Etude d’impact: attention à la suffisance de l’étude et aux compléments apportés post-enquête publique

Le tribunal administratif de Grenoble a rendu le 12 février 2013, un jugement (TA Grenoble, 12 février 2013, n°1101160 et n°1101168) qui intéressera tous les porteurs de projets nécessitant la réalisation d’une étude d’impact par les précisions qu’il apporte tant sur les modalités d’appréciation de la qualité d’une telle étude que sur la date d’appréciation de la complétude de cette étude. On notera d’emblée que la décision d’autorisation d’exécution de travaux et d’aménagement d’un domaine skiable dont était saisi le juge grenoblois dans cette affaire était antérieure aux réformes relatives à l’étude d’impact et à l’enquête publique. Cependant, la solution dégagée, par les termes employés nous parait être totalement applicable aux futures autorisations nécessitant la réalisation d’une étude d’impact. Sur la date d’appréciation de la complétude de l’étude d’impact Pour apprécier la complétude de l’étude d’impact produite pour la demande d’autorisation ayant donné lieu à la décision litigieuse, le juge administratif grenoblois décide de se placer à la date de l’enquête publique. Et cette position, compte tenu de la nécessaire information du public imposée par les textes pour certains projets (voir C. env., art. R. 123-1 et R. 122-2) semble amplement justifiée. En effet, l’article L. 123-1 du code de l’environnement prévoit depuis le 1er juin 2012 que « l’enquête publique a pour objet d’assurer l’information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l’élaboration des décisions susceptibles d’affecter l’environnement mentionnées à l’article L. 123-2 ». Ainsi, on comprend qu’un dossier de demande d’autorisation dès lors qu’il est soumis à une telle enquête, a non seulement vocation à informer l’autorité administrative décisionnelle mais aussi et surtout à informer le public. Bien qu’au départ réticent à cette idée (voir CAA Nancy, 04 mars 2004, n°99NC00567), le juge administratif a fini par la consacrer dans le considérant de principe suivant, lequel a d’ailleurs été récemment confirmé dans une décision que nous avions commentée ici : « les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant le dossier soumis à enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d’entacher d’irrégularité l’autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative » (CE, 14 octobre 2011, n°323257 ; confirmé par CE, 15 mai 2013, n°353010). Concernant spécifiquement l’étude d’impact, notons que celle-ci doit être obligatoirement jointe au dossier d’enquête publique, et ce depuis de nombreuses années (C. env., art. R. 123-8, 1° ; anc. art. R. 123-6, 2°). Fort de ce contexte réglementaire et jurisprudentiel, c’est tout naturellement que le tribunal administratif de Grenoble décide que : « Considérant qu’eu égard à la finalité des dispositions imposant la réalisation d’une étude d’impact, dont la qualité conditionne la bonne information du public et de l’autorité administrative sur les conséquences du projet envisagé, l’insuffisance du contenu d’une étude d’impact imposée par le Code de l’environnement est susceptible d’entacher d’illégalité les autorisations fondées pour partie sur le résultat de cette étude ; que le contenu de l’étude d’impact réalisé doit être apprécié, à cet effet, à la date de l’enquête publique, la réalisation d’enquêtes complémentaires étant insusceptible de combler d’éventuelles insuffisances à ce stade ». Et une telle solution, si elle est novatrice par sa formulation, préexistait déjà dans de précédentes décisions. Par exemple, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a déjà pu juger qu’un complément à l’étude d’impact produit postérieurement à l’enquête publique ne permet pas de palier l’insuffisance de l’étude d’impact initiale, laquelle vicie la procédure d’autorisation :  « Considérant que si l’étude d’impact mentionne qu’aucun monument protégé au titre de la législation sur les sites inscrits et les monuments historiques n’est recensé dans l’aire d’implantation des éoliennes, il ressort de cette même étude que comme l’a relevé le tribunal, plusieurs édifices protégés sont situés dans un rayon de trois à six kilomètres autour des lignes d’éoliennes projetées ; que l’étude d’impact manque de précisions sur les conséquences de la présence du parc éolien sur l’environnement visuel des monuments historiques protégés, ce qui n’a donc pas permis au public d’opérer cette appréciation ; que si une étude ayant donné lieu à un rapport complémentaire en date du 25 juillet 2007, permet par des photos-montages d’apprécier la visibilité du parc éolien depuis certains édifices protégés, ces nouveaux éléments sont postérieurs à la période de consultation du public et n’ont donc pu ainsi pallier le caractère lacunaire de l’étude d’impact initiale ; que, dès lors, la Société E. n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal a estimé, par ce seul moyen d’annulation, que le permis de construire attaqué était intervenu au terme d’une procédure irrégulière en raison de l’insuffisance de l’étude d’impact ;» (CAA Bordeaux, 30 juillet 2010, n°09BX02233 ;   voir également CAA Douai, 13 novembre 2008, n°08DA00187 ; CAA Douai, 22 janvier 2009, n°08DA00372). Ainsi, le juge grenoblois, en refusant qu’une étude d’impact initialement insuffisante soit complétée  par des éléments produits postérieurement à l’enquête publique, s’inscrit dans une voie jurisprudentielle déjà très largement usitée. Pour autant, il ne faut pas manquer de remarquer la précision qu’il apporte concernant la réalisation d’enquêtes complémentaires. En effet, tout en affirmant la date à laquelle doit être appréciée la suffisance de l’étude d’impact, il prend soin de préciser que  la réalisation d’enquêtes complémentaires est insusceptible de combler d’éventuelles insuffisances de l’étude initiale jointe au dossier de la première enquête publique. On remarquera qu’au sens des nouveaux textes (articles L. 123-13 et R. 123-14 du code de l’environnement) le commissaire enquêteur peut de demander au pétitionnaire de compléter le dossier d’enquête publique par des documents qu’il juge utiles à la bonne information du public. De plus, contrairement à ce que pourrait faire croire cette décision du juge grenoblois, la production de compléments à l’étude d’impact postérieurement à la réalisation de l’enquête publique n’entraine pas de facto l’irrégularité de la procédure d’autorisation. En effet, préalablement à la reconnaissance de l’irrégularité de la procédure, il faut nécessairement que le juge contrôle si les éléments produits venaient pallier une insuffisance de l’étude d’impact…

Le Rapporteur public, une institution du procès administratif consolidée

Par un arrêt en date du 21 juin 2013 (CE, 21 juin 2013, n°354227), le Conseil d’Etat vient de longuement justifier le rôle du rapporteur public.   Cet arrêt n’est pas anodin puisqu’il fait suite à la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH, 4 juin 2013, Marc Antoine c. France, n°54984/09)  dans laquelle cette dernière a décidé que le fait que seul le rapporteur public, et non les parties à l’instance, obtienne communication du projet de décision du conseiller rapporteur, ne viole pas le droit à un procès équitable tel que prévu à l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.   Cette décision de la CEDH était loin d’être évidente, tant le rapporteur public, lorsqu’il était encore désigné sous le vocable de commissaire du gouvernement, avait pu être remis en cause par la CEDH à l’occasion de plusieurs arrêts (CEDH, Kress c. France, 7 juin 2001, n°39594/98 ; CEDH, Martinie c. France, 12 avril 2006, 58675/00).   C’est sans doute pourquoi, fort de la dernière position de la CEDH,  le Conseil d’Etat vient consacrer dans les considérants ci-après reproduits de longs développements sur le rôle du rapporteur public, ce qui lui assure sans doute un avenir certain dans le procès administratif :   « 2. Considérant que l’article L. 5 du code de justice administrative prévoit que ” l’instruction des affaires est contradictoire ” ; qu’aux termes de l’article L. 7 de ce code : ” Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu’elles appellent ” ; 3. Considérant que les règles applicables à l’établissement du rôle, aux avis d’audience et à la communication du sens des conclusions du rapporteur public sont fixées, pour ce qui concerne les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, par les articles R. 711-1 à R. 711-3 du code de justice administrative ; que l’article R. 711-2 indique que l’avis d’audience mentionne les modalités selon lesquelles les parties ou leurs mandataires peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public ; que le premier alinéa de l’article R. 711-3 du même code dispose que ” si le jugement de l’affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l’audience, le sens de ces conclusions sur l’affaire qui les concerne ” ; 4. Considérant que le principe du caractère contradictoire de l’instruction, rappelé à l’article L. 5 du code de justice administrative, qui tend à assurer l’égalité des parties devant le juge, implique la communication à chacune des parties de l’ensemble des pièces du dossier, ainsi que, le cas échéant, des moyens relevés d’office ; que ces règles sont applicables à l’ensemble de la procédure d’instruction à laquelle il est procédé sous la direction de la juridiction ; 5. Considérant que le rapporteur public, qui a pour mission d’exposer les questions que présente à juger le recours sur lequel il conclut et de faire connaître, en toute indépendance, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l’espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu’appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient, prononce ses conclusions après la clôture de l’instruction à laquelle il a été procédé contradictoirement ; que l’exercice de cette fonction n’est pas soumis au principe du caractère contradictoire de la procédure applicable à l’instruction ; qu’il suit de là que, pas plus que la note du rapporteur ou le projet de décision, les conclusions du rapporteur public -qui peuvent d’ailleurs ne pas être écrites- n’ont à faire l’objet d’une communication préalable aux parties ; que celles-ci ont en revanche la possibilité, après leur prononcé lors de la séance publique, de présenter des observations, soit oralement à l’audience, soit au travers d’une note en délibéré ; qu’ainsi, les conclusions du rapporteur public permettent aux parties de percevoir les éléments décisifs du dossier, de connaître la lecture qu’en fait la juridiction et de saisir la réflexion de celle-ci durant son élaboration tout en disposant de l’opportunité d’y réagir avant que la juridiction ait statué ; que s’étant publiquement prononcé sur l’affaire, le rapporteur public ne peut prendre part au délibéré ; qu’ainsi, en vertu de l’article R. 732-2 du code de justice administrative, il n’assiste pas au délibéré devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel et, selon l’article R. 733-3 de ce code, il y assiste, sauf demande contraire d’une partie, sans y prendre part au Conseil d’Etat ; 6. Considérant que la communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions citées au point 3 de l’article R. 711-3 du code de justice administrative, a pour objet de mettre les parties en mesure d’apprécier l’opportunité d’assister à l’audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu’elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l’appui de leur argumentation écrite et d’envisager, si elles l’estiment utile, la production, après la séance publique, d’une note en délibéré ; qu’en conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l’audience, l’ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d’adopter, à l’exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que cette exigence s’impose à peine d’irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public ; 7. Considérant, par ailleurs, que, pour l’application de l’article R. 711-3 du code de justice administrative et eu égard aux objectifs, mentionnés au point 6, de cet article, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l’appréciation qu’il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les…

Têtes de bois et pieds dans le bêton !

Par une décision DC n°2013-317 QPC du 24 mai 2013, le Conseil Constitutionnel a déclaré la disposition législative permettant au pouvoir réglementaire de fixer la quantité minimale de matériaux en bois que doivent contenir les nouvelles constructions, contraire à la constitution.   En effet, par l’article 21, paragraphe V de la loi n°96-1236 sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie, aujourd’hui codifié à l’article L. 224-1, V du code de l’environnement, le législateur a introduit en droit français la disposition selon laquelle :   « Pour répondre aux objectifs du présent titre, un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions dans lesquelles certaines constructions nouvelles doivent comporter une quantité minimale de matériaux en bois ».   Pour autant, il faut attendre près de dix ans pour voir le pouvoir réglementaire faire usage de cette disposition. C’est le décret n°2005-1647 du 26 décembre 2005 qui fixe le premier cette quantité minimale de matériaux en bois devant être utilisés pour l’édification des constructions neuves. Depuis lors, le décret a été remplacé par celui du 15 mars 2010 (D. n°2010-273) afin de relever considérablement cette quantité minimale, tout en la faisant varier en fonction de la destination des constructions.   Complétant le dispositif, l’arrêté du 13 septembre 2010 remplace celui du 26 décembre 2005 et fixe des règles pour calculer cette quantité minimale du volume de bois devant être incorporé dans les nouvelles constructions.   En imposant une part obligatoire de matériaux en bois dans les constructions, le législateur a nécessairement entendu réduire celle du béton (dont on oublie souvent qu’elle constitue le premier matériau mis en œuvre dans le monde).   C’est donc tout naturellement que le Syndicat français de l’industrie cimentière et la Fédération de l’industrie du béton, se sentant lésés par ce dispositif, ont introduit devant le Conseil d’Etat un recours en annulation du décret du 15 mars 2010 pour excès de pouvoir.   A l’occasion de ce recours, les requérants ont demandé au Conseil d’Etat de renvoyer au Conseil Constitutionnel la question de savoir si la disposition législative permettant au pouvoir réglementaire de fixer la quantité minimale de matériaux en bois à contenir pour les nouvelles constructions est conforme ou non à l’article 7 de la charte de l’environnement et à l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.   Le Conseil d’Etat  accepté de transmettre cette QPC.       –         Concernant l’article 7 de la charte de l’environnement   L’article 7 de la charte de l’environnement prévoit que « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».   Ainsi, pour être conformes aux droits et libertés que la constitution garantit,  les dispositions d’une loi renvoyant à des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement doivent nécessairement prévoir que l’élaboration de ces décisions est soumise à une procédure  permettant la participation du public.   Cependant, en l’espèce, le Conseil Constitutionnel décide que la décision à laquelle renvoie l’article L. 224-1, V du code de l’environnement est seulement susceptible d’avoir une incidence indirecte sur l’environnement et qu’elle ne figure donc pas au nombre des décisions devant être soumises au principe de participation du public :   « Considérant que, par les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre l’adoption de normes techniques dans le bâtiment destinées à imposer l’utilisation de bois dans les constructions nouvelles, afin de favoriser une augmentation de la production de bois dont il est attendu une amélioration de la lutte contre la pollution atmosphérique ; que l’exigence de telles normes techniques n’est, en elle-même, susceptible de n’avoir qu’une incidence indirecte sur l’environnement ; que, par suite, le législateur n’était pas tenu de soumettre la décision de fixation de ces normes au principe de participation du public ;   Cette position est pour le moins critiquable. Si la disposition  a effectivement pour but de favoriser une augmentation de la production de bois, elle a également nécessairement pour effet la diminution de la consommation du béton et du ciment dans les constructions réduisant par là-même l’emprunte carbone très forte de ces dernières. Or, cette disposition a pour but de répondre aux objectifs du titre II du livre II du code de l’environnement, lesquels objectifs se trouvent être définis à l’article L. 220-1 du même code :   « L’Etat et ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ainsi que les personnes privées concourent, chacun dans le domaine de sa compétence et dans les limites de sa responsabilité, à une politique dont l’objectif est la mise en œuvre du droit reconnu à chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé. Cette action d’intérêt général consiste à prévenir, à surveiller, à réduire ou à supprimer les pollutions atmosphériques, à préserver la qualité de l’air et, à ces fins, à économiser et à utiliser rationnellement l’énergie ».   Ainsi, se retrouve parmi ces objectifs la lutte contre les pollutions atmosphériques, ce qui inclut nécessairement la lutte contre les émissions de carbone. D’ailleurs, cela a été récemment précisé par le législateur qui a ajouté en 2010 à l’article L. 220-1, la phrase suivante : « La protection de l’atmosphère intègre la prévention de la pollution de l’air et la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre ».   La lettre de ces objectifs relègue la production du ciment ou du béton à la médiocrité de son bilan carbone, évidemment bien plus négatif que la production de bois. La disposition querellée avait donc bien une incidence directe et certaine sur la lutte contre la pollution atmosphérique en ce qu’elle permettait de réduire l’emprunte carbone des constructions.  Est-ce à dire que nos sages et les rédacteurs de la décision commentée ne connaissent que la complexité de l’environnement que la doctrine a pu qualifier de « caméléon » ou plus dramatiquement de « poulpe » ? Rue de Montpensier, nos « sages » n’auraient-ils jamais entendu parler de l’approche intégrée de l’environnement qui implique une perception globale des…

Légalité d’un classement en Zone N du PLU d’une parcelle accueillant une ICPE (CAA Douai, 2 mai 2013)

Dans un arrêt récent, la Cour administrative d’appel de Douai vient de rappeler que le terrain d’implantation d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) en activité peut légalement faire l’objet d’un classement en zone naturelle d’un plan local d’urbanisme (PLU) si tant est que le classement trouve sa justification dans la protection des sites, des milieux naturels ou des paysages et ne fait pas obstacle au maintien de l’activité de l’installation (Cour administrative d’appel de Douai, 1re chambre – formation à 3, 02/05/2013, 12DA00494, Inédit au recueil Lebon). Les appelants étaient des sociétés propriétaire et exploitante d’une usine SEVESO seuil bas dont le terrain d’implantation a été classé en zone naturelle du plan local d’urbanisme. Rappelons-nous que le juge administratif n’exerce qu’un contrôle restreint sur le classement des terrains et sur les dispositions du PLU qui leur sont applicables (Conseil d’Etat, 11 mars 1991, n°81753, Porcher ; Conseil d’Etat, 6 décembre 1996, n°141189, Commune de Saint-Adresse), ce que ne manque pas de rappeler la Cour à titre liminaire : « 5. Considérant qu’il appartient aux auteurs d’un plan local d’urbanisme de déterminer le parti d’aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d’avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction ; que s’ils ne sont pas liés, pour déterminer l’affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d’utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l’intérêt de l’urbanisme, leur appréciation sur ces différents points peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d’une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts ; ». La Cour va d’abord examiner l’objectif du classement des parcelles des sociétés appelantes en zone naturelle, et constate qu’il correspond à la volonté de la commune d’étendre la protection d’un espace boisé situé au Sud-ouest de la commune : « 6. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort du rapport de présentation du plan local d’urbanisme que la commune d’A… a choisi de maîtriser son développement urbain en affirmant sa volonté de conforter les espaces naturels de son territoire en créant ” des zones tampons ” entre le tissu urbain et les espaces agricoles ou boisés et en valorisant la trame verte définie par la communauté de communes du Val-de-Souchez ; qu’elle a ainsi décidé d’étendre la protection de l’espace boisé naturel situé au Sud-Ouest du tissu urbain de la commune ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le plan local d’urbanisme de la commune ne tient pas compte de la nécessité d’assurer la prévention des risques naturels prévisibles, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature, et notamment ceux liés à la présence de l’activité de la société P… et d’anciens carreaux de mines ; » Puis, la Cour rejette l’argument des appelantes relatif à l’incapacité du classement à assurer la prévention des risques technologiques générés par l’usine SEVESO. Elle estime que le classement en zone naturelle ne fait pas obstacle au maintien de l’activité, ni qu’il serait contraire à l’objectif de prévention des risques technologiques poursuivis par le plan local d’urbanisme : « 7. Considérant, en deuxième lieu, que les sociétés requérantes font valoir que le classement de la parcelle AI 148, appartenant à la SCI C…, en zone naturelle n’est pas justifié par son caractère boisé et ne permet pas d’assurer la prévention des risques technologiques générés par l’installation de fabrication de spécialités de chimie classée SEVESO seuil bas présente sur cette parcelle ; qu’elles soulignent que la société P…, exploitante de cette activité, se trouverait désormais dans l’impossibilité d’assurer, dans des conditions optimales, le stockage des produits dangereux, pour leur toxicité et leur caractère inflammable, et précisent que, conformément aux prescriptions de l’arrêté préfectoral du 4 mars 1998 autorisant la société à exploiter l’installation classée et aux recommandations de la direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement, une distance minimale de 30 mètres doit être respectée entre les bâtiments de production et ceux de stockage et que seule la parcelle AI 148 permettrait de répondre à cette contrainte ; qu’il ne résulte toutefois pas des pièces du dossier que le classement en zone naturelle de la parcelle AI 148 ferait obstacle au maintien de l’exercice de l’activité autorisée au titre des installations classées ou qu’il serait contraire à l’objectif de prévention des risques technologiques poursuivis par le plan local d’urbanisme ; » Enfin, la Cour rejette l’argument tiré des risques pour la sécurité publique : « 8. Considérant, en troisième lieu, que les sociétés appelantes soutiennent que les auteurs de la révision du plan local d’urbanisme, en classant la parcelle AI 149 en zone naturelle, n’ont tenu compte ni de sa situation par rapport au secteur boisé, ni des risques pour la sécurité publique liés à l’existence d’un ancien site minier comportant des cavités souterraines qui rendent le sol instable ; que si le dossier départemental des risques majeurs du Pas-de-Calais de décembre 2004, repris sur ce point par le schéma de cohérence et d’organisation du territoire approuvé le 11 février 2008, relève l’existence de risques spécifiques à cette ancienne activité d’extraction de la houille, il souligne que ces risques, notamment ceux liés à l’affaissement de terrains, sont identifiés et stabilisés ; qu’en outre, il ressort des pièces du dossier que, conformément aux préconisations des Houillères du bassin du Nord et du Pas-de-Calais, le plan local d’urbanisme a établi les périmètres de protection autour des puits de mine, lesquels sont constitutifs du risque le plus important pour la sécurité ; que la présence de vestiges de l’ancienne concession minière, d’un château d’eau, d’une antenne-relais de téléphonie mobile et d’une voie de desserte ne modifient pas les caractéristiques de la parcelle qui est principalement boisée et qui se situe en continuité avec un vaste espace boisé s’étirant en triangle vers le Sud-Ouest de la commune ; que, dans ces conditions et alors même que le classement prévoit l’aménagement d’aires de promenades et de loisirs, la commune…

PPRT : nouveaux objectifs

Faisant suite au Plan de mobilisation pour la prévention des risques technologiques présenté par le gouvernement en réaction aux incidents survenus en début d’année dans une usine SEVESO seuil haut de Rouen, une circulaire ministérielle du 11 avril 2013 vient donner des instructions aux préfets visant à accélérer l’élaboration des Plans de Prévention des Risques Technologiques (PPRT).   Tout d’abord, rappelons que c’est par la loi n°2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages que l’obligation pour l’Etat de créer des PPRT a été instituée à l’article L. 515-15 du Code de l’environnement.   Comme l’indique fort pédagogiquement le ministère de l’environnement dans son « bilan des actions nationales 2012 de l’inspection des installations classées », ces plans ont pour vocation de rendre les sites industriels à risque (SEVESO) « compatibles avec leur  environnement par une réduction préalable du risque à la source (aux frais de l’exploitant du  site industriel) et par la mise en œuvre : –          de mesures « foncières » sur l’urbanisation existante, composées d’expropriations et  de droits à délaissement volontaire des biens ; –          de mesures « supplémentaires » de réduction du risque à la source proposées par l’exploitant allant au-delà des exigences règlementaires, lorsque leur mise en œuvre est moins coûteuse que les mesures foncières qu’elles permettent d’éviter ; –          de restrictions ou règles sur l’urbanisme futur, sur l’usage des bâtiments futurs, des voies de communication existantes ou futures, des équipements…, ainsi que des restrictions d’usage ou des règles de construction sur les futurs bâtiments édifiés à proximité du site industriel ; –          de travaux à mener sur les constructions existantes au voisinage du site industriel, pour en réduire la vulnérabilité, travaux dont le montant ne peut excéder 10% de la valeur vénale du bien ».   On comprend ainsi que ces PPRT ont une importance primordiale dans la prévention des risques technologiques et des catastrophes industrielles.   Or, pour un objectif fixé à 70% de PPRT approuvés pour la fin 2012, seuls 54% l’ont été, c’est à dire 218 PPRT sur les 404 prescrits.   C’est à ce retard que le plan de mobilisation pour la prévention des risques technologiques et la présente circulaire entendent remédier, tout en fixant des objectifs d’élaboration encore plus ambitieux.   En effet, la ministre de l’environnement demande aux préfets de fixer pour chaque région un planning d’approbation des PPRT qui permette que 75% des plans soient approuvés d’ici la fin de l’année 2013 et que 95% le soient avant la fin de l’année 2014.   Pour atteindre ces objectifs ambitieux, elle rappelle notamment les récentes modifications des modalités de financement des différentes mesures des PPRT, principale raison des blocages rencontrés lors de l’élaboration et l’approbation de ces plans : –          le financement des mesures foncières à part égal entre les collectivités territoriales, l’Etat et l’exploitant à défaut d’accord sur ce financement dans un délai d’un an suivant l’approbation du PPRT ; –          le crédit d’impôt de 40% du coût des travaux de renforcement des habitations prescrits aux riverains par le PPRT ; –          le financement complémentaire des travaux prescrits par le PPRT aux riverains par les collectivités et les industriels à l’origine des risques à hauteur de 25% chacun.   Cependant, il convient de noter que cette dernière modification n’est pas encore entrée en vigueur. En effet, bien que votée par le Parlement dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2013, le Conseil Constitutionnel a censuré cette modification en demandant au gouvernement d’utiliser un vecteur législatif différent. La ministre s’engageant par cette circulaire à le faire dans les tous prochains mois, l’ont peut considérer cette modification comme acquise.    Ensuite, de façon plus concrète, la ministre de l’environnement ordonne la mise en place d’une « task force » au sein des directions départementales du territoire (DDT). Ainsi, une organisation provisoire devra être instituée au sein de chaque DDT et visera la montée en compétence des agents dédiés pour en faire des experts de la réalisation des PPRT et des démarches suivant leur approbation.   Ces agents seront mis au service de cette organisation pour une durée limitée à l’élaboration des PPRT de la région et leur mise en oeuvre, et devront pouvoir consacrer plus de 50% de leur temps aux PPRT, afin de monter en puissance techniquement pour les dossiers qui le nécessiteraient.   Enfin, pour assurer la bonne mise en œuvre des PPRT déjà approuvé, la ministre préconise la mise en place d’un dispositif d’accompagnement collectif pour le pré-financement et la réalisation effective des travaux de renforcement des habitations prescrits par un PPRT. Dans cette logique, elle recommande d’intégrer les aspects risques technologiques dans des programmes locaux de l’Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat (ANAH) lorsque cela est opportun.   Si le Plan de mobilisation précité combiné à cette circulaire semble pouvoir faire espérer que les objectifs d’approbation des PPRT, il conviendra néanmoins de faire un premier bilan dès l’année prochaine.   Surtout cette marche forcée va conduire à adopter les plans les plus contestés et susciter un contentieux d’ores et déjà initié (PPRT: annulation d’un plan de prévention des risques ayant listé les immeubles devant être expropriés (TA Toulouse, 15 novembre 2012, n°121105)), même si la jurisprudence sur le sujet est encore confidentielle car demeurée au stade des Tribunaux administratifs.   Etienne POULIGUEN – Juriste (Green Law Avocat)