LE COVID-19 AFFECTE AUSSI LE DROIT DE LA COMMANDE PUBLIQUE

    Par Maître Thomas RICHET (Green Law Avocats) La pandémie de coronavirus qui affecte aujourd’hui le territoire national et plus globalement notre planète dans sa totalité, aura nécessairement des répercussions sur les systèmes juridiques des pays touchés : le droit de la commande publique ne font pas exception. L’on sait d’ailleurs que le principe de mutabilité des contrats publics témoigne d’emblée de la prégnance de l’intérêt public sur ceux du co-contractant privé : “l’administration peut modifier unilatéralement les conditions d’exécution de ses contrats en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs” (CE 2 février 1983 Union des transports publics urbains et régionaux: RDP 1984 p. 212 – CE 11 mars 1910, COMPAGNIE GENERALE FRANCAISE DES TRAMWAYS, Lebon 216, concl. Blum D. 1912.3.49, concl. Blum ; S. 1911.3.1, concl. Blum, note Hauriou ; RD publ. 1910.270, note Jèze). C’est d’ailleurs un pouvoir auquel l’administration ne saurait renoncer (CE 6 mai 1985 Association Eurolat : AJDA 1985 p. 620). De même les règles de passation peuvent être tout simplement écartées au nom de « circonstances impérieuses » (article R2322-4 du code de la commande publique). L’urgence impérieuse est circonscrite aux phénomènes extérieurs, imprévisibles et irrésistibles pour l’acheteur, comme, par exemple,  une catastrophe naturelle (tempête, inonda tions ou séismes), la nécessité d’engager la recherche de victimes d’une catastrophe aérienne ou menaçant la sécurité des personnes (CAA Marseille,12 mars 2007, Commune de Bollène, n° 04MA00643) ou la survenance d’actes terroristes16.Ces situations peuvent justifier une action immédiate. Mais le covid-19 ne semble pas souffrir le droit commun même si la commande publique prévoit intègre pourtant son adaptabilité aux circonstances exceptionnelles ! Le besoin de montrer que le gouvernement « fait » dans une société où les confinés ont d’autant plus le temps de prendre connaissance d’une production normatives démonstrative et bavarde  aura une fois de plus pris le dessus … plus que jamais, le droit c’est « quand dire c’est faire » … c’est là aussi que la force du droit (Bourdieu) réside Certes l’épidémie de « covid-19 » affectera, et a déjà commencé à affecter, la passation et l’exécution des contrats publics. Songeons notamment aux procédures de passation en cours où les opérateurs économiques sont dans l’impossibilité d’apporter des réponses faute de moyens humain et matériel disponibles ; songeons également à l’exécution des chantiers qui ont été suspendus par peur de répandre le virus ; songeons encore à l’impossibilité d’exécuter certains contrats faute d’approvisionnement. Les règles régissant les contrats publics ont donc été adaptées pour faire face à cette crise sanitaire mondiale et c’est l’objectif affiché par le Président de la République et le Gouvernement en adoptant l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19. Décryptage… Sur le champ d’application de l’ordonnance (art. 1er de l’ordonnance) : Le champ d’application de l’ordonnance commentée est très large, tant d’un point de vue matériel que temporel. Tout d’abord, et d’un point de vue matériel, l’ordonnance ne s’applique pas qu’aux contrats soumis au Code de la Commande Publique (CCP) (exemples : marchés, concessions, délégation de service public, etc.) mais vise également, de manière plus générale, les contrats publics qui ne sont pas soumis à ce code. Elle s’applique donc également, par exemple, aux contrats portant occupation du domaine public. Ensuite, et d’un point de vue temporel, l’ordonnance s’applique aux contrats publics précités qui ont été et seront conclus durant la période allant du 12 mars 2020 au 24 juillet 2020 (date à laquelle, en principe, l’état d’urgence sanitaire proclamé par la loi du 23 mars 2020 (voir notre article sur la promulgation de cette loi) prendra fin, augmentée d’une durée de deux mois). Mais l’ordonnance s’applique également aux contrats publics qui sont en cours d’exécution durant cette période. Enfin, il est important de relever que l’ordonnance prend le soin de préciser que ses dispositions « ne sont mises en œuvre que dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences, dans la passation et l’exécution de ces contrats, de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation. ». Cette limite à l’application des règles dérogatoires instaurées par l’ordonnance fera sans aucun doute l’objet de vifs débats entre les cocontractants mais également devant le juge. Sur l’impact de l’ordonnance s’agissant de la passation des contrats publics soumis au code de la commande publique (articles 2 et 3 de l’ordonnance) : S’agissant des procédures de passation des contrats soumis au code de la commande publique, l’ordonnance impacte les délais de remises des candidatures et des offres (cf. Article 2 de l’ordonnance). A ce titre, le texte fixe le principe d’une prolongation des délais de réception des candidatures et des offres dans les procédures de passation en cours pour une « durée suffisante », et ce, en vue de permettre aux opérateurs économiques de répondre. L’ordonnance semble ici mettre une obligation à la charge des acheteurs. Pour le dire autrement, il ne s’agit pas, à notre sens, d’une simple possibilité. Cependant, dans l’hypothèse où le besoin ne peut souffrir d’aucun retard, le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice ne sont pas tenus d’appliquer ce principe. Il conviendra de justifier le recours à cette exception de manière rigoureuse sans quoi la procédure de passation pourrait faire l’objet d’une annulation dans le cadre, par exemple, d’un référé précontractuel. Sur ce point, dès lors que l’ordonnance ne vise ici que les contrats soumis au code de la commande publique, les délais de remise des offres s’agissant des procédures de sélection préalable en matière d’occupation du domaine public ne seront, a priori, pas affectés. Le texte impacte également les modalités de mise en concurrence qui pourront être aménagées par les acheteurs dans l’hypothèse où celles-ci ne peuvent pas être respectées. L’acheteur devra ici veiller à respecter le sacro-saint principe d’égalité de traitement des candidats en publiant, par exemple, un avis rectificatif modifiant le règlement de la consultation. On pense ici plus particulièrement aux visites sur site ou…

BRÈVE DE CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

Par Maître Thomas RICHET (Green Law Avocats) Contestation d’un refus de transmission d’une QPC, recours pour excès de pouvoir contre une délibération ayant un caractère « préparatoire » et prescription dans le contentieux de l’exécution des marchés publics, telles sont les actualités que nous vous proposons de découvrir dans cette deuxième brève dédiée au contentieux administratif que ne peuvent ignorer les environnementalistes… Contestation du refus opposé par un Tribunal administratif de transmettre une QPC: contester n’est pas réitérer (Conseil d’Etat, 16 mai 2018, M. et Mme B…A…, n° 406984) Afin de contester régulièrement le refus opposé par un Tribunal administratif à une demande de transmission au Conseil d’Etat d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), l’auteur de la QPC doit, à l’occasion de l’appel formé contre le jugement statuant sur le litige, et dans le délai d’appel de deux mois, saisir la juridiction d’appel d’un mémoire motivé et distinct visant à contester ce refus. Cette règle vaut pour le refus de transmission d’une QPC à l’occasion du jugement rendu sur le fond du litige mais également pour le refus opposé par une décision distincte du jugement, à la condition alors, de joindre une copie de cette décision. Dès lors, la contestation du refus de transmission d’une QPC ne peut s’opérer par le dépôt auprès du juge de second degré, après le délai d’appel, d’une nouvelle QPC visant à contester les mêmes dispositions et reposant sur les mêmes moyens (voir pour un même raisonnement dans le cadre d’un pourvoi en cassation : CE, 1er février 2011, SARL Prototype Technique Industrie, n° 342536, publié au recueil Lebon et CE, 29 avril 2013, Agopian, n° 366058, mentionné dans les tables du recueil Lebon). Contestation de la délibération d’une collectivité territoriale ayant un caractère préparatoire : le préfet n’est pas un requérant lambda ! (Conseil d’Etat, 15 juin 2018, Département du Haut-Rhin, n° 411630) En principe, un requérant « lambda » ne peut contester, à l’occasion d’un recours contentieux, un acte dit « préparatoire ». En revanche, le Préfet peut, dans le cadre d’un déféré préfectoral, contester ce type d’acte. En effet, le Conseil d’Etat relève que : « Si un requérant n’est pas recevable à attaquer par la voie du recours pour excès de pouvoir un acte préparatoire, telle une délibération à caractère préparatoire d’une collectivité territoriale, c’est sous réserve des cas où il en est disposé autrement par la loi. Tel est le cas lorsque, sur le fondement des articles L. 2131-6, L. 3132-1 ou L. 4142-1 du code général des collectivités territoriales, le représentant de l’Etat dans le département ou dans la région défère au juge administratif les actes des collectivités territoriales qu’il estime contraires à la légalité, contre lesquels il peut utilement soulever des moyens tenant tant à leur légalité externe qu’à leur légalité interne. » (Voir en ce sens : CE, 15 avril 1996, Syndicat C.G.T. des hospitaliers de Bédarieux, n° 120273 et CE, 30 décembre 2009, Département du Gers, n° 308514). Contentieux de l’exécution des marchés publics : la prescription de l’article L. 110-4 du Code de commerce est inapplicable (Conseil d’Etat, 7 juin 2018, Société FPT Powertrain et autres, n° 416535) Dans un arrêt récent du 7 juin 2018, le Conseil d’état juge que : « la prescription prévue par l’article L. 110-4 du code de commerce n’est pas applicable aux obligations nées à l’occasion de marchés publics ». En l’espèce, les sociétés requérantes soutenaient que le délai de l’action en garantie des vices cachés, qui est un délai de deux ans, se trouvait enfermé dans le délai de prescription de cinq ans des obligations commerciales prévu par l’article L. 110-4 du Code de commerce. Par ailleurs, le Conseil d’état rappelle que les règles relatives à la garantie légale des vices cachés (articles 1641 à 1649 du Code civil) sont applicables à un marché public de fourniture (en ce sens voir CE 24 nov. 2008, n° 291539, Centre hospitalier de la région d’Annecy et CE, 7 avril 2011, Société Ajaccio Diesel, n° 344226). L’action sur ce dernier fondement est donc possible dans un délai de deux ans à compter de la révélation du vice caché.

Mobiliers urbains sur le Domaine Public : quelles conditions pour conclure une Concession de Service sans publicité ni mise en concurrence préalables ? (CE, 5 fév.2018)

Par Me Thomas RICHET- GREEN LAW AVOCATS Par un arrêt n°416581 rendu le 5 février 2018, le Conseil d’Etat rappelle les différentes conditions nécessaires à la conclusion d’une concession de service sans publicité ni mise en concurrence préalables. Ces conditions avaient été fixées récemment par la Haute juridiction (Cf. Conseil d’Etat, 4 avril 2016, Communauté d’agglomération du centre de la Martinique, req. n° 396191 et Conseil d’Etat, 14 février 2017, Société de manutention portuaire d’Aquitaine et Grand Port Maritime de Bordeaux, req. n° 405157, Publié au recueil Lebon). Dans cette affaire, le conseil de Paris avait approuvé par une délibération n° 2017 DFA 86 de novembre 2017 l’attribution, sans publicité ni mise en concurrence préalables, d’un projet de contrat de concession de service provisoire relatif à l’exploitation de mobiliers urbains d’information à caractère général ou local supportant de la publicité avec la société des mobiliers urbains pour la publicité et l’information (ci-après « SOMUPI »). Cette concession de service avait été conclue suite à une première annulation en avril 2017 d’une procédure de passation, cette fois-ci avec publicité et mise en concurrence préalables, d’une concession de service qui portait sur la même prestation (Cf. Tribunal administratif de Paris, 21 avril 2017, n° 1705054 et n° 1704976 ; confirmé par Conseil d’Etat, 18 septembre 2017, n°410336). La concession signée de gré à gré à la suite à la délibération n° 2017 DFA 86 a été rapidement contestée par deux concurrents (les sociétés Exterion Media France et Clear Channel France) et sa procédure de passation annulée par deux ordonnances du juge des référés précontractuels du Tribunal administratif en date du 5 décembre 2017. Un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat a été formé par la ville de Paris et la SOMUPI. Nous reviendrons successivement sur l’appréciation du Conseil d’Etat sur chacune des conditions nécessaires à la conclusion d’une telle concession, puis sur les autres questions tranchées par l’arrêt. Sur les conditions nécessaires au recours à une concession de service sans publicité, ni mise en concurrence préalables Concernant ces conditions, le Conseil d’Etat rappelle : « qu’en cas d’urgence résultant de l’impossibilité dans laquelle se trouve la personne publique, indépendamment de sa volonté, de continuer à faire assurer le service par son cocontractant ou de l’assurer elle-même, elle peut, lorsque l’exige un motif d’intérêt général tenant à la continuité du service public conclure, à titre provisoire, un nouveau contrat de concession de service sans respecter au préalable les règles de publicité prescrites ; que la durée de ce contrat ne saurait excéder celle requise pour mettre en œuvre une procédure de publicité et de mise en concurrence, si la personne publique entend poursuivre l’exécution de la concession de service ou, au cas contraire, lorsqu’elle a la faculté de le faire, pour organiser les conditions de sa reprise en régie ou pour en redéfinir la consistance ».   Trois conditions sont donc examinées par le juge : La présence d’un motif d’intérêt général tenant à la continuité du service public. L’urgence qui résulte de l’impossibilité pour la personne publique d’assurer ou de faire assurer le service. Cette condition doit être appréciée indépendamment de la volonté de la personne publique. Le caractère provisoire de la concession. Concernant le motif d’intérêt général tenant à la continuité du service public, le juge a estimé en l’espèce qu’il n’existait pas de risque de rupture de la continuité du service public d’information municipale en cas d’interruption du service d’exploitation du mobilier urbain d’information. Ce risque doit être écarté du fait des nombreux autres moyens dont dispose la ville de Paris pour assurer la continuité de l’information municipale. A ce titre, le juge cite les « moyens de communication, par voie électronique ou sous la forme d’affichage ou de magazines, dont dispose la ville de Paris ». La ville de Paris avançait également l’argument selon lequel la conclusion d’un tel contrat, à titre provisoire et de gré à gré, permettait de sauvegarder son intérêt financier lié aux redevances qui étaient reversées par les concessionnaires du mobilier urbain. Cependant, le juge administratif rappelle que : « le motif d’intérêt général permettant, à titre dérogatoire, de conclure un contrat provisoire dans les conditions mentionnées au point précédent doit tenir à des impératifs de continuité du service public » (Cf. considérant 5 de l’arrêt commenté). Concernant l’urgence à conclure une concession de service sans publicité, ni mise en concurrence préalables, le Conseil d’Etat a considéré que la situation dans laquelle se trouvait la ville de Paris n’était pas indépendante de sa volonté. Le juge relève à ce titre qu’alors que la procédure de passation initiale avait été annulée en avril 2017, ce n’est qu’en novembre de la même année que la ville de Paris a décidé de recourir à la procédure d’une concession de service sans publicité, ni mise en concurrence préalables.   Concernant le caractère provisoire de la concession de service, on ignore l’analyse de la Haute juridiction sur cette dernière condition. Il n’y était pas tenu puisque les autres conditions n’étaient pas remplies. Cependant, à la lecture des conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public dans cette affaire, on comprend que cette condition faisait également défaut. En effet, la durée qui était fixée à 20 mois paraissait excessive. Sur les autres questions tranchées par l’arrêt Deux autres points abordés par l’arrêt commenté doivent être mentionnés. Tout d’abord, sur la possibilité pour la ville de Paris de recourir au décret du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession qui prévoit la possibilité de recourir à une concession sans publicité ni mise en concurrence préalables. En effet, il convient de relever qu’il existe également au sein des textes instituant le régime juridique des concessions de services une hypothèse permettant aux acheteurs de conclure ce type de concession (Cf. Ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession et Décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession). Ainsi, l’article 11 du décret précité dispose en effet que : « Les contrats de concession peuvent être conclus sans publicité ni mise en concurrence préalables dans les…

Contestation du montant de l’indemnité suite à la résiliation d’un marché public d’évacuation d’O.M. : les pièces contractuelles sont essentielles !

Par Maître Thomas RICHET (Green Law Avocats) Par un arrêt du 14 décembre 2017 (requête n°15BX01342), la cour administrative d’appel de Bordeaux rappelle aux opérateurs économiques l’importance d’une bonne lecture des pièces contractuelles d’un marché public. Dans cette affaire, la communauté intercommunale du nord de La Réunion (ci-après la « CINOR ») avait conclu le 4 mars 2013 un marché public avec la société ECM Caly et Paji (ci-après « société ECM ») ayant pour objet la fourniture de 16 caissons métalliques destinés à l’évacuation des ordures ménagères pour un montant total de 89 059 euros. Par un courrier du 26 avril 2013, le président de la CINOR a prononcé la résiliation de ce marché sur le fondement de l’article 33 du Cahier des Clauses Administratives Générales Fournitures Courantes et Services (ci-après « CCAG-FCS ») auquel renvoyait l’article 9 du Cahier des Clauses Administratives Particulières (ci-après « CCAP ») et a fixé le montant de l’indemnité de résiliation à 4 452, 95 euros correspondant à 5% du montant hors taxes du marché. L’article 33 du CCAG-FCS dispose que : « Lorsque le pouvoir adjudicateur résilie le marché pour motif d’intérêt général, le titulaire a droit à une indemnité de résiliation, obtenue en appliquant au montant initial hors taxes du marché, diminué du montant hors taxes non révisé des prestations admises, un pourcentage fixé par les documents particuliers du marché ou, à défaut, de 5 %. Le titulaire a droit, en outre, à être indemnisé de la part des frais et investissements, éventuellement engagés pour le marché et strictement nécessaires à son exécution, qui n’aurait pas été prise en compte dans le montant des prestations payées. Il lui incombe d’apporter toutes les justifications nécessaires à la fixation de cette partie de l’indemnité dans un délai de quinze jours après la notification de la résiliation du marché. Ces indemnités sont portées au décompte de résiliation, sans que le titulaire ait à présenter une demande particulière à ce titre. » La société ECM a décidé de saisir le Tribunal administratif de La Réunion d’un recours en reprise des relations contractuelles (« recours Béziers II »), et en demande de condamnation de la CINOR. Par un jugement n°1300817 du 29 décembre 2014, dont la CINOR a interjeté appel devant la Cour administrative de Bordeaux, les juges de première instance ont condamné la communauté intercommunale à verser à cette société la somme de 18 451,76 euros, assortie des intérêts aux taux légal à compter du 19 juin 2013. L’arrêt commenté est intéressant à double titre. D’abord en ce qu’il rappelle une règle constante du contentieux administratif : il appartient au premier juge de répondre à tous les moyens qui ne sont pas « inopérants ». Mais l’arrêt doit  surtout retenir l’attention s’agissant du contentieux de l’exécution des marchés publics. Un moyen qui n’est pas inopérant et auquel le juge administratif ne répond pas rend son jugement irrégulier (constant) Dans un premier temps, la cour décide d’annuler le jugement rendu par les premiers juges en ce qu’ils ne se sont pas prononcés sur un moyen développé par la CINOR. Ce moyen était tiré du fait que la société ECM n’avait pas respecté les règles fixées à l’article 33 du CCAG-FCS (règles reproduites ci-dessus), auxquelles renvoyait l’article 9 CCAP. En effet, les juges de première instance avaient bien rejeté une fin de non-recevoir tirée du défaut de liaison du contentieux mais avaient omis de répondre au moyen de la personne publique concernant le respect de la procédure prévue à l’article 33 du CCAG-FCS. Le moyen n’étant pas inopérant, c’est-à-dire qu’il n’était pas manifestement infondé,  le tribunal devait y répondre. En effet, L’omission de répondre à un moyen entache la régularité du jugement (CE, 10 juin 1966, Mme Perrucot, n°64572 ; CE, Assemblée, 1er avril 1988, Mlle Vadsaria, n°55232 ; CE, 5 novembre 1990, Péan, n°79657). A la différence du défaut de réponse à une partie des conclusions, le défaut de réponse à un moyen entraîne en principe l’annulation totale du jugement, à moins que le moyen auquel il n’a pas été répondu ait été présenté à l’appui de conclusions divisibles (CE, 10 février 1982, Angeletti, n°17618) Le moyen n’était pas inopérant, il n’y a pas été répondu, le jugement n’étant pas régulier, il doit être annulé. Pour être recevables, des conclusions indemnitaires en demande de majoration de l’indemnité de résiliation doivent respecter la procédure décrite par les documents contractuels du marché publics La cour relève que la procédure prévue à l’alinéa 2 de l’article 33 du CCAG-FCS n’a pas été respectée par la société ECM lors de la demande de majoration de l’indemnité de résiliation. Cet alinéa prévoit l’obligation, pour l’opérateur économique désireux de solliciter une majoration de l’indemnité de résiliation, suite à la résiliation de son marché public de fournitures, de transmettre, dans les quinze jours de la notification de cette résiliation, les justificatifs nécessaires. En l’espèce, aucun élément ne permettait de s’assurer de la date à laquelle la société ECM avait contesté le montant de l’indemnisation, et donc du délai dans lequel elle avait introduit cette demande. En outre, la cour relève que la demande n’était pas assortie des justificatifs nécessaires. Dès lors, même si cette société avait introduit des conclusions en reprise des relations contractuelles dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision de résiliation du marché, elle n’était pas fondée à solliciter une majoration de l’indemnité due au titre de la résiliation pour motif d’intérêt général. La cour relève donc que : « [la CINOR] est fondée à soutenir que la société ECM Caly et Paji a méconnu les stipulations précitées de l’article 33 du cahier des clauses administratives générales ” fournitures courantes et de services ” et que ses conclusions indemnitaires, tendant à la condamnation de la communauté intercommunale du nord de La Réunion à lui verser une somme supplémentaire au titre de l’indemnisation de la résiliation du marché, devaient être rejetées comme irrecevables. »   Cette solution doit attirer l’attention des opérateurs économiques et des pouvoirs adjudicateurs sur les règles applicables à la phase d’exécution des marchés publics et qui sont contenues au sein même des pièces…

Marchés publics: les seuils révisés

  Tous les deux ans, les seuils de passation des marchés publics sont révisés par la Commission Européenne.   Un règlement de la Commission, publié le 2 décembre 2011 au Journal officiel de l’Union européenne (Règlement n° 1251/2011 du 30 novembre 2011), fixe les nouveaux seuils pour la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013.   Ces seuils ont été transposés en droit interne par le Décret n°2011-1853 du 9 décembre 2011, JO du 11 décembre 2011 et le Décret n° 2011-2027 du 29 décembre 2011 modifiant les seuils applicables aux marchés et contrats relevant de la commande publique.     Les nouveaux seuils de passation sont les suivants :    Dispense de procédure de publicité et de mise en concurrence pour les marchés d’un montant inférieur à 15 000 euros HT conclus par les pouvoirs adjudicateurs (antérieurement fixé à 4000 euros HT) ;    Procédure adaptée pour les marchés conclus par les pouvoirs adjudicateurs d’un montant compris entre 15 000 euros HT et jusqu’aux seuils de passation prévus pour les procédures formalisées ;    Procédure formalisée pour les marchés de fournitures et de services de l’Etat et de ses établissements publics d’un montant supérieur à 130 000 euros HT ;  Procédure formalisée pour les marchés de fournitures et de services des collectivités territoriales et des établissements publics de santé d’un montant supérieur à 200 000 euros HT ;  Procédure formalisée pour les marchés de fournitures et de services des entités adjudicatrices et pour les marchés de services passés dans le domaine de la défense ou de la sécurité d’un montant supérieur à 400 000 euros HT ;  Procédure formalisée pour les marchés de travaux d’un montant supérieur à 5 000 000 euros HT.     Ces seuils sont applicables aux :  Marchés soumis au code des marchés publics  Marchés soumis à l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 (relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, aux contrats de partenariat et aux contrats de concessions de travaux publics)  Contrats de partenariat  Concession de travaux publics   Les dispositions relatives au seuil de dispense de publicité et mise en concurrence est applicable uniquement aux contrats pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel public à la concurrence est envoyé à la publication à partir du 12 décembre 2011.   Les nouvelles dispositions relatives aux seuils de passation des procédures formalisées sont applicables aux contrats pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel public à la concurrence est envoyé à la publication à partir du 1er janvier 2012.