Plan de prévention des risques technologiques : une nouvelle application de la jurisprudence Commune de Saint-Bon-Tarentaise (CE, 6 déc.2017)

  Par Me Fanny Angevin- Green Law Avocats   Par une décision en date du 6 décembre 2017 (CE, n°400735, Mentionné aux Tables), le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la question de savoir si la jurisprudence du Conseil d’Etat Commune de Saint-Bon-Tarentaise du 5 mai 2017 n°388902 pouvait s’appliquer à la concertation organisée pour l’élaboration d’un plan de prévention des risques technologiques. La décision Commune de Saint-Bon-Tarentaise avait mis fin à la jurisprudence Commune de Sainte-Lunaire, en considérant que l’illégalité de la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision d’un plan local d’urbanisme ne pouvait être utilement invoquée contre la délibération approuvant le plan local d’urbanisme. C’est donc une décision intéressante pour les PPRT. Les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) sont encadrés par les articles L. 515-15 et suivants du code de l’environnement. Ces plans visent à réguler l’urbanisation autour de certaines installations dangereuses et à ces fins, peuvent prévoir des interdictions et des prescriptions particulières pour les constructions ou ouvrages environnants. La procédure d’élaboration d’un plan de prévention des risques technologiques est encadrée par l’article L. 515-22 du code de l’environnement. Cet article prévoit classiquement trois étapes à la procédure d’élaboration du plan : la concertation, la consultation des personnes associées et l’enquête publique. Par ailleurs, l’article L. 515-22 du code de l’environnement, en ce qui concerne la concertation, opère un renvoi vers les dispositions du code de l’urbanisme (ancien article L. 300-2 du code de l’urbanisme aujourd’hui aux articles L. 103-2 et suivants du code de l’urbanisme). C’est donc avec la même logique de concertation d’un document d’urbanisme que la procédure de concertation d’un plan de prévention des risques technologiques est en principe élaborée. Dans l’affaire présentée devant le Conseil d’Etat, les préfets d’Indre-et-Loire et du Loir-et-Cher avaient prescrit l’élaboration du plan de prévention des risques technologiques visant à délimiter un périmètre de sécurité autour du site naturel de stockage souterrain de gaz au lieu-dit « Les Gerbaults » (Commune de Céré-la-Ronde). Par un arrêté commun en date des 19 et 24 décembre 2013, le plan a été approuvé. Une association de riverains et un particulier ont ensuite attaqué cet arrêté devant le Tribunal administratif d’Orléans, qui a l’a annulé par un jugement en date du 10 février 2015 au regard de l’insuffisante précision des modalités de concertation dans la délibération initiale. La Cour administrative d’appel de Nantes, par une décision en date du 15 avril 2016 n°15NT01185, a confirmé l’annulation du Tribunal administratif d’Orléans par adoption des motifs. Le Ministre s’est donc pourvu en cassation, soutenant que le moyen tiré de l’insuffisance des modalités de concertation qui sont définies initialement dans la délibération prescrivant l’élaboration du plan de prévention des risques technologiques, était inopérant à l’encontre de la délibération ayant ultérieurement approuvé le même plan. Le Conseil d’Etat avait donc à examiner la question relative à l’application de sa récente jurisprudence Commune de Saint-Bon-Tarentaise du 5 mai 2017 (relative à un PLU) à l’élaboration d’un plan de prévention des risques technologiques. Pour plus de clarté, il convient de revenir sur l’apport de la jurisprudence précitée. En effet, l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme dans sa version applicable au litige (aujourd’hui codifié aux articles L. 103-2 et suivants du même code) indiquait que : « Les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation sont fixés par […] le préfet […]. ». Or, depuis 2010, le Conseil d’Etat considérait de manière constante que la délibération prévoyant les modalités de concertation avec les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées ainsi que les objectifs poursuivis par la commune en projetant d’élaborer ou de réviser un document d’urbanisme, constituait dans ces deux volets, une formalité substantielle dont la méconnaissance entachait d’illégalité le document d’urbanisme approuvé (CE, 10 février 2010, Commune de Sainte-Lunaire, n°327149). Il convient d’ailleurs de noter que le document d’urbanisme approuvé était entaché d’illégalité et ce alors même que la concertation aurait respecté les modalités définies par le conseil municipal (arrêt précité du10 février 2010, n°327149). Cette jurisprudence avait entraîné l’annulation de nombreuses délibérations adoptant un plan local d’urbanisme qui emportaient ainsi l’annulation du document d’urbanisme (voir notamment à ce titre : CAA Douai, 27 novembre 2014, n°13DA01104 ; CAA Marseille, 13 avril 2016, n°15MA02002 ; CAA Nancy, 2 juillet 2015, n°14NC01767 ; CAA Versailles, 11 mai 2015, n°13VE00583 ; CAA Douai, 30 avril, 2015, n°14DA01249), ce qui pouvait avoir de lourds impacts pour les finances communales. Il convient néanmoins de noter que l’article L. 300-2 indiquait en son 5e alinéa que « Les documents d’urbanisme et les opérations mentionnées aux I et II ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d’entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la décision ou la délibération prévue au II ont été respectées. ». Le Conseil d’Etat a progressivement donné plus d’importance à cette disposition, afin d’éviter qu’une irrégularité qui s’est déroulée en début de procédure conduise à l’annulation du document d’urbanisme (voir notamment CE, 8 octobre 2012, n°338760). Ainsi, dans la décision précitée Commune de Saint-Bon-Tarentaise, le Conseil d’Etat a mis fin à la jurisprudence Commune de Sainte-Lunaire, en considérant que l’illégalité de la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision d’un plan local d’urbanisme ne pouvait être utilement invoquée contre la délibération approuvant le plan local d’urbanisme. En effet, la Haute juridiction a estimé dans cette décision que : « si cette délibération est susceptible de recours devant le juge de l’excès de pouvoir, son illégalité ne peut, en revanche, eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoquée contre la délibération approuvant le plan local d’urbanisme » (CE, 5 mai 2017, n°388902). Le Rapporteur public dans cette affaire avait d’ailleurs précisé qu’il s’agissait « d’estimer, du fait des particularités de cette procédure, que cette irrégularité du tout premier acte est structurellement sans influence sur le dernier. » (Conclusions M. Louis DUTHEILLET de LAMOTHE sur CE, 5 mai 2017, n°388902). Le revirement de jurisprudence du Conseil d’Etat visait donc à instaurer le fait que la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision d’un document d’urbanisme est attaquable dans les délais de recours normaux, mais que…

Chantiers de la simplification du droit de l’environnement : régresser ou ne pas régresser, telle est la question… ! (CE, 8 déc.2017- annulation partielle rubrique nomenclature étude d’impact)

Par Me Sébastien BECUE (GREEN LAW AVOCATS) Aux termes d’une décision du 8 décembre 2017 (n°404391) destinée à être mentionnée aux Tables, le Conseil d’Etat supprime, sur le fondement du principe de non-régression du droit de l’environnement, une partie du contenu de la rubrique n°44 « Equipements sportifs, culturels ou de loisirs et aménagements associés » de la nomenclature déterminant les projets soumis à étude d’impact figurant en annexe à l’article R. 122-2 du code de l’environnement. Analyse. Une apparente double régression Une association de protection de l’environnement introduit un recours en annulation à l’encontre des paragraphes (a) et (d) de cette rubrique, dans leur rédaction issue de la dernière révision d’ampleur du régime de l’évaluation environnementale par le décret n°2016-1110 du 11 août 2016.Ces dispositions prévoient la soumission à étude d’impact au cas par cas, c’est-à-dire après avis de l’autorité environnementale statuant sur l’opportunité de la réalisation d’une étude d’impact au regard des caractéristiques d’un projet donné : pour l’aménagement de pistes permanentes de courses et d’essais pour véhicules motorisés d’une emprise supérieure ou égale à 4 hectares (a), et  la construction d’équipements sportifs et de loisirs, ne figurant dans aucune autre rubrique du tableau, susceptibles d’accueillir plus de 5 000 personnes (d). Auparavant : l’ancienne rubrique n°44 disposait qu’étaient soumis à évaluation environnementale systématique les aménagement de terrains pour la pratique de sports ou loisirs motorisés d’une emprise totale supérieure à 4 hectares ; et au cas par cas les aménagement de moins de 4 hectares, et l’ancienne rubrique n°38 prévoyait qu’étaient soumis au régime systématique les équipements culturels, sportifs ou de loisirs susceptibles d’accueillir plus de 5 000 personnes ; et au cas par cas ceux susceptibles d’accueillir plus de 1 000 personnes et moins de 5 000 personnes.  A première vue, et c’était là l’argumentation de l’association, il semble bien que ces « déclassements » puissent être qualifiés de « régression » de la protection de l’environnement, à tout le moins dans le sens courant du terme, à savoir une évolution en sens inverse d’un phénomène qui cesse de progresser. En effet, d’une part, certains projets soumis systématiquement à évaluation environnementale bénéficient désormais du régime plus favorable de l’examen au cas par cas, ce qui peut permettre à certains d’entre eux de ne pas faire l’objet d’une évaluation, en considération de leurs caractéristiques et de leurs impacts supposés sur l’environnement et la santé humaine. D’autre part, certains projets qui faisaient l’objet d’un examen au cas par cas ne sont plus, en aucun cas, soumis à évaluation, sans même d’examen au cas par cas.    L’invocation d’un principe aux contours et à la portée normative encore flous L’association requérante fonde son argumentation sur le principe législatif de non-régression, qui figure à l’article L. 110-1 du code de l’environnement depuis l’intervention de la loi 2016-1087 du 8 août 2016 dite « pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysage ». Ce nouveau principe directeur du droit de l’environnement, « selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ». Lors de son contrôle de la conformité du principe à la Constitution, le Conseil constitutionnel lui a reconnu une portée normative en ce qu’il« s’impose, dans le cadre des dispositions législatives propres à chaque matière, au pouvoir réglementaire » (décision n°2016-737 DC du 4 août 2016). Restait donc à savoir comment le Conseil d’Etat allait contrôler concrètement le respect de cette injonction faite à l’exécutif, légitimement saluée par les associations de protection de l’environnement mais également source de crainte pour les porteurs de projets qui réclament de longue date une véritable simplification du droit de l’environnement. Une application pragmatique du principe de non-régression La décision du Conseil d’Etat ne propose pas directement de guide général de mise en œuvre du principe. Saisi d’une question relative à son application au régime juridique de l’évaluation environnementale, l’appréciation du Conseil d’Etat est bornée à ce domaine du droit de l’environnement. Confronté à deux types possibles de régression, le Conseil d’Etat différencie. Il n’y pas régression quand une règlementation « déclasse » un type de projet de la soumission systématique vers la soumission au cas par cas. En effet, les projets compris dans la catégorie déclassée resteront soumis à évaluation environnementale si l’autorité environnementale estime, après une analyse concrète des caractéristiques de l’espèce, que les risques pour l’environnement méritent d’être étudiés. C’est un témoignage important de confiance dans la capacité des administrations assurant le rôle d’autorité environnementale à déterminer quels sont les projets. Il est clair que cette confiance s’explique notamment par l’exigence dont a récemment fait preuve le Conseil d’Etat vis-à-vis de cette institution, dont il a été confirmé dans la douleur qu’elle doit être fonctionnellement indépendante de l’autorité qui délivre l’autorisation (voir notre article L’autorité environnementale est morte, vive l’autorité environnementale !). Il y a présomption de régression lorsqu’une catégorie de projets ne peut plus faire l’objet d’une évaluation environnementale alors que les projets y étaient soumis auparavant. La forme négative choisie pour la rédaction de la phrase est révélatrice : dans ce cas, il y a bien, dans ce cas, régression « en principe ». Cette présomption est néanmoins réfragable : il est possible de démontrer la légitimité d’une telle soustraction. Pour cela, le type de projet devenu insusceptible d’être évalué doit également être insusceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine. Le Conseil d’Etat liste les indices permettant de justifier ce choix : la nature, les dimensions, la localisation, du type de projet, et rappelle que cette appréciation se fait au regard des connaissances scientifiques, comme le prévoit l’article L. 110-1 précité. En l’espèce, il estime que le bilan est négatif : l’association requérante a démontré, sans être efficacement contredite par l’exécutif, que ces types de projets peuvent avoir des incidences notable sur l’environnement « lorsqu’ils sont localisés dans ou à proximité de lieux où les sols, la faune ou la flore sont particulièrement vulnérables ». Le Conseil d’Etat tranche ainsi in concreto, au regard du dossier qui lui est soumis, constitué en toute logique des argumentations respectives…

Il est des silences qu’on entend (CE, 1ère- 6ème chambres réunies, 17/11/2017, n° 398573)

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) Le régime français du refus implicite encore très souvent maintenu, malgré la proclamation du principe qui voudrait que le silence vaille accord, pose parfois la question de sa compatibilité avec le droit communautaire dérivé. Ainsi par un arrêt du 17 novembre 2017 (téléchargeable ici : CE, 1ère– 6ème chambres réunies, 17/11/2017, n° 398573), le Conseil d’Etat juge que « lorsque le droit de l’Union européenne impose, ainsi que le fait le paragraphe 2 de l’article 6 de la directive 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988, la motivation d’une décision administrative, devant intervenir dans un délai déterminé, comme une garantie conférée aux administrés intéressés, de telles dispositions ne font pas, en principe, obstacle à la formation, à l’expiration des délais prévus à cet effet par le droit interne, d’une décision implicite de rejet mais s’opposent toutefois à ce qu’une telle décision ne soit pas accompagnée d’une motivation à l’expiration du délai imposé par le droit de l’Union européenne ». En l’espèce, la Haute juridiction considère que « dès lors, en l’absence de motivation à l’expiration de ce délai, le ministre des affaires sociales et de la santé ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l’article L. 232-4 du code des relations entre le public et l’administration selon lesquelles « une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n’est pas illégale du seul fait qu’elle n’est pas assortie de cette motivation ». Le même arrêt apporte encore cette précision de principe ; « Enfin, lorsque la décision en cause doit être prise au vu de l’avis motivé d’un organisme collégial, lequel s’est prononcé dans un sens défavorable à la demande, l’administré ne peut être regardé comme ayant eu connaissance des motifs de la décision implicite de rejet de sa demande du seul fait qu’il s’est vu communiquer cet avis avant l’expiration du délai imparti, sauf à ce que l’administration lui ait préalablement fait connaître, le cas échéant par une mention de l’accusé de réception de sa demande, que l’absence de décision explicite dans ce délai manifesterait qu’elle entend rejeter sa demande en s’appropriant les motifs de l’avis à intervenir ». Ainsi le Conseil d’Etat conditionne la motivation d’une décision implicite de rejet par référence anticipée à un avis, à une information préalable de cette éventualité au bénéfice du demandeur. Cette solution s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence de la CJUE rendue en matière de droit d’accès à l’information environnementale. En effet, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, notamment de l’arrêt rendu le 26 juin 2003 dans l’affaire C-233/00, Commission c/ République française, que des dispositions de droit européen prévoyant que des décisions doivent être motivées dans un certain délai impliquent que l’autorité publique fournisse d’office, et non sur requête du demandeur, les motifs de ses décisions. La Cour a ainsi jugé dans l’affaire C-233/00 : « Il s’ensuit que l’article 3, paragraphe 4, de ladite directive exige que l’autorité publique fournisse d’office les motifs de sa décision de  rejet d’une demande d’informations relatives à l’environnement, sans que le demandeur ait à présenter une demande en ce sens, même si, dans  l’hypothèse d’un silence gardé par l’administration, ces motifs peuvent être communiqués à ce dernier à une date ultérieure » (même arrêt). Et à propos des décisions implicites de rejet des demandes d’autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques rendues sous le nouveau régime désignant le Directeur de l’ANSES comme autorité compétente, le Conseil d’Etat a ainsi neutralisé le moyen tiré de ce que l’article R. 253-12 du code rural et de la pêche maritime méconnaîtrait les dispositions combinées des règlements n° 1107/2009 et n° 546/2011 (CE, 3ème – 8ème chambres réunies, 19/06/2017, n° 392989). Le poète nous révèle que « Les îles ont un silence qu’on entend ». Le droit non avare de ses propres paradoxes sera parvenu à inventer la fiction d’une motivation dans le silence de la décision… david.deharbe@green-law-avocat.fr

Amiante : la Cour de cassation précise l’étendue du repérage (Cass, 14 sept.2017)

Par Maître Fanny ANGEVIN (Green Law Avocats) La troisième chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée dans un arrêt en date du 14 septembre 2017 n°16-21.942, sur l’étendue de l’obligation du diagnostic amiante. Pour rappel, le diagnostic amiante correspond à la phase de repérage d’amiante au sein d’un bâtiment. Le vendeur d’un immeuble dont le permis de construire a été délivré avant le 1er juillet 1997 a l’obligation d’effectuer ce diagnostic (article R. 1334-14 du code de la santé publique ; article L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation). Dans l’arrêt du 14 septembre 2017, la Cour de cassation était saisie d’un pourvoi à l’encontre d’une décision de la Cour d’appel d’Amiens rejetant les prétentions de requérants, acheteurs d’une maison, dans laquelle ils avaient découvert la présence d’amiante sur les cloisons et doublages des murs non relevée dans le diagnostic. La Cour d’appel d’Amiens avait considéré que l’ensemble des parois des murs et cloisonsétait recouvert de papier peint et que les plaques de revêtements muraux n’étaient ni visibles, ni accessibles et qu’ainsi, le bureau d’études ayant effectué le diagnostic avait réalisé sa mission. La Cour d’appel indiquait ensuite dans sa décision que la méthode dite « par sondages sonores » n’est pas prévue par la norme NFX 46-020, relative au repérage de matériaux et produits susceptibles de contenir de l’amiante dans les immeubles bâtis.   La Cour d’appel motivait aussi son arrêt en faisant valoir que les grattages ponctuels au niveau des extrémités de papiers peints ne constituent pas une méthode d’investigation prévue par les dispositions réglementaires applicables ni celles du contrat liant les parties. La Cour de cassation casse la décision de la Cour d’appel en soutenant que l’opérateur ayant effectué le repérage ne pouvait pas limiter son intervention à un simple contrôle visuel mais devait mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission : « Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions soutenant que l’opérateur ne pouvait pas limiter son intervention à un simple contrôle visuel mais devait mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission, tout en relevant que le diagnostiqueur s’était abstenu d’effectuer des sondages non destructifs, notamment sonores, et sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, dès lors qu’il n’avait effectué de repérage que dans les parties visibles, il pouvait conclure à l’absence d’amiante dans les autres parties sans émettre de réserves, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ; » (Cass. Civ. 3e, 14 septembre 2017, n°16-21.942). La question de l’étendue du repérage amiante a déjà été posée devant la Cour de cassation. En effet, il a déjà été considéré que « le professionnel chargé d’un repérage d’amiante doit rechercher la présence de celle-ci dans toutes les parties visitées et effectuer toutes vérifications n’impliquant pas de travaux destructifs ; que le contrôle qui lui incombe n’est pas exclusivement visuel ; » (Cass. Civ. 3e, 19 mai 2016, n°15-16586). Cette décision vient donc confirmer et préciser la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation au sujet de l’étendue des obligations de repérage amiante et doit retenir l’attention des acteurs concernés par une obligation de repérage amiante, qui devront redoubler de vigilance dans la mise en œuvre de ce repérage. Enfin, cette décision intervient également corrélativement à un renforcement des modalités de repérage amiante au sein de l’actualisation de la norme NF X 46-020 (qui a été publié par l’AFNOR en août 2017 et qui vise à remplacer la version datant de 2008), modalités qui sont applicables depuis le 1er octobre 2017. La nouvelle version de la norme NF X46-020 présente quatre principales évolutions : une définition adaptée des responsabilités incombant au donneur d’ordre et à l’opérateur de repérage ; l’apparition, en annexe A, de la notion de zones présentant des similitudes d’ouvrage (« ZPSO ») permettant d’optimiser le déroulement de la mission de repérage, voire de réduire le nombre de prélèvements à effectuer ; des possibilités, pour l’opérateur de repérage, de conclure à la présence ou à l’absence d’amiante, selon les différentes situations rencontrées ; un descriptif plus exhaustif  des sondages et prélèvements à effectuer pour les différents ouvrages ; une présentation des techniques à utiliser pour les sondages, et notamment les outils susceptibles d’être utilisés. fanny.angevin@green-law-avocat.fr

Irrigation par réutilisation contrôlée des eaux de STEP traitées : l’expérimentation arrive en fin de consultation.

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) La société SEDE Environnement, filiale du groupe Veolia, a développé en partenariat avec la FNSEA une solution d’irrigation par aspersion innovante qui fertilise les cultures grâce aux éléments nutritifs (azote, phosphore, potassium) contenus dans les eaux résiduaires urbaines traitées. Ce projet s’inscrit dans la solution « Nouvelles ressources » de la Nouvelle France Industrielle (NFI).  Cette technique d’aspersion est innovante en ce qu’elle permet de connaître en temps réel la composition en éléments fertilisants de l’eau apportée en irrigation, la composition de l’eau distribuée à chaque irrigant pouvant ainsi être dosée en éléments fertilisants en fonction de chaque plan de fertilisation. Or aux termes de l’alinéa 1er de l’article R. 211-23 du code de l’environnement « Les eaux usées peuvent, après épuration, être utilisées à des fins agronomiques ou agricoles, par arrosage ou par irrigation, sous réserve que leurs caractéristiques et leurs modalités d’emploi soient compatibles avec les exigences de protection de la santé publique et de l’environnement ». Ainsi l’arrêté du 2 août 2010 modifié relatif à l’utilisation d’eaux issues du traitement d’épuration des eaux résiduaires urbaines pour l’irrigation de cultures ou d’espaces verts comporte des contraintes en fonction de la vitesse des vents, de la plus ou moins grande proximité de zones ou d’activités sensibles, de la nature du terrain (pente, sols karstiques, sols saturés…) ou de la qualité de l’eau interdisant la mise en œuvre de ce projet de réutilisation en irrigation via aspersion d’eaux de STEP traitées. Pour surmonter cet obstacle réglementaire la société a soumissionné à l’appel à projets « France expérimentation », lancé en 2016, par la direction générale des entreprises du ministère de l’économie. En vertu de l’article 37-1 de la Constitution « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental » ; sur cette base constitutionnelle l’exécutif peut identifier des projets industriels innovants afin d’encourager leur développement sur le territoire français par l’attribution de dérogations temporaires à certaines dispositions réglementaires. Lauréate pour son projet de réutilisation des eaux usagées urbaines traitées, la société SEDE Environnement a vu les dérogations qu’elle escompte soumises à consultation du public, qui arrive à terme ce 17 août. Le projet d’arrêté soumis à consultation (téléchargeable ici avec sa note explicative) tend à déroger sur deux points à l’arrêté du 2 août 2010 modifié relatif à l’utilisation d’eaux issues du traitement d’épuration des eaux résiduaires urbaines pour l’irrigation de cultures ou d’espaces verts : –  d’une part, la vitesse maximale de vent admissible pour l’irrigation et les conditions de mesure de cette vitesse de vent ; – d’autre part, les distances de sécurité entre les zones sensibles et les asperseurs. Ce projet d’arrêté ministériel dérogatoire donnera la possibilité au Préfet des Hautes-Pyrénées de délivrer, après consultation des administrations compétentes, une autorisation d’exploitation d’installations d’irrigation de cultures par aspersion d’eaux usées traitées. Cette double dérogation permettra à la société et aux autorités compétentes d’assurer l’évaluation de la mise en œuvre de la  technique innovante d’aspersion s’agissant de sur suivre ses effets sur la qualité des milieux et des produits de la culture, ainsi que ses impacts sanitaires et environnementaux sur les cultures, l’air, les eaux de surface, les sols et les eaux souterraines.