de savoir si le réseau de câbles était inclus dans la construction, ce d’autant qu’en l’espèce, ce n’était même pas le réseau privé (éoliennes-poste de livraison) mais le réseau géré par le gestionnaire (poste de livraison/poste source) qui était en cause. La réponse pourrait apparaître comme frappée du bon sens (la construction ne porte que sur le parc éolien) mais pourtant, cette question restait en suspend, tant que deux jurisprudences s’opposaient: l’arrêt rendu en appel dans l’affaire finalement tranchée par le Conseil d’Etat (CAA Douai, 23 déc. 2011, n°10DA00973) et un jugement du Tribunal administratif de Lille (TA Lille, 4 oct. 2012, n° 0907032). En l’espèce, une association cherchait à obtenir l’annulation d’un permis de construire accordé à un opérateur pour la construction d’un parc éolien. Au soutien de sa demande, l’association soutenait que l’enfouissement des câbles électriques reliant le poste de livraison du parc éolien au poste source du réseau de distribution d’électricité nécessitait une occupation des ouvrages du réseau public de distribution implantés sur le domaine public. Elle estimait que le pétitionnaire devait joindre à sa demande de permis de construire la preuve de la délivrance d’une autorisation d’occupation du domaine public. Lors de l’audience, les conclusions du Rapporteur public avaient été accueillies avec une grande surprise et la formation de jugement de la Cour administrative d’appel de Douai avait estimé que le parc éolien et les câbles formaient un tout : « L’enfouissement des câbles électriques reliant le poste de livraison aux postes sources nécessite une occupation des ouvrages du réseau public de distribution d’électricité implantés sur le domaine public ; que le pétitionnaire du permis litigieux ne justifie pas de la délivrance, par la commune ou par le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, d’une autorisation d’occupation du domaine public à cette fin ; que dans ces conditions [le pétitionnaire] ne peut être regardée comme disposant d’un titre l’habilitant à construire ». L’année suivante, le Tribunal administratif de Lille (TA Lille, 4 oct. 2012, n° 0907032) avait rendu un jugement contradictoire. Le Conseil d’Etat clarifie donc cette question en considérant : « qu’il résulte toutefois des articles 14 et 18, alors applicables, de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité que le raccordement des ouvrages de production d’électricité au réseau public de transport d’électricité ainsi qu’aux réseaux publics de distribution d’électricité incombe aux gestionnaires de ces réseaux ; qu’ainsi, le raccordement, à partir de son poste de livraison, d’une installation de production d’électricité au réseau électrique se rattache à une opération distincte de la construction de cette installation et est sans rapport avec la procédure de délivrance du permis de construire l’autorisant ; que la délivrance de ce permis n’est donc pas subordonnée, hors l’hypothèse où l’installation serait elle-même implantée, en tout ou en partie, sur le domaine public, à l’obtention préalable d’une autorisation d’occupation du domaine public ». La construction de l’installation éolienne et son raccordement au réseau électrique sont deux opérations distinctes. La délivrance du permis de construire n’est donc pas subordonnée à l’obtention préalable d’une autorisation du domaine public. Rappelons que cet arrêt est rendu sous le régime antérieur relatif au titre habilitant à construire. Aujourd’hui, l’article R431-13 du code de l’urbanisme règle cette question, puisqu’il prévoit « Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l’accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public ». Il ne sera donc désormais nécessaire de joindre au dossier de permis de construire éolien une pièce attestant de l’accord du gestionnaire du domaine public pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public que pour autant que le parc lui même est lui même implanté sur une telle parcelle (dans cette hypothèse, ce n’est pas l’autorisation d’occupation du domaine public qui est requise, mais uniquement l’accord du gestionnaire pour engager la procédure d’autorisation). Si le parc n’est pas implanté sur du domaine public, la construction ne sera pas assujettie à la production de l’accord du gestionnaire, même si le parc nécessite bien évidemment un raccordement au RPD. Camille Colas Green Law Avocat