REDEVANCE POST-STATIONNEMENT

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Par une décision relativement récente, la Commission du contentieux du stationnement payant a jugé que « les éventuelles insuffisances, imprécisions ou inexactitudes entachant l’avis de paiement ne sont susceptibles d’empêcher le délai de courir que dans le cas où elles ont été de nature à fausser l’appréciation du destinataire sur l’obligation de payer, sur le montant mis à sa charge ou sur la date limite impartie » (CCSP, 20 mai 2020, n° 18008047). C’est l’occasion de revenir sur ce dispositif qui est encore mal connu des automobilistes. La loi n°2014-581 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (dite loi MAPTAM) est venue dépénaliser et décentraliser le stationnement payant sur voirie. En effet son article 63 institue le forfait post-stationnement (FPS). En cas de rejet du recours administratif préalable obligatoire, toute contestation d’un forfait post-stationnement doit être transmise, depuis le 1er janvier 2018, à la commission du contentieux du stationnement payant qui constitue u e nouvelle juridiction administrative spécialisée ; la commission située à Limoges, est compétente pour statuer sur l’ensemble du territoire national. D’application au 1er janvier 2018, le FPS est venu remplacer les amendes forfaitaires en cas de stationnement non payé ou de dépassement du temps pour lequel le stationnement a été payé. Le FPS constitue une redevance d’occupation du domaine public ; c’est donc l’ordre juridictionnel administratif qui est compétent pour l’examen des contestations avec la création d’une nouvelle juridiction administrative spécialisée à compétence nationale, la Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP), après avoir effectué un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) dans le mois suivant la notification. Notons que la saisine de la CCSSP doit se faire après avoir payé le FPS et dans le délai d’un mois suivant la notification de la décision du RAPO. Néanmoins pour contester le FPS majoré, il faut saisir directement la CCSP sans passer par un RAPO. On est donc ici passé d’une procédure de contestation des procès-verbaux de contravention devant le juge pénal, à une contestation devant le juge administratif. Cependant les infractions relatives au stationnement gênant ou illicite conservent un caractère pénal. Enfin, la CCSP est également compétente pour connaître de l’action en responsabilité à la suite de l’édiction de l’avis de paiement du FPS et, le cas échéant, du titre exécutoire émis (CE, 20 février 2019, n° 422499). Le Conseil d’Etat a déjà eu à juger des modalités de contestation du FPS : selon les juges, ces modalités ne méconnaissent pas les stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne des droits de l’homme, soit le droit au procès équitable et le droit au recours effectif (CE, 30 septembre 2019, n° 421427). Rappelons encore que Les décisions de la commission peuvent faire l’objet, dans un délai de deux mois, d’un recours en cassation devant le Conseil d’État (art. R.2333-120-64 CGCT). L’objectif était de donner compétence aux collectivités territoriales en la matière. En effet, d’après le rapport du Défenseur des droits publié le 14 janvier 2020, ce sont déjà 564 communes ou intercommunalités qui ont opté pour la mise en place de cette réforme. S’agissant des autres collectivités, elles ont soit choisi de maintenir la gratuité du stationnement, soit abandonné le stationnement payant en faveur de la gratuité ou de la mise en place de zones bleues, dispositif permettant également la rotation des véhicules sur la voie publique. Ensuite, chaque collectivité peut choisir de gérer elle-même le contrôle du stationnement payant ou déléguer la gestion à un tiers cocontractant. C’est à la collectivité qu’il revient de fixer le montant de la redevance payé par l’usager pour l’utilisation du domaine public et celui du FPS dû en cas de non-paiement de cette redevance conformément à l’article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales. Ainsi ces montants peuvent varier d’une collectivité à l’autre mais également selon les zones de stationnement d’une même commune. Toutefois, le montant du FPS ne peut être supérieur au montant de la redevance due pour la durée maximale de stationnement autorisée dans la zone où se trouve le véhicule. Notons que le FPS ne concerne pas les personnes titulaires d’une carte mobilité inclusion portant la mention stationnement. En cas de non-respect de paiement du stationnement, le FPS est notifié par avis de paiement qui peut l’être soit par : Dépôt sur le pare-brise du véhicule ; Envoi par courrier au titulaire ; Envoi par mail au titulaire de la carte grise. Cet avis de paiement comporte les informations suivantes : Collectivité et prestataire chargé de contrôler le stationnement payant ; Date et heure du constat ; Adresse de la constatation de stationnement ; Numéro d’immatriculation du véhicule ; Montant du FPS à payer, réduit si nécessaire des montants déjà payés avant le contrôle ; Heure de fin de validité du FPS ; Service auprès duquel le FPS doit être payé ; Possibilité d’un FPS minoré ; Moyens de paiement et date limite de règlement ; Voies et délais de recours. Le montant dû, est minoré si le paiement est effectué rapidement ; à l’inverse, si le paiement est effectué au-delà du délai de 3 mois, il sera majoré. Le FPS peut être payé : Par internet ; Par téléphone ; Par courrier ; Au service en charge des impôts. Il convient de noter que le paiement du FPS ne vaut plus, comme avec une amende contraventionnelle, acceptation de l’infraction. Ce paiement préalable permet de prévenir les recours dilatoires (CE, 30 septembre 2019, n° 421427). Sur ce point, le Conseil d’Etat a récemment renvoyé au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article L. 2333-87-5 du code général des collectivités territoriales qui subordonne la recevabilité du recours devant la CCSP au paiement préalable, par le redevable qui conteste la somme mise à sa charge, du montant du FPS sans prévoir de possibilité de dérogation. Le moyen tiré de l’atteinte au droit au recours effectif est jugé suffisamment sérieux pour le Conseil d’État (CE, 10 juin 2020, n° 433276). Il convient de préciser qu’à la suite de la décision du 30 septembre 2019, certains ont estimé que le Conseil d’Etat n’excluait…

Validation d’une délibération fixant rétroactivement le tarif de la redevance d’enlèvement des OM

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats). david.deharbe@green-law-avocat.fr Par des délibérations des janvier 2012, février 2013, janvier 2014 et avril 2015, le conseil communautaire d’une communauté d’agglomération a fixé, respectivement pour les années 2012, 2013, 2014 et 2015, les tarifs de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères. Afin d’obtenir l’annulation des titres exécutoires émis par la communauté d’agglomération pour le recouvrement de redevance d’enlèvement des ordures ménagères ainsi fondées, une société a fait citer la communauté d’agglomération devant la juridiction de proximité. Cependant, cette juridiction a sursis à statuer et a ordonné le renvoi au tribunal administratif de Poitiers de la question de la légalité des délibérations par lesquelles les tarifs de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères ont été fixés pour les années en cause. Finalement par un jugement en date du 12 juillet 2018 (téléchargeable ici TA poitiers-12-juillet-2018, n°1701087), le tribunal administratif de Poitiers a jugé que lorsque la redevance d’enlèvement des ordures ménagères a déjà été instituée mais qu’aucune délibération fixant le tarif annuel de cette redevance n’a été adoptée avant le début d’une année, l’organe délibérant peut alors fixer rétroactivement ce tarif en cours d’année (I). D’autre part, il a considéré que les sociétés dont le siège se trouve au domicile d’une personne physique, peuvent légalement se voir imposer le paiement de cette redevance, y compris de sa composante collecte (II). I/ La fixation rétroactive du tarif de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères Dans un premier temps, le tribunal administratif de Poitiers rappelle le principe selon lequel : « la délibération par laquelle l’organe délibérant institue la redevance d’enlèvement des ordures ménagères ou en fixe le tarif peut, en principe, avoir aucune portée rétroactive ». Ce principe de non-rétroactivité des tarifs de la redevance rappelé par le tribunal, est issu de celui de non-rétroactivité des actes administratifs (CE, ass., 25 juin 1948, Société du journal L’Aurore, Rec. Lebon, p. 289). En ce sens, déjà en 2010, le Conseil d’Etat avait déclaré illégale la délibération d’un conseil d’une communauté de communes qui fixait, de manière rétroactive, les éléments forfaitaires du tarif de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (CE, 27 septembre 2010, n°311003, M. Clochard et autres). D’ailleurs le Conseil d’Etat juge que la délibération litigieuse fixant les tarifs de la redevance d’enlèvement et de traitement des ordures ménagères à compter du 1er janvier 2003 n’est entrée en vigueur que le 12 août 2003, après sa transmission au contrôle de légalité est illégale car rétroactive (CE, 6 mai 2011, n° 339270). Cependant, dans un second temps, le tribunal juge que : « lorsque la redevance d’enlèvement des ordures ménagères a déjà été instituée et qu’aucune délibération fixant le tarif annuel de cette redevance n’a été adoptée avant le début d’une année, l’organe délibérant peut fixer ce tarif en cours d’année ». Ainsi, contrairement à la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE, ass., 25 juin 1948, Société du journal L’Aurore, Rec. Lebon, p. 289 ; CE, 6 mai 2011, n° 339270, commune de Villeneuve de la Raho), le tribunal estime qu’une délibération qui fixe de manière rétroactive le tarif de la redevance d’enlèvement des ordures ménagère peut être légale. Le tribunal justifie cette position en estimant que : « eu égard à la nature et à l’objet des redevances pour service rendu, qui constituent la rémunération des prestations fournies aux usagers, un retard pris pour l’adoption du tarif annuel d’une redevance déjà instituée ne saurait avoir pour effet de décharger les usagers de toute obligation de payer une redevance en contrepartie du service dont ils ont effectivement bénéficié ». En l’espèce, le tribunal juge que : « ces délibérations ayant pour seul objet de fixer, pour chacune des années considérées, le tarif d’une redevance déjà instituée par une délibération du conseil communautaire, elles ne sont pas entachées d’une rétroactivité illégale ». En chargeant les usagers du paiement des services dont ils ont bénéficié, sans que le tarif ait été préalablement fixé, le tribunal semble avoir décidé de faire primer la continuité du service financé par la redevance sur la prévisibilité juridique de son montant. Mais surtout à revisiter les limites de la jurisprudence Société du journal L’Aurore, on relève que le « Conseil d’Etat admet la rétroactivité d’actes sans lesquels des situations ne peuvent être réglés » (GAJA, P. 393). Ainsi le règlement d’une campagne de production, adopté en cours  de campagne, en l’absence de dispositions antérieures effectives peut rétroagir au début de cette campagne (CE Ass. 21 octobre 1966, Société Graciet Rec. 560). . II.Les sociétés domiciliées chez une personne physique assujetties au paiement de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères, y compris de sa composant collecte Tout d’abord, le tribunal administratif de Poitiers rappelle qu’en application de l’article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales, la communauté d’agglomération ne peut fixer le tarif de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères et assimilées qu’en fonction de l’importance du service rendu par ce service public industriel et commercial à chaque catégorie d’usagers. Ensuite, le tribunal estime que : « la gestion administrative d’une société au domicile d’un particulier est de nature à augmenter la masse des déchets collectés de sorte que, même en l’absence de mise à disposition d’équipement de collecte autre que ceux mis à la disposition du particulier, un service supplémentaire de collecte est effectivement rendu par la collectivité publique à la société ». En l’espèce, le tribunal juge que les délibérations qui assujettissent les sociétés dont le siège se trouve au domicile d’une personne physique au paiement de la redevance, y compris de sa composante collecte, ne sont pas illégales.    

Bail emphytéotique, bail à construction: sur la modicité du prix

Un arrêt récent rendu par la 3ème chambre de la Cour de cassation le 21 septembre dernier (Cass. 3ème civ., 21 sept. 2011, n°10-21.900 : Juris-Data n°2011-019517) invite à se pencher sur la détermination de la redevance dans le cadre de la conclusion d’un bail à construction. Un parallèle peut être fait avec le bail emphytéotique, dès lors qu’il s’agit des contrats de longue durée couramment usités par les opérations photovoltaïques et éoliens pour asseoir leurs installations. Dans l’arrêt précité, un bailleur tentait notamment de se prévaloir de la nullité pour absence de cause du bail à construction qu’il avait consenti en raison du caractère qu’il estimait dérisoire de la redevance prévue. Il invoquait à ce titre les dispositions de l’article 1131 du Code civil. En effet, la jurisprudence a déjà considéré que la stipulation d’un prix dérisoire voire vil peut être de nature à créer un déséquilibre contractuel tel qu’il confine à l’absence de cause et doit être sanctionné par la nullité du contrat. En l’espèce, la Cour de Cassation a cependant approuvé la cour d’appel d’avoir rejeté la demande du bailleur estimant que celle-ci était prescrite. La Haute juridiction a retenu que la nullité soulevée étant une nullité relative destinée à protéger un intérêt privé, elle se prescrivait par 5 ans à compter de la conclusion du contrat. Il s’avère donc nécessaire d’apporter la plus grande précaution à la détermination de la redevance aux fins de ne pas encourir, dans le délai quinquennal précité, une nullité du contrat qui remettrait en cause l’exploitation du parc éolien ou photovoltaïques, et ce alors que les frais conséquents d’installation et d’exploitation auraient été exposés. La même réflexion s’impose dans le cadre du bail emphytéotique même si la modicité de la redevance a longtemps été perçue comme un élément déterminant de ce type de contrat. En effet, traditionnellement il était considéré que la redevance versée dans le cadre d’un bail emphytéotique se devait d’être modique. Cette modicité se concevait notamment par l’obligation qui était souvent impartie au preneur d’améliorer le bien loué et la propriété des constructions édifiées qui était acquise en fin de bail par le bailleur. Cependant, le nouvel essor que connaît depuis quelques années le bail emphytéotique, utilisé comme titre foncier dans le cadre d’opérations d’installations photovoltaïques ou éoliennes, a détourné quelque peu celui-ci de sa vocation initiale. Il n’est pas rare dans les baux emphytéotiques conclus aujourd’hui de ne plus voir nécessairement de clause mettant à la charge du bailleur l’obligation d’améliorer le fonds loué, cette obligation n’étant pas imposée par les textes, et de prévoir le démantèlement des installations en fin de bail. Or, la modicité, que la Cour de Cassation et les juges du fond se refusent d’ailleurs de retenir comme élément déterminant de la qualification du bail emphytéotique, doit s’apprécier eu égard aux charges pesant sur le preneur. En l’absence de toute clause imposant une amélioration des lieux loués et un transfert de propriété des constructions en fin de bail, il convient de prendre garde au quantum de la redevance prévue. Une redevance pouvant être perçue comme modique en présence de charges imposées au preneur et d’avantage obtenu par le bailleur à l’expiration du contrat, pourra être perçue comme vile ou dérisoire en l’absence de toute obligation du preneur…et, comme il l’a été mentionné ci-dessus, l’action en nullité pour absence de cause est susceptible de venir sanctionner le déséquilibre constaté. Prudence donc dans la fixation de la redevance. Mieux vaut renoncer à une réduction de celle-ci aux fins de sécuriser le titre foncier, support de l’installation…. Marie LETOURMY Avocat au Barreau de Lille Green Law Avocat