Permis de construire : la complétude du dossier s’apprécie de manière globale (CE, 23 décembre 2015, n° 393134)
Par un arrêt en date du 23 décembre 2015 (CE, 23 décembre 2015, n°393134, consultable ici), le Conseil d’Etat confirme que la complétude ou régularité formelle d’un dossier de demande de permis de construire doit faire l’objet d’une appréciation globale de la part du juge. Le Tribunal de grande instance de Pontoise avait interrogé le juge administratif sur la légalité d’un permis de construire : les requérants soutenaient que le dossier de demande était entaché d’insuffisance quant à la description de l’insertion paysagère du projet, et que l’autorisation avait par conséquent été adoptée à l’issue d’une procédure irrégulière. Le Conseil d’Etat a profité de cette affaire pour formaliser un principe déjà reconnu par une jurisprudence constante : celui selon lequel une insuffisance ou une lacune du dossier de demande de permis peut être compensée par les autres pièces dudit dossier (CE, 26 janv. 2015, n°362019 ; CAA Bordeaux, 3 janv. 2012, n° 11BX00191 ; CAA Nantes, 25 mars 2011, n°09NT0282 ; CAA Bordeaux, 9 déc. 2010, n° 10BX00804 ; CAA Nantes, 13 juill. 2012, n°11NT00590 ; CAA Marseille, 20 déc. 2011, n° 10MA00789). La Haute Juridiction a ainsi dit pour droit que : « la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l’ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l’urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n’est susceptible d’entacher d’illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l’appréciation portée par l’autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable ; ». En l’espèce, au vu des différentes pièces permettant au service instructeur de se représenter l’insertion du projet dans son environnement, le dossier ne pouvait être considéré comme globalement insuffisant : « Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire déposée par la société A. comportait une note de présentation décrivant la construction envisagée, notamment son gabarit et son implantation au sein de la zone d’aménagement concertée de la P. et montrant sa proximité avec les constructions anciennes situées dans l’impasse de la P.; que le dossier comportait en outre un document intitulé “ volet paysager “, dans lequel figurait une vue aérienne du terrain, une description de l’intégration paysagère du projet, précisant, notamment, que l’immeuble serait bordé par trois rues dont l’impasse de la P. , et des photographies qui permettaient d’apprécier l’insertion du projet dans son environnement ; que si les requérants soutiennent que les documents figurant au dossier de demande de permis de construire auraient été insuffisants, il ressort des pièces du dossier que l’autorité administrative a été mise en mesure de porter, en connaissance de cause, son appréciation sur l’insertion du projet dans son environnement ; que par suite, c’est à bon droit que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précédemment citées du code de l’urbanisme ; » Il en résulte que seules les insuffisances substantielles peuvent justifier une annulation du permis (voir par exemple pour une absence d’informations sur l’insertion paysagère du projet : CAA Lyon, 12 novembre 2013, n°13LY00048 ; CAA Bordeaux, 26 mars 2013, n°12BX00011 ; CAA Douai, 13 août 2012, n°11DA01185 ; CAA Bordeaux, 27 mai 2010, n°09BX01734 ; ou l’oubli d’une servitude de passage permettant d’accéder au terrain d’assiette du projet : CAA Douai, 27 nov. 2014, n° 13DA01003). Notons par ailleurs qu’il a déjà été précisé que ce principe s’applique également lorsque l’administration est en mesure de trouver les informations manquantes dans le dossier de demande de permis de démolir (CE, 30 déc. 2011, n° 342398), ou dans le dossier de demande d’autorisation ICPE (CAA Lyon, 28 févr. 2012, n° 11LY00911) déposé pour une même opération que celle faisant l’objet de la demande de permis de construire. Cela n’est cependant pas le cas lorsque le maire a pu avoir connaissance des éléments manquants à l’occasion de l’instruction d’une précédente demande (CAA Marseille, 26 janv. 2012, n° 10MA01677). En tout état de cause, cette solution illustre encore le pragmatisme qui imprègne le contentieux de l’urbanisme, et plus particulièrement la tendance à la « danthonysation » du contentieux de l’urbanisme et de l’environnement (voir notre analyse ici).