Mise en danger d’autrui en raison d’une pollution, pas si simple…

Par Maître Ségolène REYNAL (Green Law Avocats) Par un arrêt du 8 septembre 2020 (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 8 septembre 2020, 19-84.995, Publié au bulletin), la Cour de cassation a confirmé l’irrecevabilité de la constitution de partie de civile d’une association pour mise en danger d’autrui en raison de la pollution atmosphérique. En l’espèce, l’association Ecologie sans frontière a, le 11 mars 2004, a déposé une plainte simple, du chef de mise en danger d’autrui en raison de la pollution atmosphérique, qui  été classée sans suite le 4 mai 2015. Le 9 juillet 2015, les associations Ecologie sans frontière et Générations futures ont déposé plainte avec constitution de partie civile comme le permet l’article 85 du code de procédure pénale pour mise en danger d’autrui. Les associations visaient principalement les carences des pouvoirs publics dans les actions susceptibles d’être menées contre l’exposition des populations aux particules fines et dioxyde d’azote (NO2), suite à un sévère épisode de pollution dans plusieurs villes de France. Cependant, le magistrat instructeur a rendu une ordonnance de refus d’informer pour irrecevabilité de la plainte avec constitution de partie civile. Après avoir interjeté appel, Générations futures a une nouvelle fois été déboutée de sa demande de constitution de partie civile. L’association s’est alors pourvue en Cassation. La Cour de cassation a confirmé l’irrecevabilité de sa constitution de partie civile des chefs de mise en danger d’autrui en raison d’une pollution atmosphérique, et ce pour deux raisons : D’une part, le plaignant auteur d’une plainte simple est le seul à pouvoir par la suite déposer une plainte avec constitution de partie civile comme le prévoir l’article 85 du code de procédure pénale. La Cour de cassation refuse tout système de « ricochet » par lequel une association de protection de l’environnement pourrait porter plainte avec constitution de partie civile dès lors qu’une autre association de protection de l’environnement aurait déposé une plainte simple, préalable à la plainte avec constitution de partie civile. Cette décision doit amener à la plus grande vigilance lorsqu’un plaignant, personne physique ou personne morale, souhaite entamer une action pénale. Il convient d’établir une stratégie dès le début des démarches. D’autre part, la Cour de cassation rappelle qu’une association peut se constituer partie civile en application de l’article 2 du code de procédure pénale à condition de démontrer un préjudice personnel. Si la Cour de cassation fait une application du droit commun de la procédure pénale à une personne morale, elle va plus loin en appliquant ce principe de droit commun au délit de mise en danger de la vie d’autrui en reprenant in extenso la définition de l’article L223-1 du code pénal « Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende» et en déduit qu’une association personne morale ne peut, par essence, exciper d’une telle exposition au risque d’atteinte à l’intégrité physique. S’il est évident qu’une association ne peut être exposée à un risque immédiat de mort ou blessures physiques, il reste que le raisonnement de la Cour de cassation prive toute personne morale de son pouvoir de représentation de victimes personnes physiques, alors même que c’est l’objet social de cette dernière, ce qui est regrettable. La Cour de cassation a manqué la possibilité d’interpréter le délit de mise en danger de la vie d’autrui à travers le prisme des enjeux environnementaux actuels !