Taxe sur les boues d’épuration: la Loi déclarée conforme à la Constitution sous une réserve d’interprétation (Conseil Constitutionnel, 8 juin 2012)

Voici une décision qui intéressera tous les producteurs de boues dont une partie au moins est destinée à être épandue.   Saisi le 26 mars 2012 par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité  (en application de l’ art. 61-1 de la Constitution) posée par une Confédération professionnelle,  et par cinq autres sociétés,  le conseil constitutionnel s’est prononcé sur la constitutionnalité de l’article L. 425-1 du code des assurances (décision n° 2012-251 QPC du 08 juin 2012).   Aux termes de cet article, introduit par l’article 45  de la loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, « un fonds de garantie des risques liés à l’épandage agricole des boues d’épuration urbaines ou industrielles est chargé d’indemniser les préjudices subis par les exploitants agricoles et les propriétaires des terres agricoles et forestières dans les cas où ces terres, ayant reçu des épandages de boues d’épuration urbaines ou industrielles, deviendraient totalement ou partiellement impropres à la culture en raison de la réalisation d’un risque sanitaire ou de la survenance d’un dommage écologique lié à l’épandage, dès lors que, du fait de l’état des connaissances scientifiques et techniques, ce risque ou ce dommage ne pouvait être connu au moment de l’épandage et dans la mesure où ce risque ou ce dommage n’est pas assurable par les contrats d’assurance de responsabilité civile du maître d’ouvrage des systèmes de traitement collectif des eaux usées domestiques ou, le cas échéant, de son ou ses délégataires, de l’entreprise de vidange, ou du maître d’ouvrage des systèmes de traitement des eaux usées industrielles ».   Ce fonds est financé par une taxe annuelle due par les producteurs de boues et dont l’assiette est la quantité de matière sèche de boue produite sachant que le montant de la taxe est fixé par décret en Conseil d’État dans la limite d’un plafond de 0,5 euros par tonne de matière sèche de boue produite.   Critiquant l’assiette de la taxe portant sur la quantité de boue produite et non sur la quantité de boue épandue, les requérants invoquaient la violation du principe d’égalité devant les charges publiques (art. 13 de la DDHC de 1789).   Le Conseil constitutionnel rejette la partie de la contestation tendant à remettre en cause le choix du législateur de favoriser l’élimination des boues d’épuration au moyen de l’épandage quand bien même ce mode d’élimination des boues n’est peut être pas le plus approprié pour les boues papetières (voir le commentaire  sur le site du CC de la décision n°2012-251 QPC du 8 juin 2012) au motif classique qu’il ne dispose pas d’un pouvoir d’appréciation de même nature que celui du Parlement.   Ensuite, les juges de la rue de Montpensier puisent dans l’exégèse du texte de loi pour vérifier l’absence de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques : selon la jurisprudence constitutionnelle, toute différence de traitement procédant d’une rupture d’égalité doit être en rapport direct avec l’objet de la loi (Décision n°2000-441 DC du 28 décembre 2000, loi de finances rectificative pour 2000). De ce point de vue, l’on peut rappeler que le Conseil constitutionnel procède à un contrôle approfondi de la fiscalité incitative. Or, la lecture des débats parlementaires permet de mesurer l’intention du législateur : l’institution de la taxe  assise sur la quantité de boue produite (et non pas épandue) a eu pour objet d’éviter que la taxe ne dissuade les producteurs de boues de recourir à l’épandage. Le Conseil en déduit que « la différence instituée entre les boues susceptibles d’être épandues que le producteur a l’autorisation d’épandre et les autres déchets qu’il produit et qui ne peuvent être éliminés que par stockage ou par incinération est en rapport direct avec l’objet de la taxe ».   En même temps,  le juge constitutionnel émet une réserve d’interprétation (comme il a déjà pu le faire dans la décision n°2010-57 QPC du 18 octobre 2010, “Taxe générale sur les activités polluantes”)  puisqu’il précise que les boues susceptibles d’être épandues mais  que le producteur n’a pas eu l’autorisation d’épandre ne sauraient être assujetties à la taxe. Concrètement, « le producteur de 20000 tonnes de boues « épandables », mais qui n’a été autorisé par arrêté du préfet à n’en épandre que 10000 ne peut être taxé que sur ces 1000 tonnes ( qu’il soit parvenu, ou non, à trouver les surfaces d’épandage nécessaires » (Commentaire de la décision n° 2012-251 QPC du 8 juin 2012, Taxe sur les boues d’épuration, http://www.conseil-constitutionnel.fr).   Les sociétés pourront dès lors se prévaloir de cette réserve d’interprétation devant les juridictions…..     Patricia Demaye-Simoni Maître de conférences en droit public

Eoliennes off shore / Taxe annuelle : les nouvelles modalités de répartition précisées !

  Créée par l’article 76 de la loi  n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 (art. 1519 B et 1519 du CGI), la taxe annuelle sur les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent situées dans les eaux intérieures ou la mer littorale  – assise sur le nombre de mégawatts installés – est acquittée par les exploitants  des  éoliennes maritimes et affectée à un fonds national de compensation de l’énergie. S’il a été initialement réparti, pour moitié, par le préfet de département entre les communes littorales dans lesquelles les installations sont visibles et, pour l’autre moitié, par le conseil général du département dans le cadre d’un fonds départemental pour les activités maritimes de pêche et de plaisance, les conditions de répartition du produit de la taxe ont par la suite été revues avec l’article 91 de la loi n°2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche. En application de cette loi, la nouvelle rédaction de l’article 1519 C du CGI prévoit que le produit de la taxe est réparti entre les communes littorales pour lesquelles les installations sont visibles ( à hauteur de 50 %), les projets d’exploitation durable des ressources halieutiques (pour 35 %) et les projets de développement durable des autres activités maritimes (pour 15 %). Les conditions d’application de ces dispositions sont désormais précisées par un décret n° 2012-103 du 27 janvier 2012 relatif à l’utilisation des ressources issues de la taxe instituée par l’article 1519 B du code général des impôts (CGI) publié au JORF du 28 janvier.   Ce décret du 27 janvier 2012 explicite les modalités de répartition de la taxe pour chaque catégorie de bénéficiaires mentionnée à l’article 1519 C du CGI: –          La première moitié du produit de la taxe est versée aux communes littorales (au sens de l’article L. 321-2 du CE[1]) pour lesquelles une unité de production est visible d’au moins un point de leur territoire, sachant que ce dernier doit être situé dans un rayon de 12 miles marin autour de l’unité de production (art.2 du décret). La liste des communes concernées continue à être fixée par arrêté du préfet de département ou par arrêté conjoint des préfets de départements (lorsque les communes appartiennent à des départements différents). Quant à la répartition du produit de la taxe entre les communes intéressées, elle intervient par arrêté adopté avant le 31 décembre de l’année suivant celle de l’imposition. La répartition du produit de la taxe pour chaque commune résulte d’une moyenne établie entre  les deux taux suivants : « 1° Le taux résultant du rapport entre, d’une part, la population de la commune et, d’autre part, la population de l’ensemble des communes mentionnées au premier alinéa. Le chiffre de la population pris en compte est celui de la population totale mentionnée à l’article R. 2151-1 du code général des collectivités territoriales ;   2° Le taux résultant du rapport entre, d’une part, l’inverse de la distance entre le point du territoire de la commune le plus proche d’une unité de production et cette unité, et d’autre part, la somme des inverses de cette même distance calculés pour l’ensemble des communes mentionnées au premier alinéa » (art. 3 du décret).     –          La seconde moitié du produit de la taxe est, quant à elle, affectée aux usagers de la mer. En application de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010, elle bénéficie aux projets qui concourent à l’exploitation durable des ressources halieutiques (35 %)  ainsi qu’aux projets concourant au développement durable des activités maritimes ou contribuant à la réalisation ou au maintien du bon état écologique du milieu marin (15%). Les 35 % de crédits dont l’objet est de subventionner les projets concourant à l’exploitation durable des ressources halieutiques sont affectés au comité national des pêches maritimes et des élevages marins (mis en place avec la loi n°91-411 du 2 mai 1991) qui comprend 42 membres nommés par arrêté du ministre chargé des pêches maritimes (décret  n° 2011-776 du 28 juin 2011). Ils assurent le financement des projets élaborés par les comités départementaux, interdépartementaux ou régionaux des pêches maritimes et des élevages marins, voire même par le comité national (pour les projets d’intérêt transrégional). Une procédure de sélection des projets est instituée. Cette procédure suppose que les projets élaborés au niveau départemental ou régional soient adressés au comité national qui les transmet, avec son avis, à une commission nationale comprenant des représentants des ministres  et des représentants de l’organisation professionnelle des pêches maritimes et des élevages marins. D’autres avis doivent également être sollicités : celui du directeur interrégional de la mer et, éventuellement, celui de l’instance gestionnaire d’une aire marine protégée. Enfin, la commission nationale examine les projets transmis par le comité national et propose au comité la liste des projets qui pourront être financés, classés par ordre de priorité (art. 4 du décret). Les 15 % restant ont pour objet de concourir au développement durable des activités maritimes ou de contribuer à la réalisation ou au maintien du bon état écologique du milieu marin. Sont visées les activités de plaisance, les sports et loisirs nautiques, la pêche de loisir, la navigation maritime, l’extraction de granulat et l’aquaculture. Les projets  sont instruits par la direction interrégionale de la mer et soumis pour avis aux conseils maritimes de façade, aux conseils scientifiques régionaux du patrimoine et, éventuellement, à l’instance de gestion d’une aire maritime protégée avant d’être examinés par une commission d’attribution (dont les membres -comprenant des représentants des services de l’Etat, des représentants des activités maritimes et des personnalités qualifiées – sont désignés par le préfet de région).  Cette commission propose  au préfet de région (de siège de la direction interrégionale de la mer) un classement par ordre de priorité des projets avant qu’il ne décide in fine de l’attribution des fonds.   Les dispositions de ce  décret – qui intéresse les communes littorales subissant  des désagréments visuels occasionnés par les installations éoliennes off shore – sont entrées en vigueur dès le 29…