Energie / Projet de PPE : une augmentation de la part des ENR, mais le gaz à la traîne

Le projet de PPE a officiellement été publié ce 25 janvier 2019. La PPE est appelée à couvrir deux périodes successives de cinq ans : 2019-2023 et 2024-2028. Elle prévoit une augmentation croissante des énergies renouvelables : de 18% de la consommation d’énergie finale en 2016 à 27% en 2023, puis 32% en 2028. Toutefois, cette augmentation est particulièrement marquée dans le secteur de l’électricité. En parallèle, la PPE vise une réduction de la consommation d’énergie. Elle prévoit une baisse de 7% de la demande finale d’énergie en 2023 par rapport à 2012 et 14 % en 2028 toujours par rapport 2012. Voici les principaux points à retenir du projet de PPE. Eolien terrestre La PPE planifie un passage de 15 GW de capacité éolienne installée en 2018 à 24,6 GW en 2023 puis 34,1 GW en 2028 ; Cela correspond au passage d’un parc national éolien composé de 8000 mâts fin 2018 à environ 14200 ou 15 500 mâts en 2028 ; Le repowering est un enjeu capital dans la mesure où les premiers parcs éoliens français mis en service en 2000 arrivent en fin de vie. Sur ce sujet, des questions juridiques demeurent malgré la circulaire ministérielle ; Ce renouvellement permet de conserver les sites existants et de les doter de machines plus modernes donc plus puissantes, cela participe donc à la hausse de la capacité du parc éolien ; Autre élément participant à l’augmentation de la capacité sur les périodes recouvertes par la PPE, c’est l’amélioration du facteur de charge en matière d’éolien. En effet, ce dernier devrait passer d’un facteur de charge de 24% (2100 heures par an) à un facteur de charge de 28% (2500 heures par an) en 2023 et 30% (2600 heures par an) en 2028 ; La PPE prévoit des appels d’offres sur des volumes de 500 MW (trimestre deux et trois) et 600 MW (trimestre quatre) pour l’année 2019. Elle prévoit également deux appels d’offres de 1 GW par an aux deuxième et quatrième trimestres (le premier, au deuxième trimestre 2020, sera limité à 0,8 GW) ; La PPE vise une stabilité règlementaire en matière de parcs éoliens et envisage des simplifications administratives afin de raccourcir les délais de développement. Photovoltaïque La PPE prévoit le passage de 7,7 GW de puissance solaire installée fin 2017 à 20 GW en 2023 et entre 35,6 GW et 44,5 GW en 2028 ; Tout comme l’éolien les nouvelles technologies vont dans le sens d’une augmentation du taux de charge moyen soit un meilleur rendement (pas de chiffres avancés) ; La PPE prévoit des appels d’offres pour des capacités de 0,9 GW par an concernant les installations en toiture et de 2 GW/an pour les centrales au sol ; Elle cherche à favoriser les installations au sol sur terrains urbanisés ou dégradés ainsi que sur les parkings en conservant la bonification afférente aux terrains dégradés. Bioénergie En 2017, la filière des bioénergies a produit 7 TWh d’électricité, permettant de couvrir 1,5 % de la consommation d’électricité ; La bioénergie mobilise différentes sources : le biogaz, le bois (biomasse) et la part biodégradable des déchets ménagers (combustibles solides de récupération) ; Pas d’appel d’offre prévu par la PPE 2019 en matière de cogénération biomasse ; La PPE planifie une augmentation de la production d’électricité à partir de bioénergie : biomasse de 0,59 GW en 2016 à 0,8 GW en 2028, biogaz de 0,11 GW en 2016 à 0,34 ou 0,41 GW en 2018, combustibles solides de récupération de 0 en 2016 à 0,04 en 2018 ; Elle prévoit également l’ouverture d’un guichet tarifaire pour les installations de méthanisation entre 0,5 MW et 1 MW.    Biométhane injecté La PPE prévoit une augmentation du biogaz injecté à 7% de la consommation de gaz en 2030 si les baisses de coût planifiées sont bien réalisées ; Cette augmentation pourrait s’élever à 10% en cas d’une baisse des coûts supérieure aux planifications ; Pourtant les acteurs de la filière portaient un objectif de 30 % de biométhane injecté en 2030 ; La PPE prévoit de porter le volume de biogaz injecté entre 14 et 22 térawattheures (TWh) en 2028, contre 0,4 TWh en 2017 ; Elle planifie également deux appels d’offres chaque année, pour un objectif de production annuelle de 350 GWh Pouvoir Calorifique Supérieur par an ; Le projet de PPE prévoit le maintien du tarif d’achat du biométhane en guichet ouvert pour les installations de petit taille (dont le seuil reste à définir). Le prix visé par les appels d’offre s’élève à 67 €/MWh Pouvoir Calorifique Supérieur pour les projets de biométhane injecté sélectionnés en 2023 et 60 €/MWh Pouvoir Calorifique Supérieur en 2028 ; Elle cherche aussi à favoriser l’usage de gaz naturel pour véhicules.   Chaleur renouvelable La chaleur représente 42% de la consommation finale d’énergie en 2016, soit 741 TWh ; Le besoin total en chaleur devrait s’élever à 690 TWh en 2023 et 635 TWh en 2028 ; En 2016, la production de chaleur renouvelable s’élève à 154,6 TWh ; La présente PPE envisage une production comprise entre 218 et 247 TWh en 2028 ; Elle projette de rendre obligatoire un taux minimum de chaleur renouvelable dans tous les bâtiments neufs (individuel, collectif, tertiaire) dès 2020 ; Objectif de renforcer le Fonds Chaleur dès 2018 avec un budget du Fonds chaleur de 255 millions d’euros en 2018 et 307 millions d’euros en 2019 puis 350 millions d’euros en 2020.

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE DE L’AUTORITE CONCEDANT UN RESEAU DE CHALEUR : LOURDE CONDAMNATION

Par Thomas RICHET Élève avocat chez Green Law Voici un contentieux de la concession d’un réseau de chaleur qui doit retenir l’attention tant il est rare que des condamnations pécuniaires aussi lourdes soient prononcées par le juge (Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 03/03/2017, 398901). Par un contrat de concession conclu le 14 février 1997, la commune de Clichy-sous-Bois a concédé à la société Dhuysienne de chaleur (ci-après la « SDC ») son réseau public de distribution de chauffage urbain et d’eau chaude sanitaire. Cette concession portait sur le réseau primaire c’est-à-dire, sur la distribution de chaleur jusqu’aux postes de livraison mis à disposition par les abonnés. La société coopérative immobilière pour le chauffage urbain (ci-après la « SCICU ») a souscrit une police d’abonnement pour alimenter en chauffage et en eau chaude sanitaire des copropriétés situées sur le territoire de la commune, notamment celles du Chêne Pointu et de l’Etoile du Chêne Pointu (ci-après « les copropriétés du Chêne Pointu »). A la suite de la liquidation judiciaire la SCICU, les copropriétés du Chêne Pointu n’ont pas pu contracter de nouvelles polices d’abonnement auprès de la SDC, leur syndicat étant incompétent en la matière. La SDC ayant fait part de son intention de ne plus fournir en chaleur ces deux résidences, la commune a décidé d’utiliser son pouvoir de coercition, en mettant en demeure la société de poursuivre la délivrance de la prestation sous peine de mise en régie de la concession, et ce, malgré l’absence de police d’abonnement. Après s’être exécutée la SDC va rechercher la responsabilité contractuelle de la commune de Clichy-sous-Bois pour l’avoir obligée, via son pouvoir de coercition, à poursuivre ses prestations. Par un jugement du 17 septembre 2013, confirmé par un arrêt du 18 février 2016, dont la commune se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Montreuil a reconnu la responsabilité de la collectivité.   La commune soutenait devant le Conseil d’Etat que les clauses du contrat de concession et les principes régissant le service public imposaient à la SDC de poursuivre la fourniture en chaleur pour ces deux copropriétés.   L’absence de stipulations contractuelles justifiant l’usage d’un pouvoir de coercition Dans un premier temps, la commune invoquait le manquement de la SDC à ses obligations contractuelles pour justifier l’usage de son pouvoir de coercition. Elle soutenait d’abord que la SDC avait violé ses obligations contractuelles en ne fournissant pas en chaleur le réseau secondaire qui raccordait les postes de livraison aux usagers finaux. Or, le Conseil d’Etat relève que le contrat de concession ne portait que sur le seul réseau primaire. La Haute juridiction administrative rejette également le moyen selon lequel le concessionnaire était tenu d’assurer ses prestations à destination des copropriétés du Chêne Pointu. En effet, le juge administratif relève que ces deux copropriétés, suite à la liquidation judiciaire de la SCIDU, n’étaient plus titulaires d’une police d’abonnement. Enfin, le moyen selon lequel la SDC était tenue de rechercher la conclusion de polices d’abonnement de façon individuelle avec les copropriétaires des deux résidences est également rejeté car cette hypothèse n’était pas prévue au sein du contrat de concession. La commune n’établissait pas plus que les copropriétaires avaient recherché à bénéficier de polices d’abonnement individuelle.   Si les clauses du contrat de concession ne pouvaient justifier l’obligation faite à la SDC de poursuivre la délivrance de la prestation aux deux copropriétés, les principes régissant le service public, le pouvaient-ils ?   L’invocation contractuellement conditionnée des principes d’égalité des usagers devant le service public et de sa continuité C’est sur cette seconde partie du pourvoi que la décision délivrée par le Conseil d’Etat est certainement la plus riche d’enseignements. En effet, la commune soutenait que la SDC était également tenue, au titre des principes de continuité du service public et d’égalité de traitement des usagers devant le service public, de fournir la prestation de chaleur litigieuse aux copropriétés du Chêne Pointu. Les juges du Palais Royal considèrent que ces principes s’imposent au concessionnaire uniquement « dans les limites de l’objet du contrat et selon les modalités définies par ses stipulations ». Par conséquent, si les bénéficiaires ne remplissaient plus les conditions d’obtention de la prestation concédée, en l’espèce, la condition d’une police d’abonnement, le concessionnaire n’était nullement tenu de fournir la prestation à ces derniers. De plus, si les principes de continuité du service public et d’égalité des usagers devant le service public peuvent constituer un motif d’intérêt général, fondement du  pouvoir de modification unilatérale du contrat (Cf. CE, 21 mars 1910, Compagnie générale française des tramways, Lebon 216), ces principes ne peuvent justifier l’utilisation du pouvoir de coercition qu’en cas de méconnaissance de ses obligations contractuelles par le concessionnaire. Ce qui n’était donc pas le cas en l’espèce. Ainsi, le Conseil d’Etat reconnaît qu’en obligeant la SDC à s’exécuter la commune a commis une faute contractuelle de nature à engager sa responsabilité. Il condamne cette dernière à verser à la société concessionnaire une somme d’environ 1 500 000 d’euros. Dans un contexte marqué par la multiplication des projets de réseaux de chaleur et par la réforme des contrats de concession (Cf. ordonnance n°2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession), et au-delà de l’enseignement rendu sur l’application des grands principes du service public à ces contrats publics, l’arrêt démontre, une fois de plus, l’importance d’une rédaction sécurisée des dispositions de ce type de contrat qui peuvent engager les collectivités publiques sur plusieurs dizaines d’années et pour des sommes considérables.