Eau: condamnation d’un distributeur d’eau pour coupure d’eau illégale (TI Soissons, 25 sept.2014)

Par une ordonnance de référé en date du 25 septembre 2014, le tribunal d’instance de SOISSONS a condamné un distributeur d’eau pour coupure d’eau illégale à une famille dans l’incapacité de payer ses factures (ici disponible: jugement TI SOISSONS 25.09.14). En l’espèce, le distributeur d’eau avait coupé entre le 28 juillet et le 15 septembre l’alimentation en eau d’une famille en grande difficulté financière qui était dans l’incapacité de payer ses factures. Rappelons que l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles prévoit : « Dans les conditions fixées par la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, au regard notamment de son patrimoine, de l’insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité pour disposer de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques dans son logement. En cas de non-paiement des factures, la fourniture d’énergie, d’eau ainsi que d’un service téléphonique restreint est maintenue jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande d’aide ». Dans le cadre du litige qui lui était soumis, la tribunal d’instance de SOISSONS fait application de cette disposition et condamne le distributeur d’eau: « Selon l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de la Loi n°2013-312 du 15 avril 2013 «  En cas de non-paiement des factures, la fourniture d’énergie, d’eau ainsi que d’un service téléphonique restreint est maintenue jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande d’aide  auprès de la collectivité par cette personne ». Il découle de ce texte qu’un client d’un distributeur d’eau, qui est de bonne foi, mais qui, compte-tenu de l’existence d’une situation financière très obérée, est en retard dans le règlement de ses factures, a, en vertu de son droit fondamental à l’eau, le droit d’obtenir une aide de la collectivité publique pour disposer du maintien de la fourniture d’eau dans sa résidence principale, ou, à défaut, le droit de réclamer un plan d’apurement de sa dette auprès de son fournisseur, qui ne peut pas interrompre la fourniture d’eau si cet usager respecte les modalités de paiement de celle-ci qui ont été convenues entre les parties. (…) En l’espèce, la bonne foi de Madame Fabienne M… épouse D….est présumée. La L…. n’allègue ni ne prouve aucun élément qui serait susceptible d’établir sa mauvaise foi, concernant sa réelle volonté de s’acquitter du règlement de ses factures d’eau, alors qu’il résulte des termes d’un courrier en date du 18 septembre 2014, émanant de la Société S…, adressé à Madame Fabienne M….épouse D…., que cette dernière a versé 2 acomptes d’un montant de 30,00 €, le 20 août 2014, et de 50,00 € le 08 septembre 2014, conformément à l’échéancier convenu entre les parties ». En condamnant le distributeur d’eau, le tribunal d’instance souligne le droit fondamental de toute personne à l’eau. L’ordonnance rendue par la juridiction civile est l’occasion de mettre en lumière l’application des dispositions de l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles. On retiendra de cette disposition: Que toute personne, en cas de non-paiement de ses factures d’eau consécutives à des difficultés financières à le droit d’obtenir de l’aide de la collectivité publique pour disposer du maintien de la fourniture d’eau et le distributeur doit dès lors maintenir son service. A défaut, toute personne a le droit de réclamer un plan d’apurement de sa dette auprès du fournisseur qui ne peut alors interrompre la fourniture en cas de respect des modalités de règlement convenus entre les parties. En tout état de cause, la juridiction saisie d’un litige appréciera la bonne foi du particulier qui est présumée mais peut être combattue par le distributeur. Notons que l’article L115-3 du code de l’action sociale et des familles s’applique à l’ensemble des distributeurs de fourniture d’eau mais également aux distributeurs d’énergie et de services téléphoniques. Compte-tenu des difficultés financières de nombreuses familles, il est fort à parier que les tribunaux seront de plus en plus sollicités au visa de cette disposition comme le démontrera également le futur jugement rendu par le tribunal d’instance de BOURGES dans un litige identique au présent litige concernant un autre distributeur et dont le délibéré est attendu le 12 novembre prochain…. Affaire à suivre. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

Le statut de fermage s’applique indistinctement, en cas de bail unique, aux terres à usage d’exploitation et aux bâtiments d’habitation (Cass, 20 oct.2013)

Dans un arrêt en date du 30 octobre 2013 (Civ. 3e, 30 oct. 2013, FS-P+B, n° 12-22.310), la Cour de cassation rappelle qu’un bail unique conclu pour des bâtiments d’habitation ainsi que pour des terres à usage d’exploitation agricole est soumis dans son ensemble au statut de fermage. En l’espèce, des particuliers avaient donné un bail une ferme constituées de terres et d’une maison d’habitation. Confrontés à une situation de non-paiement de ses loyers d’habitation, ces derniers avaient engagé une action en paiement de loyers fondée sur la loi du 6 juillet 1989 relatif au défaut de paiement du fermage. La Cour d’appel avait rejeté la demande en paiement en considérant que le prix de fermage et le prix du loyer relatif à l’habitation devaient être appréciés séparément. La Cour de cassation casse le raisonnement de la Cour d’appel et précise : “Attendu que pour rejeter la demande de résiliation pour défaut de paiement du fermage, l’arrêt, relève, par motifs propres et adaptés, que, s’il existe un seul bail, celui-ci fixe séparément le prix du fermage « en ce qui concerne les parcelles de terre et les bâtiments d’exploitation » et le prix du loyer « concernant les bâtiments d’habitation » et vise la clause résolutoire en faisant référence, pour le commandement de payer, à la loi du 6 juillet 1989, et retient que les bailleurs ne peuvent invoquer, à l’appui d’une demande de résiliation fondée sur un texte visant le défaut de paiement des « fermages », le non-paiement du loyer stipulé pour les bâtiments d’habitation ; Qu’en statuant ainsi, alors que les biens objets du litige étaient loués en vertu d’un unique bail soumis au statut du fermage et que les dispositions relatives au prix du fermage, lequel est constitué des loyers fixés distinctement pour les biens à usage agricoles et à usage d’habitation, sont d’ordre public, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;” En l’espèce, l’arrêt de la Cour de cassation au visa des articles L 411-1 et suivants du Code rural met en relief la nécessité d’apprécier de manière uniforme et unique un bail qui fixait le prix du loyer visant les terres et le bâtiment à usage d’habitation. Cette interprétation pragmatique opérée par la Cour de cassation respecte non seulement la lettre du texte mais au demeurant facilite l’action du bailleur, lequel n’a pas à rechercher ou à s’interroger sur le fondement juridique de son action dans ce type de cas figure.   Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat