DRE : précisions sur son champ d’application

Par Maître Lucas DERMENGHEM, Green Law Avocats Par un arrêté du 9 juillet dernier la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE 9 juillet 2020 aff C-297/19) a tranché une question préjudicielle permettant de préciser le champ d’application de la directive 2004/35/CE adoptée par le Parlement européen et le Conseil le 21 avril 2004. Cette directive (dite encore “DRE”) a pour objet de mettre en place un cadre de responsabilité environnementale fondé sur le principe du « pollueur-payeur », en vue de prévenir et de réparer les dommages environnementaux. Ainsi que l’énonce la directive en son considérant n°2 : « Il convient de mettre en œuvre la prévention et la réparation des dommages environnementaux en appliquant le principe du «pollueur-payeur» inscrit dans le traité, et conformément au principe du développement durable. Le principe fondamental de la présente directive devrait donc être que l’exploitant dont l’activité a causé un dommage environnemental ou une menace imminente d’un tel dommage soit tenu pour financièrement responsable, afin d’inciter les exploitants à adopter des mesures et à développer des pratiques propres à minimiser les risques de dommages environnementaux, de façon à réduire leur exposition aux risques financiers associés ». En droit français, la directive a fait l’objet d’une transposition par la loi n°2008-757 du 1er août 2008 et par un décret d’application en date du 23 avril 2009 (plus largement sur le régime de la LRE cf. S. Bécue et D. Deharbe, Assurer le risque environnemental des entreprises, éditions l’Argus, 2019 p. 46 à 68). Après avoir rappelé les contours de cette réglementation on pourra exposer les précisions apportées au champ d’application de ce régime par la Cour de Justice de l’Union Européenne, dans son arrêt rendu le 9 juillet 2020. Rappelons que la CJUE a déjà contribué par ses arrêts à fixer la portée de la DRE, en précisant ses régimes de responsabilité (CJUE , grande ch., 9 mars 2010, aff. C-378/08,  ERG et a. CJUE , grande ch., 9 mars 2010, aff. C-379/08,  ERG et a. ; CJUE , 13 juill. 2016, C-129/16,  Túrkevei Tejtermelo Kft) ou son champ d’application dans le temps. La Cour a ainsi précisé que la directive s’appliquait aux dommages environnementaux qui se sont produits postérieurement au 30 avril 2007, mais qui ont été causés par l’exploitation d’une installation classée conformément à la réglementation sur l’eau (centrale hydroélectrique) et mise en service avant cette date (< CJUE >, 1er juin 2017, aff. C-529/15,  Folk). Le régime de la responsabilité environnementale Le régime de la responsabilité environnementale a pour objet d’instituer un mécanisme de prévention et de réparation de certains dommages causés à l’environnement. Tout d’abord, précisons que l’esprit de cette réglementation est de prévenir et de réparer le dommage écologique « pur », c’est-à-dire le dommage spécifiquement causé à l’environnement sans qu’il ne soit porté atteinte par ricochet à des intérêts d’ordre privé. Ainsi la directive 2004/35/CE précise-t-elle que le texte ne s’applique pas aux dommages corporels, aux dommages aux biens privés, ni aux pertes économiques et n’affecte pas les droits résultant de ces catégories de dommages. C’est la raison pour laquelle l’article L162-2 du code de l’environnement issu de la loi de transposition de la directive dispose qu’une personne victime d’un préjudice résultant d’un dommage environnemental ou d’une menace imminente d’un tel dommage ne peut en demander réparation sur ce fondement. Ensuite, le législateur communautaire a entendu cibler certaines catégories de dommages causés à l’environnement susceptibles de relever de cette réglementation. Constituent ainsi des dommages causés à l’environnement : les dommages causés aux espèces et habitats naturels protégés, à savoir tout dommage qui affecte gravement la constitution ou le maintien d’un état de conservation favorable de tels habitats ou espèces; on notera que l’importance des effets de ces dommages s’évalue par rapport à l’état initial, en tenant compte des critères qui figurent à l’annexe I de la directive. Les espèces et habitats protégés sont ceux visées par les directives Oiseaux et Habitats. les dommages affectant les eaux, à savoir tout dommage qui affecte de manière grave et négative l’état écologique, chimique ou quantitatif ou le potentiel écologique des eaux concernées ; les dommages affectant les sols, à savoir toute contamination des sols qui engendre un risque d’incidence négative grave sur la santé humaine du fait de l’introduction directe ou indirecte en surface ou dans le sol de substances, préparations, organismes ou micro-organismes. Le régime de la responsabilité environnementale opère un tri supplémentaire parmi les dommages relevant de son champ d’application en disposant que la directive s’applique : d’une part aux dommages causés à l’environnement par l’une des activités professionnelles énumérées en son annexe III et à la menace imminente de tels dommages découlant de l’une de ces activités : il convient de préciser que le régime s’applique ici y compris en l’absence de faute ou de négligence de l’exploitant ; d’autre part, aux dommages causés aux espèces et habitats protégés par l’une des activités professionnelles autres que celles énumérées à l’annexe III, et à la menace imminente de tels dommages découlant de l’une de ces activités, lorsque l’exploitant a commis une faute ou une négligence. Pour cette hypothèse, la directive exige ainsi la commission d’une faute. L’exhaustivité commande également de mentionner succinctement les diverses catégories exonérées du régime de la responsabilité environnementale, tels que les dommages causés à l’environnement par un conflit armé, une guerre civile ou une insurrection, les dommages causés par un phénomène naturel de nature exceptionnelle, inévitable et irrésistible, ou encore les dommages résultant d’activités dont l’unique objet est la protection contre les risques naturels majeurs ou les catastrophes naturelles, etc. Précisons encore que l’application du régime juridique de la responsabilité demeure conditionnée par un critère de gravité du dommage. La gravité des dommages est appréciée par l’autorité compétente et par le juge sur la base des critères énoncés par le décret n°2009-468 du 23 avril 2009, qui reprend in extenso les critères fixés par l’annexe I de la directive. En outre, sur le plan temporel, le régime de la responsabilité environnementale ne s’applique pas aux dommages dont le fait générateur est survenu avant le délai…

Transition énergétique, environnement et développement durable dans le rapport d’activité 2019 de la DGCCRF

par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Le 27 juillet 2020, la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a publié, avec un peu de retard, son bilan d’activité pour l’année 2019 : téléchargeable ici. La directrice générale met en avant deux thématiques qui ont surtout marqué les actions entreprises par l’administration de contrôle. Il y a d’un côté la nécessaire augmentation des contrôles dans le domaine de la transition énergétique et d’un autre côté il y a la lutte contre les fraudes du quotidien, au premier rang desquelles le démarchage abusif . Parallèlement à cette recrudescence de fraudes de nombreuses enquêtes ont été menées dans le secteur de l’Habitat ainsi que le démontre le bilan d’activité. La directrice générale met notamment un point d’orgue sur la question de la rénovation énergétique en indiquant qu’elle est « à l’interface [des] deux thématiques » ci-dessus mentionnées. La rénovation énergétique des logements a occupé une grande partie des actions de l’administration suite au développement des offres d’ « isolation à 1 euro » qui ont fait l’objet de fraudes caractérisées par un nombre accru de démarchages téléphoniques agressifs. Au vu du nombre croissant de ces fraudes, la DGCCRF réaffirme son rôle dans la protection économique des consommateurs pour « lutter contre le préjudice financier pour les ménages, la concurrence déloyale pour les professionnels sérieux et garantir le succès de la mise en œuvre d’une politique publique prioritaire », ainsi que l’a souligné la directrice générale. En 2019, à la suite de nombreuses plaintes la DGCCRF a exercé un contrôle plus étroit afin de lutter contre les pratiques déloyales des professionnels dans le secteur de la rénovation énergétique des bâtiments. Le bilan d’activité recense les différents contrôles menés et fait état de plusieurs chiffres alarmants : 469 établissements contrôlés dont les entreprises du BTP, les prestataires, les démarcheurs, sous-traitants, artisans, associations, établissements de crédit, sociétés de domiciliation, etc. 56% établissement en anomalie 69% établissements RGE 234 avertissements, 163 injonctions administratives, 74 procès-verbaux administratifs et 180 procès verbaux pénaux. En outre, la DGCCRF a initié plusieurs procédures de saisie pénale, visant les biens des gérants de sociétés peu scrupuleuses dans les Hauts-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes, pour des montants pouvant atteindre plus d’un million d’euros. Ces procédures ont permis de geler les avoirs dans l’attente du jugement au fond, évitant ainsi qu’ils soient mis hors de portée de la justice Parmi les manquements répertoriés on retient du bilan d’activité « le non-respect des droits des consommateurs en matière de vente hors établissement commercial, des règles relatives à l’information précontractuelle sur les prix et les conditions particulières de vente, la violation des règles applicables au crédit affecté et l’usage de pratiques commerciales trompeuses, voire agressives. » Les plaintes concernaient majoritairement les certificats d’économie d’énergie avec en première ligne les opérations d’isolation des combles à 1 euro. Avant la publication du bilan d’activité les nombreuses fraudes constatées ont fait naître diverses mesures dans le domaine de la rénovation énergétique. Comme la récente réforme du label RGE qui vient s’ancrer dans la lutte contre les fraudes dans le secteur de la transition énergétique. Par un arrêté en date du 5 juin 2020, le Gouvernement a ainsi renforcé le contrôle pour la délivrance de la qualification RGE pour les entreprises. En outre, l’aide d’Etat MaPrimRenov mise en place pour financer les travaux de rénovation énergétique dans les logements lancée en janvier dernier doit déjà faire face à des modifications qui ont vu le jour le 15 juillet 2020. Ces évolutions ont touchées les travaux d’isolation thermique. Afin d’éviter les surfacturations, la surface de rénovation couverte par cette aide s’est vu diminuer ainsi que le montant des forfaits pour les ménages modestes et très modestes. Sur le terrain de la sécurité sanitaire des produits et de leur contamination environnementale, le rapport apporte encore des enseignements intéressants. Comme le rappelle le rapport « La DGCCRF mène des enquêtes et réalise des actions de contrôle sur les produits de consommation alimentaires et non alimentaires. Elle gère les situations d’alerte et de crise en cas de doute sur la sécurité d’un produit ou de risque avéré pour les consommateurs et s’appuie sur un réseau de laboratoires qui effectuent des analyses des produits suspectés de présenter un risque pour la santé ou la sécurité des particuliers.Rattachée au cabinet de la directrice générale, l’Unité d’alerte (UA) coordonne les mesures à prendre pour faire cesser les dangers signalés sur des produits de consommation (alimentaires ou non alimentaires) et protéger les consommateurs (mesures de retrait du marché et de rappel des produits, actions d’information…). Elle s’assure de la réactivité et de la cohérence de l’action de l’État et intervient en lien étroit avec les services déconcentrés, les autres ministères concernés (Agriculture et Santé notamment) et les instances nationales et européennes d’évaluation et de gestion des risques. » En 2019, l’Unité d’alerte a ainsi géré 1504 alertes, dont 488 ont fait l’objet d’un rappel auprès des consommateurs, et émis 132 enregistrements sur les réseaux d’alertes européens. Sur le terrain des risques sanitaires on relève le rôle de la Direction dans la gestion du risque de contamination des laits infantiles avec une alerte as de salmonelloses à Salmonella poona chez des nourrissons de moins de un an du fait de la consommation des produits de nutrition infantile à base de protéines de riz. Les alertes de janvier 2019 ont donné lieu à des retraits-rappels de gammes de laits sur notre territoire et contaminés depuis leur production en Espagne. De même 802 contrôles d’effectivité des mesures menés par les enquêteurs de la DGCCRF ont permis de suivre la prise en charge des rappels par les professionnels depuis l’«affaire Lactalis » de 2017. On apprend ainsi que la Direction s’est encore inquiétée des teneurs préoccupantes en alcaloïdes opiacés dans des produits de boulangerie, les conclusions de l’enquête ayant révélé que l’origine de l’alerte était due à l’utilisation de graines de pavot insuffisamment nettoyées. La DGCCRF a partagé les résultats de ses investigations avec la Commission européenne et les experts des autres Etats membres. Les discussions devraient…

Ae et cas par cas : clarifications

Par Maître Lucas DERMENGHEM, Green Law Avocats Nous l’annoncions le décret n° 2020-844 du 3 juillet 2020 relatif à l’autorité environnementale et à l’autorité chargée de l’examen au cas par cas a été publié au Journal Officiel du 4 juillet dernier. Il convient d’en faire une analyse approfondie. I/ Contexte Ce texte était particulièrement attendu depuis qu’un vide juridique avait été crée à la suite de l’annulation partielle, par le Conseil d’Etat, de certaines dispositions du décret n°2016-519 du 28 avril 2016 et du décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 qui avaient pour effet de désigner le préfet de région en tant qu’autorité environnementale chargée d’émettre un avis sur les évaluations environnementales des projets. Faisant application de la célèbre jurisprudence « Seaport » de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) rendue à propos de l’autonomie de l’autorité environnementale, le Conseil d’Etat avait annulé ces dispositions sur la base du raisonnement suivant : « 7. Considérant, que ce même 1° de l’article 1er du décret attaqué a cependant maintenu, au nouveau IV du même article R. 122-6 du code de l’environnement, la désignation du préfet de région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d’ouvrage ou d’aménagement doit être réalisé, en qualité d’autorité compétente de l’Etat en matière d’environnement, pour tous les projets autres que ceux pour lesquels une autre autorité est désignée par les I, II et III du même article ; que pour autant, ni le décret attaqué, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n’a prévu de dispositif propre à garantir que, dans les cas où le préfet de région est compétent pour autoriser le projet, en particulier lorsqu’il agit en sa qualité de préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région en vertu de l’article 7 du décret précité du 29 avril 2004, ou dans les cas où il est en charge de l’élaboration ou de la conduite du projet au niveau local, la compétence consultative en matière environnementale soit exercée par une entité interne disposant d’une autonomie réelle à son égard, conformément aux exigences rappelées au point 5 ; que, ce faisant, les dispositions du 1° de l’article 1er du décret attaqué ont méconnu les exigences découlant du paragraphe 1 de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 ; qu’elles doivent donc être annulées en tant que l’article R. 122-6 du code de l’environnement qu’elles modifient conserve au préfet de région la compétence pour procéder à l’évaluation environnementale de certains projets ; » (CE, 6 décembre 2017, n°400559) « 7. Considérant qu’en maintenant ou en prévoyant la désignation du préfet de région en qualité d’autorité environnementale pour certains projets ou groupes de projets sans qu’aucune disposition du décret attaqué, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne prévoit de dispositif propre à garantir que, dans les cas où le préfet de région est également compétent pour autoriser le projet concerné ou un ou plusieurs des projets faisant l’objet d’une procédure d’autorisation concomitante, en particulier lorsqu’il agit en sa qualité de préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région en vertu de l’article 7 du décret précité du 29 avril 2004, ou dans les cas où il est en charge de l’élaboration ou de la conduite du projet ou d’un ou plusieurs de ces projets au niveau local, la compétence consultative en matière environnementale soit exercée par une entité disposant d’une autonomie réelle à son égard, les dispositions des 11° et 27° de l’article 1er du décret attaqué ont méconnu les exigences découlant du paragraphe 1 de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 rappelées au point 4 ; » (CE, 28 décembre 2017, n°407601). L’article 31 de la loi n°2019-1147 et le décret commenté ont pour objectif de combler le vide juridique crée par ces décisions. La présente note n’a pas vocation à commenter l’ensemble des apports du décret mais tendra uniquement à se focaliser sur les modifications impactant la désignation de l’autorité environnementale et de l’autorité en charge du cas par cas, ainsi que sur le dispositif visant à prévenir les conflits d’intérêts. II/ L’éviction actée du préfet de région en tant qu’autorité environnementale Désormais, avec l’entrée en vigueur de ce nouveau décret, seules trois autorités, et non plus quatre, peuvent être désignées comme « autorité environnementale » ayant pour mission de donner un avis sur les projets soumis à évaluation environnementale. L’article R122-6 du code de l’environnement est ainsi modifié en conséquence et prévoit une désignation de l’autorité environnementale compétente en fonction des autorités chargées d’élaborer et d’autoriser le projet : 1) Le ministre chargé de l’environnement occupera la fonction d’autorité environnementale pour les projets, autres que ceux mentionnés au 2° de l’article R122-6, qui donnent lieu à un décret pris sur le rapport d’un autre ministre, à une décision d’autorisation, d’approbation ou d’exécution d’un autre ministre, ou qui sont élaborés par les services placés sous l’autorité d’un autre ministre. Le ministre de l’environnement peut déléguer la fonction d’autorité environnementale à la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGDD). 2) La formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGDD) sera l’autorité environnementale pour : Les projets qui donnent lieu à une décision d’autorisation, d’approbation ou d’exécution du ministre chargé de l’environnement ou à un décret pris sur son rapport ; les projets qui sont élaborés par les services placés sous l’autorité du ministre chargé de l’environnement ou par des services interministériels agissant dans les domaines relevant des attributions de ce ministre ; les projets qui sont élaborés sous maîtrise d’ouvrage d’établissements publics relevant de la tutelle du ministre chargé de l’environnement, ou agissant pour le compte de celui-ci ; l’ensemble des projets de travaux, d’aménagement ou d’ouvrages de la société SNCF Réseau et de sa filiale mentionnée au 5° de l’article L. 2111-9 du code des transports.  3) La mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) du Conseil général de l’environnement et du développement durable de la région sur le territoire de laquelle le projet doit être réalisé effectuera…

Ae : le décret enfin publié !

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Un décret n° 2020-844 du 3 juillet 2020 relatif à l’autorité environnementale et à l’autorité chargée de l’examen au cas par cas a été publié au JORF du n°0164 du 4 juillet 2020 (texte n° 14) et est entré à vigueur à cette date. Ce texte, des plus attendus, prévoit une réforme de l’autorité environnementale et de l’autorité chargée de mener l’examen au cas par cas pour les projets relevant du champ de l’évaluation environnementale. En application du V bis de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de l’article 31 de la loi n° 2009-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, il distingue autorité chargée de l’examen au cas par cas et autorité environnementale. En application de ce même article, il prévoit un dispositif de prévention des conflits d’intérêts pour ces autorités. Il maintient la compétence du préfet de région pour mener, dans la plupart des cas, l’examen au cas par cas des projets locaux et confie à la mission régionale d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (MRAE) la compétence d’autorité environnementale pour ces mêmes projets. Gageons que ce texte va susciter controverses et contentieux mais qu’il a au moins le mérite d’être enfin publié le lendemain de la mission du Gouvernement… tout un symbole.

Protestations électorales : feu vert !

Par Maître David DEHARBE (Green Law avocats) Les préoccupations environnementales ont marqué les élection municipales de 2020 : les coalitions menées par Europe Écologie les Verts étant élues dans les grandes villes comme Lyon, Bordeaux, Strasbourg, échouant de peu à Lille mais gagnant également des villes non négligeables comme Poitiers, Besançon ou Annecy. Notons également qu’à Marseille le suspens dure encore un peu : si la liste conduite par l’écologiste Michèle Rubirola est arrivée en tête, elle n’a qu’une majorité relative en nombre de sièges de conseillers municipaux et le Printemps marseillais doit encore obtenir le soutien de l’ancienne socialiste Samia Ghali. Reste que ce verdissement des majorités municipales dans les villes ne doit pas faire perdre de vue l’autre donnée fondamentale et inquiétante de ce scrutin municipal : le taux de participation officielle au second tour des élections municipales s’établit à 41,6 % après un premier tour avec 44,66 de participation ce qui est un record historique ! Et pour cause pendant toute l’histoire de la Vème République le taux de participation au 2ème tour des élections municipales a toujours été contenu entre 79,68 % (1983) et 62,13 % (2014)… Validant le report du second tour des municipales et les mesures prises à cet effet par ordonnances, le Conseil constitutionnel a pu juger  (CC, 17 juin 2020, n° 2020-849QPC) que ce choix de convoquer le corps électoral avant la fin du mois de juin ne favorisait pas en lui-même l’abstention, tout en précisant prudemment qu’il appartiendrait « au juge de l’élection [autrement aux tribunaux administratifs et in fine au Conseil d’Etat] d’apprécier si le niveau de l’abstention a pu ou non altérer, dans les circonstances de l’espèce, la sincérité du scrutin ». Le droit ne s’use en tout cas que si on ne s’en sert pas ! Si l’abstention entame le droit de vote et la démocratie représentative, il n’appartient qu’à ceux jugeant mal élus leurs nouveaux conseillers d’en débattre devant le juge. A ce titre, rappelons que le contentieux des élections municipales obéit à des règles spécifiques notamment pour ce qui concerne l’intérêt à agir des requérants et les délais de recours (I°) et se caractérise également par des pouvoirs importants attribués au juge (II°). I/ Règles spécifiques du contentieux des élections municipales     La compétence en premier ressort des tribunaux administratifs pour connaître de la contestation des élections municipales Comme le prévoit l’article L249 du Code électoral, c’est le tribunal administratif du lieu de l’élection qui statue en premier ressort sur la contestation des opérations électorales de la commune. Le Conseil d’Etat est quant à lui compétent pour statuer sur les recours dirigés contre la décision du tribunal administratif, ouverts au préfet ou aux parties intéressées.     L’intérêt à agir pour contester les élections municipales L’article L248 du Code électoral dispose que : « Tout électeur ou tout éligible a le droit d’arguer la nullité des opérations électorales de la commune devant le tribunal Administratif/ Le préfet, s’il estime que les conditions et les formes légalement prescrites n’ont pas été remplies, peut également déférer les opérations électorales au tribunal administratif ».  Dès lors, présentent un intérêt à agir pour contester l’élection des conseillers municipaux :     Les électeurs de la commune qui ne sont pas radiés des listes électorales au jour où ils déposent leurs réclamations (Cf. CE, 31 juillet 1996, Elections municipales de Milly-sur-Thérain, n° 172743) ;     Tout candidat à l’élection, y compris les candidats proclamés élus à leur propre élection (CE, 14 mai 1969, Elections municipales partielles de la Rivière, Lebon p. 252) ;     Le Préfet, lequel doit se fonder exclusivement sur les inobservations des conditions et des formes légalement prescrites pour l’élection (Cf. CE, 21 juin 1985, Elections d’Ambarès, Lebon p. 558). Seules des personnes physiques sont fondées à former des protestations électorales ; les recours formés par des personnes morales ne sont pas recevables. Sont ainsi exclus de la possibilité de former un recours :     Les partis politiques (Cf. CE, 17 octobre 1986, Elections cantonales de Sevran, n° 70266) ;     Les syndicats de salariés (Cf. CE, 12 mai 1978, Elections municipales de Notre Dame de Gravenchon, n° 08601) ;     Les associations (Cf. CE, 29 juillet 1998, Elections régionales d’Aquitaine, n° 195094). Par ailleurs, on soulignera que le ministère d’avocat n’est pas obligatoire en matière de contentieux des élections municipales tant devant les tribunaux administratifs que devant le Conseil d’Etat (Cf. Art. L97 du code électoral).     Précisions sur le délai Les réclamations contre les opérations électorales dans la commune doivent être consignées dans un procès-verbal, sinon être déposées à peine d’irrecevabilité, au plus tard à 18 heures le cinquième jour suivant l’élection, à la sous-préfecture, ou à la préfecture. Ces protestations sont alors immédiatement adressées au Préfet qui les fait enregistrer au greffe du tribunal administratif. Elles peuvent également être déposées directement au greffe du tribunal administratif, dans le même délai (cf. article R119 du code électoral). Ces observations doivent être signées et il est exigé du requérant qu’il exprime clairement sa volonté de saisir le juge sans se borner à critiquer le déroulement du scrutin (Cf. CE, 7 décembre 1983, Elections municipales de Briot, n° 51788). Les recours formés par le Préfet doivent être exercés dans un délai de quinzaine à dater de la réception du procès-verbal. Dans tous les cas, notification est effectuée, dans les trois jours de l’enregistrement de la protestation, auprès des conseillers dont l’élection est contestée qui sont avisés en même temps qu’ils ont 5 jours aux fins de déposer leurs défenses au greffe (bureau central ou greffe annexe) du tribunal administratif et d’indiquer s’ils entendent ou non user du droit de présenter des observations orales. A compter de l’enregistrement de la réclamation, le tribunal administratif prononce sa décision dans un délai de 2 mois, décision qui sera notifiée dans un délai de 8 jours à compter de cette date aux candidats intéressés et au préfet. Ce délai est porté à 3 mois en cas de renouvellement général (Cf. Art. R120 et R121-1 du code électoral). On notera que,…