Il est toujours autant nécessaire de simplifier le développement de l’éolien !

Par Me Sébastien Bécue (GREEN LAW AVOCATS) Le cabinet est auteur d’un Manuel en droit de l’éolien publié par LE MONITEUR Sébastien LECORNU, secrétaire d’Etat rattaché au ministère de la Transition écologique et solidaire, a présidé fin octobre 2017 la première réunion du nouveau groupe de travail national chargé de simplifier et consolider le cadre administratif de l’éolien terrestre et son financement. Une seconde réunion s’est tenu le 30 novembre durant laquelle les membres du groupe ont présenté une liste de mesures au gouvernement. C’est l’opportunité pour le cabinet de rappeler les enjeux immédiats de la filière. Le poids des contraintes d’implantation Comme l’exposent Yves GRANDIDIER et Gilles LUNEAU dans leur ouvrage paru le 19 octobre dernier « Le Vent nous portera », les contraintes d’implantation des éoliennes terrestres sont actuellement le principal frein de leur développement : au total, et à supposer qu’un récent projet de décret étendant les zones tampons autour des radars militaires soit pris en l’état, cet ensemble de contraintes pourrait fermer à l’éolien près de 86% du territoire ! Le cas des contraintes militaires est particulièrement révélateur. L’armée a un réel droit de veto sur l’implantation des éoliennes près des radars militaires, et prend des décisions non motivées par des considérations d’espèce, notamment car elle ne dispose toujours pas des moyens techniques de démontrer l’impact des éoliennes. Le logiciel « DEMETER », toujours en développement, devrait lui permettre de le faire dans un avenir proche. Reste à savoir si la « Grande muette » acceptera de se montrer plus transparente… Le cas des zones faisant l’objet d’une candidature à l’inscription au Patrimoine mondial de l’UNESCO l’est tout autant, notamment dans les régions des Hauts-de-France et du Grand Est (109 biens sont concernés par la candidature « Sites funéraires et mémoriels de la première guerre mondiale). De plus en plus de décisions préfectorales justifient leur refus d’autorisation d’implantation par la proximité avec ces sites, dans une démarche qui risque de figer dans le passé des territoires souvent économiquement sinistrés. La lenteur du traitement des recours contentieux Avant de mettre à disposition les fonds, les financeurs exigent logiquement la purge des autorisations. Or, avec le double degré de juridiction, et les délais de traitement des recours (deux années en moyenne pour la première instance puis deux autres pour l’appel), la durée moyenne de réalisation des projets est aujourd’hui de 6 à 7 ans ! Le groupe de travail a évoqué l’idée de confier une compétence directe aux cours administratives d’appel pour le traitement des contentieux éoliens terrestres, sur le modèle du contentieux de l’éolien offshore. Une solution plus durable – et qui vaut pour l’ensemble de la justice française – serait que le gouvernement renforce les moyens humains et financiers des juridictions, afin qu’elles soient mieux à même de traiter efficacement les dossiers pour que les contentieux cessent de peser autant sur le développement économique. Le flou sur le cadre applicable au repowering Le repowering désigne la technique consistant à remplacer les modèles d’éoliennes devenus obsolètes par des éoliennes plus performantes. Pour l’heure, le cadre juridique est flou : le Préfet, puis le juge administratif en cas de recours, doivent évaluer si ce remplacement constitue ou non une « modification substantielle » du projet, auquel cas une nouvelle procédure doit être réalisée avec nouvelle étude d’impact et nouvelle enquête publique. Le problème est qu’il n’existe aucune directive claire sur ce que constitue une modification substantielle en matière éolienne, alors même qu’il apparaît évident que le remplacement d’une éolienne dans un paysage et un écosystème devrait être plus simple que l’implantation sur un nouveau site… Le groupe de travail étudie ainsi l’opportunité d’une circulaire ministérielle, solution louable mais qui, dès lors que ce type de texte n’a pas de valeur juridique opposable, laissera toujours au juge le soin de valider au contentieux, et a posteriori, le choix du Préfet au regard de la notion de « modification substantielle ». La création d’un véritable cadre réglementaire apparaîtrait ainsi plus opportun, avec par exemple une procédure simplifiée et accélérée permettant de tenir compte de l’expérience tirée du parc existant. C’est d’ailleurs la solution préconisée par la Commission européenne dans sa proposition dite du « Clean Energy Package », actuellement devant le Parlement européen. Il apparaîtrait opportun que le gouvernement s’approprie cette solution qui apparaît la plus logique au regard de l’enjeu majeur que constitue le renouvellement à venir de l’ensemble du parc existant. Le partage des bénéfices financiers de l’éolien Les études montrent que l’éolien est plus accepté lorsque les riverains bénéficient directement de l’implantation des parcs éoliens. Comme le propose le groupe de travail, il serait intéressant qu’une part de l’imposition forfaitaire pour les entreprises de réseaux (IFER), actuellement versée aux intercommunalités, bénéficie aux communes d’implantation. De même, le groupe de travail propose que l’incitation au financement participatif des parcs, qui permet aux collectivités ou particuliers financeurs, d’être intéressés aux bénéfices de la production électrique, devienne systématique. Si cette incitation permet aujourd’hui de bénéficier d’un bonus, elle n’est pas encore obligatoire alors que l’intérêt des développeurs pour cette solution est indéniable, au-delà de son intérêt financier. Un écosystème financier s’est d’ailleurs créé autour du financement participatif et les outils apparaissent de plus en plus nombreux. Ainsi, si cette obligation s’accompagne d’un assouplissement des contraintes d’implantation, alors elle pourrait profiter à l’ensemble de la filière, en contribuant à une meilleur acceptabilité sociale de l’éolien terrestre. Les obstacles contentieux actuels Du fait de récents revirements de jurisprudence, plusieurs questions de nature procédurale, sans conséquence réelle sur les questions de fond de l’éolien (son impact environnemental et paysage), sont en train de retarder la réalisation d’un grand nombre de parcs (et d’ailleurs des projets de nature industrielle dans leur ensemble). Le gouvernement précédent avait pris soin, dans ses textes créant l’autorisation unique environnementale auxquels sont soumis les nouveaux projets éoliens, de prévoir une possibilité de régularisation a posteriori de ces difficultés procédurales. Mais le retard pris dans leur validation législative pourrait faire obstacle dès lors que le caractère réglementaire de ces textes (décret et ordonnance) risque de se heurter au principe de non-rétroactivité des actes administratifs. Il serait…

Installations photovoltaïques / contrat de crédit affecté : la nullité du bon de commande ne peut être couverte par les événements intervenus postérieurement (CA Paris, 15 déc.2016)

Par Aurélien BOUDEWEEL – Green Law Avocats  Par un arrêt en date du 15 décembre 2016, la Cour d’appel de PARIS (CA PARIS Pôle 4, chambre 9, 15 décembre 2016, n°15/07483) confirme un jugement de première instance qui prononce la nullité d’un contrat de crédit signé par les particuliers pour financer leur installation photovoltaïque peu importe que les consommateurs aient accepté les travaux ou signé l’attestation de fin de travaux. Rappelons que le crédit affecté est celui qui est consenti par un organisme de crédit à un consommateur lors de la conclusion d’un contrat de vente ou prestation de services afin de financer cette opération commerciale. Une double relation contractuelle se noue entre le professionnel, l’établissement de crédit et le consommateur : ces deux relations contractuelles sont interdépendantes aux termes des articles L. 311-30 et suivants du code de la consommation. En l’espèce, un particulier avait commandé, après un démarchage par une société, la livraison et la pose d’un système solaire photovoltaïque. L’acquisition s’est opérée au moyen d’un contrat de crédit affecté. Les particuliers avaient assigné la société installatrice de panneaux photovoltaïques, et la banque en vue d’obtenir l’annulation ou la résolution du contrat de crédit. Saisie du litige, la juridiction de premier degré avait prononcé la nullité du contrat d’achat de l’installation photovoltaïque et le contrat de crédit affecté en découlant. La Cour d’appel de PARIS confirme cette appréciation en jugeant : « Considérant que la société BANQUE S. ne peut utilement soutenir que cette nullité relative aurait été couverte, du fait, d’une part, de la reproduction sur le document remis à madame R. des dispositions de l’article L123-23 du Code de la consommation ce qui lui aurait permis d’avoir connaissance du vice affectant ce contrat, et, d’autre part, de son intention de réparer le vice, intention qui se manifesterait par sa signature du bon de commande, le non exercice de son droit de rétractation, son acceptation de la livraison et de l’installation du matériel, comme la signature de l’attestation de fin de travaux’; Qu’en effet, la reproduction de l’article L123-3 dans des caractères d’une taille qui les rends presque illisibles, non pas au-dessous du formulaire de rétractation, comme le soutient la société appelante, mais sans encadré et au milieu d’une page entièrement rédigée de textes dans les mêmes caractères de très petite taille, ne saurait permettre de considérer que madame R., consommateur profane, retraitée âgée de 72 ans vivant seule, aurait pu lui permettre de déceler les infractions commises à ces dispositions impératives’; qu’il en va de même de la mention, également rédigée en petit caractères, indiquant «’je déclare être d’accord et reconnais avoir pris connaissance des conditions générales de vente et des articles L121-23 à L121-26 du Code de la consommation’»’; Que cette solution s’impose d’autant plus du fait de l’équivoque entretenue sur la réelle nature du document qu’elle signait indiquant en tête, en très gros caractères, la mention’: «’Demande de candidature au programme’: MAISON ECOLO’», équivoque confortée par la mention manuscrite ajouté dans la rubrique «’observations’»’: «’Sous réserve d’acceptation du programme ” maison verte” nul et caduc en cas de refus’», ce qui rend particulièrement crédibles les affirmations de madame R., aux termes desquelles elle indique avoir cru signer un dossier de candidature, et non un bon de commande, et que si sa candidature était retenue, l’installation serait gracieuse, puisqu’aucune modalité de règlement n’était indiquée’; Que, dans ces conditions, en l’absence de connaissance exacte des vices affectant le contrat de vente, ni la signature du bon de commande, ni l’absence de rétractation, non plus que le fait de ne pas s’être opposée à la réalisation des travaux – ce que d’ailleurs elle affirme avoir fait, en vain compte tenu de son âge et des menaces proférées à son encontre – ou d’avoir signé l’attestation de fin de travaux, ne sont de nature à établir la volonté de couvrir la nullité du contrat’; Considérant que c’est donc à juste titre que le tribunal a prononcé la nullité du contrat principal ainsi que celle du contrat de crédit affecté, qui y est attachée de plein droit en application des dispositions de l’article L.311-32 du Code de la consommation (…)». Cet arrêt de la Cour d’appel de PARIS rappelle l’interdépendance du contrat principal et du contrat de crédit affecté. Il confirme d’autres jurisprudences qui sanctionnent les irrégularités du bon de commande par une nullité juridique (CA DOUAI, 8ème chambre, 1ère section, 15 septembre 2016, n°15/06760, CA ORLEANS, chambre civile, 10 octobre 2016, n°15/01838). On retiendra surtout que selon la Cour ne couvrent pas la nullité encourue en cas de non-respect des dispositions du Code de la consommation les arguments suivante : L’absence de rétractation intervenue de la commande ; La livraison de l’installation, La réalisation des travaux, La signature du PV de réception Le paiement de l’installation. Rappelons également que les contrats conclus à la suite d’un démarchage, comme en l’espèce, sont soumis à un formalisme encore plus protecteur du consommateur depuis l’adoption de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et de son décret n°2016-884 du 29 juin 2016 qui sont venus réformer plusieurs dispositions du Code de la consommation. On retiendra que le nouvel article L221-5 du code de la consommation (ancien article L121-21) prévoit que préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ; 2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat ; Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ; L’information sur l’obligation du consommateur de payer des…