La promotion de la bagnole juridiquement révolue

Par Maître Vanessa SICOLI (Green Law Avocats) Si le slogan « Pour votre santé, évitez de manger trop gars, trop sucré, trop salé » est bien connu du grand public dès lors qu’il fut imposé depuis 2007 dans les publicités relatives à l’alimentation, celles relatives aux véhicules terrestres à moteur vont bientôt subir le même sort. En application de la loi Climat et Résilience promulguée et publiée au Journal officiel le 24 août 2021 et de la loi d’orientation des mobilités (LOM) publiée au Journal officiel le 26 décembre 2019, quatre nouveaux textes (deux décrets et deux arrêtés) venant réglementer les publicités en faveur des véhicules terrestres à moteur ont été publiés au Journal officiel du 29 décembre 2021. Ces nouvelles obligations entreront en vigueur le 1er mars 2022. Tout d’abord, le décret n° 2021-1840 du 28 décembre 2021 relatif aux publicités en faveur des véhicules à moteur modifie aussi bien le Code de l’environnement que le Code de la route. Il est accompagné d’un arrêté du 28 décembre 2021 pris pour l’application de l’article R. 229-105 du code de l’environnement fixant les modalités exactes de cette obligation. Ce décret apporte comme modification l’obligation d’afficher la classe d’émissions de dioxyde de carbone (CO2) pour « toute publicité en faveur d’une voiture particulière, au sens du 1.4. de l’article R. 311-1 du code de la route, soumise à l’obligation de mesure de la consommation de carburant et des émissions de dioxyde de carbone ». Par voiture particulière il faut comprendre, selon les indications du Code de la route, un véhicule de catégorie M1 (jusqu’à huit places assises), entre 600 kilogrammes et 3,5 tonnes. Le terme « publicité » doit être entendu de manière large dès lors que ce décret prévoit que cette obligation « est applicable aux publicités diffusées au cinéma, aux publicités émises par les services de télévision, par voie de services de communication au public en ligne, et tout imprimé mentionné à l’article 5 du décret n° 2002-1508 du 23 décembre 2002 relatif à l’information sur la consommation de carburant et les émissions de dioxyde de carbone des voitures particulières neuves. ». Cette information sera effectuée par la biais d’un visuel reprenant un gradient de sept classes d’émissions de dioxyde de carbone (de A à G) : Pour conclure, tout véhicule de catégorie M1 (jusqu’à huit places assises), entre 600 kilogrammes et 3,5 tonnes, soumis à l’obligation de mesure de la consommation de carburant et des émissions de dioxyde de carbone, devra, sous la forme du visuel présenté ci-dessus, mentionner son taux d’émission CO2 (en grammes par kilomètre) sur un gradient de sept « classes » (de A à G). Ensuite, le second décret n° 2021-1841 du 28 décembre 2021 est relatif à la promotion des mobilités actives, ou partagées, ou des transports en commun dans les messages publicitaires en faveur de véhicules terrestres à moteur. Il est accompagné d’un arrêté du 28 décembre 2021 pris pour l’application de l’article D. 328-3 du code de la route venant préciser cette obligation. Concernant toutes publicités « dans et hors les lieux de vente » en faveur de la vente ou de la location de longue durée de véhicules de tourisme (à l’exception des véhicules à usage spécial accessibles en fauteuil roulant) et de véhicules à moteur à deux ou trois roues et quadricycles à moteur appartenant à la catégorie L, elles devront être accompagnées d’un message promotionnel encourageant l’usage des mobilités actives, partagées ou des transports en commun. Ce décret définit qu’elles sont les mobilités promues : la location ou l’usage en libre-service de cycles, cycles à pédalage assisté et engins de déplacement personnels ; l’activité d’auto-partage au sens de l’article L. 1231-14 du code des transports ; l’activité de covoiturage au sens de l’article L. 3132-1 du code des transports ; le transport public collectif ainsi que le transport ferroviaire ou guidé. Ces publicités devront être accompagnées d’un des messages suivants : « Pour les trajets courts, privilégiez la marche ou le vélo » ; « Pensez à covoiturer », et « Au quotidien, prenez les transports en commun ». Aussi, les publicités relatives aux véhicules terrestres à moteur se dotent d’un nouveau hashtag : « #SeDéplacerMoinsPolluer » qui accompagnera chacun des messages susmentionnés. Enfin, des sanctions sont prévues par le décret n° 2021-1840 du 28 décembre 2021 en cas de non-respect de ces nouvelles obligations, applicables à partir du 1er juin 2022. La personne habilitée à sanctionner le cas échéant est le Ministre chargé des transports. Il pourra dans un premier temps mettre en demeure l’annonceur dans un délai qu’il détermine. En cas de non-respect de cette mise en demeure, une sanction pécuniaire pourra être prononcée de manière proportionnée à l’importance, la fréquence et la durée du manquement, au type de support publicitaire et à la situation de l’annonceur, sans pouvoir excéder 50 000 euros par diffusion. En cas de récidive, le montant de l’amende peut être porté à 100 000€. Reste à voir quel sera le véritable impact de ces nouvelles dispositions sur les émissions de CO2.

projet de décret sur la mise en place de zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m) par les collectivités

Par Maître Lucas DERMENGHEM (Green Law Avocats) Alors que les liens entre la pollution atmosphérique et le Covid-19 ont récemment fait l’objet de travaux scientifiques médiatisés, la publication d’un projet de décret relatif à la mise en place de zones à faibles émissions mobilités (ZFE-m) par les collectivités territoriales ne manquera pas de susciter l’intérêt. Ce projet de décret a pour objet de mettre en application l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dans sa version issue de l’article 86 de la loi n° 2019-1429 dite d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019 et qui porte sur l’institution des ZFE-m, qui doivent remplacer les anciennes Zones à Circulation Restreinte (ZCR). Pour mémoire, cet article dispose qu’avant le 31 décembre 2020 les collectivités locales pour lesquelles un plan de protection de l’atmosphère (PPA) est adopté, en cours d’élaboration ou en cours de révision doivent obligatoirement instaurer de telles zones « lorsque les normes de qualité de l’air mentionnées à l’article L. 221-1 du même code ne sont, au regard de critères définis par voie réglementaire, pas respectées de manière régulière sur le territoire de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent ». Cet article prévoit par ailleurs qu’après le 1er janvier 2021, la création de ZFE-m sera obligatoire dans un délai de deux ans, lorsque les normes de qualité de l’air ne sont pas respectées de manière régulière, au regard de critères définis par voie réglementaire, sur le territoire de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent et que les transports terrestres sont à l’origine d’une part prépondérante des dépassements. Le projet de décret soumis a été soumis à la consultation du public entre le 23 mars et le 13 avril 2020. Dans un communiqué de presse afférent à cette consultation, le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire a défini la ZFE-m comme « un territoire dans lequel est instaurée une interdiction d’accès, le cas échéant sur des plages horaires et jours déterminés, pour certaines catégories et classes de véhicules qui ne répondent pas à certaines normes d’émissions et donc qui ont un impact nocif sur la santé des résidents de l’ensemble du territoire ». Par ce texte, le Gouvernement prévoit tout d’abord d’instituer un article D. 2213-1-0-2 I dans le CGCT aux fins de définir les collectivités considérées comme ne respectant pas régulièrement les normes relatives à la qualité de l’air. Seront considérées comme ne respectant pas ces normes, les zones administratives de surveillance de la qualité de l’air dans lesquelles l’une des valeurs limites relative au dioxyde d’azote (NO2), aux particules PM10 et PM2,5 (mentionnées à l’article R. 221-1 du code de l’environnement) n’ont pas été respectés au moins trois années sur les cinq dernières. En outre, les communes ou les EPCI à fiscalité propre dont l’autorité exécutive dispose du pouvoir de police de circulation seront considérées comme ne respectant de manière régulière ces valeurs limites lorsque leur territoire est inclus en tout ou partie dans une zone administrative de surveillance de la qualité de l’air. Ensuite, le projet de décret doit instituer dans le CGCT un article D. 2213-1-0-3 relatif aux modalités d’identification des transports terrestres comme étant à l’origine d’une « part prépondérante des dépassements » de valeurs limites, au sens de l’article L2213-4-1 précité. Tel sera le cas : soit lorsque les transports terrestres constituent la première source des émissions polluantes ; soit lorsque les lieux concernés par le dépassement sont situés majoritairement à proximité des voies de circulation. Nul doute que les citoyens et structures associatives dédiées ne manqueront pas de scruter l’application de ce nouveau régime juridique, dans un contexte où plusieurs actions juridictionnelles ont d’ores et déjà été intentées à l’encontre de l’Etat pour carence fautive dans l’application de la législation applicable à la pollution de l’air.